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Napa

Une journée plus tard, j’ai déjà quitté le nord de la Californie et les forêts de pins pour revenir dans la région de la baie de San Francisco. Je dois déjà rendre la voiture de location le surlendemain et me rapproche donc pour éviter toute course de dernière minute. C’est donc dans un motel glauque de Vallejo que je planifie les journées qui viennent. D’ailleurs, à ce propos, je me demande si le terme « glauque » n’est pas finalement indissociable du terme « motel ». Après le Motel 6 de Weed, l’America’s Best Value Inn de Vallejo et même le Quinta Inn d’Annaheim, je viens à conclure que nos Formule 1 français sont riants et joyeux à côté. Sans trop rentrer dans les détails, les chambres sont sombres, les fenêtres bloquées et surtout, une odeur prégnante et entêtante de déodorant bon marché, à défaut de rassurer, provoque l’effet contraire.

Pour commencer, je part explorer la vallée de Napa, non loin de là. C’est d’ailleurs le but de la région, les vallées viticoles de Napa & Sonoma au logement malheureusement inaccessible d’un point de vue financier. Suite à mon séjour de 3 ans en Bourgogne, je garde une affection particulière pour les régions à la forte tradition viticole. Je m’attaque donc en voiture à la Napa vallée avec un sentiment de forte curiosité et de joie. Je m’imagine emprunter des petites routes de campagnes bordées de vignes voir de me poser dans un champs pour pic-niquer, la baie de San Pablo et de San Francisco au loin. Oui, car pour ceux qui n’auraient pas la curiosité d’ouvrir leur atlas, les vallées de Napa et Sonoma sont directement au nord de la baie.

Tout d’abord, force est de constater que le commerce du vin a l’air d’être florissant par ici. Le meilleur indicateur est la taille des propriétés et l’aspect cossu des maisons (ou manoirs, par moment). Tout ceci respire les dollars à plein nez. Ce n’est d’ailleurs pas surprenant, ces deux vallées étant parmi les plus réputées des Etats-Unis. En Bourgogne ou dans le Bordelais, voir même dans les vallées viticoles autour d’Adélaïde en Australie, ce n’est pas si différent. Les maisons y sont également fort bien entretenu. La différence, par contre, c’est que cette richesse est ici beaucoup plus tape-à-l’oeil est ostentatoire.

De plus j’ai l’habitude de belles maisons anciennes accolées à des parcelles modestes. Ici, les parcelles sont relativement grandes et les maisons, plus loin, regroupées entre elles. A mon grand désespoir, la quasi-totalité des parcelles sont clôturées, et les chemins privés. Impossible d’aller se perdre dans des petits chemins montant dans les collines comme en Bourgogne. Tout est inaccessible. Mis bout à bout, tout ceci m’évoque une culture plus industrielle et moins artisanale du vin.

Je tente pendant quelque temps de trouver une route montant dans les collines boisées mais sans succès. Comme à chaque fois que je tente cette approche dans cette région, je constate qu’il y a une stricte séparation entre les zones habitées et les zones sauvages, contrairement à la France. C’est assez frustrant lorsqu’on n’est pas habitué.

Je me rabat donc vers la ville de Napa, centre de la région. Celle-ci porte également des marques de richesse et de haut embourgeoisement : voitures haut-de-gamme, bâtiments impeccables, restaurants chics à la clientèle portant lunettes de soleil et habits classes. L’architecture n’est pas particulièrement intéressante et hormis un jardin aromatique cultivé par un des chef fameux de la ville, bordant la mince rivière de Napa (ils ne se foulent pas trop pour les noms ici), je ne note rien de particulier. En désespoir de cause, je me gare à côté d’une DSC_8548_DxOhalle couverte à côté duquel se tient un autre « farmer’s market ». De nouveau, j’ai un sentiment de tendresse en constatant que les californiens redécouvrent les plaisirs simples du marché à l’ancienne. Je déambule donc à travers les quelques stands, toujours estampillés majoritairement « organic ». Un panneau d’interdiction d’accès au chien pour des raisons hygiéniques me fait de nouveau réfléchir au côté parfois DSC_8550_DxOtotalement irrationnelle des risques sanitaires. Aurait-on l’idée d’interdire aux mamies d’amener leur chien au marché du mercredi en France ?

Alors que je m’apprête à repartir après avoir acheté quelques pêches locales, un « hello » féminin m’interpelle. Je me tourne vers l’origine de cette interpellation, certes amicale, mais tout de même.

<Ralenti et musique genre « Take My Breath Away » de Top Gun>

Une femme sublime aux cheveux roux tirés en arrière et aux lumineux yeux verts me sourit chaleureusement d’un sourire étincelant digne d’une publicité de dentifrice. D’une voix exquise, elle m’invite à gouter un échantillon de son produit, une sorte de pain d’épice révolutionnaire que l’on peut toaster. Je lui répond « Glumpfxxsh rhreeuh, glups » et prend machinalement le morceau qu’elle me temps, hypnotisé par son regard. Je mâche toujours en mode automatique avec un grand sourire pendant qu’elle m’explique très très très loin, le son de sa voix richement nappée d’une réverbération cathédrale, les avantages de son produit fait artisanalement par elle même avec ses propres mains sublimes. Au prix d’un contrôle mental surhumain, je parvient à retrouver une syntaxe acceptable et un esprit plus clair.

<Fin du ralenti et de la musique>

Je l’écoute attentivement, toujours un sourire aux lèvres en l’encourageant à continuer pendant que je la regarde. Elle est vraiment magnifique et touchante car elle se lance manifestement toute seule dans cette aventure. Par contre, je tente de me concentrer sur le goût de son pain d’épice pour être un minimum sincère. Peine perdu. Je lui lance donc un banal « no, its good, really » un tantinet hypocrite. Totalement sous le charme, je m’arrache malgré tout à son stand en lui souhaitant bonne chance. Après quelques renseignements (internet fait des miracles, signe qu’il faut faire très attention à ce qu’on y met), je découvre que c’est une ancienne actrice d’Hollywood qui après quelques années de second rôles, a décidé de commercialiser une recette de pain d’épice qu’elle a elle même créée.

N’empêche que c’est fou, ce n’est pas au marché local de Lavaur, dans le Tarn, qu’on croiserait des actrices sublimes vantant les mérites des grattons de canard ! C’est aussi ça la Californie.

Mount Shasta

La région de Mount Shasta ne regorge pas de centres urbains mais les quelques qui trainent sont d’un intérêt pour le moins, limité. Mais commençons par un petit contexte géographique. Le mont Shasta est un volcan situé au nord de la Californie, à une petite centaine de kilomètres de la frontière avec l’Oregon. Il fait partie d’une chaine volcanique, la chaine des Cascades, qui part de la frontière canadienne de l’état du Washington jusqu’à une centaine de kilomètres au sud du mont Shasta où se trouve les deux derniers volcans, hauts de 2500m.

Le mont Shasta est un des plus haut volcan de cette chaine puisqu’il tape juste au dessus de 4300m d’altitude. Ce n’est pas rien. Je vous rappelle qu’il n’y a aucun somment de 4000m dans les Pyrénées. De plus, le dénivelé par rapport au terrain aux alentours est de 3000m. Vous pensez bien qu’il est donc particulièrement aisé de le repérer surtout qu’il est le seul dans les environs, de cette taille-ci. D’ailleurs, vous ne manquerez pas de remarquer qu’il n’est pas parfaitement conique, à ma grande déception. Il y a plutôt deux cônes, le mont Shasta, le plus haut et Shastina, un cône légèrement au nord-ouest du premier, 600m plus bas. De profil, venant de l’ouest, ça ruine tout.

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Il y a donc le volcan, quelques hautes collines couvertes de forêts de pins aux alentours vers l’ouest et une plaine vers le sud-est. Au pied de la montagne à l’ouest se trouve la ville du même nom, ce qui est bien son seul intérêt. Non franchement, passez votre chemin ou servez vous en comme base arrière pour faire des DSC_8504_DxOrandonnées. De plus, comme elle est très proche (on ne peut pas faire plus), les logements sont relativements rares. Plus au nord vous avez la bourgade de Weed (toujours aussi amusant comme nom), également pourvu en motels déprimants, dont l’intérêt autre que le logement est lui, par contre, absolument nul. Ni allez surtout pas pour faire des visites culturelles. C’est… nul.

Alors qu’est ce qu’il y a à faire dans la région ? Et bien je ne vous cache pas qu’il faut être plutôt branché nature, ballades, VTT ou kayak. Il est possible de monter jusqu’au sommet avec un peu d’équipement, mais 4000m, ce n’est pas anodin. D’ailleurs, il semblerait que ce soit un volcan sous surveillance. On le suspecte de faire semblant de dormir.

DSC_8510_DxOComme dans tous les parcs que j’ai visité aux USA, les chemins de randonnées sont très bien indiqués. Ça en devient même presque frustrant. Je me suis donc contenté d’une petite marche au sommet de Gray Butte, un des petits dômes sur la pente sud, qui avec 200 petits mètres de dénivelés permet d’avoir une vue panoramique sur le volcan, le tout sous un ciel immaculé, un franc soleil et, malgré les 2400m d’altitude, une agréable température printanière. DSC_8538_DxORésultat ? Ça vaut le détour et j’y suis même resté un bon moment à contempler, lire et faire la sieste, jusqu’au soleil déclinant. De toute façon, il n’y a rien d’autre à faire.

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Road to Mt. Shasta

Pour vous remettre dans le contexte, je vous rappelle que je viens de proposer à une petite suissesse légèrement baba-cool de l’amener du côté de Mount Shasta pour qu’elle puisse rejoindre sa bande d’ami dans un Rainbow Gathering, une sorte de communauté hippie improvisée. De toute façon, c’est sur mon chemin car, moi, j’y vais à Mount Shasta. Nous nous mettons donc d’accord pour se retrouver au Redwood Lily guesthouse juste après midi. Chacun part vaquer à ses occupations en attendant, notamment moi qui fait le tour du marché et du CoOp d’Arcata pour acheter de quoi manger.

DSC_8495_DxOEn vacance, pas de violence. N’empêche que parfois, on se tape sur les doigts de ne pas s’appliquer une rigueur organisationnelle quasiment indispensable lorsqu’il s’agit de coordonner plus d’une personne. Je reviens donc à la guesthouse peut après midi et part à la recherche de Sabita. Elle n’est pas là mais, pas de panique, l’heure de rendez vous est assez lâche. Je me pose donc dans un des confortables fauteuils pour reprendre les aventures de Dick Bolitho, quelque part en méditerranée en pleine guerre napoléonienne. Une heure plus tard, je commence un peu à trouver le temps long, mais sans m’agacer pour autant.

C’est finalement peu après 14h que la jeune suissesse retourne à la guesthouse. Entre temps, Christine, la new yorkaise croisée au petit-déjeuner, avait parvenu à la joindre sur son portable pour s’enquérir en mon nom de son retard. Malgré cela, je ne parviens pas à être énervé ou en colère. Après tout, on est dans une atmosphère peace & love, ici, sans parler de mon manque de précision dans les consignes : after noon (après midi), c’est un peu vague et peut tout aussi bien dire juste après 12h que quelque part vers 14h-15h. Ça m’apprendra à ne pas être ferme.

J’attends encore un peu que Sabita rassemble ses multiples sacs, ses affaires ayant depuis longtemps débordés de son sac à dos d’origine, puis finalement, nous chargeons la voiture et quittons Arcata. Le temps frais et gris ne fait rien pour nous retenir.

La route pour Mount Shasta fait environ 350km mais c’est sans compter sur les limitations de vitesses américaines. En même temps, nous ne sommes pas vraiment pressé et la seule limite que je me donne est d’arriver à Mount Shasta avant la tombée de la nuit. D’ailleurs, de manière assez comique, ce motel se trouve dans la petite bourgade de Weed, au nord du volcan. On est en plein dans l’esprit flower power. Cette route commence par tracer complètement à l’est par dessus la chaine de montagne côtière pour rejoindre la ville de Redding, avant de repiquer au nord pour le dernier tiers du parcours.

DSC_8493_DxOCette première portion traverse donc la chaine de moyenne montagne qui borde toute la Californie. De manière assez spectaculaire, une fois passé un col, nous quittons les nuages pour plonger dans le soleil. En se retournant, une longue et basse langue nuageuse se déverse mollement du côté Pacifique vers la vallée ensoleillée. La température est à l’avenant, estivale avec un vent chaud surprenant mais bienvenu. On finira le restant de la route jusqu’à Redding les fenêtres entrouvertes profitant de cet air sec et chaud.

Inutile de préciser que tout ce trajet est l’occasion de papoter avec Sabita, rouquine aux cheveux longs dans un accoutrement baba-cool, et de discuter de voyages. A l’origine venant de Zurich elle a déjà pas mal voyagé malgré ses 25 ans, environ, toujours en mode routard mais souvent avec des amis, parfois en faisant du stop. Elle n’est pas totalement inconsciente mais, encore une fois, les angoisses des uns ne sont pas forcément celles des autres. Deux européens aux Etats-Unis, on partage le même sentiment de vide lorsqu’on traverse les petites bourgades sans charme le long de la route.

Autre point commun, il s’avère que Sabita a passé quelques mois à Auroville, la communauté utopique à proximité de Pondichéry, en tant que visiteur extérieur. Contrairement à moi, elle a pu côtoyer la communauté et surtout, pénétrer dans le saint des saints, le Matrimandir (coup de tonnerre). Souvenez-vous, le Matrimandir (tataaaaa!) c’est le gros bâtiment en forme de boule au milieu du village qui contient une salle de méditation. Je m’en étais fait tout un mystère avant que Sabita m’annonce avec nonchalance y avoir effectué une séance de méditation, elle la non-initiée. Finalement, on y rentre comme dans un moulin. Bravo le mystère! Ceci dit, elle avoue que bien que l’ambiance soit très internationale et agréable il y a une légère séparation entre les gens de la communauté et ceux de l’extérieur. Aaaah, c’est quand même un peu mystérieux alors.

DSC_8496_DxOC’est finalement vers les 18h que nous pénétrons dans la ville de Mount Shasta, au pied du volcan. Sabita tente de me guider vers son point de rendez-vous en suivant les indications laissées par ses amis. Nous roulons pendant une demi-heure en s’éloignant de la ville, en longeant un lac bordé d’une forêt de pins. On s’arrête et la suissesse part interroger les rares personnes rencontrés. La Rainbow Gathering est encore plus loin, encore plus isolée au milieu de la forêt. J’avoue être à la fois curieux de connaître ça mais à la fois pressé de me poser au motel après quatre heures de route.

Finalement, nous repérons un bus délabré garé sur le côté au milieu d’un endroit dégagé. Quelques personnes à l’aspect débraillé et dreadlocks sont assises sur le toit. Sabita descend et part à leur rencontre. C’est confirmé, c’est bien ici. Le campement est encore plus loin à pied dans la forêt. Elle me propose de venir boire une bière avec ses amis. J’hésite. Ce n’est pas tout les jours que l’on peut assister à une fête hippie au 21ème siècle. Lâchement et de manière un peu casanière, je décide de décliner en laissant la porte ouverte pour passer une autre fois. Je compte rester deux jours dans les parages pour randonner et aurait donc le temps.

Finalement, je ne reviendrai jamais, faute de motivation. Avec la fête de village en Inde, je suis sur que ce sera quelque chose que je regretterai plus tard.

Redwood Lily Guesthouse

Avertissement préalable pour les personnes malentendantes ou dénuées de hauts-parleurs: ce billet est sonore. Accessoirement, il devrait également avoir l’odeur du chanvre, de la poussière et d’une douce lumière matinale filtrant à travers des vitres ouvragées. Mais ça, c’est beaucoup plus difficile à rendre.

Je dois bien avouer que, pour certains aspects, je commence à apprécier le principe des auberges de jeunesse, notamment l’espace commun et la cuisine, où il est facile de croiser des gens. De plus, les personnes qu’on y trouve sont souvent dans un état d’esprit plus ouvert qu’à l’hôtel où chacun, y compris moi, finalement, reste dans sa bulle.

Pour m’héberger à Arcata, je suis donc parti à la recherche sur booking.com, un de mes sites de base lors de ce demi-tour du monde, pour rapidement me rendre compte que l’offre en la matière d’auberge était inexistant. Seuls quelques motels ou hotels aux tarifs plus conséquents étaient disponibles. Je me replie sur le site de couchsurfing, espérant trouver quelques plans, bien que la destination ne soit pas commune. Rapidement, je tombe sur le billet d’un couchsurfeur parlant d’une sorte d’auberge maison d’hôte écologique venant de se créer, le Redwood Lily guesthouse.

La chose est effectivement récent puisqu’aucun site web n’existe hormis une courte page Facebook où je trouve un numéro de téléphone. Quelques minutes de conversation téléphonique plus tard, je viens de réserver trois nuits en chambre individuelle pour un tarif à mi-chemin entre un hôtel et une auberge de jeunesse.

Le Redwood Lily guesthouse, c’est une maison de style victorien en bois, typique d’Arcata, restaurée depuis quelques mois, transformée en lieu de résidence. Les réservations, l’entretien et les travaux de restauration en cours sont effectués par des bénévoles ainsi que par deux étudiants de l’université d’Humboldt, logés à plein temps ici en contrepartie. L’intérieur est extrêmement chaleureux, meublé en bois, avec un grand et petit salon commun ainsi que la cuisine où chacun peut se préparer un repas. L’ensemble est construit et entretenu dans un esprit de développement durable, servant également de base d’expérimentation pour les étudiants d’Humboldt. Je vous invite à aller voir leur site web (nouvellement créer) pour avoir quelques images.

A mon arrivée, on m’octroie un des trois lits « alcôves » situés sur le palier du premier étage, à côté d’un étudiant chinois et d’une jeune femme mutique. Pour ce qui est de la chambre individuelle, c’est raté. Le prix, du coup, devient un peu excessif, payable uniquement en liquide. Il doit y avoir en tout une petite dizaine de pensionnaires dont quelques uns qui campent dans le jardin. Je discute un peu avec un des deux étudiants résidant qui gère l’endroit, pour le compte de la véritable propriétaire que j’aperçois de loin le lendemain.

Je croise les autres résidents avec un sourire poli et un calme « hi ». Bizarrement, chacun est un peu sur sa réserve, notamment moi, un peu échaudé pour le coup du lit en alcôve à 40$ la nuit, hormis un petit groupe de jeunes que j’écoute d’une oreille distraite discuter dans la cuisine. Tout ce monde semble être à mi-chemin entre un mode hippie et touriste difficile à trancher, surtout que je découvre qu’une partie des gens que je croise sont également des bénévoles travaillant en journée sur le chantier. Ceci dit, la population est encore plus variée qu’en auberge de jeunesse, allant d’une vingtaine d’année à la soixantaine pour deux des pensionnaires.

C’est finalement, le deuxième matin, alors que j’avais décidé de quitter Arcata une journée plus tôt (je crois que le temps gris commençait à me taper sur le système), que j’ai véritablement fait connaissance. Dans la cuisine, alors que je mâchonnait mon sandwich pain fromage tout en profitant du café gracieusement mis à disposition, je fus rejoint par une des jeunes puis par une femme brune plus âgée. Je décide de briser la glace en demandant si l’une d’elle connait le temps nécessaire pour rejoindre en voiture le mont Shasta, un volcan plus à l’intérieur des terre.

Quelques minutes plus tard, nous papotons gentiment. La plus jeune, Sabita, une suissesse alémanique (encore une, c’est fou ça. Les seuls suisses que je croise sont allemands) rousse d’une petite vingtaine d’années est en ballade de plusieurs mois en mode routard en Californie. Christine, la brune d’une trentaine d’année est une new yorkaise pur jus effectuant un road trip en tente et voiture de location entre Portland (Oregon) et le nord de la Californie. Chacune a découvert la Redwood Lily guesthouse un peu comme moi, par hasard. Chacun raconte un peu ses aventures, le tour du monde faisant toujours un peu son petit effet.

Une demi-heure plus tard, une dame plus âgée, autour de la soixantaine, cheveux longs, entre dans la cuisine et se joint à la conversation. Tout doucement, elle dévie du sujet et parfois de manière presque incohérente insère des anecdotes de sa vie passée. A bout d’un certain temps, nul doute n’est permis, elle est un peu perchée, mais gentiment. Mes certitudes se confirment au fur et à mesure : c’est une ancienne hippie avec un passif pour ce qui est des drogues psychédéliques. Ne croyez pas que je sois choqué, pas du tout. Bien qu’un peu dérangeant au début (elle partait vraiment dans tout les sens, sautant du coq à l’âne) je suis rapidement captivé de rencontrer quelqu’un ayant vécu au cœur de la révolution des années 60-70 autour de San Francisco. De manière totalement nonchalante (mais sans doute sans innocence) elle nous glisse avoir vécu à Palo Alto (en plein cœur de l’actuelle Silicon Valley) dans les années soixante où elle avait profité des expériences d’un certain laboratoire de chimie de l’université de Stanford (ce qu’il faut comprendre comme ayant profité de LSD). Toujours aussi nonchalamment, elle nous parle de Jerry Garcia, guitariste décédé des Grateful Deads, croisé à ce moment là.

On a beau savoir qu’on est à deux relations de n’importe qui, rencontrer pour la première fois de ma vie quelqu’un ayant connu une des figures majeures du mouvement rock de San Francisco en pleine flower power, moi, ça me fait tout drôle. Par contre, je ne connais absolument pas leur musique, ce qui est totalement ridicule, je le concède. Rapidement, notre hippie monopolise la conversation. Il faut dire qu’on est tous un peu curieux et mine de rien, subjugués. A l’heure actuelle elle habite Hawaï et j’avoue n’avoir pas bien retenu ce qu’elle venait faire ici.

Pendant ce temps là, nous avons été rejoint par une cinquième personne, un homme émacié cheveux gris et mi-longs d’une bonne soixantaine également. Sans trop de difficulté je devine que c’est un ancien des années psychédéliques, bien qu’il ai beaucoup moins souffert que notre amie, intime de Jerry Garcia. On sent comme une certaine affinité entre eux, d’ailleurs. Notre homme, quand à lui, vient de Santa Barbara, juste au nord de Los Angeles ce qui ne manque pas de lui attirer une remarque de ma part. Je vous avoue que j’ai eu une période de mon adolescence où j’étais totalement accroc au « soap opera » « Santa Barbara », sorte de mélange entre « Dallas » et « Les Feux de l’Amour » totalement débile. Du coup, je ne peux résister à l’envie de lui expliquer qu’en France on ne connait Santa Barbara qu’à travers cette minable série télévisée, ce qui ne donne pas un aperçu très positif de l’endroit. Fort heureusement, il me détrompe. Santa Barbara, d’après lui, était jusque dans les années 80 un havre de la contre-culture, sorte d’Arcata du sud, si j’ai bien compris. Ce n’est que bien plus tard que de riches familles de Los Angeles y envoyèrent leurs riches rejetons y étudier dans l’université locale, pourrissant un peu l’atmosphère. Néanmoins, d’après lui, ça reste un endroit calme et libéral (au sens américain du terme, encore une fois). De la même manière, je ne me souviens plus ce qui l’a poussé à remonter plus au nord pour séjourner à Arcata.

C’est donc pendant une bonne heure autour d’un petit déjeuner presque commun, certains assis à la table et d’autres adossés aux buffets, que je découvre ces personnages étonnants. Pour vous dire à quel point l’ambiance était bonne, je fini par échanger mes coordonnées avec Christine, qui me propose de me sous louer son appartement pendant mon séjour final à New York mais également, je propose à Sabita de l’accompagner à Mount Shasta. Figurez-vous que cette petite suissesse souhaite participer à un « Rainbow Gathering», communauté éphémère, spontanée, baba-cool et alternative, justement en cours de réunion au pied du Mount Shasta. Qui a dit que les hippies et beatniks étaient morts?

Encore un peu plus et l’amie de Jerry Garcia nous proposait de l’herbe qui fait rire ou des pastilles qui font planer. Ce qui est un peu tôt pour le petit déjeuner. Sur ce, je vous laisse avec Jerry Garcia et sa bande. Il n’est jamais mal de replonger dans l’utopie de cet univers.

Trinidad

Il faut arrêter de fantasmer à propos de la météo californienne. Le soleil il se cantonne surtout dans le sud, Los Angeles jusqu’à San Diego. Au nord de San Francisco, le long de la côte, c’est beaucoup moins glamour, la faute, sans doute à ce fameux courant froid qui longe toute la côte de Vancouver jusqu’à la Basse-Californie, provoquant de nombreuses brumes maritimes. Accessoirement, ça implique également que l’eau est en moyenne entre 8-10° en cette saison, ce qui même en présence d’un franc soleil, refroidi considérablement mes ardeurs de faire du surf, combinaison ou pas.

Maintenant que je suis totalement démotivé pour m’initier à la joie d’attendre une vague parfaite des heures dans de la flotte glaciale, il me reste encore à réaliser mon autre projet nord-californien, partir à la recherche des Goonies. Un matin, je demande donc au jeune homme à l’accueil de ma guest house (je vous en parlerai dans le prochain billet) ce qu’il y a de chouette à voir aux alentours, notamment en matière de petite ville côtière adossée à de sombres collines de pins californiens. Il commence à me vanter les marais au sud d’Arcata, sachant que j’apprendrai plus tard qu’il est étudiant en biologie ce qui introduit un sérieux biais dans son jugement de choses « intéressantes » à voir, puis me parle de Trinidad, petite bourgade un peu plus au nord, très jolie d’après lui. Je part donc l’après midi aller voir ce lieu-dit (oui, car le matin, j’avais bossé, histoire de vous prouver que je ne suis pas tout le temps en train de me balader).

DSC_8444_DxOTrinidad, c’est vraiment tout petit. Quelques petits tapotements sur mon clavier plus tard, j’apprend que la population tourne autour de 350 personnes ce qui me permet sans trop d’erreur d’employer le terme « village » pour cette commune. Est-ce que c’est un charmant village colonial aux bâtiments de bois peints, façon les sorcières d’Ipswich ? Non, pas du tout. A vrai dire, lorsqu’on tourne le dos au Pacifique et qu’on jette un œil à l’agglomération, ce n’est franchement pas reluisant, juste quelques maison accrochées en pente douce à une colline adossée à une forêt. En tout cas, ça correspond assez à l’ambiance recherchée.

Par contre, tout l’attrait du site porte sur la petite anse et la plage, séparée entre les deux par une petit colline sauvage que l’on peut parcourir le long d’un chemin qui s’élève au dessus de l’océan. Un petit phare surplombe cette anse où sont amarrés quelques bateaux de pêcheurs. Commencez donc par vous plonger dans l’ambiance sonore.

DSC_8414_DxO DSC_8420_DxO DSC_8428_DxO DSC_8434_DxO DSC_8438_DxOD’ailleurs, la ballade autour de cette colline sauvage permet d’admirer au loin quelques îlots isolés d’où parviennent, malgré le vent, les aboiements des lions de mers. Quand à la plage, malgré le temps maussade mais tempéré, j’y croise un surfeur solitaire, une adepte du yoga effectuant ses exercices fasse aux vagues océaniques (ce doit être particulièrement bon pour le karma) ainsi que quelques promeneurs comme moi.

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Avec le ciel bas, la brume s’accrochant aux forêts et les rochers en forme de dents acérées qui bordent la côte, on est tout de suite plongé dans une ambiance inquiétante. Alors que je prend des photos, trois femmes habillées de longues robes noires remontent la rue. L’une d’elle porte un grand chapeau pointu de sorcière, sans doute en route vers un sabbat satanique new age où on grignoterai des biscuits au quinoa tout en sirotant comme des folles des jus de légumes. Avec le soleil qui décline, je suis à deux doigts de verser dans une paranoia Lovecraftienne.

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PS : En regardant sur Wikipédia, je viens de découvrir que le film « Les Goonies » se situe à Astoria, encore plus au nord… en Oregon. Mince.