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Arcata

Hey, bro !

Hey, dude !

Hare krishna, my friend.

Aujourd’hui, ce billet ne sera que paix et amour.

Ça fait bien longtemps que les hippies aux cheveux longs ont quitté San Francisco. Quelle tristesse, cette belle époque pleine de rêves et de promesses d’un monde de fraternité, totalement libéré de toutes ces contraintes bourgeoises (et hygiéniques diront quelques mauvaises langues). Non, tout ce joli monde s’est dispersé et je crois bien que je viens d’en retrouver un nid.

Arcata, c’est une petite commune au nord de l’état qui, à mon grand désarroi, n’est pas côtière. Pour le surf, c’est rappé. Elle se situe non loin de l’océan, certes, quelques minutes de voiture à tout casser, mais ce n’est pas pour autant qu’il faudrait la snober. Ce n’est pas un endroit au charme architectural fou (quoique) ni situé dans un environnement naturel exceptionnel (quoique, également).

Arcata, c’est un peu la petite bourgade étudiante et progressiste juste au nord d’Eureka, la ville moyenne du coin. Au sud, l’agglomération est bordée par des terres marécageuses et une petite baie connectée au Pacifique par un étroit passage. A l’est commencent les vastes forêts de redwood pines qui couvrent quasiment toutes les collines de cette partie des Etats-Unis.

DSC_8491_DxOVu de l’extérieur, la seule chose notable à Arcata est l’université d’Humboldt, université d’état qui avec ses huit milles étudiants sur les 17000 habitants que compte la ville peut être considéré comme le cœur de celle-ci. Géographiquement, le campus est légèrement en dehors du centre ville, de l’autre côté de la highway 101, même s’il est facilement accessible à pied. D’ailleurs attendez vous à croiser assez souvent le nom d’Humboldt dans les parages, le comté portant ce nom, ainsi que la baie au sud d’Arcata et le courant marin à l’ouest.

Non, au premier abord Arcata est extrêmement décevante. Mais il suffit de discuter un peu avec les gens et aller marcher dans le centre ville autour de la place centrale pour découvrir l’ambiance particulière du lieu. Mais avant cela, remarquez comme cette petite ville n’est pas totalement dénuée de charme avec ces rues perpendiculaires où sont plantés de jolies maisons DSC_8477_DxOen bois, sortes de « painted ladies » de plein pied, en divers états de conservation. Quelques unes abritent d’ailleurs, sans surprise des étudiants. Ces rues perpendiculaires sont d’ailleurs assez amusantes car ici, le schéma de numérotation à la New Yorkaise a été porté à l’extrême. Les rues courant d’est en ouest sont numérotées de 1 à 18 alors que celles du nord au sud portent des lettres dans l’ordre alphabétique de A à Q. Rien de plus simple pour s’y retrouver même si, lorsqu’on s’éloigne de la place centrale, ce schéma est abandonné au profit de noms de rues plus classiques.

Mais revenons plus particulièrement sur ce qui fait vraiment le charme de l’endroit, les gens et l’atmosphère. En plus d’une nonchalante ambiance étudiante (totalement à l’opposé de l’ambiance oppressante et traditionnelle de Cluny, pour ceux qui connaissent), la ville annonce avec fierté ses valeurs libérales progressistes, ici selon le sens donné par les américains que l’on pourrait traduire très grossièrement en français de manière caricaturale et approximative par « de gauche ». C’est d’ailleurs étonnant de voir comme ce terme « libéral » peut avoir un sens totalement contraire dans l’héxagone et aux Etats-Unis. C’est encore une fois une histoire de poule et d’oeuf que j’ai la fainéantise d’aller creuser sur Wikipédia. Est-ce à cause de nombreux migrants progressistes ou est-ce parce que la ville l’a toujours été qu’elle a attiré des gens de pensée similaire ? Je suppose que la présence de l’université n’est pas totalement étrangère à cet état de fait.

Il est temps que je vous donne des preuves de ce soit-disant état d’esprit libertaire qui règne ici. Déjà, il faut être un peu aveugle pour ne pas remarquer un nombre important de soixantenaires chevelus aux robes multicolores ou aux jeans usagers. Ceux là sont certainement des anciens d’Haight-Ashbury et consort. Parmi les plus jeunes (mais pas que), ont note également une proportion appréciable de porteurs de dreadlocks. Il y a même des joueurs de djembé au milieu de la place centrale, signe irréfutable d’une jeunesse qui fume autre chose que du tabac (oui, car la Californie autorise l’usage de cannabis pour des fins médicinales).

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DSC_8487_DxOJeudi, jour de marché sur la place centrale, vous noterez sans difficulté que la quasi-totalité des marchands arborent une voir plusieurs mentions « organic » (ce qui se traduit par bio, je vous le rappel) ou « locally grown » (ce qui se traduit par produits localement) sur les panneaux vantant leur marchandise. Je sais bien que l’habit ne fait pas le moine, mais ici, point d’habits bourgeois (ou si peu) mais plutôt de pratiques vêtements techniques ou de jeans passe-partout. En plus, pour signifier à quel point cette charmante bourgade est également rock’n’roll, un groupe live est chargé de mettre l’ambiance malgré un ciel bas. Aujourd’hui, le bon vieux blues râpeux de « Lizzy and the Moonbeams ». On est loin du bal musette de « Raymond et son accordéon ».

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En allant faire mes courses le lendemain, je décide d’aller faire un tour au supermarché local. Je sais, c’est mal sans parler que c’est bizarre de faire du tourisme dans un supermarché, mais c’est drôlement instructif. Le « North Coast CoOp » en dit long sur l’atmosphère de la ville. Imaginez un DSC_8492_DxOsupermarché grand comme il faut, sympathique, où on vous fournit des cartons d’emballages usagés pour emporter vos courses, où la quasi-totalité des produits sont estampillés « organic », où un immense rayon propose farines, céréales, huiles et fruits secs au kilo, sans packaging, un autre des produits d’aromathérapie (le soin par les odeurs?), et où surtout les papiers toilettes proposés sont exclusivement en papier recyclé et même vendus au rouleau dans des packaging en papier 100% sans plastique. En sortant de là, j’avais envie de prendre les clients dans mes bras ou d’embrasser les vendeuses, chose qui ne m’arrive jamais en France, peut-être aussi à cause de l’absence de musique débile. Bon, parce que personne n’est parfait, il y a bien quelques pickups et vans sur le parking, mais conduit par de jeunes hommes en bonnet péruvien ou un vieux monsieur en salopette.

DSC_8473_DxOMais ce n’est pas fini. A Arcata (superbe allitération), il y a également un cinéma art et essai ainsi qu’un petit théâtre. Pour finir, je ne sais pas s’ils ont fait ça spécialement pour moi, mais le dernier soir où j’y suis resté, autour de la place centrale, c’était la grande soirée magasins ouverts jusqu’à 21h. Attendez, ne partez pas, si ce n’était que ça, mais non. Déjà je ne vous parle pas de magasins internationaux style Gap ou Zara mais de petites échoppes locales. De plus, non seulement tout le monde était dans la rue en papotant mais chaque magasin avait pour l’occasion embauché un groupe de musique live pour animer. ÇA c’est génial. C’est quand même autre chose que « Nature et Découverte » laissant son magasin ouvert en plein hiver en diffusant un CD de musique hypnotique ! Non ?

Il y avait même une camionette distribuant du thé chaud gratuit. Du coup, on déambule dans la rue, zappant de musique en musique, le tatoueur abritant un DJ et un chanteur de rap, le voisin hébergeant un quatuor à corde ou l’autre un groupe de jazz New Orleans. Du coup, fatalement, il y a également quelques autres groupes dans la rue, invités par la municipalité dont un qui s’est amusé à reprendre quelques bons standards du rock bien énergiques. C’est d’ailleurs en commençant par eux que je me suis dit que c’était drôlement sympa ici. Mais c’était avant de plonger dans l’ambiance festive, malgré une soirée fraiche.

Arcata, je n’y suis pas resté si longtemps que ça (deux jours, à peine), la faute à la météo, à l’envie de bouger et d’autres paramètres plus difficiles à cerner. Mais, Arcata, en partant, je me suis dit, c’est les Etats-Unis qu’on aime aimer.

Côte Pacifique

Je suis invariablement attiré par la côte. Je ne dois pas être le seul, notez. Alors, quand je me suis rendu compte (assez tôt, il faut bien le dire) que le logement à San Francisco allez sérieusement greffer mon budget, j’ai décidé de partir voir ailleurs pendant une petite semaine si l’herbe est moins chère. Parce que j’ai n’ai aucune logique ni cohérence en vacance, je réserve donc une voiture de location (encore, c’est bien dommage) pour le prix de trois jours d’auberge de jeunesse sans compter l’essence, histoire d’avoir un maximum de liberté. Au niveau budget, je ne suis pas sur que la décision était plus sage.

Derrière tout cela, il y a également une autre motivation, autre que financière. C’est surtout que je meurt d’envie de découvrir le nord de la Californie. Lors de ma précédente visite à San Francisco il y a quelques années, au moment de l’approche, j’ai pu apercevoir dans un magnifique soleil déclinant un volcan solitaire au nord, cône magnifique tel la Montagne du Destin du Mordor. Vu mon échec à en apercevoir un en Nouvelle-Zélande, j’étais bien motivé pour aller voir cela de plus près. Mais, figurez-vous, que ce n’est toujours pas ma motivation principale. Non, en réalité, je veux aller voir de mes propres yeux la côté déchiquetée du nord de la Californie, là où se situe l’action du film « Les Goonies », chef d’oeuvre du 7ème art par Steven Spielberg. Je rêve de me poser dans une petite ville côtière adossée à de sombres collines boisées et prendre des leçons de surf pendant quelques jours, en partant pendant mes heures de repos à la recherche de trésors perdus avec les gamins oisifs du coin.

Après quelques recherches sur Google, je note la petite ville d’Arcata. Il semblerait que ce soit une des villes les plus agréables à vivre de la Californie, située sur la côte, plus ou moins aux deux DSC_8375_DxOtiers de la distance qui sépare San Francisco de l’Oregon. A part cela, je n’ai aucune idée des paysages à traverser. Je récupère donc ma voiture de location et traverse San Francisco puis le Golden Gate Bridge. De l’autre côté, on rentre dans le comté de Marin, tout de suite beaucoup plus sauvage et c’est d’ailleurs ça qui est génial avec la ville, sa proximité avec une nature protégée.

Après une petite demi-heure où je tourne en rond dans le Golden Gate National Recreation Area, la zone préservée au nord du pont, à la recherche d’une route côtière qui n’existe pas, je rejoint la highway 1, la route qui parcourt toute la Californie du nord au sud en suivant l’océan. Ce doit d’ailleurs être une des routes les plus spectaculaires à faire des Etats-Unis, notamment pour sa portion au sud de Monterey où, pendant une centaine de kilomètres on emprunte la zone montagneuse et sauvage de Big Sur.

DSC_8378_DxORapidement, je me trouve sur une route tranquille, croisant un nombre relativement réduit d’autres véhicules. La portion de route au nord de San Francisco s’avère être relativement montagneuse et très similaire à Big Sur. C’est sauvage avec de nombreuses petites criques et plages où parfois quelques surfeurs tentent de pratiquer leur art entre les rochers et récifs. Le soleil perce parfois à travers la brume habituelle qui remonte du Pacifique.

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DSC_8390_DxOProgressivement le paysage se transforme légèrement, abandonnant les montagnes plongeant directement dans l’eau pour des collines plus douces couvertes de pins sombres, les fameux redwood californiens. Je croise épisodiquement des petites bourgades tranquilles aux maisons et bâtiments en bois. On est vraiment très loin de la surpopulation. Je m’arrête à une de ces petites villes pour faire des courses dans une épicerie. L’ambiance est assez écolo avec de nombreux produits « organiques » ou locaux, très loin de l’image de bouseux américain tel qu’on pourrait l’imaginer dans l’arrière pays. Cette ambiance écolo-progressiste est renforcée lorsque j’allume la radio. Un rapide balayage du spectre ne révèle qu’une seule station, NPR, National Public Radio, une sorte de France Culture au statut de droit privé, mais à but non DSC_8388_DxOlucratif. L’émission en court a pour thème l’écologie et le développement durable avec des présentateurs à la voie douce et au débit mesuré. Ça tranche avec les radios hurlantes et frénétiques de San Francisco ! Je me laisse porté par le débat en suivant la double marque jaune de la route sinueuse, l’océan à ma gauche et les pins à ma droite.

Ces rares petites lieux que je croise répondent au nom de Bodega Bay, Mendocino, Fort Bragg ou Fort Ross. Je découvre avec étonnement dans ce dernier lieu que ce fut une colonie Russe, abandonnée aux américains au milieu du 19ème siècle. D’ailleurs, je viens de découvrir sur internet qu’il y subsiste une église orthodoxe en bois de cette époque. Qui a dit qu’il n’y avait pas de bâtiments anciens dans cet état?

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Finalement, je dois quitter la côte et rentrer dans les terres. La dernière portion jusqu’à Arcata est entièrement sauvage sur une centaine de kilomètres. En échange, je me plonge dans de sombres collines recouvertes de gigantesques pins. Avant de parler des Goonies, me voici presque dans un épisode d’X-Files. Il faut dire que le soleil commence à décliner, le trajet total faisant près de 400km. Je me résous donc à accélérer le pas et bascule sur l’autoroute 101 (celle là même qui traverse toute la Silicon Valley).

C’est finalement de nuit que je parvient à trouver mon hébergement à Arcata. Mais ça, ce sera pour un autre billet.

J’aime ma banque

Avertissement : ce billet sera plein de fiel, de rage et de crachats. Si vous êtes sensibles du gros mot, passez votre chemin.

Connasse de banque. Imbécile de banquier. Saleté d’écureuil rhône-alpin.

A l’ère d’internet, j’imaginais que ma vie de nomade voyageur serait simplifié en de nombreux points par la présence quasi-généralisée du WiFi et du fait que je me trimballe environ 3 kg d’ordinateur portable depuis la fin mai. Cela s’est avéré vrai pour la réservation des hôtels, des tours, pour la location de voitures et pour savoir ce qu’il y avait à voir autour de moi. Par contre, ce fut également l’occasion d’un crash test avec ma banque qui n’a pas trop survécu à l’exercice. Heureusement, personne n’est mort et ce que je vais vous narrer peut aisément se classer dans la catégorie « problème de riche ». De toute façon, tout a été dit sur les banques modernes. Je ne fais que pisser dans l’océan d’urine déjà déversé, à juste titre, sur elles.

J’ai régulièrement depuis mon départ de Toulouse quelques soucis avec ma carte bleue. Déjà, en France, il arrive que certaines transactions soient refusées pour d’obscures raisons. Je ne vais pas donc en faire un fromage à l’étranger. Je passe même sous silence les grasses commissions que l’on nous facture en cas de retrait ou d’opération. Tout travail mérite salaire et les commissions des agents de change ne sont pas forcément plus avantageux.

De plus, j’ai fait renouveler ma carte bleue il y a environ deux ans et ma gentille banque (en l’occurrence l’écureuil Rhône-Alpin, qui comme une horrible poupée de film d’horreur s’est mué depuis sa création de sympathique animal en peluche en rongeur écumant au regard dément) m’a proposée, en la personne de mon conseiller personnel (le personnel devant être compris dans le sens « ce joueur de foot est vraiment trop personnel »), une nouvelle carte top moumoute munie de son propre crédit renouvelable au taux exceptionnellement usurié de deux chiffres. Devant ma moue dubitative (celle que j’adopte à la plupart de mes rendez vous avec mon banquier, que je trouve aussi passionnants qu’une vidéo d’entreprise) il m’a finalement convaincu en m’expliquant qu’elle était également munie d’un second pouvoir me permettant de bénéficier d’une extension de garantie sur tout les achats de matériel effectué avec. Bon, soit. Je comptais acheter du matériel. Admettons. Voilà encore une preuve que je suis un peu trop lâche avec mon banquier ou bien qu’il est particulièrement versé dans l’acte commercial. Déjà, à l’époque, je subodorait fortement que mon banquier était en réalité un vendeur de tapis et mauvais acteur avec ça, surtout lorsque je lui ai demandé combien il touchait en commission pour chaque carte à crédit renouvelable vendue. En me regardant droit dans les yeux, il a protesté.

Tout ça pour dire qu’arrivé en Australie, subitement, j’ai été confronté à un dilemme terrible au moment d’utiliser ma carte bleue dans les bornes de retrait mais également dans les commerces. Sachez que là bas (mais également en Nouvelle-Zélande et, présentement , aux Etats-Unis) on vous demande sur quel compte vous souhaitez effectuer l’opération, questions aux trois invariables réponses possibles : « courant, chèque ou crédit ». Je sais d’expérience que dans ces pays le terme carte de crédit est utilisé pour une carte au crédit renouvelable alors que notre carte bleue de chez nous correspond à une carte de débit. Cette confusion, je sais m’en prémunir dorénavant. Par contre, pour moi, le compte courant et le compte chèque, c’est du pareil au même. Ne parlons même pas de l’option « crédit » que je fuit comme la peste de peur que l’opération soit effectuée sur mon nouveau crédit revolving à 25000%.

C’est donc un peu au hasard et en fonction de mon humeur que je choisi « courant » ou « chèque » pour un résultat également aléatoire. De plus, à mon arrivée en Australie, j’ai quasiment fondu ma carte en procédant à de monstrueuses opérations en vue de réserver mes différents tours Kakadu-Litchfield et Ulura-Kata Tjuta-King’s Canyon, sans oublier la location de la camping-voiture pour dix jours. Résultat prévisible, j’ai littéralement démoli mon plafond d’opération et un peu plus tard l’autre plafond, celui de retrait. Là, je plaide coupable. J’aurai du prévenir ma banque au préalable. J’ai donc essuyé quelques jours un peu chaotiques côté paiement.

Jé décide donc de prévenir ma banque par un moyen drôlement efficace que j’ai découvert il y a quelques années et qui s’appelle l’e-mail. C’est génial ce truc. Vous envoyez un message à votre correspondant sous forme de texte, correspondant qui n’est même pas obligé d’être là au moment où vous l’écrivez puisque celui-ci s’entasse gentiment dans un équivalent électronique de boite aux lettres. Il peut donc tranquillement dépiler ses messages le lendemain matin, sa tasse de café à la main. Mon conseiller personnel, avec un regard complice, m’avait fort gentiment glissé sa carte de visite munie de tout les canaux de communication permettant de le joindre. Ces informations sont également répétées sur la page web qui me permet de consulter mes comptes en ligne. Certes, je suis informaticien et donc légèrement en avance technologiquement sur vous, les autres, mais manifestement mon banquier ne sait pas se servir d’une boite mail, malgré son âge tournant autour de la petite trentaine.

J’ai attendu cinq jours qu’il daigne me répondre et prendre des actions pour relever temporairement mon plafond d’opérations. Finalement, j’ai craqué et ai décidé d’appeler directement sur sa ligne directe (car nous sommes très intimement liés par les liens de l’argent) ce qui, j’en suis sur, me coûtera un organe mineur. Une fois appris par cœur son message m’indiquant qu’il n’était pas disponible (sans doute parti choisir sa nouvelle BMW), je me résous à appeler le numéro de mon agence, vaste fumisterie puisqu’en réalité ce numéro me permet d’atteindre un plateau téléphonique une fois traversé le labyrinthe de menus patiemment dictés par un robot lymphatique (lorsqu’on appelle d’Australie, c’est particulièrement énervant). Finalement, j’arrive à expliquer le problème, à faire remonter le plafond et à demander à la conseillère d’engueuler mon conseiller qui n’en branle pas une.

Les jours passent et le problème persiste. Jé décide donc d’envoyer un mail dont voici le contenu :

Bonjour,

Je suis actuellement en déplacement à l’étranger pour plusieurs mois. J’ai depuis quelques semaines des soucis avec ma carte bleue. Vous étiez absent en vacances. J’ai donc tenté de joindre M. XXX, comme spécifié dans votre mail d’absence, mais sans résultat. Je lui ai laissé un message téléphonique, sans réponse de sa part. Je lui ai envoyé un mail, également sans réponse. J’ai appelé le numéro d’appel en 0800 pour exposer mon soucis. La personne m’a dit qu’elle allait contacter quelqu’un à l’agence qui allait me recontacter. Je n’ai pas eu de nouvelles. C’était il y a un peu plus d’une semaine. J’ai rappelé ce même numéro hier soir qui m’a dit qu’elle allait prendre contact avec vous. Je n’ai toujours pas de nouvelles.

Voici mes soucis. Premièrement en Australie et Nouvelle Zélande l’utilisation de ma Carte Bleue Visa dans un magasin implique un choix entre trois options « check », « savings » et « credit » qui peut se traduire par « chèque », « compte courant », « crédit ». Lorsque j’utilise les deux premières options, l’achat est refusé une fois sur deux ou sur trois. Initialement, je pensais qu’il s’agissait d’un plafond de dépense atteint et c’est donc pour cela que j’ai appelé la première fois. Je ne sais toujours pas si c’est le cas mais le problème persiste.

Deuxièmement, récemment, une personne m’a dit d’utiliser l’option « crédit ». Effectivement, les deux achats effectués avec cette option sont passés. Malheureusement, je ne souhaite absolument pas utiliser la réserve d’argent associée avec ma CB Visa avec un taux de crédit très élevé. J’aimerai donc savoir si les deux achats effectués le 29/08/2013 effectués via cette option tape dans cette réserve ou dans mon compte courant. C’était le sujet de mon appel de hier soir. La personne m’a dit qu’elle n’avait aucun moyen d’avoir l’historique d’utilisation dans la réserve d’argent. Je trouve cela inconcevable. J’ai consulté la synthèse de mes comptes ce matin (soit le 29 au soir pour vous) et je ne trouve toujours pas trace de ces deux opérations. Qu’en est-il alors?

Troisièmement, dans la synthèse de mon débit différé, je vois apparaitre deux cartes de crédit dont une que je ne reconnais pas dont le numéro fini par 237511. Dans ce débit différé je vois une opération pour le 05/08/2013 intitulé « Avangate » d’un montant de 49.95€ avec comme détail « Paris ». Qu’est ce donc sachant que je n’ai pas mis les pieds à Paris depuis quelques années et que cela fait trois mois que je suis à l’étranger?

Je vous serai donc très reconnaissant de prendre le temps de répondre à toutes mes interrogations, de préférence par mail, si vous recevez celui-ci, afin de démontrer que vous prenez en compte les petits soucis de vos clients, quand ils sont urgents. J’ose espérer que vous n’êtes pas là que pour des actions commerciales.

Le lendemain, oh surprise, je reçois une réponse de mon conseiller drôlement personnel, pas particulièrement pertinente, avec notamment cette fabuleuse phrase à l’intérieur, également fort peu utile :

Le plafond de paiement est de 2400 euros / 30 jours consécutifs. Ce plafond a été augmenté à 7500 euros (du 14/08 au 14/11 par Mr XXX ?).

Il n’est pas possible d’utiliser le paiement ou retrait à crédit à l’étranger (cette fonction est uniquement disponible en France). Les traductions check (interrogation de compte), savings (épargne) et credit (credit card est la traduction de CB à l’étranger).

Pour commencer, on sent qu’il a bien lu mon mail, certes fort long et ennuyeux, mais tout de même. PUISQUE JE TE DIS QUE TON COLLEGUE XXX NE M’A PAS REPONDU, TU PENSES BIEN QU’IL N’A RIEN FOUTU!!! Ensuite, grâce à mon conseiller bancaire, j’apprend des mots anglais que je connais déjà et que surtout, je lui ai parfaitement traduit dans mon mail. C’est vraiment parfait. Ça c’est du conseil. De plus, si je comprend bien, ce magnifique crédit renouvelable ne m’est d’aucune utilité dans mes voyages, là où pourtant, j’en aurait vu une possible utilité de secours. Soit. C’est ma faute. J’aurais du lire plus attentivement les petites lignes en bas.

Je vous épargne quelques autres mails de relance, car comme d’habitude, il a la fâcheuse tendance de lire ses messages environ une fois toutes les deux semaines. Je crois qu’il a bien saisi le caractère presque d’urgence de la situation. Entre temps, j’ai réussi à me démerder en utilisant tout le temps l’option « crédit ». Tant pis si je crève sous d’affreuses dettes. Aux dernières nouvelles, tout va bien.

C’est finalement, quelques semaines plus tard, alors que je suis confortablement installé dans un grand lit gonflable au rez-de-chaussé du sympathique loft des mes frenchies san franciscains, que mon téléphone portable sonne. Dehors il fait nuit, je me réveille. Il est minuit trente. Quel est le con qui… ?

«Mallooooooo?

  • Bonjour, monsieur Prat ?
  • Mmmoouuaaaih ?
  • Bonjour c’est monsieur B., votre conseiller à la Caisse d’Epargne. Je vous dérange ?
  • Mmmh, il est minuit trente.
  • Ah. Euh… vous êtes toujours à l’étranger ?
  • Mmoooui.
  • Ah. Vous voulez que je vous rappelle ?
  • Noooon, par mail.
  • Ok. Désolé.

Clac.

Castro & Haight-Ashbury

Tiens ? Une porte ouverte. Je vais donc l’enfoncer.

A quoi pensez vous quand on évoque San Francisco, j’veux dire plutôt en rapport avec les années 60-70 ? Oui, oui, c’est ça. On pense à la drogue, on pense aux fleurs, on pense à l’amour et à toutes ces sortes de choses évoluant dans d’ondulantes mélopées organiques aux couleurs de l’arc en ciel. On pense carrément psychédélire et jeunes gens émaciés aux cheveux longs mal entretenus que tempère un sourire épanoui quoique légèrement abruti. Moi, quand je dis ça, n’y voyez aucune ironie. J’ai une grosse sympathie pour cette époque et ces gens qui eux, au moins, tentaient des choses pour que la vie soit meilleure. Respect. En plus, côté musique, je crois qu’on avait atteint une apogée. Je digresse, mais tout ça pour dire que de cette époque ne reste à San Francisco que quelques traces visibles dans ses rues, même si l’état d’esprit a muter pour donner ce formidable esprit optimiste qui règne ici.

Bon sinon, si vous repensez encore un peu à San Francisco, ça vous évoque pas autre chose ? Mais si, un mouvement également très porté sur les couleurs arc-en-ciel ? Et oui, San Francisco la grande libertaire nord américaine fut également (et l’est encore) un grand bastion homosexuel. C’est ici que dans les années 80 de grands mouvements pour l’avancement de la cause LGBT eurent lieu. Pour vous dire, on y a même élu le premier conseiller municipal gay déclaré, Harvey Milk, qui y fut également assassiné en même temps que le maire de l’époque, Georges Moscone (qui, pour ceux qui suivent régulièrement les news high tech, donna son nom au fameux Moscone Center, le grand centre de conférence au cœur de San Fran où les grandes annonces de Google, Apple et consort ont lieu).

Le cœur de ces deux communautés se trouvent dans deux quartiers proches l’un de l’autre, Castro pour le quartier homosexuel et Haight-Ashbury pour celui des hippies. Je fais simple, bien entendu. Si vous cherchez la maison bleue, elle est très certainement accrochée sur les flancs nord de Twin Peaks alors qu’Harvey Milk fut élu représentant du 5ème district au cœur duquel se trouve Castro street sur les pentes est de la même colline.

DSC_8598_DxOUne petite ballade sympathique consiste donc à se poser sur l’herbe grasse du Mission Dolores Park, non loin de Castro. Sur les hauteurs on a une vue sur le parc, l’école en bas en style néo-gothico-hispanique mais surtout quelques unes des « painted ladies » les plus célèbres avec le downtown en arrière plan. Le quartier, d’ailleurs, en regorge. Si vous écoutez et observez bien, vous noterez déjà quelques indices libertaires chez ces gens tranquillement allongés.

DSC_8604_DxOOn poursuit ensuite notre chemin vers le nord ouest où on rencontre Castro street, le cœur de ce quartier militant. Des drapeaux arc-en-ciel partout et le musée dédié au mouvement LGBT ne laissent aucun doute. A part cela, la rue est fort sympathique, avec moult petits commerces ainsi qu’un cinéma art et essai.

DSC_8591_DxOEn remontant tranquillement Castro tout en s’éloignant du cœur du quartier, vous croisez un peu plus tard Haight street. Un virage à gauche et à l’approche d’Ashbury street, le quartier devient de plus en plus coloré, arborant de gigantesques fresques plus ou moins psychédéliques. Signe des temps, tout ça sent un peu les marchands du temple et les cars de touristes remontant la rue ne laisse aucun doute sur la transformation du quartier. Heureusement, les quelques rues parallèles abritent encore quelques irréductibles. Quelques magasins bio ou mystico-spirituels témoignent d’une population encore légèrement baba-cool.

Un peu plus à l’est se trouve le quartier limitrophe et cousin de Lower-Haight, beaucoup moins bariolé mais tout aussi charmant. Ne me dites pas que vous n’avez pas envie d’y habiter, je ne vous croirait pas.

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Notez que ce petit circuit, je l’ai fait à vélo arborant un boa rose et des franfreluches aux poignets. Prété par madame Claire Aymeric, il venait tout juste de passer une semaine dans le désert au festival Burning Man. J’allais pas faire le difficile. Bizarrement, j’avais même l’impression de faire couleur locale.

Par contre, je ne sais pas si je vous en ai parlé, mais ces rues de San Francisco, elles ne sont pas plates parfois.

Latinos

Quittons la baie et tournons nous vers le cœur de San Francisco. Si vous avez bien retenu votre leçon, Market Street traverse le cœur du downtown. Les rue perpendiculaires à celle-ci sont numérotées, selon un bon vieux plan en grille tout américain. En s’éloignant des quais et du quartier financier, on croise la 5ème, la 6ème, la 7ème rue et ainsi de suite. C’est d’ailleurs pour cela que l’on parle de « downtown », l’endroit de la ville où se trouvent les premières rues. Pourquoi donc vous parle-je avec condescendance de cela ? Parce qu’il m’est venu l’envie de rejoindre la demeure de mes copains frenchies, au croisement de la 18ème et de Connecticut, au pied de Portrero Hill. Sachant que mon auberge de jeunesse se trouve non loin de la 6ème, je me dit que l’aventure est parfaitement jouable. Le plan est simple : suivre Market street puis Mission street (un autre grand axe) en s’éloignant du downtown, jusqu’à croiser la 18ème qu’il me suffira ensuite de suivre jusqu’à l’intersection d’avec Connecticut. Imparable.

Je marche donc tranquillement en cette belle journée ensoleillée le long de Market. J’oblique sur Mission pour piquer droit au sud en comptant les rues que je croise. A l’approche de la 16ème, le quartier commence à changer. On quitte progressivement un monde anglo-saxon pour se retrouver dans une bulle hispanique. Je n’aurai de cesse de répéter à qui en doute encore que la Californie est autant hispanique qu’anglais et c’est encore plus flagrant dans ce quartier. A San Francisco et Los Angeles, de nombreux panneaux publicitaires et chaînes de télévisions sont en espagnol et la langue est quasiment devenu langue officielle.

DSC_8365_DxODans une ambiance latino, je retrouve un petit peu de cette atmosphère de rue du Vietnam. Le long de Mission se trouvent plein de petits magasins de toutes sortes, épiceries, tatoueurs, restaurants, quincailleries. La population est clairement issue de toute l’Amérique latine et cela se retrouve dans les denrées vendues. Sans difficulté, je trouve des masques de lucha libre, complètement indispensables, mais aussi des piñatas de toutes formes. Bien entendu, les épiceries vendent des produits du cru. La population est plutôt pauvre et on croise de nouveau quelques gueules cassées ou physiques disgracieux, signes qui ne trompent pas. Le tout est dynamique et vivant, dans un esprit populaire vraiment agréable.

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DSC_8363_DxOC’est aussi un quartier où on peut apercevoir des églises pentecôtistes ayant pignon sur rue dans des petites échoppes aux allures de préteurs sur gage. De manière assez amusante, dans une rue parallèle, j’aperçois une superbe église en bois peint abritant un magasin.

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Concernant mon cheminement vers ma destination, après une première surprise où je découvre que la rue directement après la 17ème s’appelle Mariposa et non pas 18ème (première entorse à la règle), je remonte cette dernière en croisant progressivement quelques rues au nom d’états : Florida street, Alabama street. Là où les choses sont devenues un peu moins agréables, c’est quand je me suis rendu compte que j’étais du mauvais côté de la fameuse colline de Portrero. Je ne sais pas si je vous en ai parlé mais les collines de San Francisco, elles ne sont pas de la tarte à grimper.