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Des ailes verticales

Comme le disait (et je crois bien qu’il le dit encore) quelqu’un de ma connaissance, « on n’est jamais à l’abri d’une bonne surprise ». Cette adage vient de se vérifier une nouvelle fois. Je viens de découvrir un sport et je le trouve passionnant. Le seul ennui, c’est que si je m’y consacre pleinement, il va falloir que je change légèrement mon accoutrement, polo, bermuda, mocassins et chandail consciencieusement négligemment jeté sur les épaules, les manches nouées autour du cou. Ça m’embête bien car on risque de croire que je suis originaire de la banlieue ouest de Paris, ou pire d’Ecully (ça, si vous n’êtes pas Lyonnais, elle vous passera au dessus de la tête). Ceci dit, j’ai bon espoir que cet accoutrement soit démodé au vu de ce que je vais vous raconter incessamment bientôt, là, juste quelques lignes plus bas. Mais avant, un petit rappel.

Je suis actuellement à San Francisco et je me ballade le long des quais. Voici pour le contexte général. Il se trouve, par un heureux hasard qui, selon que l’on soit plus ou moins croyant et selon là-dite croyance, n’en ai pas (en ce qui me concerne, c’en est un), de manière concomitante à mon séjour saint franciscain, un grand événement sportif mondial a lieu dans cette belle ville californienne. N’étant pas un sport populaire au sens « accessible aux gens de classe moyenne inférieure », il est fort probable que vous n’ayez pas été averti de cela mais, si vous lisez un tant soit peu un quelconque quotidien sportif, vous voyez de quoi je parle. Pour les autres, je vous parle de la Coupe America.

Alors la Coupe America, soyons cru, je m’en fout. Généralement, je passe mon chemin lorsqu’on m’en parle. Voir deux richissimes équipes s’affronter sur des voiliers prototypes tous les 3-5 ans (c’est même pas régulier, pfff) à des vitesse d’escargot, voilà quelque chose à mon sens de parfaitement non télégénique et réservé à des initiés fortunés. Déjà, à la base, moi, les régates, je trouve ça chiant, excusez mon langage. Si au moins ils avaient le droit de partir à l’abordage, ça aurait du chien. Mais non, ils se contentent de faire des aller-retours entre deux bêtes bouées.

Vous n’êtes pas sans savoir, si vous lisez ce blog depuis quelque temps (et Vishnu sait que sa rédaction traine), que je suis actuellement plongé dans les palpitantes (quoique répétitives) aventures de Richard Bolitho, natif de Falmouth en Cornouaille, et présentement commodore à bord d’un trois ponts après avoir commandé frégates et goélettes. Je suis donc, depuis le temps, légèrement sensibilisé à la chose marine, bien que je ne comprenne toujours rien aux manœuvres qu’ils effectuent. Pour vous dire, je hoche la tête d’un air entendu à ces passages alors que je pige que dalle. Ce qui m’importe c’est de savoir quand le premier boulet sera tiré. Ce que j’ai noté, par contre, c’est l’incroyable largesse temporelle que se permet l’auteur, Alexander Kent. D’une sidérante nonchalance qui frise le mensonge, il résume l’approche de deux frégates entre le moment où Dick Bolitho l’aperçoit de sa longue vue et les premiers tirs de canon, action qui dure facilement une heure vu le train d’escargot de ces grosses masses flottantes (et encore, je vous parle d’un cas où le vent est favorable), en une phrase anodine. Certes, la narration s’en trouve plus nerveuse, et je l’en remercie pour cela. Mais j’ai bien noté que la voile, c’est un peu emmerdant quand même, excusez mon langage, surtout en cette époque de ski extrême, base jump et autres sports hyper véloces.

DSC_8263_DxODétrompez vous. Moi, je me suis détrompé alors mettez-y du votre. Ça c’était la voile de papa (voir même d’arrière arrière grand-papa dans le cas de Richard Bolitho). Les voiliers de classe America d’aujourd’hui, ça envoi du steak, ça claque sa mère et ça déboite la tête. On a, de plus, largement amélioré la qualité de la retransmission télévisuelle par le biais d’infographies superposées aux images d’hélicoptères. Laissez moi vous convaincre.

Fini les bêtes voiliers en bois. Depuis une dizaine d’années, ces bestiaux sont en matériaux composites. Fini les monocoques. Depuis une dizaine d’années ce sont des catamarans (deux coques) effilés comme des rasoirs. Fini les voiles. Depuis quatre ans, ils sont à moteurs. Non je plaisante, quoique. La grosse révolution depuis quatre ans c’est que ces voiliers n’en sont plus vraiment vu qu’ils n’ont plus de voiles. On continu de les appeler ainsi car ils se meuvent avec le vent. Non, le truc dingue c’est qu’ils ont une immense aile verticale rigide, comme un avion, à la place de toute la toile d’antan et, pour encore plus de spectacle, des foils. Des foils ce sont de sortes de petites ailes sous l’eau qui avec la vitesse, soulèvent le bateau jusqu’à sortir la coque de l’eau. On alors l’impression vivace de bateaux volants au dessus de l’eau.

DSC_8262_DxOCes fins mastodontes de carbone arrivent à filer à 45-47 nœuds (soit entre 80-88 km/h) avec vent favorable et 25-27 (45-46) en défavorable. On approche des 100km/h et ça commence à avoir de la gueule d’autant plus que ces bateaux légers sont hypers réactifs et les frégates ressemblent par moment à des chassé-croisés entre formules 1. Pour vous donner une ordre de grandeur, un hors bord monte typiquement à 100-110km/h sur l’eau. Ça tape fort et on comprend alors pourquoi les régates de Coupe America ne peuvent se tenir que dans des conditions étroites de météo. Des caméras embarquées permettent d’apprécier le travail hyper physique des équipiers sans cesse à régler les paramètres du bateau dans un environnement sonore cacophonique. Ces coques hyper rigides en carbone propagent tous les sons de choc et de grincement sans atténuation. Pour vous dire, les marins à bords portent casque et combinaison de protection comme les motards.

C’est donc, alors que je remonte Embarcadero, que je note de l’activité sur un quai avec des grands panneaux « America’s Cup ». C’est, de plus, la finale entre une équipe américaine et une autre néo-zélandaise. Bon, si on cherche un peu la petite bête, on constate que c’est quand même pas mal une finale entre kiwis, la plupart des marins de l’équipe US étant néo-zélandais. Oui, c’est là que le sport est un peu fumeux. La nationalité de l’équipe est déterminée par celle du bateau ou plutôt par celle de l’équipe projet « Coupe America » menant à sa construction. Présentement, les américains sont sponsorisés par Oracle, c’est à dire par Larry Ellison, le richissime patron de la firme dont le siège social est quelques kilomètres plus au sud dans la Silicon Valley (Le budget d’une participation à cet évènement de privilégié est aux alentours de 300 millions de dollars). Ils jouent donc quasiment à domicile.

Chose agréable, l’accès à la zone « Coupe America » est totalement gratuite. C’est donc sous un magnifique soleil que j’y pénètre et profite de l’ambiance festive au sein d’une foule importante mais supportable. Des écrans géants permettent de suivre la régate du jour et des expositions thématiques permettent de comprendre la physique de la voile ou l’histoire de la Coupe. Bien entendu, buvettes et restaurants sont présents, ainsi qu’un grand nombre de personnes, bien que minoritaires, en bermuda, polo, mocassins et chandails sur les épaules.

DSC_8255_DxOJ’ai vraiment un grand coup de chance car je suis présent pile-poil un quart d’heure avant le départ des deux régates du jour. Team Oracle est mené de plusieurs manches (la coupe se joue sur un nombre important de manches) et a la pression. Franchement, c’est passionnant, vif et stratégique. La retransmission permet de visualiser la zone de course en infographie qui court globalement du Golden Gate jusqu’à l’extrémité est de San Francisco avec Alcatraz posant la limite nord. La régate consiste logiquement à faire plusieurs fois (le nombre exact m’échappe) l’aller retour du quai de départ jusqu’au Golden Gate en revenant le premier. A 90km/h, ça va vite, mais le plus génial c’est de voir les choix stratégiques pour profiter au maximum du vent et des courants, notamment car l’île d’Alcatraz, en plus d’être esthétique, procure un abri du puissant courant rentrant dans la baie par l’embouchure du Golden Gate. Avec sang froid, Team New Zealand humilie les américains, arrivant en ayant creusé un trou de 1500m. Je quitte donc l’écran géant et me rapproche rapidement du bord du quai pour tenter d’apercevoir les bateaux rentrant à quai. Une aile géante dominant la foule devant moi traverse mon champ de vision à une vitesse surréaliste, dans un silence anormal malgré les hélicoptères qui bourdonnent loin au dessus de nous.

J’attends donc impatiemment la deuxième manche de la journée. Quelques minutes plus tard on nous apprend, avec consternation, que l’équipe américaine utilise son joker et jette l’éponge pour la journée, les pleutres. Les fesses encore rouges, quelques heures plus tard, ils annonceront même avoir viré leur stratège pour le remplacer par un autre. Je ne pourrai pas trop dire ce qu’il a fait de mal (et qui suis-je pour juger, marin d’eau douce). J’ai cru comprendre que tout c’est joué au premier virage (et je vous affirme que ces bestiaux virent à vitesse supersonique), l’équipe américaine ayant prise une option sud alors que les néo-zélandais remontaient plus au nord pour se mettre dans la zone sans courant derrière Alcatraz, les fiéfés rusés.

Avec ça, vous vous demandez qui a gagné au bout de toutes ces régates, hein ? Et bien figurez-vous que l’équipe américaine a progressivement rattrapée son retard les jours suivant pour finalement l’emporter 9 manches à 8. Si c’est pas du suspens, ça.

Embarcadero

Si vous êtes un minimum attentif ou avec un minimum de culture, vous savez que San Francisco est un port. Si ce n’est pas le cas, vous venez de l’apprendre. Je m’abstiendrai pour une fois de vous assommer de statistiques divers, surtout parce que je n’en connais aucune, hormis qu’il connu son DSC_8244_DxOessor à l’époque de la ruée vers l’or, logiquement, puis ensuite pendant la Seconde Guerre Mondiale (tiens, je met des majuscules pour marquer le coup). C’est par un matin ensoleillé que je part à la découverte des quais. Oui, bizarrement, je constate que le touriste est attiré par les ports et beaucoup moins par les aéroports.

Le port de San Francisco n’est plus un port industriel. Ne prenez pas cet air désolé, l’activité portuaire principale se trouve de l’autre côté de la baie à l’est, à Oakland. A San Francisco, les quais sont encore utilisés pour les ferries qui desservent les autres villes de la baie mais surtout pour le tourisme. L’ancien terminal a notamment été transformé en halles alimentaires où on peut trouver des produits bio locaux (ou « organiques » comme on dit aux Etats-Unis).

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En remontant ces quais d’est en ouest (et donc légèrement du sud au nord), en allant vers l’embouchure vers le Pacifique et le Golden Gate Bridge, on s’approche de plus en plus des zones touristiques. La rue longeant la baie porte le joli nom hispanique de « The Embarcadero ». A San DSC_8247_DxOFrancisco, il subsiste encore plein de références à cette lointaine époque quand la Californie faisait partie du grand Mexique. The Embarcadero tourne autour d’une colline du nom de « Telegraph Hill » reconnaissable par la tour cylindrique à son sommet. Le nom de cette tour est extrêmement facile à mémoriser puisqu’elle s’appelle la « Coït Tower ». Voilà, je ne crois pas qu’il soit nécessaire de faire un commentaire si ce n’est qu’elle a été érigée par un monsieur Coit pour célébrer les pompiers de la ville. Vous aviez l’esprit mal tourné.DSC_8251_DxO

DSC_8277_DxOLe sommet de l’activité touristique se concentre autour de Firsherman’s Wharf, l’autre nom du pier (quai) 39, où un grand ponton en bois supporte une ribambelle de magasins, restaurants et échoppes à touristes. Tout ceci est assez joyeux et au bout on peut parfois avoir la chance d’assister à diverses représentations tel que le magicien que j’ai pu voir. Si vous cherchez un souvenir un peu kitsch de la ville, c’est ici qu’il faut aller.

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DSC_8265_DxOSi au bout du pier 39 on tourne à gauche pour le longer de l’autre côté, face au Golden Gate Bridge au loin, il est impossible de ne pas s’arrêter à une des attractions majeurs de l’endroit. Enfin, je dis ça mais je suppose que ceux qui ne voient aucun intérêt dans les animaux sauvages passeront leur chemin. Peu après le grand tremblement de terre de 1989, des lions de mer de Californie (et non pas des otaries) se sont installés sur des pontons à côté du pier 39. Au fil des années, ils furent de plus en plus nombreux à venir ici régulièrement. C’est donc de façon totalement détendue qu’ils restent ici, au soleil, protégés par la loi, pendant qu’une horde DSC_8304_DxOde touristes les prend en photo. La vérité, c’est qu’ils sont incroyablement divertissants à regarder. Déjà, ils font un bruit du tonnerre avec leurs aboiements mais surtout, il y en a toujours un ou deux pour se chamailler. Généralement cela se traduit par un des lions courant partout sur SON ponton (de manière très maladroite, il faut bien l’avouer) pour empêcher qu’un de ses congénère (souvent têtu) se propulse dessus afin de pouvoir, lui aussi, profiter d’une petite sieste.

DSC_8296_DxODe Fisherman’s Wharf, on peut également faire une petite croisière d’une heure autour de la baie voir passer un peu de temps sur l’île d’Alcatraz, juste au large. Alcatraz, je suis sur que vous le savez, est l’ancien pénitencier fédéral, aujourd’hui devenu un musée. Je me suis contenté d’un petit tour en bateau jusqu’au Golden Gate puis autour de l’île ce qui est amplement suffisant pour revenir décoiffé. D’ailleurs, je vous glisse un petit conseil. Si vous souhaitez entendre les commentaires du guide, ne vous mettez pas dehors, le bruit du vent empêchant toute écoute. Voir ou entendre, il faut choisir. En tout cas c’est l’occasion d’une vue sur la ville.

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DSC_8315_DxODe retour à terre, je poursuit ma ballade toujours plus à l’ouest vers le quai 45 qui abrite trois attractions d’ordre historique potentiellement intéressantes. Tout d’abord, amarré au quai on peut visiter un véritable sous-marin de la Seconde Guerre Mondiale. Je confirme, ce n’est pas très grand à l’intérieur. Comme je vous sais friands de petites anecdotes inutiles, un sous-marinier n’avait le droit qu’à une douche par semaine. A la découverte de cette information, une adolescente américaine aux allures de lolita fait la moue dégoutée en crachant un « Groossssss » écoeuré. En voilà encore une qui a le sens des réalités.

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Un peu plus loin, on peut également admirer un Liberty Ship en parfait état. Ces bateaux sont des transporteurs construits à la chaîne pendant la Seconde Guerre Mondiale et vendus en masse aux alliés (notamment les Grands-Bretons) pour compenser les immenses pertes des convois transatlantiques. Finalement, côté à côté on trouve le chasseur, le sous-marin, et le chassé, le transporteur.

DSC_8306_DxOSi tout ce qui touche à cette période de l’histoire vous ennui profondément, ne partez pas tout de suite. Quasiment à l’entrée du quai, je vous invite à visiter le Musée Mécanique (en français dans le texte) dont l’entrée est gratuite. Il contient dans un joyeux fourbi de nombreuses machines à sous en tout genre et de toutes époques, des bandits-manchots jusqu’aux jeux vidéo des salles d’arcade des années 90. Toutes ces machines sont parfaitement fonctionnelles et on peut, une fois avoir fait le plein de « quarters » (les pièces de 25 cents), y jouer comme on veut. Ceci explique la gratuité du lieu. Avec joie, on peut donc admirer des bornes d’arcade mythiques tel que « Pole Position » ou « Donkey Kong » ou verser dans le voyage temporel en glissant une pièce pour admirer des scènes polissonnes (selon les critères de la belle époque) en relief. Si vous êtes plutôt morbide (Marylin Manson, c’est toi?), faites vous plaisir avec une exécution à la guillotine.

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Bon et puis comme toute cette marche, ça creuse, vous pouvez continuer encore plus à l’ouest le long de Jefferson Street. L’endroit concentre un nombre impressionnant de restaurants, notamment de fruit de mer. Si le temps est un peu grisonnant est frisquet, c’est l’occasion de manger un peu de « clam chowder » (chaudrée de palourdes en français, d’après Wikipédia), une sorte de potage de crustacés. Si vous êtes encore plus aventureux, vous pouvez même la manger sur le pouce farcie dans un gros pain. Moi, je me suis contenté de craquer pour un plat de crabe à l’ail et un verre de vin blanc. Ensuite, si la queue ne vous fait pas peur, vous pourrez tranquillement repartir vers downtown en vous accrochant à un cable-car. Moi, elle m’a fait peur. Je suis donc rentré à pied.

En somme, une bonne petite journée le long d’Embarcadero. En plus, je vous ai gardé quelque chose en réserve pour un prochain billet.

San Francisco

Le père Don Pedro pose un regard doux sur le paysage. La journée promet d’être belle malgré les derniers lambeaux de brume qui s’accrochent au fond des vallées. Le majestueux Pacifique à l’ouest, caché à sa vue par ce tapis de nuages si commun en cette saison, se jette à travers cet étroit passage au nord vers la baie. En se retournant vers le sud vers le fond de la baie, il peut presque apercevoir les fumées de cheminée de la plus proche mission voisine, non loin des salines où viennent se reposer les flamands roses.

Un raclement de gorge l’arrache à sa contemplation. « Si t’as décidé de rien foutre, t’as qu’à le dire, mon frère ? ». Le père Don José, lui jette un regard glacial malgré le chaud soleil de printemps.

  • Oui, bon, ça va. Si on peut plus contempler en méditant, à quoi ça sert d’être prêtre ?

Don Pedro reprend le travail, non sans poursuivre sa méditation. Il rêve au futur, à cette nouvelle mission de Saint François d’Assise, posée nonchalamment plus bas à flanc de colline, autour duquel s’abritera peut être un jour un gentil petit village voir même une bourgade, soyons fous. Il n’est pas interdit de rêver en grand, si Dieu dans son infinie miséricorde insondable veuille bien leur octroyer ce bonheur, comme à ces m’as-tu-vu de San José de Guadalupe du bout de la baie. A l’autre extrême, il n’envie pas du tout ses collègues du nord et leur misérable embryon de mission de San Francisco Solano de Sonoma. La très sainte et catholique Espagne aura rejeté ces pourritures d’anglais de ce continent avant qu’ils puissent faire pousser leur propre vin de messe dans leur vallée miteuse.

San Francisco, de nos jours, c’est la quatrième ville de Californie en terme de population. Je sais, à chaque fois je fais « Comment ? » d’un air totalement ahuri quand j’entends ça. Et bien oui. Très loin en premier nous avons Los Angeles, suivi de San Diego et, pour compléter le podium, San José. San José, tout le monde s’en fout à part certains américains. Je suis sur que vous ne savez même pas où elle se trouve, hein ? Ce n’est pas compliqué, elle est au sud de San Francisco, au bout de la baie, discrète. Pourtant, il y a même un aéroport international. A vrai dire, San José, c’est un peu la capitale de la Silicon Valley car la plupart des grandes entreprises technologiques (Google, Apple, Intel, Yahoo, Oracle, etc.) ont leur siège dans des villes à proximité.

Par contre, ne soyons pas dupe. Personne de sensé n’aurait l’idée saugrenue de préférer vivre à San José alors qu’il y a San Francisco 60km plus au nord. San Francisco, c’est la classe, l’avant-garde, la révolution, le futur, la culture et accessoirement les collines. San José, c’est plat, sans cachet et ringard. Je dis ça, c’est tout à fait gratuit et biaisé.

Donc, reprenons dans l’ordre. Au début, il y avait des missions religieuses installées à intervalle régulière de la basse Californie jusqu’à l’actuelle Sonoma, juste au nord de la baie de San Francisco. Toutes ces missions étaient reliées entre elles par un chemin, El Camino Real (le chemin royal, pour les non-hispanophones dont je fais partie), dont subsistent encore quelques traces. Des agglomérations ont poussé autour de ces missions. Puis il y eu la ruée vers l’or, la ruée vers l’argent, un tremblement de terre avec son gigantesque incendie, la seconde guerre mondiale, la puissance des fleurs, la libéralisation sexuelle, la naissance de l’industrie électronique et informatique, un autre tremblement de terre, la poussée environnementale et maintenant, nous voici à contempler le résultat. Tout ces évènements marquants ont laissé une trace dans la ville, ce qui est étonnant pour une ville américaine.

Mais la ville est aussi marquante par sa particularité géographique. Tout d’abord, elle est située sur une péninsule encadrée par l’océan Pacifique à l’ouest et la baie au nord et à l’est. Cette péninsule est couverte de collines, la région faisant partie de la vaste chaîne de moyenne montagne courant tout le long de la côte californienne du sud au nord. Comme il n’y a pas de hasard en géologie, cette chaîne montagneuse est due à des mouvements tectoniques proches et San Francisco est posée pile poile sur une faille, la fameuse faille de San Andreas.

DSC_8370_DxOCes collines sont d’ailleurs assez exceptionnelles du fait de l’urbanisation et du plan quadrillé du réseau routier. Chaque rue (sauf impossibilité géographique comme la présence d’une falaise) est perpendiculaire à une autre. Celles qui montent les collines le font donc souvent suivant la plus grande pente, parfois aux alentours de 30%. C’est l’occasion d’admirer des voitures garées spectaculairement perpendiculaires au trottoir et donnant une bizarre sensation d’équilibre instable. Au sommet, sans surprise, c’est très souvent l’occasion d’une vue magnifique. D’ailleurs ces nombreuses collines à 30% de pente n’empêchent absolument pas la présence de nombreux cyclistes dans la ville. Bien au contraire. Je ne devrais pas vous le dire pour ne pas ternir ma réputation de grimpeur, mais il est possible d’acheter une carte de la ville où les pentes les plus sévères sont indiquées.

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DSC_8355_DxOLorsqu’on vient visiter San Francisco, on ne manque pas de remarquer, outre les collines et les tramways tirés par des câbles (que je n’ai toujours pas emprunter, maintenant que j’y pense), toutes ces jolies petites maisons victoriennes en bois plus ou moins ouvragées, peintes de couleurs plus ou moins vives. J’ai cherché pour vous la raison de cette abondance et il semblerait que ce soit du aux nombreuses forêts de séquoia qui fournirent du bois de construction à faible cout. Un grand nombre de ces maisons furent détruites pendant le gigantesque DSC_8367_DxOincendie de 1906, suite à un grand tremblement de terre. Malgré tout, n’allez pas croire qu’elles ne se trouvent qu’à un seul endroit de San Francisco. On en trouve partout, des anciennes, mais également des modernes s’en inspirant, toujours peintes et souvent de couleurs pastel.

Quand au downtown, le centre ville où se concentrent les gratte-ciel, et bien, ma foi, il n’a rien de particulièrement exceptionnel. La grande rue commerçante, Market Street délimite la ville en deux, le DSC_8241_DxOquartier SoMa au sud (d’ou le nom, South of Market) abrite d’anciens hangars, industries où habitations plus populaires, progressivement occupés par des designers, artistes et lofts. De toute façon, c’est une tendance générale dans la ville. Vu les salaires mirobolants des employés de l’industrie high-tech et les nombreux millionnaires internet, la gentrification massive du centre ville est quasiment achevée. L’essentiel des grattes-ciels, finalement peu nombreux par rapport à New York, par exemple, se concentrent au bout de Market au nord-est, à proximité de la baie. Plus on s’éloigne de ceux-ci, plus cela devient populaire voir pauvre avec un nombre accru de clochards.

Arrivé au niveau de la grande place menant à la mairie, la place des Nations Unies (car c’est à San Francisco que fut signé le traité l’instituant), j’ai pu découvrir un marché appelé ici « Farmer’s Market » pour bien le distinguer de je ne sais pas trop quoi. C’est toujours assez émouvant, je trouve, d’observer comment DSC_8349_DxOl’Amérique (et je pourrait ajouter l’Australie et la Nouvelle-Zélande dans le lot) redécouvre des choses simples qui ont court depuis toujours dans d’autres pays. Comme quoi, la mondialisation marche dans les deux sens. Les Etats-Unis s’européanisent également.

Bien entendu, cela n’a rien d’étonnant à San Francisco, la ville étant vraiment très particulière et très à gauche par rapport aux autres municipalités du pays. D’après une amie habitant la ville depuis 8 ans, de nombreuses initiatives sociales et de « wellfare » attirent un grand nombre de personnes de la région vers la ville. Pour une municipalité concentrant autant de richesse, de voir perdurer cet état d’esprit, je trouve ça chouette. D’ailleurs, dans un article du New Yorker, j’ai pu découvrir une tendance grandissante chez les jeunes entrepreneurs (comprendre dans cette ville hyper-dynamique et positive, de jeunes adultes à peine sortie d’université) de vouloir créer des sociétés non pas dans le seul but de s’enrichir et de faire la culbute à la revente, mais également pour apporter de réelles solutions concrètes aux besoins quotidiens.

DSC_8329_DxOParce qu’au final, ce qui a de génial dans cette ville, hormis les collines, les embarcadères, le centre ville, les tramways tirés par des câbles (il y a aussi Lisbonne pour cela), la baie, les parcs, les petits cafés, les restaurants, les vues, la température clémente et les otaries (tout cela sera bien entendu détaillé plus tard, surtout les otaries), c’est cette formidable énergie positive et créative qui s’en dégage. C’est peut être, pour certain, un centre de la mondialisation galopante avec toutes ces grandes multinationales de la high-tech mais c’est également un des seuls endroits, je trouve, où je me dit que si quelque chose de révolutionnaire doit un jour émerger, c’est probablement d’ici. Et puis d’abord, ça c’est déjà produit. Tout ça à l’endroit d’une mission catholique. J’vous jure.

Back to Frisco

Comme ce titre de billet sonne ringard, vous ne trouvez pas ? Mais si. Si. Mais si, vous dis-je. C’est complètement ringard de se référer à San Francisco par son surnom « Frisco », tellement années 70-80. Maintenant, si vous voulez être totalement accordé au hype du moment, dites nonchalamment « San Fran ». Enfin, je dis ça, c’est ce que j’ai noté en écoutant parler Phil et Max, les deux américains rencontrés lors de mon tour Kakadu – Litchfield (en Australie pour ceux qui n’ont pas suivi).

Tout ça pour dire que je suis à San Fran. Yeah dude. Après un atterrissage sans soucis (c’est vrai que je ne prend pas vraiment la peine de vous narrer mes atterrissages et décollages qui sont pourtant des phases critiques) à SFO (oui, on ne dit pas San Francisco International Airport lorsqu’on est un minimum à la page), un petit tour sur la blue line du tram interne de l’aéroport pour rejoindre la station du BART (non pas Simpson mais le Bay Area Regional Transport, l’espèce de RER du coin), une descente à Powell Street en plein downtown (il serait ridicule de se référer au centre ville autrement si on est vraiment branché) puis environ une heure de marche pour trouver mon @#?*! d’auberge de jeunesse (car je m’étais gravement fourvoyé dans ma tête quand aux indications) avant de consulter mon portable arrivé au terminal du Caltrain (une autre sorte de RER mais qui dessert les villes de la Silicon Valley vers le sud) afin de noter la bonne adresse puis d’arriver à bon port à l’intersection de Minna et de la 7ème (rue, il va sans dire si vous êtes comme moi au fait des dernières tendances), quartier des junkies dans SoMa (pour ne pas faire plouc on se réfère au quartier « South of Market Street » par son diminutif « SoMa »).

Sinon, tout c’est bien passé, merci. La chambre est petite, sommaire et pour une fois, individuelle, n’ayant pu trouver de place en dortoir, pour le prix d’une chambre d’hôtel classique dans n’importe quel autre ville raisonnable du monde. Bienvenu à San Francisco et son immobilier galopant.

A peine avais-je posé les pieds en dehors de l’avion que je reçu un message d’un certain Samuel Gateau m’invitant à le contacter pour manger ce soir une pizza sur la colline aux chèvres. Il faut savoir que ce monsieur ne m’est pas inconnu et que même que c’est moi qui lui avait notifié de ma présence prochaine dans sa bonne ville. Quand à la colline aux chèvres (ou « Goat Hill » quand on a une attitude moderne et anglophone), je ne la connaissais pas.

C’est donc une petite demi-heure après avoir posé mes bagages dans la chambre, le temps de prendre une douche (je ne parle pas assez souvent de mon hygiène) dans l’espace commun, que le sieur Gateau se gare devant mon hôtel dans un énôôôrme pickup avec un sourire d’enfant gâté sur son visage. Ah ben bravo. On voit qu’on s’y fait à l’Amérique !

On se retrouve donc quelque temps plus tard attablé dans une petite pizzeria de la franchise « Goat Hill Pizza » (c’était donc ça), elle même accrochée à une pente d’une des nombreuses collines de la ville. Ce soir, c’est soirée « all you can eat » (ou « à volonté », si vous ne parlez pas la langue du cru) avec le sus-mentionné Samuel Gateau, sa compagne Claire, leur p’tit Isaac ainsi que le frère de Claire et sa copine, en visite. Une petite bande de franchies aux « staïtesseuh ». Un serveur passe régulièrement entre les tables avec une pizza en annonçant la couleur. Chaque personne qui se sent encore d’attaque peut alors le héler pour avoir une nouvelle part. Aux Etats-Unis, la culture de l’abondance et de l’éclatage de bide est encore très présente. Comme les français loin de chez eux sont un peu extrêmes, Samuel et Claire implorent le serveur pour que le chef prépare la pizza spéciale à l’ail. Elle est effectivement très très aillée.

D’ailleurs, si je reste sur le sujet de la nourriture, le surlendemain, le même Samuel m’amène dans un restaurant asiatico-fusion-branchouillisant à la décoration sombre tout en éclairages indirectes. On s’attable au bar et commandons. La serveuse arrive avec une grande assiette blanche carrée occupée uniquement en son centre par une magnifique petite pyramide d’un tartare de saumon et d’avocat, disposé en étages. Superbe. Mais avant que je puisse m’en approcher pour la contempler de plus près la serveuse se saisie d’une fourchette et se jetant sur la pyramide s’emploi à la bousiller méticuleusement. Avec un grand sourire sadique elle malaxe le tout et s’en va non sans nous avoir lancé un « Enjoy », un éclat pervers dans les yeux. Manifestement, ça fait parti de la recette. Comme c’est bon, j’en reste là, d’autant qu’on enchaine par deux morceaux de porc gras fris à point, croustillants et fondants à la fois. De plus, la serveuse cette fois-ci nous les laisse indemnes.

Je parle, je parle, mais tout ça pour vous dire que je suis de retour à San Francisco et que c’est drôlement chouette. Avec tout ça je vais me remettre à la page, découvrir les dernières nouveautés technologiques et me gaver de nouveaux acronymes. Dude.

Santa Anna

Pour la suite de mon séjour, je m’en vais passer deux semaines du côté de San Francisco. Après un grand bond au dessus du Pacifique, me voici pourtant à Los Angeles, quelques centaines de kilomètres plus au sud. Ne vous inquiétez pas, il ne s’agit pas d’une erreur d’aiguillage mais juste d’une petite optimisation tarifaire mitonnée, avec mon consentement, par mon agence de voyage. Je repart demain de l’aéroport John Wayne d’Orange County. Avec le recul, il aurait été plus malin de prendre un transport terrestre pour remonter jusqu’à San Francisco mais, convaincu par mon agente de voyage « Vous pourrez passer une soirée pour visiter Los Angeles, comme ça », j’ai cédé.

Le problème avec Los Angeles, c’est d’abord sa taille. La ville fait environ 30 km d’est en ouest et 100km du nord au sud. Si on y ajoute l’ensemble des villes y attenante qui forment l’agglomération c’est facilement le double ou le triple. Ensuite, cette taille est totalement inaccessible en l’absence de véhicule personnel car la ville possède un système de transport en commun totalement anémique. Los Angeles, c’est LA ville construite uniquement pour la bagnole. En dehors d’elle, point de salut. Pour limiter le stress, j’ai donc pris, naïvement, une chambre d’hôtel non loin de l’aéroport John Wayne, à proximité d’Annaheim, ville uniquement célèbre pour abriter Disneyland.

Visiter Los Angeles en « une soirée » sans véhicule, c’est à peu prêt aussi illusoire que de visiter l’Australie en trois jours. J’ai beau regarder attentivement le petit clip vidéo dédié à la ville sur le système de divertissement embarqué d’Air New Zealand, il n’y a rien qui me tente par son accès facile et son intérêt. Il faut dire que j’ai un très mauvais à priori sur cette ville artificielle au premier abord, vaste chape de béton de 1300km2 posée sur un désert entre des montagnes et la mer au dessus duquel transite des flots de véhicules motorisées sur un entrelacs d’autoroutes de deux fois 4 à 8 voies.

A l’aéroport international de Los Angeles, où j’arrive, suite à la recommandation du sympathique employé du centre d’accueil, je prend donc un taxi partagé pour rejoindre mon hôtel. Dans un gros van, on se retrouve à cinq avec le chauffeur, en partance pour le sud sur une six voies. L’agglomération ne recèle finalement pas énormément de haut immeubles en dehors du petit centre ville de LA ce qui accentue encore plus cette impression de ville hyper-extensive et hyper-décentralisée. Finalement, au niveau planification urbaine, cette ville doit être dans une classe à part. Le contraste avec la petite taille et la modestie de Rarotonga est gigantesque.

Un part un, le chauffeur dépose ses clients à sa destination. Je me retrouve alors seul avec lui pendant que nous reprenons la route, plus d’une heure après notre départ de l’aéroport, pour l’essentiel passé sur autoroute. Finalement, il s’arrête devant l’hôtel La Quinta Inn de Santa Anna, où j’ai choisi de passer la nuit. Pour ce qui est d’espérer attraper un bus pour le centre ville, ça me paraît drôlement compromis.

Parfois on visite pour voir de belles choses et parfois pas. Dans un bâtiment couvert d’un crépi jaune orange entourant une piscine, le La Quinta Inn (ou La Quinta Inn tout court) de Santa Anna ressemble à un décor de cinéma, faux et temporaire. De l’extérieur on ne peut pas dire que ce soit moche, dans une sorte de style néo-hispanique commun à la région, mais en s’approchant on est surpris par le manque de qualité des matériaux. Les chambres sont spacieuses, propres et bien équipées mais sombres, glauques et à l’odeur persistant de déodorant bas de gamme. Tout ceci contraste avec l’accueil professionnel, la gentillesse du personnel et la clientèle croisée. L’ensemble vient renforcer cette impression de primeur à l’apparence.

Ne croyez pas que je veuille faire un billet entier sur cet hôtel mais c’est juste que, bizarrement, il cadre exactement avec l’image que je me faisais de Los Angeles, là ville du cinéma et du paraître. De plus, les quelques clients que je croise ont l’air d’approcher voir de dépasser l’âge de la retraite. J’ai même l’impression que ce sont des résidents permanents, impression confirmée à la vue d’un siège accroché au bout d’un bras télescopique permettant de descendre doucement dans la piscine et du défibrillateur placé à l’entrée de celle-ci.

Après avoir posé mes bagages, je retourne à l’accueil et demande s’ils n’ont pas un adaptateur pour mes prises électriques françaises. C’est un grand classique à chaque arrivée dans un nouveau pays. Malheureusement, ce n’est pas le cas et leur demande s’il y a un magasin non loin où je pourrai en trouver. Cette petite question anodine me vaut alors un dialogue qui en dit plus long sur la géographie de cette région que n’importe quel guide touristique : « Ah oui, bien sur, au supermarché Target à côté »

  • Parfait, c’est dans quelle direction ?
  • Euh, par là mais vous comptez y aller à pied ?
  • Oui, pourquoi, c’est loin ?
  • Cinq minutes en voiture mais on vous y amène si vous voulez.

C’est donc quelques minutes plus tard que je me trouve à l’arrière du mini-van de l’hôtel conduit par un jeune homme au fort accent hispanique. D’ailleurs, ne vous y trompez pas, l’espagnol est aussi officiel que l’anglais, ici. Après quelques minutes de conversation aimable sur la ville, je lui demande s’il est né ici. Affirmatif. J’avoue avoir levé un sourcil devant son anglais à l’accent peu académique.

Il me dépose devant le supermarché en question où je part à la recherche de mon adaptateur. Cette histoire d’adaptateur est d’un intérêt mineur mais sachez que ce fut un échec. Néanmoins, j’en profite pour passer un peu de temps dans la zone commerciale. Son petit supermarché du coin s’avère en fait être un hypermarché au milieu d’une zone commerciale à la surface majoritairement constituée de parkings. Au cœur de la zone, un mall à ciel ouvert typiquement américain propose toute la panoplie des franchises multinationales. J’en profite pour y manger mon premier burger (mais ce sera l’occasion d’un futur billet).

Les centres commerciaux ont tendance à me mettre mal à l’aise voir à me remplir d’un vague dégoût après un certain temps. Heureusement, le fait d’être en plein air atténue cette sensation. Malgré tout, je décide d’abandonner ma quête après avoir ratissé toutes les enseignes qui me semblaient pouvoir proposer mon fameux adaptateur. Comme je suis un fou, je décide de rentrer à pied à l’hôtel.

Des personnes bien intentionnées de ma connaissance qui avaient précédemment visitées l’agglomération de Los Angeles m’avaient affirmé que les gens d’ici regardaient bizarrement les piétons. Je trouvait cela un peu extrême. Rétrospectivement, ils avaient totalement raison. Le piéton est minoritaire dans cette ville. Il m’a fallu plus d’une demi-heure pour retourner à l’hôtel (avec un ultime arrêt plein d’espoir dans un autre magasin) et ce furent la demi-heure de marche urbaine la moins intéressante que j’ai faite depuis des mois. Certes, il y a des trottoirs le long des deux fois trois voies qui servent de rues principales mais chaque croisement est un supplice d’attente. Ici, point de bouton pour signaler son désir de traverser. On est condamner en tant que piéton à attendre que le feu devienne rouge et cela peut durer dix minutes. Je doit être en plus en plein dans un quartier vide de commerces ou d’habitations

Je vous rassure, après le troisième croisement, j’ai fraudé. J’ai profité d’un moment de calme pour tranquillement traverser au mépris de la loi. Mais je ne me fait pas d’illusion. Si un policier passe par là, je suis bon pour une amende salée. Aucune chance en plus d’espérer me noyer dans l’anonymat, je suis le seul piéton. Tout ça me donne une impression de déshumanisation très désagréable.

Je retrouve finalement mon hôtel et rentre à l’accueil. J’annonce mon échec. A côté de moi, une cliente âgée très menue, cheveux courts, habillée d’un pantalon seyant et de quelques bijoux, me regarde. Sans sourire, elle me dit :

« You look stunning with that T-Shirt »

Ce qui peut se traduire approximativement par « Vous êtes ravissant avec ce T-Shirt ».

Je bredouille un remerciement et repart dans ma chambre. Je crois que c’est trop pour moi. Cette ville est vraiment trop bizarre.