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Sports tonkinois

Une, deux, une, deux. Flexion. Extension. Petite foulée. Hh, hh, hh, hh. Le sujet du billet du jour, hh, hh, est le sport. Hh, hh, hh. Repos. Pfffffffffffouuuuh. Respirez. Expirez. Pfffffffffffffouh. Ok.

Je l’avions déjà constaté à Hanoi mais mes soupçons se retrouvent confirmés à Saigon. Je peux donc m’en ouvrir auprès de vous sans craindre les railleries. Au fait, étirez-vous et buvez. C’est important de bien s’hydrater. Hors donc, tout autour de Hanoi, et même en plein cœur touristique on trouve des traces de terrains de jeu inscrits au sol dans des parcs ou même parfois sur les trottoirs. Moi qui suit extrêmement averti de la chose sportive pour lire assez régulièrement la presse écrite quotidienne spécialisée (je ne dédaigne pas non plus quelques rendez-vous hebdomadaires télévisuelles avec un magazine multi-sport), j’ai pu reconnaître des marques superposées de terrains de volley-ball et de badminton. Chose curieuse, à aucun moment ai-je pu assister à un match de ces sports. J’étais donc particulièrement troublé.

Il se trouve que je m’en suis ouvert également à Da Lat auprès du trio tchèque et du duo anglais. J’ai reçu confirmation de leur part que ces deux sports était au Vietnam relativement importants et pratiqués. Je ne connais pas leurs sources mais ils avaient l’air très sûrs d’eux. Mais alors ils refusent d’y jouer sur ces terrains publics puisque je n’en ai vu aucun les utiliser ? Bon, il faut bien admettre qu’avoir des limites de terrain au sol, c’est un bon début, mais que l’essentiel du jeu se fait autour d’un filet qui lui, est absent. Fort heureusement d’ailleurs car se serait pour le moins désagréable pour le passant de devoir en permanence se baisser pour emprunter un trottoir ou une place.

Néanmoins, il n’est pas impossible que le football devienne un sport majeur dans les années à venir. Pour le moment, l’enthousiasme et la volonté, y compris politique, y est mais les résultats ne sont pas encore au rendez-vous. Pendant mon séjour à Da Lat, notamment la veille de mon arrivée à HCMV, l’équipe nationale s’était faite, par deux fois, douloureusement fessée par une équipe d’Arsenal en rodage et tournée asiatique d’avant saison. Je vous parle ici de scores qu’on l’on associe plus habituellement au tennis comme des 6-0 ou des 7-1. Je ne vous parle pas d’ailleurs de la joie quasi coupe-du-mondesque du public lorsque l’équipe a réussi à marquer l’unique but des deux rencontres. D’ailleurs, je me contredis car je viens de vous en parler. Ce fut, notamment, un de nos sujets de conversation avec mon xe om, qui était fan de foot, à l’arrivée à HCMV. Oui, car maintenant je suis tellement en confiance quasiment nu-pied à l’arrière d’un deux roues que j’engage la conversation avec mon pilote.

Par contre, et là ça ne concerne que HCMV, j’ai pu être témoin d’un drôle de sport d’adresse un soir dans un des parcs hyper-central du district 1. Je soupçonne que ce soit pour des raisons d’exhibitionnisme. Gilly m’en avait d’ailleurs parlé comme une sorte d’hybride entre le badminton et le football qui consiste à se faire des passes à deux et au pied (pourquoi jamais personne ne conçoit que l’on puisse faire ça à coup de fesses et de hanches?) avec quelque chose qui ressemble à un volant de badminton, le tout sans filet, pour que le danger soit plus extrême.

Moi j’adore tout ce qui est hybridation car on est toujours à la limite de la bâtardisation, son pendant négatif. L’iPhone est un hybride entre un ordinateur portable et un téléphone. L’ornithorynque est un bâtard entre le canard et le castor. Donc quand je vois un sport hybride comme ça, je suis toujours curieux de connaître l’histoire de son invention. Mais surtout ça déclenche une foule d’idées dans mon cerveau imaginatif comme un sport hybride entre le croquet et le rugby ou entre le ping-pong et le saut à l’élastique. Les possibilités sont infinies et le potentiel marketing de ces deux nouvelles inventions de mon cru virtuellement sans limites. Je m’y penche dés mon retour.

Par contre, il y a un signe qui ne trompe pas concernant la situation économique du Vietnam. Je suis en train de théoriser un lien bijectif entre le statut de pays développé et la pratique du jogging. Même dans les nombreux parcs de Hanoi ou de Saigon, quasiment personne (hormis peut-être l’expatrié européen ou américain) ne court bêtement après sa forme physique. Il m’est avis que c’est un besoin relativement haut dans la pyramide de Maslow. Je peux donc conclure de manière quasi certaine que le Vietnam n’est pas un pays développé.

CQFD.

HCMV District 1

Il était temps de quitter Da Lat, je vous l’assure. Je cherchais de la fraîcheur mais j’ai comme l’impression que c’est difficile d’avoir un juste milieu. Ceci dit, je n’étais pas plus enthousiaste que ça de découvrir la capitale du sud Vietnam. J’avais toujours en tête cette sinistre description que m’avais lancé le vieux touriste français à Hampi : « Ho Chi Minh Ville, c’est beaucoup trop américanisé ! ». Ça donne pas envie. Mais bon, il faut bien finir par quelque chose et de toute façon, mon avion pour l’Australie y décolle ce qui est une excellent raison pour y aller.

Après donc un nouveau trajet de bus couchettes avec son cortège de petits soucis rétrospectivement insignifiants (mal de fesse, froid et terrible envie d’uriner, par ordre croissant d’importance), j’arrive enfin dans l’ancienne Saigon en début de soirée. Comme je suis maintenant totalement immunisé contre la peur du deux roues, j’harangue un xe om qui glandait par là avec d’autres collègues et après un bref marchandage, tombe d’accord sur un prix. Nous partons donc joyeusement une fois l’adresse montré à mon chauffeur. Je dois avoir le don de trouver des hôtels impossibles mais il s’y met bien à trois fois avant de trouver le bon endroit. Pourtant, la rue est plutôt importante et le lieu quasi central. En tout cas on se quitte bons amis et il me demande de penser à lui pour d’autres courses demain. Peut-être, peut-être, on verra. Kam eun.

Maintenant que nous sommes à Ho Chi Minh Ville, laissez moi vous en faire une rapide présentation. La ville est en réalité un agglomérat d’anciennes villes, villages et faubourgs (un peu DSC_6136_DxOcomme Paris finalement) divisé en « districts ». Par exemple, le quartier central (qui doit correspondre à l’ancienne Saigon, j’imagine) est le district 1. Ça ressemble drôlement aux arrondissements français, maintenant que j’y pense. Je ne sais pas combien il y en a en tout, mais ce qui est sûr c’est qu’il y en a au moins sept. Je peux vous l’affirmer avec beaucoup de prestance car une cousine de monsieur Tran (mon référent Vietnam, rappelez-vous) a un petit café dans ce district. Je peux aussi vous affirmer que c’est beaucoup trop éloigné de mon hôtel, situé dans le district 1, pour mes petites jambes.

DSC_6139_DxOPuisque je vous parle de ce premier district, j’imagine que la remarque de ce cher vieux français concernant l’américanisation portait essentiellement sur celui-ci car c’est dans ce secteur que se concentrent la plupart des grattes ciels. Alors, autant vous le dire tout de suite, je ne suis pas vraiment d’accord avec lui. Si ça c’est de l’américanisation, il faut absolument qu’il aille aux États-Unis pour se resynchroniser. Certes, il y a quelques enseignes internationales comme Starbucks et KFC mais ce n’est pas non plus l’invasion, en tout cas, pas plus qu’en France. Plutôt que de parler d’américanisation, je dirai plutôt que HCMV (pour faire court), et surtout le district 1, pourrait éventuellement ressembler à une trépidante ville asiatique moderne comme Hong Kong ou certains quartiers à Tokyo. DSC_6135_DxOOn y voit de hauts immeubles modernes, de grandes affiches et des néons. A part ça, il n’y a pas de doute, on est au Vietnam. On trouve comme partout des petits restaurants et seul la plus grande présence de cafés branchouilles, bars sélectes et boites de nuits ainsi que de plus larges avenues diffère de Hanoi. Franchement, moi je ne déteste pas.

L’ambiance n’est pas la même que dans sa sœur du nord. Le centre cela semble plus moderne, plus trépidant, plus nocturne peut être aussi. On y sent peut être une énergie supérieure. Mais ça n’engage que moi. Je dis ça sans doute car j’ai réussi à acheter une alimentation de remplacement pour mon ordinateur portable (qui en plus d’avoir un faux contact extrêmement désagréable depuis maintenant plus d’un an commençait à émettre depuis deux DSC_6179_DxOsemaines des grésillements et de curieuses petites émanations de fumées nauséabondes) en moins de cinq minutes dans un grand magasin d’informatique le soir à vingt heures alors que j’avais l’impression que toute la ville était dans la rue avec tous les magasins ouverts. Attention, je ne sous entend pas qu’avoir les magasins ouverts est forcément moderne mais en tout cas, c’est très vivant, surtout qu’ici, même en centre ville, on trouve autre chose que des banques ou des grandes enseignes de mode. De plus, entre le brouhaha habituel du trafic et les appels à consommer claironné par des vendeurs, j’ai pu entendre vaguement quelques soirs des concerts en plein air (mais payants) d’une quelconque pop star ou d’un autre ersatz de la « Nouvelle Star ».

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Petit point néanmoins légèrement décevant, si, maintenant que j’y réfléchi. Un cours d’eau coule dans la ville et borde le district 1 par le sud. Il se trouve que ce n’est pas le Mékong mais un petit filet boueux du nom de Saïgon. Incroyable. C’est tout de même sidérant cette façon de ne pas exploiter pleinement le potentiel romantique de leur pays quand même. Saigon sur le Mékong, avouez que ça aurait eu autrement plus de gueule que Saïgon sur Saïgon ?

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Voici pour mes impressions générales. En ce qui concerne mes impressions détaillées, reportez-vous aux billets suivant. Kam eune.

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La folie des grandeurs

Je ne sais pas si vous vous rendez compte mais en réalité je vous manipule. D’une part car à l’heure où j’écris ces billets (au présent la plupart des fois, en plus, histoire d’entretenir une confusion chronologique permanente) je suis loin, très loin du lieu de l’action (magie de la narration et de l’imagination réunie) mais également car je distille les informations au rythme que je le souhaite. Par exemple, je ne vous avais point dit que Da Lat était également la résidence d’été des empereurs Nguyen. Quoi ! Des empereurs aine guyenne, tu dis ? Tu nous l’avais caché ! Mais plus jamais tu fais ça, espèce de dingo ! J’imagine votre réaction indignée et outrancière. Je vous ferai dire que si vous êtes si avide de connaissances ayant trait à l’empire, vous aviez qu’à vous sortir les appendices et aller voir sur l’internet. Je part donc du principe que je suis votre unique source d’informations, ce qui m’arrange bien car elles sont particulièrement erronées et parcellaires.

Hors donc, Da Lat est la résidence d’été des empereurs Nguyen et je ne veux entendre aucun bruit dans la salle. Je devrais même dire « fut la résidence d’été », car bien entendu, si vous avez un tant soit peu suivi l’histoire, il n’y en a plus à l’heure où je vous cause. Le dernier représentant de cette dynastie et d’ailleurs mort il n’y pas si longtemps en exil à Paris. On comprends mieux pourquoi ils ont fuit leur pays : ils étaient sérieusement acoquinés avec le gouvernement français, ce qui, à l’époque, était une sérieuse tare pour un quelconque avenir politique dans le Vietnam communiste. Mais arrêtons de vous assommer de faits historiques et géopolitiques qui n’intéresseront de toutes façon que les personnes brillantes et cultivées (Il est toujours bon de piquer régulièrement l’amour propre de son lectorat).

Ce charmant décédé parisien (même si ce n’était que de façon temporaire qui dure) nous intéresse particulièrement dans le cas présent car c’est justement lui qui construisit un palais sur les hauteurs de Da Lat. Moi, toujours en mission internationale de collecte d’idées décoration, je suis allé y voir de plus près. En plus, c’était drôlement bien pratique car la visite publique était autorisé moyennant un modeste tarif d’entrée.

De l’extérieur, soyons sincère, le bâtiment ne paye pas de mine. Point de statues de lions rugissants (alors que c’est prouvé que cela augmente notablement la valeur de votre bien immobilier) ni de colonnades torsadées. Le palais est sobre, tout en angle et d’une couleur jaune pâle, si ma mémoire ne me fait pas défaut. Il n’est pas non plus particulièrement grand, tout au plus un grand manoir bourgeois des années vingt. En tout cas, on est en plein dans cette époque. Autant vous dire que vue d’ici, on y voit aucune trace de culture vietnamienne. L’influence occidentale sur le jeune empereur, éduqué dans la modernité de l’époque, y est pour beaucoup. Mazette, ça aurait été bête d’être jeune, riche et puissant dans les années folles et de ne pas en profiter. Le bâtiment est situé au milieu d’un petit parc où pousse des pins, surplombant la ville.

DSC_6119_DxODans la cour, on peut admirer une petite sportive décapotable en piteux état ayant appartenu à l’empereur. Cela me rappelle la collection de véhicules automobile de Ho Chi Minh, visible à Hanoi. C’est curieux cette fascination pour les voitures des puissants, tout de même ? En terme de véhicule, vous pouvez également emprunter une calèche à cheval pour faire un petit tour.

Rentrons plutôt dans le palais. Vous aurez tout le temps pour faire un tour en calèche après, si vous le souhaitez. Avant toute chose, vous êtes prié de chausser des patins, ou plutôt des gros chaussons que vous enfilez par dessus vos chaussures. Ça donne l’air ridicule à tout le monde tout en accentuant le caractère digne de la demeure. C’est une idée qui mériterait d’être mis plus souvent en pratique, d’ailleurs. Si vous souhaitez avoir l’air digne, ridiculisez vos invités en les forçant à porter un accoutrement clownesque. Par effet de contraste, vous aurez automatiquement un aspect noble et impérial.

Et cet intérieur, alors ? Qu’en est-il ? Et bien il est du même acabit que l’extérieur, c’est à dire particulièrement sobre et art déco. Ça tombe bien, j’adore l’art déco mais je trouve néanmoins qu’il est particulièrement très sobre, jusqu’à en devenir quelconque. J’ai du mal à croire que ce palais est un jour été somptueux. En vérité, on a plutôt l’impression que c’était une maison familiale, simple et sans fioritures doté du confort moderne, certes, mais sans chaleur. C’est peut être impressionnant pour un vietnamien, mais pour un européen, c’est particulièrement décevant.

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Heureusement, il reste quelques meubles d’époque ainsi qu’un grand nombre de photos permettant de se replonger dans l’ambiance. Je dois avouer que ce fameux « dernier empereur », bien qu’étant très légèrement joufflu, avait la grande classe. Des photos de lui habillé en costume blanc et Ray Bans, cheveux gominés en arrière sous un panama clair sont particulièrement avantageuses. Aaah, on savait s’habiller à l’époque. Ceci dit, sous une chaleur tropicale, ça ne devait pas rigoler tout les jours.

Donc, pour ce qui est de l’ostentatoire et de l’extravagant, il ne faut pas se tourner vers l’empereur, pas assez décadent à mon goût. Je peux donc vous proposer d’aller faire un petit tour à l’autre site d’intérêt architectural de Da Lat, « Crazy House », nettement plus baroque. Crazy House, pour faire simple, est l’œuvre d’une architecte vietnamienne contemporaine (l’endroit est d’ailleurs toujours en construction) qui se trouve être la fille d’un important cacique du parti communiste. L’anecdote n’est pas anecdotique car les méchantes langues disent que si elle a pu pendant toute ces années construire son horreur en toute impunité, c’est un peu la faute à papa. Pour ceux qui connaissent « La Demeure du Chaos » dans les environs de Lyon, c’est quelque chose d’un peu similaire dans la démarche bien que le style soit différent.

DSC_6128_DxOLaissez moi réfléchir. Comment décrire la chose? On pourrait voir ça comme un croisement entre la maison d’Hansel et Gretel, la Demeure du Chaos et la reine dans Alien. Geiger rencontre Grimm rencontre Thierry Ehrmann, vous voyez ? Fort heureusement, j’ai pris quelques photos car comment dire l’indicible, je vous le demande ? Bon, soyons franc, c’est un style que l’on pourrait qualifier de tranché. Il n’est pas rare que l’on déteste mais il n’est pas inconcevable que l’on aime. En ce qui me concerne, je pense qu’encore une fois, dans l’ensemble, il y a bien une ou deux idées décorations à picorer à droite, à gauche,DSC_6132_DxO en haut ou en bas. Oui car cette maison (je ne vous l’ai pas dit?) est faite de multiples petits recoins joins entre eux par des escaliers ou des passerelles qui forment un perturbant dédale en trois dimensions. J’adore le concept des petits recoins (sans vouloir me vanter j’en avais parlé à une amie architecte il y a dix ans) où se planquer pour lire un bouquin mais j’avoue être moins fan de sa transcription.

Fait amusant, il est possible de louer une chambre pour une nuit. Je pense qu’il vaut mieux éviter de s’y réveiller de peur de mourir terrorisé à la vue des sculptures d’animaux au regard dément qui DSC_6130_DxOse trouvent dans chacune des chambres d’amis. C’est d’ailleurs comme cela qu’on les repère : la chambre de l’ours, la chambre du rêne et ainsi de suite. Je vous rassure, la propriétaire n’est pas une perverse sadique (pas en public en tout cas) et a charitablement inclus un cabinet de toilette dans chaque chambre. Je n’ose imaginer le nombre de visiteurs qui déféqueraient dans les-dits recoins, à bout après deux heures de déambulations fiévreuses à la recherche des toilettes, si ce n’était pas le cas. J’entends les mauvaises langues persifler qu’un ou deux étrons ne changeront rien à l’affaire.

L’ensemble, et je vous l’ai déjà dit, est toujours en cours d’évolution. Je me suis donc trouvé nez à nez avec un ouvrier, dans un chantier en traversant un pont en planches, alors que je cherchais la sortie. Ce fut ma fois fort intéressant au demeurant car j’ai pu constater que l’ensemble était construit en briquettes et béton sur armature métallique. De la très belle ouvrage. Là encore, transposons ça en France et imaginons les hoquets d’horreur de la commission sécurité en charge de la validation pour ouverture au public du lieu. Moi, je vous le répète : d’autres lieux, d’autres angoisses.

Soirée tchèque

Il pleut encore à Da Lat et quand ce n’est pas le cas, il fait gris. Et comme nous sommes toujours à environ 1400m d’altitude, avec cette météo, les températures sont un peu fraîches. Après une bonne douche à mon retour de cette marche dans la jungle, j’attends que les deux anglaises, Gilly et Anne-Marie, passent me prendre pour aller prendre un verre en ville. Mon seul soucis est que je suis obligé de me chausser de mes gougounes / schlappe / slache / claquettes / tongues sous ce temps breton. Mon autre paire de chaussure est généreusement couverte d’un centimètre de glaise humide que j’hésite encore à nettoyer dans la douche de ma chambre de peur de boucher les tuyauteries.

A l’heure prévue, je suis récupéré par le duo britannique (encore un bon synonyme pour les deux anglaises. A ce rythme je suis bon pour devenir journaliste sportif) et nous nous dirigeons vers la sorte de place centrale de la ville pour rencontrer un trio que Gilly et Anne-Marie ont rencontré dans leur bus en provenance de Ho Chi Minh. Je suis difficilement avec mes chaussures inadaptées sous la pluie et le froid. Mais nous voici rapidement six et, après les présentations d’usage, partons à la recherche d’un quelconque bar un peu sympathique.

Je vais donc tenter de vous décrire ce petit monde. Premièrement, car c’est un peu l’organisatrice de la soirée, Gilly, cheveux blonds mi-courts, taille moyenne, dynamique. Nous avons ensuite sa comparse, Anne-Marie, cheveux châtains longs, taille moyenne, boulote et beaucoup plus enjouée et bavarde maintenant qu’elle est en territoire familier. Voici pour le quota grands-bretons de la soirée. L’autre consiste en trois tchèques, un gars et deux filles. Pour commencer, Eva, la plus jeune, une grande et costaude jolie blonde aux cheveux longs en queue de cheval, d’allure sportive. Ensuite, Susanna, une aussi grande brune aux cheveux mi-courts avec un petit air de garçon manqué. Pour finir, David, un autre grand brun, cheveux courts et petites lunettes intellectuelles.

Après un début de bavardage un peu timide pendant lequel Anne-Marie, avec un enthousiasme proportionnel au soulagement d’y avoir survécu, commence à raconter sa journée de randonnée, nous nous posons dans un bar désert. On ne peut pas dire que Da Lat soit le rendez-vous des fêtards et la plupart des établissements ferment relativement tôt. Nous commandons des bières (entre des tchèques et des anglais, ça semble relativement naturel) et entamons enfin les véritables présentations.

Dans la catégorie « personnes étonnantes », en voici encore trois des plus sympathiques. Mais avant de commencer, j’apprends que Gilly a effectué, il y a quelques années, deux mois de volontariat humanitaire au Cambodge pour faire de la rééducation de personnes handicapées. Encore quelqu’un qui force le respect.

Revenons donc à nos trois tchèques. Tout d’abord David et Susanna sont ensembles. Quand à Eva, c’est une jeune copine de leur club d’escalade de Prague. Il est vrai qu’elle a l’air un peu plus timide que les deux autres qui ont, soyons clair, chacun un aspect de vieux baroudeur malgré leur petite trentaine d’années d’âge. Alors que nous nous vantons d’avoir traversé la jungle hostile pendant notre journée, ils nous annoncent avoir parcouru environ 150km sous la pluie sur des motos louées, autour de Da Lat, le tout avec de grands sourires. « C’était amusant », conclut Susanna. En voilà trois pour qui le sens de l’aventure ne fait pas défaut. D’ailleurs en continuant à parler de moto, David et Susanna nous racontent quelques anecdotes en deux roues vécus en Iran, pendant un précédent voyage. « L’Iran, voilà qui est original », fais-je remarquer.

  • Pourquoi pas ?, demande Susanna, un brin sur la défensive
  • Non, mais il faut bien avouer que ce n’est pas non plus une destination touristique majeure, ajoute avec un sourire Gilly
  • Oui, peut-être, conclut Susanna en regardant David avec un petit sourire fier.

Ces deux là m’ont l’air de vrais aventuriers, et notamment Susanna qui nous liste ses pays visités : Inde, Syrie, Iran, Bulgarie et Roumanie. Pour les deux derniers, je me doute qu’il s’agit d’une destination naturelle car limitrophe pour des tchèques. Par contre, pour la Syrie, voilà qui est encore original. Inutile de préciser que chaque voyage se fait dans des conditions routards et pendant un mois minimum. Toujours avec un air mi-modeste, mi-espiègle, elle nous raconte la fois où elle a fait de l’auto-stop en Iran en se faisant récupérer par un camion de marchandise. Le chauffeur, un peu fatigué, lui a laissé le volant. Admettez que ça change de l’anecdote un peu plus convenu concernant un incroyable restaurant où on vous a servi du saumon avec du ketchup (Non mais du « ketchup » ?! Je rêve !). Tout de suite, c’est difficile de rivaliser. Néanmoins, j’arrive à les faire rire quand je leur raconte mon accident et ma panne d’essence d’il y a deux jours. Comme quoi, encore une fois, la vie n’est qu’une collecte d’anecdotes à partager avec les autres. A condition qu’elle ne vous tue pas, bien entendu.

Pour ce qui est de leur occupation, car il faut bien avouer que, moi, je trouve ça toujours intéressant de savoir ce que font les gens pendant la plus grosse partie de leur journée, j’arrive à glaner que David est psychologue et Eva étudiante en dernière année de mathématiques (une tête bien faite, en plus). Quand à Susanna, au cours de la conversation, j’apprends qu’elle a arrêté ses études et qu’elle travaille dans le milieu de l’informatique à faire des tests. Voilà qui rajoute un peu à son côté rebelle.

Cette soirée s’annonce terriblement intéressante et nous changeons de bar en quittant me deux collègues de randonnées. La fatigue se fait sentir et Anne-Marie commence à se ressentir de sa terrible journée. Je leur souhaite bonne chance pour la suite et poursuit avec le trio tchèque vers un autre bar un peu plus animé. Selon toute vraisemblance il est tenu par un anglo-saxon et la clientèle, un peu plus nombreuse. Pendant encore quelques heures nous discutons de tout, un sujet menant à l’autre, et je suis périodiquement impressionné par l’incroyable absence de peur et d’angoisse de David et Susanna. Peut-être est-ce de la bravade mais je trouve ça rafraîchissant. Eva, quand à elle, semble beaucoup plus raisonnable et timide en comparaison, mais à côté des deux autres, tout le monde le serait. Pour ajouter encore à cette ambiance cosmopolite et rebelle, nous sommes rejoint pendant un moment par la serveuse qui nous apprend être américaine. En vacances pendant quelques mois au Vietnam, elle aussi en mode improvisation, elle s’est arrêté à Da Lat après un coup de cœur pour le bar et la ville. Elle ne semble pas pressée de continuer, en tout cas.

Finalement, vers minuit, légèrement éméchés, alors que tout les autres bars et restaurants sont fermés depuis deux heures, nous décidons de rentrer. Après de sympathiques aux revoir et remerciements, je repart vers mon hôtel. Une bien jolie soirée.

Mais je crois bien que je m’y suis pris à deux fois pour retrouver mon chemin.

Marcher dans la boue

Il pleut. Il crachine. Il drache. Il bruine. Bon ceci dit, ce n’est pas une raison pour se laisser abattre, nom d’une pipe ! Fallait bien que ça arrive un jour ou l’autre, surtout que la mousson, on ne peut pas dire qu’elle soit hyper-présente jusqu’ici. Alors qu’est-ce qu’on fait dans ces cas là, lorsqu’on est dans une station climatique et qu’il fait un temps dégueulasse ? Hein ? Oui. Ok. On va au casino. Certes. Là, ça n’est pas possible car il n’y en a pas. Moi, j’ai décidé d’aller faire une randonnée à la journée dans les hauteurs environnantes. Tant qu’on y est, autant y aller à fond. De plus, je vous ai légèrement menti par omission, mais Da Lat, de nos jours, est également une destination pour toutes sortes de sports d’aventures et d’extérieurs, saut à l’élastique exclu.

Pour être tout à fait exhaustif dans mon exposition des faits, ma première intention, louable et originale, j’estime, était de faire une randonnée équestre dans les environs. Avec un tibia gauche un peu amoché, je trouve que c’était drôlement raisonnable car mon choix initial, mûrement planifié la semaine précédent cette fameuse sortie scooter, se portait plutôt sur une ballade en VTT. Je me suis donc arrêté chez un des nombreux organisateurs de sorties qui ont pignon sur la même rue pour réserver une petite balade équestre. Manque de pot, il se trouve que j’étais manifestement le seul pour qui l’idée de se balader à dos de canasson avait le moindre attrait et la charmante dame du magasin à du annuler la sortie, faute de participants. Je me suis donc rabattu sur une « bête » sortie à pied autour d’un lac et dans la jungle, de difficulté moyen / débutant, histoire de ne pas prendre trop de risques. Pour être encore plus prudent, je demande l’état du chemin avec la pluie pour éviter la rando galère sur terrain glissant. Elle me rassure. Les pluies ne sont pas très fortes donc le chemin devrais être parfaitement praticable. Si elle le dit.

Le matin de la sortie, le ciel est bas, gris et menaçant. Mais il ne pleut pas. J’attends dans le hall de l’hôtel qu’on vienne me chercher, portant pour la première fois depuis mon départ mon pull en polaire et mon blouson. A l’heure prévue, un mini-bus s’arrête devant et un jeune vietnamien dynamique, à l’allure sportive descend et pénètre dans le hall. C’est mon guide. Je monte donc dans le mini-bus et nous repartons. Pour une fois, j’ai été laxiste et faute d’avoir noté son nom, je ne parviens pas à me souvenir de son prénom. Appelons-le Vu, et ne cherchez pas, il n’y a aucun jeu de mot. Un deuxième guide, en plus du chauffeur est également présent. De la même manière, je ne me souviens plus de son nom. C’est lamentable et inexcusable. Appelons-le donc Tien. Voilà. Ou Justin si vous préférez, peu importe.

Donc Vu parle un excellent anglais. Qui plus est, en cinq minutes, je le trouve déjà très sympathique. Il est enjoué, souriant et rigole facilement. Quand à Tien (ou Justin si vous avez choisi l’option B) son anglais étant beaucoup plus hésitant, il est plus réservé, mais tout aussi souriant. Nous nous arrêtons une nouvelle fois devant un autre hôtel et je vois entrer deux jeunes femmes. Vu referme la porte coulissante et, après avoir repris sa place sur le siège passager, se retourne pour nous faire un rapide topo de la journée. Nous ne serons donc que trois touristes. Ça c’est chouette. Moi, je préfère les petits groupes et on peut dire sans mentir que le taux d’encadrement est exceptionnel : deux guides pour trois.

Chacun se présente et je salue donc Gilly et Anne-Marie, deux anglaises en vacances pendant deux semaines. On papote donc pendant le trajet jusqu’au point de départ de la randonnée. Les deux viennent d’arriver il y a quelques jours à Ho Chi Minh et commencent à peine leur remontée vers le nord. C’est donc l’occasion de leur donner mes impressions et mes coups de cœurs. Elles sont très sympathiques et avec Vu qui rigole facilement, l’ambiance est déjà détendue avant d’arriver à destination.

On reçoit donc un petit résumé du parcours ainsi que certaines recommandations un peu plus originales : il y a des sangsues partout sur le chemin. On nous fait passer chacun à notre tour un répulsif sauf forme de baume gras que l’on vient appliquer généreusement sur le bord de nos chaussures. Ça change des moustiques. Au passage, si on fait un rapide tour d’horizon de l’équipement de chacun, je constate que je suis le seul à avoir des chaussures qui pourraient passer pour des chaussures de marche dotées de vagues crampons. Les deux anglaises sont en chaussures de jogging et nos deux guides en petites chaussures de toiles à semelle plates, sans chaussettes. Les chaussettes et les crampons, c’est manifestement pour les fillettes, ici.

Nous prenons donc le chemin, encadrés par les deux guides, et on continue les présentations. Gilly est physiothérapeute (donc j’avoue ne pas avoir une idée très précise de ce que c’est) et Anne-Marie, étudiante en dernière année. Nous en venons à parler système de santé et mis en confiance par l’aspect ouvert et sympathique de Vu, lui demande comment cela se passe au Vietnam, vu le régime politique que je crois être légèrement socialiste. Je met donc quelques pincettes pour ne pas l’effrayer mais, de manière surprenante, il nous répond sans fard ni gêne. Manifestement, il y a des années, le système était effectivement gratuit pour tout le monde mais récemment, les choses se sont légèrement libéralisées. Hormis les plus pauvres, la plupart paye le prix fort pour se faire soigner.

Nous entamons une montée à travers une végétation qui devient un peu plus dense et humide. Sans vouloir critiquer, je constate que les prévisions de l’organisatrice étaient légèrement optimistes. Le chemin est légèrement glissant et boueux. Je redouble donc de prudence pour éviter de tomber sur ma jambe blessée.

La conversation se poursuit en pointillé, entre deux respirations et il devient rapidement évident qu’Anne-Marie est devenue taciturne. Sans vouloir faire dans le cliché, il faut bien avouer qu’elle ne m’avait pas frappé par son physique de marathonienne. On peut même dire sans mentir qu’elle est plutôt boulotte, au minimum. Néanmoins, là n’est pas la véritable cause de son rapide passage en apnée dans la montée. Entre deux goulets d’air, elle commence à pester contre son amie : « Tu… m’a…vais… dit… que… ce… se…rait… fa…cile ! Hhhhhhhhhhhh. C’est… la… pre…mière… fois… que… je… fais… de… la… Hhhhhhhhhhh… ran… do… nnée ! ». A son aspect rouge pivoine (comme le veut l’expression consacrée), nos deux guides commencent à se retourner, légèrement inquiets.

Vu propose donc une pause pour éviter de la perdre dés la première petite montée. A sa décharge, une montée rendue légèrement glissante par la pluie devient rapidement plus exigeante physiquement. Une poignée de minutes plus tard, nous repartons, toujours dans une végétation humide faite de hautes herbes, arbustes et fougères sous de grands arbres qui nous bouchent le ciel gris, et toujours en légère montée. Nous reprenons notre tranquille papotage entre Vu, Gilly et moi, ce qui me fait penser un instant à l’incroyable torture morale que cela représente pour Anne-Marie. Il n’y a rien de plus déprimant que deux lourdauds qui papotent comme si de rien n’était dans une montée lorsqu’on est au bord de l’asphyxie. Bon, si elle survie, elle en rira dans dix ans. C’est d’ailleurs ce qu’on lui dit. « Rrrrrrhhh. No. I don’t think so ! », nous répond-elle. Aucun sens de l’humour, pfff. D’ailleurs, histoire d’ajouter à son malheur, la pauvre glisse et tombe sur les fesses un peu plus tard. On la sent légèrement épuisée.

Vu décrète donc une nouvelle pause et après quelques instants pour reprendre son souffle, Anne-Marie se plaint de nous ralentir. Tous en cœur, nous nions en bloque et j’ajoute même la réplique type de dé-culpabilisation « De toute façon, ce n’est pas une course ». Moi, je serai à sa place, je demanderai à ce qu’on aille se faire mettre. Pour que sa première expérience de randonnée soit totale, il commence à pleuvoir.

Nous repartons une nouvelle fois, en zigzaguant dans ce qui ressemble maintenant à une jungle, toujours encadrée par ces fougères et arbustes. Un instant je marche en regardant dans mon sac à dos pour chercher mon appareil photo, puis l’autre, je bascule par terre la tête la première. Tout le monde se retourne vers moi « Non, non. Tout va bien. C’est ma faute ! Enfin, vous auriez pu prévenir qu’il y avait cette bûche en travers du chemin à hauteur de genoux, quand même ! ». Ça m’apprendra à vouloir marcher tout en cherchant quelque chose dans mon sac. En tout cas, plus de peur que de mal, grâce au sol boueux. Comme ça, Anne-Marie se sentira moins seul. D’ailleurs, quelques minutes plus tard, c’est Gilly qui se retrouve sur les fesses après une glissade. Je dois avouer que nos guides en petites chaussures plates deviennent vite agaçants à ne pas glisser, eux.

Pendant une nouvelle pause, je me retrouve à côté de Tien (ou Justin) et dans son anglais approximatif on commence à discuter marche en montagne. Celle-ci est vraiment peu difficile en terme de dénivelé mais je vois bien à son air sec et affûté qu’il a l’habitude. Je lui fait donc remarquer de manière tout à fait innocente qu’il a la condition physique. « Pas comme celle-là ! », me répond-il, souriant, en pointant du doigt Anne-Marie, située à environ quatre mètres, tout en faisant une mimique de gonflement du ventre. Je croise les doigts pour que l’anglaise n’ai pas entendu mais voilà qui est typiquement vietnamien, cette absence totale de prise de gant.

Nouveau départ. Nouvelle avancée dans un terrain un peu moins pentu mais toujours aussi détrempé et touffu. Anne-Marie respire un peu plus mais la fatigue aidant, sa démarche est toujours aussi peu sûre. J’essaie de lui donner quelques conseils pour trouver de bonnes prises au sol mais il faut bien avouer que, dans ces cas là, on a tendance à être un peu bougon. Toute suggestion n’impliquant pas l’action « arrêter » ou « rentrer » est tout de suite perçu comme de la provocation.

Sans mentir, car sinon ce serait beaucoup moins drôle, nous levons tous les yeux au ciel en poussant un soupir, du moins en pensée j’en suis sur, lorsque un peu plus tard elle se met à pousser des cris en sautillant : « UNE SANGSUE ! UNE SANGSUE SUR MA JAMBE !! ». Effectivement, une petite sangsue s’était gentiment accrochée à son mollet dodu. J’aurai fait pareil. Vu accourt et sortant son répulsif vient en appliquer un bout sur la bête qui tombe instantanément. Inutile de préciser que l’anglaise est à ce moment là au bout du roulot. Gilly lui prend alors les mains et, tout en la fixant dans les yeux, lui répète un mantra pour la calmer : « Tu peux le faire ! Si. Si, Anne-Marie, ne pleure pas. Tu peux le faire. » Bon sang, c’est comme dans un film sauf qu’on a pas le droit de rire. D’autant plus que je suis en pleine empathie. Des souvenirs de sorties VTT pourries dans la boue à ne plus pouvoir pédaler, épuisé alors qu’il reste encore cinq kilomètres à faire avec deux athlètes surentraînés qui me précèdent en riant, me reviennent en mémoire. Oui, monsieur Eric C. de Venerque, c’est de vous que je parle.

Notre guide nous assure que la montée est presque terminée et après quelques minutes pour se reprendre, nous repartons tranquillement. A partir de là, la marche devient effectivement un peu moins physique. Malheureusement, nous entamons la descente à travers la jungle et le rythme ralenti pour ne pas glisser. Je profite que chacun ai récupéré son souffle pour reprendre la discussion avec Vu. Cette fois-ci je décide de l’asticoter sur le permis deux roues. On en apprend de bonnes à ce sujet. Bien que l’âge légal est de dix huit ans, de nombreux vietnamiens commencent à conduire une mobylette en dehors de la route un peu plus tôt. Pour ce qui est du permis, c’est quasiment un sketch. Ils passent un gros test théorique aux questions un peu bateaux, sans doute en rapport avec le code de la route (qui existe, si, si) puis un petit test pratique qui consiste plus ou moins à faire un huit entre deux plots. Trois cents kDongs plus tard, vous êtes détenteurs d’un permis officiel et vous pouvez commencer à transporter des cochons morts sur la nationale à bord de votre pétrolette.

Fort de mon expérience (mi-malencontreuse), je fait remarquer à notre guide que, bizarrement, en tant que touriste je n’ai jamais eu à montrer mon permis lorsque j’ai eu à louer un deux roues. En théorie, d’après lui, les policiers pourraient nous arrêter et l’exiger. Sauf, qu’ils ne le font pas parce qu’ils ne parlent pas anglais. Il nous dit ça avec le sourire et un brin d’espièglerie et j’ai la sensation que lui et Tien sont beaucoup moins respectueux des autorités et du gouvernement. Peut-être cela correspond-il à se que Annah m’avait dit concernant les gens du sud Vietnam, qui percevaient encore le pouvoir d’Hanoi avec un œil critique et ironique.

DSC_6105_DxOFinalement, nous nous arrêtons pour le déjeuner. Nos deux guides sortent une nappe et y posent les ingrédients pour les sandwichs : pain, tomates, jambon, oignons et… Vache qui Rit. Voilà qui est surprenant, d’autant plus que c’est sous-titré en vietnamien. De manière amusante, quelques semaines plus tard, je découvrirais des boites de « Laughing Cow » en Australie. C’est triste (moi qui n’aime pas ça) mais il se pourrait bien que ce soit notre plus grand produit d’exportation après le vin. Nous finissons le repas avec quelques fruits frais, notamment du « fruit du dragon » ou pitaya à l’aspect si coloré. Anne-Marie retrouve une respiration normale ainsi que la parole, l’un n’allant pas sans l’autre.

Nous finissons de traverser la jungle tout en descente, en traversant parfois quelques petits cours d’eau ou la peur de la sangsue devient plus présent. Accessoirement, nous commençons à porter DSC_6107_DxOquelques kilos supplémentaires de boues à nos chaussures. Nous émergeons enfin à l’air libre dans un petit vallon où Vu nous montre un champs de petits arbustes aux baies vertes. « Qu’est-ce que c’est à votre avis ? », nous demande-t-il. Moi qui suis toujours un peu fayot et qui ai un peu potassé mon Lonely Planet répond : « Un cafetier ? ». Bingo. J’avoue que c’est assez amusant de voir pour la première fois ces plantes qui fournissent une des boissons les plus bues de la planète et sans qui l’économie tournerai au ralenti ou du moins, sans qui une partie des employés de bureau non-fumeurs travailleraient sans discontinuer. A Da Lat, d’après notre guide ils font pousser de l’arabica et du mocca. Moi ça me rend heureux car ce soir je dormirai moins con : je ne savais pas que le mocca était une variété de café.

Finalement, le plus dur est derrière nous et nous marchons tranquillement d’un pas alerte et joyeux ponctué par notre discussion, sautant du coq, à l’âne puis au canard, que l’on croise sur une petite mare. C’est l’occasion de parler confit de canard et cuisson lente, histoire d’entretenir la légende que les français ramènent tout à la bouffe. D’ailleurs en parlant de volaille, nous finissons la randonnée dans un village célèbre dans les environs pour sa magnifique statue en béton représentant une poule. Oui, le gallinacé.

Comme je voit que ce billet et bientôt terminé, j’en profite pour vous en narrer l’histoire. Dans ce village, la minorité ethnique y vivant (dont j’ai complètement oublié le nom, pour changer, mais elle doit certainement faire parti des 54 répertoriées) a comme sympathique et originale coutume d’exiger d’une future mariée de présenter une dote à la famille du futur marié. Oui, vous avez bien lu. Ils font les choses dans l’autre sens par rapport à ce qui est généralement usuel. En clair, c’est la mariée qui demande la main au marié. Mais qu’est-ce que j’aime ce pays, nom d’un chien ! Pardon.

Bref, une jeune femme dans un temps ancien, amoureuse d’un jeune homme, alla voir sa famille pour lui demander sa main.

« Wo ! Famille ?! »

  • Oui ?
  • Vaz-y, kèsse tu veux pour ton keum, là ?

Je ne sais pas pourquoi, il me vient tout de suite des images de Diam’s d’avant sa conversion islamique quand j’imagine une jeune et jolie vietnamienne dans cette situation. C’est parfaitement ridicule mais le subconscient est ainsi fait qu’il est généralement complexe et surprenant. Poursuivons.

« Euh… je ne sais pas trop… », répondit la famille du jeune non encore promis.

Il faut dire que cette famille voyait d’un très mauvaise œil cet union, pour une raison que ma mémoire ignore. Je ne sous-entend absolument pas que Diam’s est l’archétype de la belle-fille que l’on voit du mauvais œil, quel qu’il soit. Plutôt que d’exposer frontalement son désaccord, ce qui aurait été une chose mûre, adulte et réfléchie, la famille du jeune homme, légèrement hypocrite, décida d’exiger une dote parfaitement impossible à trouver : une poule munie de non pas un, non pas deux, mais tenez vous bien, trois ergots (ouuf! Les guedins!). Comme je vous sais tous d’origine rurale, je ne vous ferez pas l’affront de vous rappeler que des poules à trois ergots, c’est aussi commun que des poules avec des dents. Moi, je ne savais déjà pas qu’elles pouvaient en avoir deux, alors trois. Ça et le mocca, je me sens vraiment moins con. Pendant des semaines, des mois voir des années pour que vous sentiez vraiment à quel point cette jeune fille donna de sa personne, elle parti à la recherche d’une poule à trois ergots. On aurait pu lui demander de trouver un banquier sincère que la tâche n’en aurait pas été moins rude. La malheureuse en mourru.

En souvenir de cette triste histoire, qui devint légende, on érigea dans le village des deux protagonistes une statue gigantesque d’une poule à trois ergots. Par gigantesque j’entends ayant au moins deux mètres de haut. Pour que ça soit encore plus classouille, et parce qu’on avait sans doute vu Versailles, on l’a conçu pour que, fontaine, elle cracha l’eau de la source par son bec. On choisit les plus beaux matériaux, en l’espèce, un béton cellulaire de la meilleure gamme de chez Lafarge. Ce devait être drôlement bôôôôô même si j’estime que le risque n’était point négligeable que cela n’évoque un poulet rendant son déjeuner. Fort heureusement, la fontaine tomba en panne quelques années plus tard et, par paresse, par manque de fond, la légende reste muette sur ce sujet, on ne la répara point. L’Art aquifère perdit un enfant mais on escamota à tout jamais le quiproquo.

Et sinon tout le monde rentra sains et saufs à son hôtel.