Archives de catégorie : USA

Géolocalisation à NYC

Afin de faciliter les indications de localisation, laissez moi très brièvement vous rappeler comment se repérer dans une ville comme New York. Vous allez voir, c’est réellement enfantin et d’une rassurante simplicité pour le touriste. Notez que je vous livre ici le mode d’emploi pour Manhattan, un des nombreux « boroughs » (sorte de gigantesque arrondissement) de la ville (Le Bronx au nord, Brooklyn et Queens à l’est sur la pointe de Long Island, et finalement Staten Island au sud). Ne nous voilons pas la face, lorsqu’on dit « New York » on pense instantanément dans 90% des cas à « Manhattan ».

Les premiers colons hollandais s’installèrent au sud de l’île de Manhattan, nom provenant de l’algonquin « manna-hatta » signifiant « île aux nombreuses collines ». Voilà pour tes soirées Trivial Pursuit, cher lecteur. Cette pointe sud est communément nommée « downtown », en bas de la ville en bon français pour la simple et bonne raison (mais je vous l’avais déjà expliqué) que c’est l’endroit où commence la numérotation des rues. Les rues sont (quasiment toutes) parallèles et traversent l’île dans la largeur (grosso-modo d’est en ouest et réciproquement). La 1ère rue est donc au sud et la 218ème, au nord, juste au bout de la pointe. Perpendiculairement, les avenues parcourent l’île du sud au nord (et inversement car aucune rue ni avenue n’est en sens unique). La 1ère avenue est à l’est alors que la 12ème longe l’Hudson à l’ouest.

Voilà. C’est propre, c’est carré, c’est bien rangé et présentement je me balance de droite à gauche de contentement en émettant un curieux bourdonnement grave. Sauf que.

Vous n’êtes pas sans savoir, car on ne peut pas être ignare à ce point, qu’un gigantesque parc arboré occupe le cœur de l’île. Oui, je parle bien du Central Park, nom sans originalité mais qui ne laisse que peu d’ambiguité quant à sa situation géographique. Vous pensez bien que les rues et les avenues ne traversent pas ce poumon vert (cliché, te revoilà). En toute logique, une rue commençant à l’est interrompue par le parc reprend tranquillement son chemin sous le même numéro, à la même hauteur de l’autre côté. Comme le New Yorkais est sympathique (ou fainéant), les rues sont même précédées du qualificatif « Est » ou « West » suivant que l’on parle de la section de rue à l’est ou bien à l’ouest (respectivement) du parc.

Me voilà de nouveau emprunt d’un sourire béat de satisfaction. Le monde est de nouveau bien ordonné et les rues bien rangées. Sauf que.

Pour je ne sais quelle raison, certaines avenues ne portent pas de numéro. Tenez, par exemple, vous pensez peut être que la célèbre 5ème avenue suit la 4ème, elle même à l’ouest de la 3ème ? Ta, ta, ta. Point du tout. La 4ème et 3ème se nomment en réalité Madison et Park. Bon, admettons. Là je commence à me balancer de plus en plus fort d’avant en arrière lorsque je constate que ce qui devrait, en toute logique, être la 2ème avenue est en réalité Lexington. Un léger tressaillement de la paupière gauche me gagne lorsqu’en marchant encore plus à l’ouest l’on croise la 3ème avenue ! Et Broadway ! Hein ! Broadway par ci, Broadway par là. C’est quoi ça ? Une avenue ? Une rue ? On ne sait pas car elle s’appelle juste « Broadway ». D’ailleurs, sa nature ambigue se reflète dans son tracé totalement de traviole suivant une grossière diagonale au sud du parc. Gggggg.

Respire. Souffle. Mmmmh. Bon. Admettons. Après tout, il n’est pas interdit d’avoir un peu de fantaisie ou de vouloir faire plaisir à certains richissimes et célèbres enfants de la ville en nommant quelques voies en leur honneur. Tant que tout ça reste bien propre et perpendiculaire et suivant une suite strictement monotonique. Sauf que.

Dés qu’on s’approche du downtown, les choses commencent rapidement à partir en testicules. Là, ça devient la fête du slip et de la cochonnaille réunie. Plus aucune numérotation, plus aucune perpendicularité, des rues en sens interdit, c’est du grand n’importe quoi européen ! Là, je me tape le front contre un mur avec une écume de bave aux lèvres. Vas-y pour les Wall Street, les Pine Street, les William Street qui est perpendiculaire à la précédente alors qu’elle s’appelle « street » au mépris de la plus élémentaire logique!!!! GGGGGGGGGRgggggggaarrrr. Pas bien. Caca.

Vous l’aurez bien compris, tout ceci découle de l’histoire. Ça a commencé en foutoir au sud jusqu’à ce qu’un urbaniste décide que tout ceci était bien débile et qu’il y avait peut être mieux à faire pour s’y retrouver. C’est donc plus ou moins au sud de Greenwich village que commence réellement cette numérotation qui a fait la célébrité de la ville, rapidement reprise dans d’autres villes américaines.

Pour finir, et pour voir si vous avez bien compris, l’Upper East Side correspond bien entendu au quartier longeant l’est de Central Park plutôt éloigné de downtown (puisque que le midtown est généralement considéré comme finissant au sud du parc) alors que le Upper West Side est de l’autre côté. D’ailleurs, si vous êtes multimillionnaire en euros / dollars / livres sterlings / francs suisses / dong vietnamien (cherchez l’intrus), je vous recommande ce quartier. Vous serez entre gens de votre monde. Moi, je serez le clochard bave au lèvre fixant les panneaux indicateurs.

Encore du transport

Là, rapidement avant que j’oublie parce que j’ai une mémoire hyper sélective, rappelez moi de vous parler de transport. Je vous en avais parlé dans un billet précédent, en plus. Maintenant, je me sens drôlement obligé. Bon en même temps, ça va être extrêmement bref.

Je pourrai vous parler du métro montréalais mais en fin de compte il n’y a pas grand chose de particulier à évoquer à son sujet. Il est efficace, spacieux et surchauffé. A bien voilà, effectivement, il est particulièrement surchauffé et hormis les annonces au délicieux accent québécois, il n’y a rien d’autre à ajouter.

Pour transiter de Montréal à Québec puis au-delà vers La Malbaie, j’ai eu le plaisir d’utiliser le bus. Je parle de plaisir car hormis un prix raisonnable il propose d’office un accès WiFi gratuit (bien qu’erratique) ainsi que des prises électriques. L’avantage est qu’il est possible de travailler. Le désavantage est qu’on garde le nez devant son ordinateur alors que le paysage extérieur est superbe. A vrai dire, entre Montréal et Québec, le paysage est loin de l’être. Entre Québec et La Malbaie, ça commence à être un peu plus intéressant.

Pour ce qui est du train, les choses sont beaucoup moins évidentes. Il existe un train qui remonte le Sain-Laurent au départ de Québec en s’arrêtant régulièrement (notamment à La Malbaie) mais, comme le Great Khan Railway en Australie, son but est essentiellement touristique voir luxueux, façon Orient-Express. Les billets y sont d’ailleurs beaucoup plus onéreux que le bus.

La gare routière de Montréal (arrêt de métro Berry-UQAM) est donc le nœud central des transports régionaux. Différentes compagnies, notamment Greyhound, proposent des liaisons vers les villes voisines canadiennes et américaines. Je prend donc un billet pour New-York départ 11h arrivée 20h. Oui, on ne dirait pas mais il faut bien ses 9h de route pour rejoindre la grosse pomme en prenant les voies les plus rapides. Fort heureusement, et il semblerait que ce soit la norme Amérique du Nord, le WiFi est également en accès gratuit (mais toujours aussi erratique) et des prises électriques disponibles à chaque siège.

Prendre le Greyhound pour New York au départ de Montréal, c’est un peu un choc culturel. Attention, je m’apprête à partir d’une unique expérience (enfin… quoique, peut être deux) à généraliser. C’est moche. Alors que la quasi-totalité des montréalais croisés étaient souriants (même timidement) et d’un abord agréable, la conductrice de notre bus arbore la face neutre et sans émotion de la new-yorkaise à qui on ne la fait plus. On n’est pas ici pour se fendre la poire. Imaginez une Whoopee Goldberg en surcharge pondérale (nouvelle indice que nous nous apprêtons à refouler le sol américain) effectuant ses annonces en gueulant comme une gardienne de prison, sans l’aide de la sonorisation interne prévue à cette effet. Elle va vite nous faire regretter la douceur canadienne.

Le trajet commence par un court tronçon jusqu’au poste frontière où nous descendons tous du bus et effectuons un passage devant le service d’immigration. C’est sans doute dans ma tête mais je trouve qu’il y a quelque chose de nettement plus sombre et déprimant aux États-Unis. Une demi-heure plus tard, notre chef de prison nous gueule dessus et nous remontons dans le bus comme des taulards, tout ça, bien entendu sans un soupçon d’ombre de sourire.

A partir de là, la route traverse les douces collines du Vermont, légèrement colorées. Le temps est maussade et ajoute au caractère froid et sans saveur de ce trajet. Nous suivons l’autoroute et rapidement, j’alterne sommeil, lecture et rédaction de ce même blog. Une seule fois nous effectuons un autre arrêt dans une zone insipide pour que notre matrone se repose. Nous repartons. Le jour décline puis à la tombée de la nuit, entrons dans une zone nettement plus urbaine. Des néons des grandes enseignes commerciales parsèment le paysage. Les panneaux indiquant les sorties se multiplient. Des noms deviennent de plus en plus familiers, New Rochelle, Pelham. Pas de doute, nous approchons de notre destination.

Finalement le bus s’engage sur un pont et chacun peut admirer la skyline inimitable de New-York, parée de ses guirlandes nocturnes qui se mirent sur l’Hudson (la poésie, c’est gratuit aujourd’hui). Un début d’excitation se fait ressentir. Après quelques méandres dans Manhattan, notre véhicule pénètre dans un sous-terrain et vient se garer à côté d’autres bus estampillés Greyhound. « New-York Citttyyyy, New-York Citttyyy final stop. Everybody must get OUT. » Toujours aussi agréable cette conductrice. Bienvenue.

Une fois mes sacs-à-dos récupérés je pénètre dans la gare routière du Port Authority de New York. Ma mission consiste à rejoindre l’intersection de Lexington Avenue et de la 100ème rue en métro, où Christine, la new-yorkaise croisée à Arcata, me sous-louera son appartement pour quelques jours. Quelques moments de flottements plus tard où j’essaye de comprendre le système de ticket de la MTA (Metropolitan Transport Authority), je m’engouffre à la suite d’autres commuters dans les tunnels moites vers la plateforme de mon premier métro. Je retrouve cette ambiance anonyme, frénétique, presque agressive de grande ville blasée. New-York début octobre est chaude et humide, encore plus dans ses boyaux. Je me retrouve rapidement en sueur parmi les habitués en T-Shirts ce qui provoque le sourire d’une usager. Finalement, après une correspondance à Grand Central Station, et une longue remontée vers le nord dans les sous-sols cahotants et grinçants de Manhattan, j’émerge dehors, dans une douce soirée au sud de East Harlem.

Scout chez les silicon frenchies

Vous devez commencer à avoir l’habitude mais je vais, de nouveau et en introduction, me prêter à une généralisation outrancière à partir d’un échantillon réduit de cas. J’affirme avec aplomb qu’un nombre important d’américains, de toutes catégories sociales, ont un parcourt professionnel extrêmement varié, beaucoup plus varié que la moyenne française.

Lorsqu’on interroge un(e) français(e) moyen(ne) sur sa profession, la personne (ça me simplifiera le maniement du genre) vous répondra « cadre commercial » (beurk), « agent EDF », « prof » ou encore « ingénieur informaticien » (sur-beurk). Je sais qu’il ne faut pas juger les gens uniquement sur leur profession (car il faut également tenir compte, comme chacun le sait, de leur aspect physique), mais force est d’avouer que l’image qui en ressort est extrêmement peu excitante, à moins que la réponse à la question soit « photographe de guerre » ou « tueur à gages » (ou que la personne soit une sublime blonde avec un ratio tour de poitrine / tour de hanche égal au nombre d’or).

Avec les américains que j’ai rencontré, hormis Phil à Darwin qui était tristement uniquement ORL (bon, certes expatrié en Australie pour un an fraichement sorti de son université), je suis à chaque fois surpris par le curriculum que l’on me donne. Ils ont souvent à leur passif deux ou trois métiers différents. Sans réfléchir au pourquoi du comment, je trouve ça incroyablement rafraichissant et surtout, enrichissant. Ça doit faire beaucoup pour éviter le corporatisme bien que cela induise sans doute d’autres inconvénients qui ne me viennent pas à l’esprit, là, spontanément.

Mais rappelez-vous, tout ceci n’est qu’une introduction et nullement le cœur thématique de ce billet. En vérité je souhaiterai vous parler d’un gars prénommé Merrick. Forcément, je vous doit en préambule quelques explications quand à son intérêt.

Il est venu mon dernier soir à San Francisco. Je sais, c’est triste. Toutes les bonnes choses ont une fin et il est temps que j’aille affronter le froid polaire du Québec automnale (enfin, que je me dis). C’est donc ce samedi soir que nous allons passer une soirée à Redwood City, bourgade résidentielle sans intérêt de la Silicon Valley, hormis d’être mitoyenne de Palo Alto (où réside, je vous le rappel bande d’ignares, l’université de Stanford et le siège mondial de Hewlet-Packard) et d’abriter le siège mondial, lui aussi, d’Oracle (qui pour ceux qui ne le savent pas est une méga compagnie d’informatique dont le grand patron, Larry Ellison, est un des hommes les plus riche du monde).

Je dis nous car je suis (du verbe « suivre », pour éviter toute ambiguité) Sam, Claire et le petit Isaac, à une soirée d’anniversaire organisée par un de leurs amis français habitant la sus-mentionnée Redwood City. Dans une maison de plein pied au milieu d’un quartier fade est propret, surveillé par le neighborhood watch et les patrouilles de police, où réside tout les cent mètres un millionnaire internet séparés par des voisins employés de sociétés high techs aux salaires supérieurs ou égal à 100k$ par an, je retrouve une joyeuse bande composée d’une ossature de frenchies immigrés et d’américains. Pour éviter toute mauvaise interprétation, la référence aux revenus des gens n’est là que pour poser le décor de façon légèrement hors sujet de la réalité immobilière de la Silicon Valley. Paradoxalement, les maisons ne sont pas particulièrement luxueuses, tout au plus confortables et spacieuses. Mais je m’égare.

Je me retrouve donc rapidement un verre de bière locale à la main, à faire et subir les présentations d’innombrables gens dans un état de joie croissant. Poignées de mains ou bises (quand ce sont des françaises), j’en arrive à serrer la paluche à un américain prénommé Merrick. Là commence le sujet de ce billet.

Merrick, c’est un jeune gars (une petite trentaine) de Santa Cruz (station balnéaire à une heure au sud, Mecque des surfeurs) travaillant en tant que développeur dans une petite société du Web. En France, on s’en serrait certainement arrêté là (rapport à ma longue introduction et ma fallacieuse statistique) et j’aurai papillonné vers un autre groupe de personnes en claironnant que moi, j’ai Fait l’Inde. Avant que j’ai pu trouver un habile stratagème pour clôturer cette conversation naissante et me trouver un nouvel interlocuteur, il enchaine en expliquant qu’il souhaite prendre de l’expérience pour espérer pouvoir créer sa boite (mais ça, ici, dans cette partie du monde, c’est aussi commun que d’annoncer ailleurs qu’on va s’ouvrir un PEL) car malgré son âge il est débutant dans le métier.

Je fais une rapide soustraction mentale et suis surpris par son manque d’expérience professionnel à son âge. Si vous êtes un brin perspicace, vous aurez compris qu’il n’en était pas du tout à sa première expérience professionnelle, mais juste débutant dans sa nouvelle carrière d’informaticien, débuté il y a peu. Pour vous, pour que vous ne mourriez pas de curiosité, je l’interroge donc sur ses précédentes activités. Sa réponse : l’armée. Alors voici la situation : j’ai rien contre l’armée en tant que telle. J’ai juste un problème avec les militaires. Je suis donc tout à coup légèrement circonspect. Mais voici l’histoire de Merrick à l’armée, sans doute similaire à de nombreux jeunes américains de sa génération.

A la sortie du lycée, sans idée de ce qu’il veut faire hormis une envie d’aventure, il cède aux sirènes des recruteurs. Ça tombe bien, l’armée US a grand besoins de bras ces temps-ci, engagée qu’elle est depuis 2001 dans deux guerres majeures. Comme Merrick est vraiment, vraiment à la recherche d’aventure (et un peu fou, il me l’avouera rétrospectivement), il choisi le corps des scouts qui comme sa traduction littérale ne l’indique pas, n’a rien à voir avec la bande de boys du même nom. Non, les scouts, en anglais, ce sont les éclaireurs. Après quelques mois d’entrainement intensif, il part donc, je vous le donne en mille et un, à Bagdad, Irak, Moyen-Orient.

A partir de ce moment là, je reste scotché, fasciné, en discussion pendant deux heures avec Merrick, lui posant progressivement des questions plus sensibles sur le sujet. A l’aune de ses réponses, je découvre un type ouvert, curieux, sensible et lucide pour qui cette expérience fut à la fois forte et enrichissante. Il me parle d’esprit de corps, de camaraderie et de mixité sociale, comment ses meilleurs amis d’Irak sont toujours en contact, notamment Bo, un véritable redneck d’Alabama fier de lui envoyer une vidéo de son 4×4 embourbé dans un étang, tous ces gens qu’il n’aurait jamais croisé en restant aux US. On en vient à parler plus brutalement de son contact avec la mort et toujours, aussi franc, il m’avouera n’avoir eu qu’un contact assez vague, son unité n’ayant déploré aucune perte. La mort, elle était, supposée, lorsqu’il devait tirer vers une zone désignée abritant un ennemi.

Ses deux ans à Bagdad, il me les raconte comme une vie d’excitation et de confort, hébergé dans la zone verte ultra-protégée, sortant en patrouilles de Hummvee pour escorter les forces spéciales jusqu’à leurs zones d’intervention, en charge d’éliminer les fameuses têtes du « Deck of Cards ». Tout ceci est à la fois lointain et proche pour moi, nourri des multiples films sur le sujet mais d’être en contact direct avec quelqu’un l’aillant vécu est vraiment passionnant. Avec les irakiens, il a eu quelques contacts mais leur isolement ne facilitait pas la tâche.

Encore une fois, je suis séduit par sa façon très lucide, je trouve, et neutre de raconter cela. Globalement et avec le recul, il est d’accord pour estimer que leur rôle était tout au plus flou. Bizarrement, ça lui a ouvert l’esprit. De retour à Santa Cruz, il s’intéresse à de nombreuses choses, s’informe, lit. Grâce au contrat signé au moment de son recrutement, il part faire quelques années d’étude. Un gars véritablement passionnant et attachant surtout car il nous offre une grosse bouteille de bière d’une micro-brasserie de Santa Cruz. Toutes ces histoires irakiennes, c’est un prétexte pour être resservi, bien entendu.

Finalement, un verre d’excellent et rare bourbon dans les mains servi de la réserve personnelle d’un sympathique américain d’origine sicilienne (qui me raconte ses vacances chez sa grand mère en Sicile), je me retrouve toujours debout à 3h du mat’ avec une poignée d’irréductibles frenchies, dont l’inusable Samuel, attendant mon taxi pour l’aéroport de San José. Dans deux heures j’y décolle pour Montréal. Dans l’avion, j’aurai largement le temps de dormir et de repenser à toutes les surréalistes anecdotes racontés par Merrick.

Et comme j’ai une mémoire de m… et que j’étais « légèrement » éméché, je ne m’en souviens que très peu.

San Fran by Night

C’est toujours un plaisir de parcourir une ville à partir du crépuscule. A San Francisco, la remontée de Columbus Avenue permet de traverser des quartiers progressivement festifs au pied de Telegraph Hill. La nuit, clubs, café, restaurants et boites de jazz ou de strip, s’y animent. Au coin d’une rue, un vieille immeuble en fer à repasser se découpe sur l’arrière plan moderne du downtown. Au rez-de-chaussé, le Café Zoetrope. Pour les cinéphiles, Francis Ford Copolla n’est pas loin.

De l’autre côté de la baie, c’est l’occasion de profiter de magnifiques couchés de soleil face au Golden Gate, à l’autre bout du Bay Bridge ou du reflet lunaire sur les marinas endormies d’Emeryville, non loin des studios Pixar.

Mais chuuuut, place aux images.

DSC_8332_DxO DSC_8333_DxO DSC_8334_DxO DSC_8336_DxO DSC_8337_DxO DSC_8344_DxO DSC_8345_DxO

DSC_8581_DxO DSC_8584_DxO DSC_8588_DxO

Sonoma

Le lendemain matin, je me lève tôt et quitte mon motel moisi de Vallejo vers les 8h30 après un minuscule petit déjeuner gratuit offert dans le bureau de l’accueil. Que me vaut ce réveil matinal hormis l’insupportable odeur de déodorant bas de gamme qui sature la chambre ? Aujourd’hui j’ai cassé la tirelire en m’offrant une visite guidée des vignobles de la Sonoma valley… à vélo.

Ça fait bien longtemps que je n’ai pas effectué une ballade à vélo (enfin, pas tant que ça, puisque la dernière ballade remonte à Rarontonga). Je voudrais donc faire de même ici mais vu mon échec patent à trouver en voiture des chemins sympathiques dans la Napa valley, je me suis dit qu’il valait mieux assurer un minimum en effectuant cela avec une personne du cru. Pédaler toute la journée à se casser le nez devant des clôtures, ça va bien cinq minutes. Une recherche internet plus tard (c’est vachement pratique ce truc, il n’y a pas à dire), j’envoi un mail pour réserver un tour guidé en VTT le lendemain matin auprès d’un magasin spécialisé de Sonoma. Sonoma, c’est, comme son nom l’indique, le chef lieu de la vallée.

DSC_8577_DxOD’ailleurs, un petit point géographique s’impose vu ma façon apparemment très légère de parler alternativement de la vallée de Sonoma et de Napa. Les deux sont voisines, tellement voisines que parfois, on se demande où fini l’une et commence l’autre. Elles s’étirent toutes les deux du nord au sud en baignant les rives de la baie de San Pablo, au nord de San Francisco.

Ce petit tour à vélo coûte un bras. Pour le coup, c’est presque 200$ la journée, location de vélo, dégustations et déjeuner compris. Décidément, il est loin le Vietnam et sa location de vélo à 1 euros la journée. Mais fini les grommellement. On est ici pour profiter à la fois de ce que la région a à offrir et de l’impeccable météo du jour.

DSC_8558_DxOJ’arrive donc vers les 9h15 dans la ville de Sonoma, un peu en avance. Voilà une petite ville qui a du charme, tenez. Contrairement à sa cousine, Napa, bourgeoise, Sonoma a une atmosphère un peu plus nonchalante. L’endroit est également moins étendu et le centre ville se concentre plus ou moins autour d’un petit parc arboré et le long de Broadway, la grande rue qui part vers le sud. Tout autour l’architecture est un mélange entre far-west et hispanique très sympathique, certains bâtiments étant incroyablement anciens pour DSC_8557_DxOle pays. Ce n’est d’ailleurs pas surprenant, la ville de Sonoma ayant été bâtie autour de la mission espagnole du même nom, encore debout et que l’on peut visiter. Quelques petits cafés avec terrasse et des restaurants achèvent de donner une ambiance tranquillement « bon vivant » à la ville.

DSC_8561_DxO DSC_8559_DxO DSC_8564_DxO DSC_8565_DxO DSC_8570_DxO

DSC_8569_DxOJe pénètre donc un peu en avance dans le magasin de cycles de Broadway et suis accueilli par deux jeunes femmes dynamiques en short et haut cycliste, une petite brune et une blonde qui, comme souvent aux Etats-Unis, se fendent d’un grand sourire et d’un « hi » enthousiaste. A l’annonce de mon nom, le sourire se crispe un peu. Le tour que j’avais réservé est annulé, faute de participants mais, avant que je puisse protester, elles me proposent de me raccrocher au tour de la vallée de Napa, un peu moins dur physiquement, mais plus long. Allez, après tout, l’important est de pédaler dans les vignobles et de gouter du vin, sans parler du prix qui est plus avantageux. A mon acquiescement, les grands sourires reviennent et quelques « cool » leur échappe. A tout les coup, elles s’imaginaient devoir affronter un client difficile. On passe donc le quart d’heure d’attente avant le départ à papoter. Alors que nous parlons voyages, j’en viens à fournir à la blonde les références du Phong Nha Farm Stay au Vietnam au cas ou elle souhaiterai postuler en tant que guide à vélo.

Nous sommes rejoint finalement par notre guide, Jerry, un grand cinquantenaire athlétique aux cheveux gris coupés court et à la voix calme et mesurée saupoudré de juste ce qu’il faut d’humour. Les quatre autres clients sont un couple d’américains de l’Oregon et un couple de mexicains de la Ciudad de Mexico. Nous montons tous dans un van avec les vélos et après un petit quart d’heure de route, sommes prêts, casques sur la tête (on n’est plus au tiers monde, ici) et vélos entre les jambes. Sans surprise, Jerry nous sert un petit discours sécuritaire sur le mode « faites attention aux voitures », bien loin de mes expériences en deux roues indo-vietnamiennes.

Ce petit groupe s’avère idéal pour ce genre de ballade. Chacun profite des explications de Jerry et peut l’interroger sans devoir s’imposer. Physiquement, c’est un rythme de ballade et cette partie de la vallée, au sud, s’avère peu vallonnée. Sous un franc soleil nous profitons donc agréablement de petites routes tranquilles et des larges chemins entre les vignes.

Je ne manque pas de noter quelques petites différences entre les vignobles de Bourgogne et ceux-ci. Les vignes y sont plus hautes, notamment. Il y a également de nombreux appareils et DSC_8551_DxOstratagèmes pour éloigner les oiseaux, la plaie de la région semble t’il. Néanmoins, je retrouve au fil des explications de notre guide la même ambiance et les mêmes rythmes saisonnier de toutes régions viticole. D’ailleurs, la région commence tout doucement à attaquer les vendanges, moment parfait pour effectuer la visite.

La vallée de Napa contient plusieurs terroirs du nord au sud. La haute vallée au nord possède le plus de relief alors que la basse vallée où nous sommes et assez sablonneuse. Au sommet DSC_8555_DxOd’une petite butte au milieu d’une parcelle, Jerry nous fait un rapide descriptif du panorama bordant la baie de San Pablo. Les rives sont marécageuses et abritent des oiseaux alors qu’à l’ouest elle est bordée par les montagnes côtières et notamment le mont Tamalpais, dans le comté de Marin, au nord du Golden Gate, où, selon la légende, les premiers VTT furent inventés et utilisés dans les années ’70.

DSC_8552_DxOEntre ces moment de pédalages, nous effectuons des arrêts dans des domaines, chacun avec une petite spécificité. Le premier, Bouchaine, est un grand domaine de la région (sans être un méga domaine propriété de grands groupes agro-alimentaires). Le deuxième, McKenzie-Mueller est beaucoup plus modeste et familiale alors que le dernier, Ceja, symbole de la réussite américaine, a été fondé il y a moins de quinze ans par une famille d’immigrés mexicains, venus à Napa comme de nombreux autres pour récolter le raisin.

A chacun des arrêts nous sommes accueillis avec le sourire et profitons de la dégustation d’une poignée de vins, blancs et rouges, chardonnay, merlot, pinot ou cabernet-sauvignon. D’ailleurs, je ne manque pas de faire remarquer, profitant d’une dégustation particulièrement chaleureuse et sans chi-chis avec la fille du domaine de McKenzie-Muller, cette particularité de nommer les vins en fonction du cépage. Chaque domaine propose son « merlot », son « cabernet-sauvignon » (ou « cab’ » comme ils disent ici) ou son « pinot » et c’est le cépage qui est mis en avant plutôt que le terroir, contrairement à la France ou l’Italie. Chaque domaine cherche à proposer une offre très large de vins rouges, blancs, sucrés ou secs. On est très loin des mono-cépages exclusifs bourguignons.

Ce qui fait chaud au cœur, et ces domaines n’ont sans doute pas été choisis au hasard, c’est de constater la passion qui anime ces viticulteurs. Vendange oblige, bien que la plupart entament une période de travail intense, ils ont quand même du plaisir à nous faire gouter leur vin (et à y gouter également). Entre la sympathique fille McKenzie-Mueller avec qui on rigole de son accent français (Cabeurnay sovïnionne) et qui nous fait visiter les pressoirs (avec une dégustation du délicieux premier jus) ou la fille d’Armando et Amélia Céja, les deux fondateurs, qui ne peut pas s’empêcher de boire avec nous chaque vin qu’elle nous sert, je dois dire que l’on ressort de là avec une belle image des gens de la région, beaucoup plus positive que les premières impressions industrielles glanées lors de ma reconnaissance en voiture.

En tout cas, bien que n’étant pas un fin spécialiste de la chose vinicole, je dois dire que ces vins de la Napa que l’on nous propose sont loin d’être désagréables. Ils sont même pour la plupart particulièrement bons. Je ne vous surprendrait pas en vous annonçant qu’ils sont également particulièrement chers, une bouteille se vendant rapidement entre 20 et 40 dollars. L’alcool aidant, je craque et achète une ou deux bouteilles de rouge pour Sam et Claire ainsi qu’un blanc particulièrement doux, à la limite du sirupeux pour les amis de Montréal.

Inutile de préciser qu’avec tout ce vin et cette convivialité, le déjeuner en plein soleil est l’occasion de discuter et de découvrir mes comparses. Jerry nous offre une salade composée et des wraps, le tout d’une bonne facture, que l’on déguste tranquillement en discutant. C’est avec une grande ouverture beaucoup moins réservée que lors de mes tours en Australie que chacun parle de son parcourt.

Commençons d’abord par notre guide qui nous énumère son parcourt de vie assez varié avec notamment un passage dans l’armée. Actuellement, en plus de faire des visites guidées à vélo il est également consultant indépendant dans le domaine de la formation, travaillant de chez lui. La belle vie en somme. Il habite une région agréable et alterne le travail en intérieur avec de jolis moment à l’extérieur au contact de gens variés.

Le couple de l’Oregon quand à eux, travaillent dans le milieu du vin dans la région de Willamette, au sud de Portland. Je découvre grâce à eux cette région qui semble t’il est également un terroir de qualité, bien que moins connu qu’ici. Paul, le mari, s’occupe de logistique dans le domaine.

Quand aux deux chilangos, Annah et Miguel, bien que plus réservés à l’origine, ils ne tardent pas à s’ouvrir un peu. Annah, avocate, et Miguel, écrivain, sont ici en vacances. Avec eux je ne tarde pas à parler un peu de Mexico et de cette affreuse coutume locale qui consiste à boire une bière accompagné d’un verre de mescal.

L’après midi s’achève tranquillement et nous retrouvons notre mini-bus pour nous ramener à Sonoma. C’est au cours du trajet que je discute avec Kayla, la petite brune du matin. Nous avons abandonné Jerry et je me retrouve dans le siège passager. A l’unanimité nous acceptons la proposition de notre chauffeur de rentrer par les petites routes. Elle nous fait découvrir l’aspect un peu moins joyeux de la région, ce prix astronomique de l’immobilier qui pousse les travailleurs modestes de la région a habiter loin où à se loger dans des appartements minuscules et de mauvaise qualité. Sous la pression combinée de l’industrie viticole qui achète des parcelles cultivables à prix d’or et les riches employés des industries high tech de la baie, une maison se négocie à partir d’un million de dollars. Sans surprise, de nombreux habitants de Sonoma et de Napa sont obligés de prendre deux emplois pour s’en sortir.

Avec tout ça, je fini l’après midi sous une lumière orangée en déambulant dans Sonoma. Histoire de cuver un peu.