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Phong Nha Farmstay

Laissez moi vous présenter le Phong Nha Farm Stay car ce n’est pas qu’un simple hébergement et tout l’intérêt du lieu ne réside pas uniquement dans sa proximité du parc national et les différents tours guidés qu’il propose. Pour vous dire, lorsque j’ai réservé mes nuits par mail une semaine avant d’y arriver, Hannah m’a répondu (car en plus de faire guide en bus et guide en vélo, elle s’occupe aussi des réservations, mais vous comprendrez pourquoi plus tard) en commençant par un petit texte d’avertissement concernant la nature du lieu. C’est un lieu tourné sur les gens, la culture et les paysages. C’est un havre de confort occidental au milieu de la campagne vietnamienne et les tarifs sont plus élevés qu’ailleurs. C’est un lieu où il ne faut pas avoir peur d’être réveillé par le beuglement d’un veau ou le cri d’un coq. C’est un lieu aimé par ceux qui veulent faire des rencontres et explorer. Et pour finir, elle me précise que dorénavant ils refusent les réservations pour une durée inférieure à deux nuits pour que les gens puissent vraiment sentir l’esprit du lieu. Toujours partant ?

Initialement j’avais demandé une chambre simple avec climatisation mais comme il n’y avait pas de disponibilité, je me suis rabattu sur un lit en dortoir, sans climatisation. C’est pour vous dire comme j’étais partant. Je ne le regrette pas et j’aurai même pu rester une nuit ou deux de plus si je n’avais pas déjà réservé la suite ailleurs.

Mais qu’est ce qui fait que ce lieu est si spécial ? Tout d’abord, une petite introduction. C’est avant tout une histoire de personnes. Le Farm Stay a été créé il y a un peu plus de deux ans (seulement) par Ben, un australien, et Binh, une vietnamienne dont la famille est de Cu Nam, le village en quesion. Ben et Binh, je sais, c’est amusant. Ben est un grand gaillard costaud, blond et un peu rougeaud d’environ 45-50 ans qui a fait carrière dans le BTP, notamment à Da Nang où il rencontra sa future femme, Binh. Je le sais car la première nuit, alors que je trainai dans l’espace commun une bière à la main, il est venu vers moi en me lançant un « how’s it going ? ». Nous avons donc entamé une discussion pendant un petit quart d’heure, le temps d’apprendre que le gars a beaucoup voyagé notamment à cause de sa mère, véritable globe trotteuse. Ils ont habité à Vienne, en Autriche et sa mère est actuellement dans un village du Languedoc à trente minutes de Toulouse où elle a retapé une vieille maison pour la location. Autant vous dire que nous avons un peu parlé de sud ouest. Bref, c’est ce monsieur qui a construit le bâtiment du Farm Stay avec comme idée de faire décoller le tourisme étranger dans la région, vu le potentiel du parc national. Mais comme son truc, ce sont les gens, il a fait ça un peu à sa manière. En plus des deux propriétaires, au Farm Stay on trouve quelques membres de la famille de Binh qui s’occupent de la cuisine et du ménage, Denise une américaine de 40 ans en charge de la réception et des réservations, Hannah que vous connaissez qui fait guide ainsi que les réservations, Michael un anglais d’une trentaine d’année qui s’occupe aussi de la réception et des réservations mais est également photographe et finalement une troisième personne que je n’ai pas côtoyé mais qui fait également guide. De temps en temps Vo vient se rattacher pour faire guide lors des tours. Ce qui est amusant c’est que tout ces gens résident sur place (hormis Vo) et donc sont présents même s’ils ne sont pas « en service » (Vo passe parfois ses soirées au Farm Stay d’ailleurs). On peut donc très facilement boire un verre avec Hannah le soir ou discuter avec Michael de ses photos lorsqu’il est en repos.

Le lieu en lui même est assez simple. Il y a deux bâtiments dont un abritant des chambres ainsi que l’habitation de Ben et Binh (ainsi que leur fils de 3 ans qui fait du vélo comme si de rien n’était parmi trente étrangers qui changent tous les deux jours. En voilà un qui va finir hippie lui aussi). Sur le toit quelques tables et chaises permettent de profiter du coucher de soleil. Le bâtiment principal est lui composé au rez de chaussé d’un vaste espace commun grand ouvert à la fois côté chemin et côté cour intérieure. Dans cet espace on trouve des tables et des chaises pour manger, boire, travailler, un bar où commander des boissons et des plats ainsi que le guichet de réception et de réservation des tours. La cuisine est attenante à cet espace commun et à l’étage se trouve d’autres chambres. Dans la cour intérieure a été construite une petite piscine de 5-7m mais on y trouve également sous un préau une table de billard. De l’autre côté de la cour, un troisième bâtiment abrite le dortoir ainsi que deux salles de bains. Entre quasiment chaque poteau disponible du Farm Stay sont pendus des hamacs. Dans la cour extérieure donnant sur le chemin, d’autres tables et chaises permettent de prendre l’air le soir. Si avec tout ça vous n’arrivez pas à vous détendre…

Voici pour les acteurs principaux et le décor. Mais l’intérêt du Farm Stay, pour moi, c’est avant tout les gens qu’on y rencontre. Pour tout vous dire, la première soirée après ma ballade à pied, je me suis retrouvé un peu perdu au milieu d’une trentaine de personnes qui pour la plupart voyagent en groupe, en famille ou en couple. Il est un peu délicat de s’immiscer dans la conversation des gens et hormis un très court papotage avec la fille que j’avais croisé à mon départ de ballade et la présentation avec Ben, je suis resté un peu sur ma faim. Le deuxième soir, après la ballade en bus, j’ai eu quelques conversations avec quelques gens croisés dans mon groupe mais ce n’était pas encore ça. Mais le troisième soir, après la ballade en vélo, ce fut vraiment très sympathique.

Ce dernier soir, alors que je lisais mon Bolitho journalier en attendant que l’on me serve mon cheeseburger fait maison (oui, oui, ça va. On a le droit parfois), une femme s’assoit à côté de moi avec un guide. Il me semble la reconnaître du groupe en bus. Je lui demande donc ce qu’elle a fait aujourd’hui car au Farm Stay, la plupart des gens font une des excursions proposés (payantes, bien sur). Je ne me souviens plus de la réponse mais un peu plus tard son copain la rejoint et nous discutons tout les trois en mangeant. Comble de ma joie, ils sont Irlandais, de Limerick. Voilà qui est original et sympathique à mes yeux. Oui, tout ce qui est un tant soit peu celtique bénéficie d’un bonus sympathie de ma part. Je sais, c’est du racisme à l’envers. On a donc parlé pendant plus d’une heure de voyages, d’Irlande, sa situation économique et beaucoup de rugby, lui étant un supporter du Leinster qui venait de se faire battre par Clermont-Ferrand en coupe d’Europe. Sa copine, elle, est la grande voyageuse du groupe et a fait la traversée des Amériques latines du Mexique à Ushuaïa. Bref des gens charmants, chaleureux et vraiment sympathiques comme je les aime. Nous sommes interrompus malheureusement par un concert en live donné par un copain de Ben seul à la guitare. Je n’ai pas eu la présence d’esprit de demander leur nom. Ça m’arrive trop souvent.

Ensuite, parlons d’Hannah. Imaginez une blonde d’environ 27 ans ayant, pendant la journée, les cheveux ramenés dans une natte et habillée d’une chemise « safari » griffé « Phong Nha Farm Stay » qui lui confère une autorité officielle et le soir portant ses longs cheveux libres et habillé d’une jupe noire ce qui lui donne un style beaucoup plus détendue. Donc Hannah est américaine mais loin de tout les stéréotypes qu’on en a. Je dirais même plus, elle est Texane, mais sans l’accent. Cela fait prêt de deux ans qu’elle est partie, voyageant à travers le monde au gré de ses envies. Elle a vu l’Inde, elle a vu le Nicaragua, elle a vu le Cambodge et encore d’autres pays dont ça se trouve je ne connais même pas le nom, à chaque fois dans une sorte de déambulation ou au cours de missions pour des ONG. Elle est tellement habituée au pays en voie de développement qu’elle trouve les pays développés bizarres tellement tout est efficace, propre et rangé. Bizarrement, maintenant que je suis en Australie (et oui, il y a un sacré décalage à l’écriture) je comprends maintenant ce qu’elle veut dire. Hannah a un regard très critique vis à vis de son pays et en plus a de l’humour. Je lui ai d’ailleurs demandé comment elle avait atterri au Farm Stay. Tout simplement, alors qu’elle était au Cambodge elle a rencontré quelqu’un qui été passé par le Vietnam et le Farm Stay. Celui-ci lui en a parlé en précisant qu’ils cherchaient peut être quelqu’un pour un job. Un mail plus tard envoyé à Ben, elle se retrouvait en partance pour le Vietnam et y est depuis trois mois. Si c’est pas un esprit libre, ça !

Puis, il y a eu cette rencontre avec le grand brun et le blond, anglais tous les deux, de Bristol. Fort heureusement, je leur ai demandé leur prénoms, respectivement Daniel et John. Comme quoi je m’intéresse à des personnes de tous les âges, ils m’ont estomaqués lorsqu’ils nous ont annoncé qu’ils avaient 17 ans tous les deux. Par réflexe, je leur parle des groupes Massive Attack et Portishead, tout les deux de Bristol, mais les deux garçons se regardent en m’avouant ne pas connaître. Non, eux leur truc c’est plutôt le ska australien (c’est hyper-pointu) et ils me donnent presque un coup de vieux en avouant ne pas connaître. Daniel a un père belge de Namur donc parle un peu le français et avec sa coupe new wave qui ressemble à une banane aplati, il détonne avec tout le monde. C’est un passionné de funambulisme, jonglage et piano jazz avec un petit air cool quand il parle qui me rappel un certain grand échalas chambérien en version blond. Il m’apprend qu’il s’est cassé les poignets en Lituanie un mois plus tôt, lors d’un festival après avoir séjourné quelques semaines en Pologne. Quand à John, il se ballade en Asie du sud-est un mois avec son pote Daniel avant de poursuivre avec ses parents en Indonésie. Les deux entament leur première année d’université à la rentrée. Ce sont mes deux héros car ils ne voyagent qu’avec un petit sac à dos d’école et les fringues qu’ils portent. Daniel doit être le plus chargé car il trimbale ses trois boules de jonglage en plus. J’adore leur esprit, surtout pour cet âge, absolument sans craintes. Malheureusement, je dois bien leur avouer que j’ai du mal à les comprendre parfois, surtout Daniel car, malgré leur parfait accent british (notamment John), ils ont tendance à marmonner certains mots.

Par contre, je sais que c’est mal, mais j’avais un à priori négatif sur les trois zigotos décontractées de mon tour à vélo. J’ai eu de longues conversations en pédalant avec Daniel et John et ce n’est qu’arrivé au déjeuner que j’ai pris le temps de découvrir les trois autres en leur lançant l’entame imparable « and where are you guys from ? ». Canada, Montréal. Ah ben ça tombe bien, j’y suis en octobre. Comme je vous l’ai dit, à partir de là nous avons parlé de plein de choses. Encore une fois je n’ai pas demandé leurs noms mais des trois, j’ai surtout discuté avec un gars. Je me souviens que le deuxième était d’origine marocaine et le troisième très discret. Finalement, en discutant avec eux je me suis rendu compte qu’ils étaient fort sympathiques et pas forcément des joyeux branleurs fêtards comme leur accoutrement pouvait le laissait penser. Eux aussi étaient en Asie du sud-est pour trois mois et devait partir en Thaïlande ensuite. Hormis cette discussion du déjeuner, j’ai eu l’occasion de reparler avec le premier d’entre eux le soir, une bière à la main, notamment de la situation au Québec avec la nouvelle première ministre. Étant anglophones tous les trois, ils étaient un peu critiques vis à vis de certaines de ses mesures, pour ne pas dire plus. J’ai également eu droit à leur point de vue sur les mouvements étudiants de l’automne dernier, selon eux un coup d’épée dans l’eau puisque les frais d’inscriptions ont finalement été mis au tarif prévu. Bref, c’était très intéressant d’avoir un avis parfois contraire (et bien sur subjectif) sur des événements relatés par les médias français. Pour finir, ils m’ont balancé quelques tuyaux sur les bons restaurants de Montréal mais je crois avoir la mémoire qui flanche. Le seul dont je me souviens est le « Patapi, patapa » où ils servent de la nourriture sur du papier journal. C’est vraiment des bûcherons arriérés au Québec. En tout cas, ils étaient enthousiastes sur leur ville.

Pendant cette troisième soirée, je me suis également retrouvé à regarder une affreuse partie de billard complètement soporifique et interminable, de celles où les deux équipes sont incapables de rentrer une boule. D’un côté Daniel et John, de l’autre Hannah et un grand barbu blond inconnu d’environ 25 ans. De guerre lasse Hannah me propose de prendre sa place et j’accepte. Je me retrouve donc avec mon nouveau coéquipier et nous nous présentons. Olivier. Putpa. Tiens, voilà qui est original comme nom. D’où venez-vous ? Finlande. Voilà qui n’est pas commun et il m’est d’autant plus sympathique qu’il est assez souriant. Mon arrivée n’a pas accéléré de beaucoup la vitesse de la partie mais j’en profite pour interroger mon coéquipier car son histoire est assez intéressante.

Tout d’abord il nous apprend qu’il est parti pour un voyage de deux à trois ans. Nous sommes tous battu à plates coutures et je lui demande ce qui l’a motivé pour entamer un périple d’une si longue durée. Très honnête il nous dit qu’après ses études il se sentait sans but, tournant en rond, et au cours d’un voyage il s’est rendu compte que c’est se qu’il voulait faire. Il a donc tout lâcher pour parcourir le monde. Pour le moment il voyage à travers l’Asie du sud-est (encore) en moto, seul. Dingue ! Mais dans quelques mois il devrait être rejoint pendant une courte période par son père. Quand je lui apprend que je suis français, il pousse un long soupir et sourit. Le gars avec un petit air romantique nous apprend qu’il a croisé une jolie française il y a deux semaines. Il me passionne de plus en plus ce garçon avec son air d’aventurier viking zen. Ensuite il m’explique qu’à chaque fois qu’il rencontre quelqu’un d’une nationalité, il demande à cette personne si elle connaît un film de son pays que Putpa a vue, car en plus, l’animal est cinéphile. Je lui demande donc d’envoyer la sauce. C’est bien ma veine si je ne connais pas un film français qui fut diffusé en Finlande. Il dit « La Reine ». Mmmmmh. La Reine Margot ? Non, non. La Reine. Ben mince, je ne connais pas de film français de ce nom là. Pour m’aidez il me donne des indices: un film en noir et blanc de Matthieu Kassovitz. Aaaaaaaaaah, La Hhhhhaine, avec un H ? Oui, c’était bien ça. Incroyable, un finlandais qui a vu et adoré La Haine de Kassovitz. Il faut aller au Vietnam pour voir ça. Pour finir il m’apprend que sa moto a un nom. Ah bon ? Lequel ? « Rachelle la magnifique », me répond-il avec un grand sourire en français dans le texte. « Ce ne serait pas le prénom de la fameuse fille rencontrée il y a deux semaines ? ». Il acquiesce silencieusement avec un sourire. Ce doit être le dernier romantique restant sur terre et il est à moto. Dingue. Nous continuons donc la partie (je devrais dire LES parties, et notamment une dernière où les perdants ont du payer les bières. Ce fut nous) tout en poursuivant notre conversation entre John, Daniel, Putpa et moi. D’ailleurs je me sens moins con lorsque Putpa, en apprenant qu’ils viennent de Bristol demande à Daniel et John s’ils connaissent Massive Attack. Donc en fait c’est eux qui sont un peu ignares. Voilà qui me rassure.

A ce moment là nous sommes interrompus par Ben car il cherche à rassembler tout le monde pour une annonce. Nous nous retrouvons donc tous devant l’espace commun pendant que Ben prend la parole au micro. Aujourd’hui est l’anniversaire de sa femme ainsi qu’une de ses amies venue spécialement de Da Nang. Accessoirement c’est également la fête nationale américaine. L’assemblée applaudit, chante un « Happy Birthday » et Ben invite tout le monde à boire un shot d’alcool de riz offert par la maison. Il en faut pas plus parce que c’est pas franchement bon, mais c’est fort. Pour une dernière soirée, ça fini avec le sourire et je suis presque déçu de partir le lendemain.

Finalement, chacun décide d’aller ce coucher (ici les journées commencent tôt) et Putpa de repartir à son hôtel à Son Trach. Nous nous disons adieux chaleureusement. J’ai juste la présence d’esprit avant de se quitter de lui demander s’il a prévu d’écrire un livre sur son périple. Il nous apprend, à Daniel, John et moi qu’il est déjà en train de négocier avec un éditeur. Génial, j’adore ce type. Prenez en de la graine les p’tits anglishes !

Tout ça pour vous dire, bienvenue au Phong Nha Farm Stay.

PS: J’suis qu’un con, je devrait faire des photos portraits de toutes ces formidables personnes. Allez, dites le moi que je suis qu’un con.

Une ballade en vélo

Le lendemain matin, je me réveille de bonne heure après une nuit moins poisseuse (j’ai trouvé comment allumer le ventilateur au dessus de moi) dans le dortoir sur le matelas supérieur d’un lit jumeau. Aujourd’hui je vais participer à une visite guidée en vélo autour du Farm Stay. Départ à 9h. Surprise, je découvre que mon guide est encore une fois Hannah. Cool, au moins les présentations sont faites. Encore plus sympathique, le groupe est beaucoup plus réduit puisque nous sommes que six, hors Hannah, mais que des gars. Ça va frimer sec dans les côtes. Le soleil brille dans un ciel sans nuages. Ça promet d’être une journée chaude.

Nous récupérons chacun un VTC et j’engage déjà la conversation avec un grand brun d’une petite vingtaine d’années tout en longueur à la chevelure très new wave. Il a l’air de voyager avec son copain, un jeune blond à la peau clair. Très intrigué par ses deux poignets tenus par des armatures rigides, je lui demande comment il s’est fait ça. Avec un grand sourire, il me réponds qu’il s’est brisé les poignets en faisant le funambule sur une corde raide. Et à son accent, c’est un anglais. Ma curiosité encore plus attisé par cette histoire de funambulisme, nous partons derrière Hannah en continuant notre conversation. C’est ça qui est bien avec les ballades à vélo, on peut papoter en petits groupes isolés. Les trois autres participants forment un trio, habillés décontractés en débardeur, short et tongues / schlappe / slache / gougoune / claquettes. Moi je rigole pas, j’ai mis mes chaussures fermées.

Notre parcours commence sur le chemin de terre déjà emprunté lors de ma ballade à pied où l’on repasse sur les lieux de mon vol de bouteille d’eau. Rapidement, alors que nous traversons le village, les enfants nous lancent des « hellos » enthousiastes et chacun y va de sa réponse également enthousiaste. Les gars du trio décontracté vont même jusqu’à claquer les mains tendues des enfants en passant. On a l’impression d’effectuer notre tournée d’adieu.

Hannah nous précise que la région est encore relativement pauvre et qu’il faut éviter de donner quoi que ce soit aux enfants, et surtout pas de l’argent, pour ne pas encourager la mendicité. Ah, tiens donc ? Et puis d’abord moi c’était pas donner pour donner. Ils m’ont voler. Nous pédalons à un rythme de ballade en essayant d’éviter les poules et leurs nids, biens secoués par l’état du chemin. Nous atteignons la rivière et posons pied à terre en attendant une barge qui nous fera traverser. Hannah nous précise qu’il y a possibilité de traverser à la nage. Tout le monde décline sauf le jeune blond qui tente l’aventure. Nous nous serrons donc avec les vélos dans l’embarcation pendant qu’il commence à nager à côté. En deux minutes nous arrivons sur l’autre rive et il ressort un peu plus tard dégoulinant mais ravi. C’est vrai qu’il fait déjà bien chaud.

Après une petite côte bien raide où le grand brun peine un peu avec ces deux poignets dans le plâtre, nous redescendons tranquillement en roue libre et, plus loin, Hannah sonne le premier arrêt boissons fraîches. Dans un petit village, nous garons nos vélos sur un tas de sable à côté d’une petite échoppe improvisée dans une maison en construction. Le Farm Stay s’arrange pour faire des arrêts dans les petits commerces alentours pour faire profiter les gens de la région, surtout des paysans, des retombées touristiques. En échange, les prix sont fixés à l’avance pour éviter qu’ils nous tondent. Pendant cette pause, je fais remarquer à Hannah que je trouve les quelques campagnes Vietnamiennes que j’ai vu, et notamment celle-ci, assez dynamiques et semble-t’il en développement car on y voit beaucoup de maisons en construction. Le contraste avec les régions rurales de l’Inde est frappant. Elle acquiesce (et nous apprenons qu’elle a passé quelques mois au Rajasthan dans une ONG aidant les femmes) en nous expliquant qu’au Vietnam, les enfants partis travailler dans les grandes villes renvoient de l’argent au village. C’est donc avec cet argent que les familles construisent de nouvelles maisons modernes, en remplacement des maisons traditionnelles en bois.

Moi quand j’ai une guide sous la main, je la harcèle de questions. J’enchaîne donc en lui demandant ce que ce sont ces grosses excroissances jaunes / vertes, grosses comme un ballon de foot que l’on voit parfois sur certains arbres le long de la route. Relativement difformes elles ont une surface granuleuse presque hérissée de piquants. Elle réfléchi un peu, ma description étant un peu sommaire, et finalement elle s’exclame : « Aah, ce sont des jack fruits ». Manifestement ce sont des lointains cousins du durian, le fruit qui pue et qui s’arrache à prix d’or dans toute l’Asie. Leur odeur est nettement moins forte et leur goût agréable. On en trouve partout au Vietnam. Me voilà moins bête (je pensais que c’était une sorte de parasite tellement le fruit est laid) même si je n’en ai pas encore goutté.

DSC_5732_DxONous repartons à vélo et recroissons de nouveau des enfants qui nous font la fête. Arrivé à hauteur d’une vieille maison traditionnelle en bois, Hannah nous propose de la prendre en photo. Je m’exécute mais un des trois larrons, tellement euphoriques après tous ces « hellos » et ces claquements de mains (on est tous en mode bisounours, je vous dis) rentre à vélo dans le jardin prêt à faire un câlin à toute personne se présentant. Notre guide le rappel en catastrophe pour éviter l’incident diplomatique et il revient tout confus vers nous. Je le comprends aussi, ils n’ont qu’à pas être aussi sympas.

En longeant des champs je remarque déjà les petits enclos entraperçus lors de ma ballade à pied. Hannah nous explique qu’il s’agit de petits cimetières qui peuvent être DSC_5733_DxOaussi bien catholiques que bouddhistes. Pour gagner de la place, car priorité est donné aux surfaces agricoles, on déterre les morts au bout d’un certain temps et on incinère leurs restes. Les cendres sont ensuite placées dans des urnes et remis au cimetière. Je dis ça de mémoire. Ça se trouve on en fait du savon de leurs cendres et j’étais distrait par autre chose à se moment là de son explication. A ce propos, les deux communautés, catholiques et bouddhistes, co-existent, chacun d’un côté de la rivière, d’où la présence d’églises de ce côté-ci. Les catholiques sont d’ailleurs souvent plus pauvres car issu de l’exode massif de Vietnamiens du nord, majoritairement catholique du fait de l’influence française, après la victoire (ou défaite suivant votre camps) à Dien Bien Phu, fuyant le communisme.

Notre chemin rejoint une route, l’autoroute Ho Chi Minh qui parcourt le Vietnam de Hanoi à Saigon (à ne pas confondre avec la piste Ho Chi Minh qui n’a strictement rien à voir) et nous prenons à gauche pour emprunter le pont principal enjambant DSC_5729_DxOla rivière. Sur l’autre rive commence la petite ville de Son Trach qui est en quelques
sorte le chef lieu de la région. Hannah nous raconte d’ailleurs une petite anecdote au sujet de cette ville et de l’autoroute Ho Chi Minh, A l’origine Son Trach était un tout petit bourg beaucoup plus en amont de son emplacement actuel. Au moment du projet de construction de l’autoroute Ho Chi Minh, les habitants se sont renseignés sur le tracé et ont déplacés leur maison pour se mettre pile poil sur son chemin, espérant sans doute voir la route passer au milieu. Les responsables de la construction, ayant l’impression d’être pris pour des nigauds ont tout simplement modifiés le tracé au dernier moment pour éviter le nouveau village. A malin, malin et demi.

Nous nous arrêtons à un petit musée consacré à la guerre Américaine, non loin du fameux pic solitaire abritant la batterie anti-aérienne dont je vous ai précédemment raconté l’histoire. Y sont exposés des photos d’époque (avec beaucoup de gens souriants, étrangement) ainsi que des vestiges tels des AK-47, des fragments de bombes et des grenades. C’est l’occasion pour Hannah de nous rappeler les dégâts qu’on fait les bombes à sous munitions et les mines dans les campagnes DSC_5736_DxOvietnamiennes. C’est en grande parti la raison de l’extrême pauvreté des campagnes jusqu’à encore quelques années. Les champs étaient tellement truffés de munitions non explosées que les paysans ne pouvait pas les cultiver. Il a fallu l’intervention d’ONG et de démineurs pour assainir toutes ces zones avant qu’une quelconque activité agricole puisse redémarrer. Encore aujourd’hui, certaines zones en dehors des chemins sont déconseillés à la randonnée car encore potentiellement parsemées de ces munitions non explosées. Les victimes de ces munitions sont d’ailleurs très souvent des enfants. Les plus terribles sont des munitions giratoires qui explosent après un certain nombre de rotations. Elles ressemblent à des boules de pétanque et certaines n’ayant pas effectué le nombre requis au moment de leur impact au sol sont encore actives. Il suffit alors qu’un enfant ramasse cette jolie petite boule métallique, la lance à son copain et ainsi de suite pour que le jeu de la patate chaude se termine dans un tragique « boum ».

C’est sur ces histoires peu réjouissantes que nous reprenons notre pédalage sous un soleil de plomb pour rejoindre un petit restaurant à Son Trach pour le déjeuner. Avec seulement sept personnes la conversation s’engage naturellement et comme tout le monde est plutôt curieux et ouvert, le repas est très agréable. Je découvre donc les trois derniers comparses qui s’avèrent être des canadiens anglophones de Montréal. On parle donc du Québec, du français et de toutes ces sortes de choses.

Chacun fini ses bières (oui, c’est folie pour le pédalage) et cette fois-ci nous laissons les vélos à Son Trach. Notre prochaine destination est la grotte de Phong Nha et pour cela, nous allons emprunter un bateau. On se retrouve donc tous dans un étroit bateau couvert en bois où je me fracasse le crâne contre une poutre DSC_5737_DxObasse avant que mon pied fasse basculer une des planches du plancher. C’est complètement traître ces embarcations. Nous remontons tranquillement la rivière en direction du parc national. Après une bonne demi-heure paisible pendant laquelle Hannah nous refait un résumé plus complet de la guerre Américaine (Jim Morrisson est cité d’ailleurs et je vous laisse trouver pourquoi), nous apercevons l’ouverture de la fameuse grotte.

DSC_5743_DxODoucement nous pénétrons à l’intérieur et l’acoustique deviens étrange. Le moteur est coupé et nous progressons dorénavant à la rame. La sensation est différente de Paradise Cave car ici ce n’est pas un question de gigantisme mais de longueur. Nous accostons finalement sur une plage et Hannah, en plus des formations classiques, nous montre des graffiti sur un mur. Sans indications il m’aurait été difficile d’en déceler la nature car il s’agit d’inscriptions datant de la civilisation Champa. Des traces de cette civilisation d’influence moghol venu d’Inde persistent à travers le Vietnam, notamment des temples aux allures de temples Hindous. Je n’en dirait pas plus de crainte de dire une très grosse bêtise. C’est déjà sans doute le cas.

DSC_5741_DxONous remontons la grotte vers la sortie à pied puis une fois dehors effectuons une nouvelle pause. Hannah nous propose de goûter au fameux « Jack Fruit » en achetant un sachet de fruit à une vendeuse ambulante. Le fruit est en fait composé à l’intérieur d’une multitudes de « grains » jaunes semblables à de très gros grains de maïs avec un gros noyau à l’intérieur. On mange donc la chair de ces grains, un peu dure, qui a un goût subtile de banane et de grenadine. Pas désagréable à vrai dire. C’est donc on s’enfilant des grains que nous remontons dans le bateau pour repartir récupérer nos vélos à Son Trach. Au passage je refait basculer la même planche du plancher. Quand je pense qu’il suffirait d’un clou bien enfoncé pour régler le problème. Pendant la redescente de la rivière, Hannah reprend son histoire de la guerre Américaine.

Notre dernière étape nous conduit à un petit café. La particularité du lieu est qu’il est tenu par un vieux monsieur célèbre dans la région car c’est lui qui a découvert l’entrée de Paradise Cave, complètement par hasard, en se mettant à l’abri d’une crue sur les hauteurs. Il est d’ailleurs réputé pour arpenter les terrains difficiles du parc national et pour découvrir de nombreuses grottes à l’aide d’amis géologues et spéléologues anglais, présents ici depuis vingt ans. C’est d’ailleurs en compagnie d’un ami anglais résidant maintenant également à Son Trach qu’il a fait sa plus grande découverte. En 2009 les deux ont trouvé une nouvelle grotte d’une taille incroyable. En poursuivant le long de cette grotte ils trouvèrent ce qu’ils pensaient être une sortie de l’autre côté en pénétrant de nouveau dans la jungle. Après quelques minutes de marche ils se rendirent compte qu’ils étaient en fait toujours dans la grotte et que le plafond effondré à cet endroit, laissant passer la lumière du jour, permettait à la jungle de pousser mais selon un micro climat et un environnement propre. La grotte est toujours inaccessible au public mais de menus travaux d’aménagement lui permettra d’être « ouverte » mais selon un mode très sélectif car une visite sera proposé au tarif exorbitant de plus de 1000$ US mais pour un trek de plusieurs jours dans un lieu exceptionnel. La grande salle principale de la grotte est d’une taille unique, sans doute la plus grande du monde car capable paraît-il d’accueillir la statue de la Liberté ou de laisser deux hélicoptères voler dedans sans encombre. Vous pouvez donc commencer à économiser.

Pour ce qui est de ce vieux monsieur, nous n’avons malheureusement pas pu le rencontrer. D’après Hannah, il est allé se cacher quelque part lorsqu’il nous a vu arriver. C’est ça les héros, des êtres humbles et solitaires.

Il ne nous reste alors plus qu’à revenir tranquillement au Farm Stay pour une bonne demi-heure de pédalage sous le soleil de fin d’après midi, uniquement troublé par un léger ennui mécanique. Un des canadiens vient de perdre une de ses pédales. Au sens littéral, bien entendu. En tout cas une bien belle journée en agréable compagnie s’achève.

Une ballade en bus

Le lendemain matin, je me réveille de bonne heure après une nuit poisseuse dans le dortoir sur le matelas supérieur d’un lit jumeau. Aujourd’hui je vais participer à une visite guidée en mini-bus du parc national. Départ à 8h du Farm Stay. Vu le nombre de participants, nous sommes scindés en deux groupes (et donc deux mini-bus). Nous avons deux guides, Annah, une américaine, et Vo, un vitenamien, tout les deux relativement jeunes (je dirais moins de trente ans à vue de cernes). Coup de bol, j’hérite du bus d’Annah.

Nous partons donc joyeusement en direction des montagnes pendant qu’Annah nous pose le décor. Je vais essayer de vous résumer tout cela sans trop déformer ses propos. Vous allez voir, vous vous sentirez moins bête après. Enfin, moi en tout cas, j’ai appris plein de choses.

Comme je vous l’ai dit dans le billet précédent, le parc national de Phong Nha Ke Bang est réputé au Vietnam pour ses grottes magnifiques. Quand je dis magnifiques, au pluriel, c’est que cette région montagneuse fait partie d’une vaste chaîne de reliefs karstiques partant du sud du Vietnam et remontant jusqu’au sud de la Chine, dont fait notamment partie la baie d’Ha Long. Qui dit karstique, dit calcium et qui murmure calcium, hurle «GROOOOTTTES». Comme cette chaîne est extrêmement ancienne, les grottes ont eu largement le temps de se former. C’est aussi simple que ça. Si vous souhaitez des d’informations un tantinet plus scientifiques, ce n’est pas vers moi qu’il faut vous tourner. Je n’ai, par exemple, aucune idée de ce que peut bien être du « karste » pour qu’on le distingue du vulgaire calcaire, hormis que cela forme de très joli reliefs et que tout le monde devrait en avoir chez soi pour se payer le luxe d’une petite baie d’Ha Long dans son jardin. La voilà la belle idée de décoration, tiens. C’est moi qui voyage et c’est vous qui allez en profiter, bande de veinards.

Donc, dans ce parc national, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, excusez du peu (oui, comme Hampi et le Vieux Lyon. Je visite le gratin, moi), deux grottes sont accessibles au public bien qu’il y en ai de nombreuses autres mais uniquement ouvertes à quelques scientifiques triés sur le volet (et ça doit faire mal d’être trié là dessus). La première découverte, la grotte Phong Nha est accessible par bateau. La deuxième, astucieusement nommée « Paradise Cave » pour appâter le touriste, l’est à pied. Au cours de ce tour, il est prévu de visiter la deuxième et il me tarde de voir ça. La dame à la réception du Farm Stay m’a presque engueulé quand elle a cru que je ne comptais pas y aller. Ce qui était complètement mensonger. C’est juste qu’elle n’avait rien compris à mon planning.

Hormis ces superbes reliefs 100% pur karst troués comme du gruyère, le parc national a comme deuxième intérêt d’avoir été une zone stratégique lors de la guerre du Vietnam, habilement nommée guerre Américaine par les Vietnamiens, vu qu’ils en ont eu trois, eux, de guerre du Vietnam : une première contre les français, une deuxième contre les américains puis une troisième pour le plaisir contre les chinois. Cette zone du parc national servi de passage vers le Laos pour approvisionner les rebelles communistes du sud avant que l’armée du nord ne s’y mette. Vers la fin de la guerre, l’aviation américaine étendit sa zone de bombardement au Laos, toujours pour tenter d’écraser toutes tentatives de soutien, ce qui fait de ce pays celui qui reçu le plus de tonnage de bombe au monde toutes guerres confondues. Pas sur qu’ils soient heureux d’être les premiers sur ce coup. A propos, il serait d’ailleurs bon que je vous fasse un petit résumer d’histoire un de ces quatre. Vous serez gentils de m’y faire penser.

Il y a donc un certains nombres de sites d’importance se reportant à cette « route 12 » qui avec d’autres routes plus ou moins secrètes formèrent la fameuse « piste Ho Chi Minh ». L’aviation US s’est employée pendant toute la guerre a copieusement bombarder cette zone en tentant désespérément de tarir le flot d’approvisionnement vers le sud, sans succès. Comme il y a très peu de routes dans le parc, elles suivent quasiment toutes le tracé de cette ancienne route d’approvisionnement. Les premiers kilomètres dans le parc sont d’ailleurs l’occasion pour Annah de nous livrer quelques anecdotes hyper-croustillantes de la guerre Américaine (il faut vous y faire) à l’échelle humaine. Je vous en livre une car c’est la plus jolie et qu’en plus, chanceux que vous êtes, je m’en suis souvenu, fait assez rare pour le souligner.

A l’entrée du parc, qui correspond au début des reliefs, se trouve un pic rocheux (et karstique, bien entendu) légèrement solitaire. Les viet congs (les méchants communistes si vous êtes pro-américains ou les gentils libérateurs si vous êtes pro-vietnamiens. Pour les plus subtiles d’entre vous, juste un protagoniste de la guerre) y placèrent une batterie anti-aérienne (et non pas antivénérienne comme me le suggère mon correcteur orthographique) pour essayer d’abattre quelques avions de passage, qui je le rappel, passaient par ici quotidiennement. Malheureusement, une fois repérées (c’est à dire dés leur premier tirs), la plupart des batteries anti-aériennes isolées comme celles-ci avaient tendance à se faire dézinguer rapidement par quelques missiles envoyés subtilement par des F-4 envoyés en nettoyage. La durée de vie d’un opérateur de ces mitrailleuses au sol était donc relativement courte. Au mieux, on pouvait espérer une médaille à titre posthume si on avait eu la chance d’égratigner un bombardier au passage.

L’opérateur assigné à la batterie de ce pic solitaire à l’entrée du parc, lui, était moins con. Ou moins patriote. Voir les deux à la fois. Pour sauver sa peau, il avait pris pour habitude de rater méthodiquement tout les avions passant à proximité dans des proportions finement en équilibre entre ce qu’il faut pour ne pas se faire réprimander par ses supérieurs et ce qu’il faut pour ne pas effaroucher les pilotes US. Un véritable casse-tête. Fort heureusement, les pilotes américains ont vite constaté que cette batterie anti-aérienne ci était inoffensive car tirant dans la direction opposée de manière particulièrement ostentatoire. Ils ont donc pris pour habitude de saluer l’opérateur d’un subtile mouvement d’ailes à leur passage au-dessus. Pour l’histoire, l’opérateur de la batterie a survécu à la guerre ce qui est justice et récompense l’intelligence sur l’entêtement.

Annah nous gratifie ensuite d’un résumé de la guerre Américaine et notamment de son déclenchement. Je vous avoue que j’ai trouvé ça assez amusant qu’une jeune américaine vienne nous faire un résumé de la guerre du Vietnam au Vietnam. Sans rentrer dans les détails, car ce sera le sujet d’un autre billet, sachez qu’elle m’a encore plus surpris quand à la version nettement anti-américaine qu’elle nous a servie. En même temps, de nous jour, y compris monsieur MacNamarra qui a fait son méa culpa, je croit que plus aucun américain ne pense que c’était une bonne chose pour les États Unis.

Autre anecdote offerte par notre guide en rapport à la guerre, mais toujours dans la catégorie « logistique et approvisionnement » : les premières victimes de la guerre furent les éléphants. Et oui. Qui l’eu cru. Ils furent exterminés non pas car ils faisaient d’excellents agents d’infiltrations une fois grimés en éléphants d’Afrique, mais tout simplement car ils étaient particulièrement efficaces pour transporter des charges lourdes à travers la jungle. L’aviation US (encore elle) reçu donc l’ordre d’attaquer à vue tout pachyderme, à la mitrailleuse ou à aux bombes, le choix étant laissé au pilote. Si c’est pas beau l’humanité, hein ? Et ça, ils z’y disent pas dans Platoon ou Full Metal Jacket !

C’est donc charmées par ces divers anecdotes plus ou moins morbides que nous arrivons à un premier arrêt en plein milieu de montagnes escarpées recouvertes d’une dense jungle. Annah et Vo nous montre une falaise en face avec des traces d’impacts de bombes et de missiles. Pour couper l’approvisionnement, les américains essayait de détacher des pans entiers de falaises pour bloquer la route. Tout en finesse. Un travail de ballerines.

Nous repartons joyeusement et Annah poursuit ses explications. Figurez-vous que la construction de cette route numéro 12 fut un véritable chantier titanesque et mortel. Quand on voit la nature du relief et de la végétation on comprend pourquoi. D’ailleurs j’ai demandé à Vo si il y avait des treks d’organisé dans la région et je crois bien qu’il m’a regardé d’un air incrédule en riant très fort. Donc vous imaginez à l’époque y construire une route. Vous aviez le choix entre mourir mordu par un des nombreux serpents venimeux du coin ou bien déchiqueté par les bombardements quotidiens. A cause de tout ces risques, la durée de vie d’un travailleur sur ce chantier était de deux jours, en moyenne. Ce qui fait que si vous étiez réquisitionné / volontaire (la plupart du temps synonymes en tant de guerre), on vous fournissait un joli paquetage comprenant des sandales à semelles en pneu, un joli pyjama noir, un chapeau conique, une pioche ou une pelle, un hamac ainsi que deux jours de rations, pas plus. Ce qui fait que si vous surviviez au deux premiers risques vous étiez potentiellement bon pour mourir de faim. Bizarrement, sur toutes les photos aperçus dans les musées, les travailleurs sur cette route sont en train de sourire. C’est beau la propagande quand c’est bien fait, tout de même. Malgré toutes ces difficultés la route fut terminée en 212 jours (si mes souvenirs sont bon). Clap, clap, clap. Quoi le nombre de morts ? Ne soyez pas mesquins avec vos questions purement statistiques. Vous seriez pas du genre à demander le nombre de marches quand vous visitez la Tour Eiffel, non ?

Nous nous arrêtons une nouvelle fois devant un petit temple à flanc de montagne, cernée par la jungle. Cette fois-ci il s’agit d’un lieu de recueillement en mémoire de quatre femmes mortes de faim, bloquées dans une grotte suite à un bombardement. Il s’agissait de quatre personnes chargées de préparer à manger pour les travailleurs construisant la route. La cuisine se trouvait dans une grotte à côté pour cacher les fumées des feux. Malheureusement, le bombardement ce jour là fit tomber un gros bloc de pierre devant l’entrée et les quatre moururent de faim. Dans une cuisine. Je sais, c’est d’autant plus navrant. Tout ceci est un peu sujet à vérification car ces explications nous sont fourni par Vo qui, bien que charmant et souriant, pratique un anglais un peu hésitant et difficile à suivre usant de longues phrases sans ponctuations hormis de nombreux « however » qui me laissent le souffle court. Un peu comme vous en ce moment.

Après nous avoir narré cette anecdote, Vo nous propose d’aller nous recueillir au temple en nous fournissant chacun trois bâtonnets d’encens allumés. Les consignes sont strictes si on veut faire ça dans les règles de l’art et ne froisser aucun esprit : Entrer dans le temple par la gauche, s’arrêter devant l’autel puis faire trois saluts du buste en tenant les paumes l’une contre l’autre dans la position de la prière, ressortir à droite puis planter les trois bâtonnets dans l’immense chaudron rempli de sable posté devant. N’ayant pas très bien compris, je crois que j’ai planté les trois bâtonnets direct en rentrant par la droite puis ai salué deux fois en claquant des talons.

Pour que le recueillement soit total, nous effectuons le même manège dans la grotte en question (dégagée depuis du gros bloc bloquant l’entrée ce qui est nettement plus pratique) et je m’applique un peu plus en observant les autres. En m’éloignant pour laisser la place aux suivant je remarque la coque métallique de ce qui semble être une bombe suspendue à une branche par une chaîne. Je demande à Vo le rôle de ce montage et il nous explique qu’il s’agit d’un gong pour communiquer. Voilà un bel exemple de recyclage qui a du bien faire enrager les généraux US.

Pour finir sur le chapitre « guerre Américaine » nous passons un peu plus tard quelques instants sur un pont enjambant une rivière, toujours au creux de ces DSC_5716_DxOreliefs couverts de jungle. Annah nous raconte son histoire. Il s’agit encore d’une voie d’approvisionnement mais cette fois ci exclusivement destinée à l’essence. Les vietnamiens y laissaient dériver des barils de gasoil en provenance du Laos. Parfois des soldats vietnamiens était chargés de les acheminer attachés ensemble tels des radeaux. Bien entendu, les bombardiers adverses eurent tôt fait de remarquer ce petit manège et bombardèrent allègrement le cours d’eau. C’est donc pour cela que la rivière fut surnommée de manière complètement rock’n’roll la rivière « Diesel and blood ». Cela pourrait faire un superbe titre de chanson de Bruce Springsteen.

Nous repartons ensuite puis, après quelques dizaines de minutes de route en montagnes russes, rejoignons le parking pour visiter « Paradise Cave ». Une petite marche sur le plat suivi d’une ascension de 150 mètre par des escaliers permet d’atteindre l’entrée de la grotte. Au passage, je retrouve la sympathique famille avec qui j’ai partagé un compartiment dans le train vers Dong Hoi, celle-là même qui a tenté de me faire vomir. Mais emporté par le tourbillon de la visite en groupe, j’ai à peine le temps de faire un rapide signe de la main à la grand mère qui m’a reconnu en premier. Nous attaquons donc la montée dans une chaleur étouffante. L’endroit est assez touristique et nous croisons un flot régulier mais supportable de gens descendant l’escalier. En haut, essoufflés et en sueur, nous attendons notre tour, le flot de touristes étant régulé.

DSC_5720_DxOFinalement, c’est à nous et nous sommes tout de suite saisi par un air très frais débouchant de l’entrée de la grotte. Vo nous explique que la température à l’intérieure est de 18°C toute l’année. Il y a donc en ce moment au moins 15°C de différence avec l’extérieur. Nous descendons dans la grotte en empruntant un escalier en bois et très rapidement nous découvrons son ampleur. L’escalier en bois descend d’au moins 20m dans une gigantesque grotte, sans aucun doute la plus grande que j’ai jamais visité et sans doute une des plus grande au monde. Un subtile éclairage permet d’appréhender toute la majesté du lieu. Nous restons une DSC_5719_DxOpetite heure en découvrant une deuxième « salle » aux formations encore plus étranges que la première, puis une « troisième », toujours en empruntant un parcourt en bois. Au bout, la grotte continue mais nous ne pouvons pas y accéder. Vo nous explique que la zone explorée fait 8km de long mais que celle ouverte au public n’en fait qu’un peu plus d’un kilomètre. Nous rebroussons DSC_5721_DxOchemin.

Nous ressortons finalement, frappés par la chaleur et l’humidité, éblouis par le soleil et le spectacle vraiment impressionnant de cette grotte extraordinaire. Je redescend donc doucement en papotant avec Vo de la région (il est du coin) et de voyages en général. De retour au parking, nous retrouvons Annah à l’entrée pour le déjeuner. C’est l’occasion d’en apprendre un peu plus sur elle et de déguster encore un bon repas Vietnamien constitué d’un assortiment de mets et de riz. Au passage, j’effectue un dernier réglage de mon « sin tchao » en confrontant ma prononciation avec les autres.

Dernier étape de ce petit tour, une petite baignade dans une rivière de montagne. Ça tombe plutôt bien car nous sommes au pic de la chaleur et il fait particulièrement lourd. Nous reprenons donc la route. Après quelques kilomètres nous nous arrêtons et descendons. Je suit sans trop savoir ce qu’il y a à voir et m’approche de l’attroupement. En contrebas se trouve une sorte d’étang avec un grand bouillonnement au centre, étang qui donne naissance à une rivière tumultueuse. Voilà qui est assez étrange. Fort heureusement, nous avons des guides pour ce genre d’interrogations et ils nous apprennent qu’il s’agit d’une résurgence particulièrement puissante d’une rivière souterraine. A la saison des pluies le bouillonnement, qui est le point de résurgence, peut former un geyser de plusieurs mètres de haut. A la saison sèche, période actuelle, le débit est déjà impressionnant lorsqu’on on voit les rapides qui se forment dans la rivière à quelques mètres de la résurgence.

DSC_5725_DxOFinalement, après quelques nouveaux kilomètres de route nous nous arrêtons pour une petite baignade dans une petite zone d’éco-tourisme. Nous empruntons à pied un court chemin pendant quelques minutes avant d’atteindre le bord de la rivière. Le courant est relativement fort et des rochers bordent les rives. On se muni d’un gilet de sauvetage sous l’insistance des responsables vietnamiens du site et ensuite, chacun pour soit. L’eau est un peu fraîche venant d’un air à plus de 30°C mais c’est relativement agréable. Ce qui l’est moins c’est la sensation gluante des algues au fond alternant avec des petits rochers inégaux. Il vaut mieux faire la planche. Tout doucement je sens des gouttes sur la tête et la pluie s’invite à la fête. On est déjà mouillé, il fait chaud et la pluie est tiède.

Après une demi-heure de batifolage je ressort puis attend que tout le monde se lasse. Le groupe prend alors la direction d’un autre chemin pour un retour plus long à travers la végétation. Nous marchons en file indienne, la pluie tombant un peu plus dru sur les feuilles dans un crépitement mat et rapidement je me sens transporté en 1969 au sein de la compagnie Alpha, en marche pour reconquérir la colline 849 dans cette putain de guerre qui n’est pas la mienne. De retour au parking, encore dans mes rêves, je demande à mes voisins si eux aussi ils se seraient cru dans « Platoon » ou « Full Metal Jacket ».

« Pla quoi ? ».

Non, non, rien. J’ai tout le chemin du retour en bus pour ruminer sur l’inculture cinématographique de mes contemporains.

Une ballade à pied

Mais pourquoi donc diable s’est-il rendu à Dong Hoi, vous demandez-vous ? La raison réside en la présence non loin de là du parc national de Phong Nha Ke Bang, fort réputé au Vietnam pour ses magnifiques grottes et encore peu visité par les touristes étrangers. Au passage, c’est aussi pour moi l’occasion de passer un peu de temps dans un environnement rural car j’ai choisi de rester trois nuits dans un hébergement, le Phong Nha Farm Stay (dont je vous parlerai dans un futur billet), situé à une petite demi-heure du parc, dans un village du nom de Cu Nam.

Malgré le retard de mon train, j’arrive à mon lieu d’hébergement en fin de matinée et après quelques heures pendant lesquelles je mange, m’installe puis travaille un peu (ne serait-ce que pour rédiger ce blog chronophage), je me dirige vers l’accueil pour louer un vélo et découvrir les alentours. Manque de pot et de vélo, je suis obligé de me rabattre sur une sortie à pied. La dame de l’accueil me rencarde sur une petite ballade à faire et je part d’un pas alerte, content de me dégourdir les jambes après toutes ces heures dans le train et derrière l’ordinateur.

Le temps est légèrement couvert et la température bien qu’encore élevée est tout à fait supportable. Je commence déjà par croiser une autre touriste (assez facilement reconnaissable à sa chevelure blonde) à qui je demande si elle vient de finir la ballade indiquée. Nous papotons un court moment car elle s’est manifestement trompée de chemin. Je repart donc en me concentrant sur les indications.

Le Farm Stay se situe en bordure de rizières et de champs, eux mêmes bordés plus loin par une rivière. De l’autre côté de celle-ci se trouve un autre village. Au loin, on aperçoit des collines et encore plus loin à l’ouest les montagnes du parc national de Phong Nha Ke Bang qui longent la frontière laotienne. Le Vietnam à cet endroit ne fait qu’environ 80km de large et nous sommes à une cinquantaine de kilomètres de la mer.

DSC_5707_DxODans le champs en face de l’hébergement paissent tranquillement des buffles d’eau, l’animal de trait typique du sud-est asiatique. Il a la particularité, comme l’indique son nom, d’adorer l’eau et de se vautrer dans la moindre mare dés qu’il a un peu chaud, tel un vulgaire cochon. Je longe la rizière puis comme prescrit, prends le deuxième chemin à gauche pour prendre la direction de la rivière. Aux rizières succèdent des champs de plantes portant des petits piments rouges. De temps en temps je croise des vélos ou mobylettes munis d’un ou deux vietnamiens. La plupart du temps, on se salue avec des « sin tchao » pour moi et parfois des « hello » pour eux. De la même manière des travailleurs dans les champs qui m’aperçoivent me saluent de la main et, s’ils ne sont pas trop éloignés, me lancent un « hello » sympathique.

Je fini par atteindre la rivière puis, après la traversée d’un petit pont, me retrouve dans un nouveau petit village légèrement à flanc de colline, comprenant une poignée de bâtiments. Les maisons sont relativement propres et je suis assez rapidement interpellé par des enfants qui me lancent des « Hello ! ». Je m’empresse de répondre également par un « Hello » ce qui provoque de nouveaux « Hello ! ». Décidément, les gens sont enthousiastes à la vue d’un touriste ici.

Je fais rapidement le tour du hameau et fait une petit boucle par un chemin qui traverse des rizières pour rejoindre celui qui longe la rivière. De l’autre côté des champs, à gauche, j’aperçois le Farm Stay. J’ai donc toujours le sens de DSC_5708_DxOl’orientation, parfait. Après quelques minutes de marche je croise deux personnes que je salut à la bonne distance. L’un d’eux me dit quelque chose que je ne comprends pas. Ça doit donc être du vietnamien. Je tente un timide (et sans trop illusion) « Speak english ? », mais il me réponds par la négative en riant. Du coup il passe au langage des signes (que je maîtrise dorénavant) et je reconnais le signe du vélo. Ah, non ! Moi pas à vélo, moi à pied, réponds-je en mimant un homme marchant avec mes deux doigts. Sur ce je leur dit au revoir (avec le sourire, toujours) puis repart du pas ferme du randonneur confirmé. Manifestement, les touristes à pied sont rares par ici.

Un peu plus tard, je croise un chemin partant à gauche que j’ignore superbement. Je suppose qu’il me ramène vers mon point de départ et j’ai à peine commencé ma ballade. Je continue donc en longeant la rivière. Ceci dit, un paysan dans un champs me fait signe d’emprunter ce chemin, pensant sans doute que je cherche à rentrer. Ils sont gentils mais faut quand même pas non plus me prendre pour un touriste, quand même ! Je fait donc un signe indiquant que je fais une graaaaande boucle. Ok, ok, me réponds-t-il d’un geste. Enfin, c’est ce que je comprends. Ça pourrait tout aussi bien vouloir dire :fait comme tu le sens, pauvre cloche.

DSC_5709_DxOJe continue donc et aperçoit au loin sur l’autre rive ce qui ressemble à une église. A ma gauche, dans un près, je remarque également un petit enclos délimité par un muret qui semble contenir des tombes. Dans une petite descente j’aperçois des jeunes femmes couvertes de la tête au pied et portant le chapeau conique s’affairant dans un champs. Encore d’autres saluts.

Finalement, je tourne pour entamer mon retour et ne tarde pas à rencontrer de nouveau des habitations. J’y croise quelques poules, parfois des jeunes chiens et bien entendu des enfants qui me jettent tous des « hello ! » enthousiastes à mon passage qui ne restent pas sans réponse, je vous rassure. De temps en temps, quelques enfants plus intrépides me lancent des « watt iz yor naime ? ». Ceux là doivent en être à la leçon numéro deux. Je vous rassure, je croise également quelques adultes y compris certains personnes un peu plus âgées dont un à vélo portant des vêtement vaguement kakis et un casque de l’armée viet cong. Je tente un « sin tchao/tcheu » pas très rassuré et il me fait un signe de tête avec un léger sourire.

J’entame alors la longue ligne droite sur une route en terre qui me ramène vers mon point de départ tout en essuyant à intervalles régulières des « hello ». Deux garçons arrivent notamment vers moi et après un « hello » et « watt iz you naime » me lancent un « moni ». Pardon ? Ai-je bien entendu ? Et puis quoi encore ? On n’est pas en Inde ici ! Tout en marchant, je leur réponds donc par la négative avec le sourire (encore et toujours) mais je commence à angoisser sérieusement, repensant à l’incident glauque à Hampi. Qu’est ce qu’ils vont me sortir ensuite ? Bon, ça va. Ils me demandent de les prendre en photo. Rien de plus simple. L’un des deux me dit « watère » en me faisant le signe de boire. Ouf. Il a juste soif, voilà qui est bénin. Depuis l’Inde où les gens que j’ai croisé (notamment à Gingee) font ça relativement spontanément, j’ai pour politique de toujours partager mon eau. Je m’arrête donc et sort ma bouteille d’un litre dont j’ai déjà bu la moitié et la lui tend DSC_5713_DxOpour qu’il puisse se désaltérer. On est pas loin de 17h mais il fait encore lourd. A peine avais-je lâcher la bouteille que les deux petits c**s se carapatent à toute vitesse avec ma bouteille, en rigolant comme des imbéciles. A ben super. Bon ceci dit, ça m’a fait un peu rigoler sur le moment. Voler une bouteille d’eau, mais quel manque d’ambition ! je devais être à peine à 300m de mon hébergement. Je n’allais donc pas me désaltérer d’ici là. Et en plus j’ai leur photo.

Je pensais en avoir fini avec les émotions quand une centaine de mètres plus loin j’aperçois un couple de touristes (encore une fois facilement reconnaissables à leur sac à dos) s’intéressant à un veau en bordure de champs. Je me porte à leur hauteur en les saluant. La femme, visiblement attendrie par le jeune bovin, est en train de lui caresser le haut du crâne. Tout à coup, j’entends un bruit de cavalcade venant de derrière le couple. Sur le chemin, une vache arrive d’un trot rapide mais déterminé vers nous. « Je crois que c’est la maman ! ». On s’écarte tout les trois et effectivement, le quadrupède s’interpose dans un meuglement ferme entre nous et son petit. Elles ne plaisantent pas les vaches en Asie.

Nous repartons donc en direction du Farm Stay en laissant la maman et son petit derrière nous pour tomber quelques dizaines de mètres plus loin sur une partie de football un peu chaotique sur un terrain défoncé. Elle oppose, pour autant que je puisse déterminer les équipes, une bande d’enfants du cru de tous âges contre une autre bande d’enfants locaux mélangé à cinq enfants touristes, dont deux filles (encore une fois complètement évidents du fait de leur chevelure blonde). Pour être gentil je dirait que l’enthousiasme avait pris le dessus sur la technique mais comme me le fait remarquer le garçon du couple qui m’accompagne : « ils ont des pieds, ils ont un ballon, on peut donc dire qu’ils jouent au football ». En tout cas, un joli exemple de mixité.

Finalement, nous rejoignons le Farm Stay au moment où le soleil commence à décliner. Et pour tout vous dire, je suis plutôt content de ma petite ballade. Mais par contre, j’ai un peu soif.

Le train, encore

La visite du Vietnam ne serait pas complète sans un petit trajet en train. Encore une fois je vous rappel que ma vie se limite à dormir, manger et se déplacer. Tous les autres éléments dont je vous narre les faits ne sont que de fâcheuses distractions, notamment cette horde d’homo sapiens sapiens qui ne fait que m’embêter. C’est donc non sans un certain pincement au cœur que je m’apprête à prendre le train à la gare (après avoir décliné l’invitation d’y être déposé en moto par Thuy, l’executive woman) pour quitter la charmante Hanoi. Au programme, un voyage de nuit pour rejoindre la ville de Dong Hoi au sud.

Je me présente donc une heure avant le départ du train à Gâ Hanoi (c’est à dire la gare d’Hanoi ce qui donne un sérieux indice sur l’origine du mot « Gâ ») l’esprit complètement préparé à toutes sortes de complexités, d’imprévus et de contretemps. Sur mon ticket sont très efficacement indiqués le numéro du train (S23), le numéro du wagon ainsi que le numéro du siège. Je part donc à la recherche d’un panneau indicateur pour repérer un numéro de quai, indécrottable habitué de la SNCF que je suis.

Le hall est assez petit et hormis des chaises à un bout où attendent une foule de gens et un stand de confiseries, boissons, chips à l’autre bout, je ne note que deux femmes en uniforme bleu clair assises derrière une table en faux bois, devant le passage menant aux quais. A côté d’elles un grand panneau liste les trains et leurs horaires, mais sans numéro de quais. Pas de panique, j’ai survécu à pire et en plus je suis tout même une heure en avance. Je part donc poser mes sacs et m’assois à une chaise libre de la salle d’attente. Mon cerveau est rapidement captivé par les télévisions accrochées au plafond qui diffusent une boucle d’une dizaine de spots publicitaires que je parvient assez rapidement à apprendre par cœur. De temps en temps, j’entends des annonces dans des haut parleurs mais sans parvenir à en comprendre le sens. Les gens autour de moi ont l’air de les ignorer. Je fait donc de même, et plutôt avec talent, si je puis me permettre.

Une demi-heure plus tard, je me lève pour aller vérifier si aucun changement n’a eu lieu sur un quelconque affichage. Sur le panneau listant les trains je vois marqué une nouvelle indication « 1H » en face du numéro de mon train. Renseignement pris auprès d’une des deux demoiselles derrière la table, il s’agit bien d’un retard annoncé. Je retourne placidement me remettre sur un siège et patiente.

Une heure plus tard, je sens une certaine agitation autour de moi qui s’accroît suite à une annonce incompréhensible en vietnamien. Je me jette donc mes sac à dos sur mon dos et m’insère dans la queue qui s’est formée devant le bureau des deux dames en uniforme. Au dessus du passage menant aux quais un afficheur électronique mentionne le numéro de mon train ainsi qu’un numéro de quai. Pas mal, dites moi. C’est en net progrès par rapport à Mumbai. Mon tour arrivé, je leur tends mon billet. Après un rapide coup d’œil, elle me le rend avec un léger signe d’acquiescement. Vraiment pas mal, dites moi. Au moins comme ça ils évitent que des pauvres étrangers déboussolés se retrouvent à monter dans le mauvais train.

J’arrive donc sur le quai numéro 1 et part à la recherche d’un passage sous-terrain ou une passerelle pour rejoindre le quai numéro 5, où doit se trouver mon train. Il fait nuit mais je ne tarde pas à constater un mouvement de foule vers un bout du quai. Je décide de miser sur l’intelligence collective et suit tout le monde. Nous contournons le train garé au quai numéro 1 puis enjambons à pieds trois voies, au mépris de toutes les règles de sécurité, pour rejoindre le bon quai. Je vérifie rapidement le numéro du train indiqué sur le wagon de queue. C’est bien le mien. Même pas drôle. Au passage, je constate que contrairement à l’Inde, il n’y a ici que deux classes de wagons. Je me retrouve donc avec le quidam vietnamien et ça c’est bien.

Assez rapidement je retrouve mon wagon et avant de grimper tends mon billet à un nouveau préposé en uniforme bleu clair qui me le rends avec un signe de tête positif. ‘Tain, mais c’est a vous gâcher le plaisir de la mésaventure toute cette vérification ! Si on nous enlève toute possibilité de se tromper, elle est où la joie du voyage, mince ?! Tout aussi facilement, je repère mon emplacement en constatant qu’il s’agit d’un wagon couchettes. Cette fois-ci il s’agit d’un modèle relativement simple à six places (deux fois trois niveaux) avec une porte permettant d’isoler le compartiment du couloir, tel les anciens wagons-couchettes français.

Je rentre dans le compartiment, où se trouve déjà une dame autour de la soixantaine assise sur une des couchettes du bas ainsi qu’un jeune garçon assis à côté d’elle. Les deux me sourient et on s’échange des « sin tchao» (plutôt raté de mon côté). Fort heureusement, j’ai hérité de l’autre couchette du bas et pose donc mes deux sacs dessus en dégageant le couloir. Assez rapidement, un homme rentre dans le compartiment et commence à parler avec la dame, suivi d’une jeune femme portant un bébé qui vient s’asseoir à côté de moi sur ma couchette. Tout ces gens ont l’air de se connaître et rigolent entre eux.

Un peu plus tard, La jeune femme me fait un signe en me montrant ma couchette. Étant doué d’une perspicacité décuplée depuis ma conversion à une démarche résolument holistique, je subodore qu’elle me demande si je suis bien à ma place. Je lui réponds donc par gestuelle en lui demandant si, elle, est sur la couchette du haut avec son bébé ? Réponse positive, et avec le sourire en plus. Bon, étant maintenant assez habitué à ce marché de seconde main des couchettes, je lui propose avec force gestes d’échanger nos places. J’imagine bien que ce sera plus pratique et moins casse cou avec un bébé. Avec de grands sourires elle me remercie et je commence à transférer mon barda au dessus. Au passage la vieille dame me remercie aussi avec un grand sourire alors que je manque de m’assommer sur la couchette du haut. Voilà encore quelque chose qui n’est pas dimensionné à l’échelle européenne.

Le train se met finalement en branle et je fini de m’installer aussi bien que je peux avec mes deux sacs à dos. Je vois la vieille dame sortir un tupperware contenant pleins de petites choses rondes qui de loin ressemblent à des pralines verdâtres. Le jeune garçon et la femme au bébé se servent puis, ce que j’estime être la grand mère, me tends la boite avec un sourire en m’invitant à en prendre. Je choisi délicatement une de ces petites choses en lui lançant un « kam eune » (merci selon le Lonely Planet) que j’espère chaleureux mais sincère, avant de le mettre en bouche.

Gloups.

C’est tout bonnement dégueulasse et j’ai beau être drôlement holistique ces temps-ci, je me retiens de le recracher dans le tupperware. Pour la peine, il me vient des envies d’appeler l’ambassade pour re-déclarer la guerre à ce foutu pays d’hypocrites. Rhaaa, la vache, je n’ai jamais goûté un truc aussi ignoble. Non seulement ce machin non identifié à un goût infecte que je tenterai de décrire comme un mélange de crotte de nez et de menthe avariée mais en plus la consistance est particulièrement répugnante. Imaginez un noyau d’olive qu’on aurait enduit d’une solide couche de dentifrice. Ah non et puis ce goût, misère. Mais faut être dangereusement au bord de la famine pour oser manger ça ! Pendant ce temps, bien entendu, la dame me regarde avec un sourire et un petit air interrogatif dont j’identifie très facilement le sens : « Alors, c’est bon ? ». T’as de la chance que je ne parle pas viet’, toi.

Que voulez-vous ? Étant relativement bien éduqué, je lui réponds d’un sourire et avale en interrompant d’urgence toute mastication. Et en plus je me retrouve avec un noyau dans la main maintenant. C’est pratique. Rhhaaa et puis ce goût qui ne veut pas partir même après une bonne rasade de ma bouteille d’eau. J’essaie de demander à la dame le nom de cette saloperie mais je suis à court de gestes. En plus, je préfère ne pas insister de peur qu’elle comprenne que j’en souhaite un autre.

Pour m’occuper l’esprit, je sort mon ordinateur et commence à travailler sur mes photos de Pondichéry. Aaah, ce goût en bouche ! Même ma salive est infecte maintenant. Rapidement, le jeune garçon, intrigué, viens jeter des regards sur mon écran. Je tourne un peu l’ordinateur vers lui pour qu’il puisse mieux voir, ce qui au passage permet à la grand mère d’apercevoir aussi quelques photos. On s’échange des sourires. Allez, va. Je te pardonne d’avoir tenté de me faire vomir. N’empêche que j’ai toujours ce truc en bouche.

Régulièrement des vendeurs de la compagnie de chemin de fers font des allés-retours pour proposer des plats dans des chariots métalliques. Ça aussi c’est un peu plus moderne qu’en Inde où le vendeur se contentait de deux cantines en fer blanc, une dans chaque main. De mon côté, j’ai l’estomac bien calé par un bun (boune) bô pris avant de partir.

Après une nuit sans encombre et à la température quasi polaire (il faudrait vraiment songer à former les gens sur l’utilisation de la climatisation, surtout dans ces pays à la température caniculaire), je me réveille tranquillement vers les 7h du matin, ce qui est depuis quelques temps une habitude. Mes voisins sont encore en train de somnoler et je quitte donc discrètement ma couchette pour rejoindre le couloir et jeter un œil au paysage. Nous traversons des collines couvertes d’une épaisse forêt humide.

Afin de repérer mon arrêt je vérifie l’heure. Nous devrions arriver à Dong Hoi vers 9h30 et il est 10h. Je lève un sourcil. Tiens, tiens ? Il me semble que le précédent arrêt avait eu lieu a 9h donc à moins que ce soit une première mondiale et que le train soit arrivé à Dong Hoi trente minutes en avance sans que j’en sois averti, nous sommes en retard. J’interpelle un agent qui passe en lui montrant ma montre et en éructant un « Dongue Hoï ? » douloureux à ses oreilles. Avec un léger sourire il m’indique 10h30 sur la montre. Nous avons donc toujours notre heure de retard.

Je reprend donc ma contemplation du paysage en essayant de faire abstraction de la musique pop vietnamienne qui vient du compartiment d’à côté et, à en juger par le son, d’un minuscule haut parleur bon marché ou d’un téléphone portable. Quelques instants plus tard, une petite fillette à couettes dans une robe rose sucrée déboule en dansant du compartiment en question. Elle tient dans une main un gros cube noire d’où émane la musique pop, l’autre main étant partie prenante de la chorégraphie. Et pour que ce soit encore plus parfait, sa petite voix aigu accompagne les paroles. Après une toupie parfaitement exécutée elle m’aperçoit qui la regarde avec des yeux ronds. Pas farouche la starlette, elle continue son numéro en me prenant comme spectateur.

De son compartiment, un jeune homme lui attrape le cube ce qui provoque instantanément chez elle un cri suraigu (seules les petites fillettes possèdent cette capacité). Elle lui fonce dessus en lui boxant les cuisses de ses petites mains boudinées, les cris toujours dans les octaves supérieurs. Assez rapidement, il cède en lui rendant le cube musical et c’est tant mieux pour nous tous, l’acouphène nous guettait. De nouveau en possession de sa bande son, la petite fille reprend sa chorégraphie et son chant, comme si de rien n’était. Moi je rigole puis discrètement attrape mon enregistreur numérique, histoire de ne pas effrayer l’animal. Malheureusement pour vous, je crois bien avoir merdouillé l’enregistrement mais croyez moi, c’était charmant.

Je prends ensuite mon appareil photo et tout doucement, tel un photographe animalier, m’accroupis pour la cadrer. La petite bête est à deux mètres de moi mais à la vue de l’appareil s’arrête de danser puis vient se cacher dans son compartiment. Mince ! Tout doucement, je vois une couette dépasser, suivi d’un œil furtif. Tant pis, après quelques tentatives pour l’amadouer, je range l’appareil photo. La starlette reprend alors son numéro. Petite peste !

Pendant une bonne heure, ma petite voisine se défoule sur une playlist de variété vietnamienne dont elle connaît manifestement les paroles et la chorégraphie par chœur. En tout cas, cela met tout le monde de bonne humeur, ce qui tombe bien, car nous arrivons finalement à Dong Hoi avec deux heures de retard.