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J’aime ma banque

Avertissement : ce billet sera plein de fiel, de rage et de crachats. Si vous êtes sensibles du gros mot, passez votre chemin.

Connasse de banque. Imbécile de banquier. Saleté d’écureuil rhône-alpin.

A l’ère d’internet, j’imaginais que ma vie de nomade voyageur serait simplifié en de nombreux points par la présence quasi-généralisée du WiFi et du fait que je me trimballe environ 3 kg d’ordinateur portable depuis la fin mai. Cela s’est avéré vrai pour la réservation des hôtels, des tours, pour la location de voitures et pour savoir ce qu’il y avait à voir autour de moi. Par contre, ce fut également l’occasion d’un crash test avec ma banque qui n’a pas trop survécu à l’exercice. Heureusement, personne n’est mort et ce que je vais vous narrer peut aisément se classer dans la catégorie « problème de riche ». De toute façon, tout a été dit sur les banques modernes. Je ne fais que pisser dans l’océan d’urine déjà déversé, à juste titre, sur elles.

J’ai régulièrement depuis mon départ de Toulouse quelques soucis avec ma carte bleue. Déjà, en France, il arrive que certaines transactions soient refusées pour d’obscures raisons. Je ne vais pas donc en faire un fromage à l’étranger. Je passe même sous silence les grasses commissions que l’on nous facture en cas de retrait ou d’opération. Tout travail mérite salaire et les commissions des agents de change ne sont pas forcément plus avantageux.

De plus, j’ai fait renouveler ma carte bleue il y a environ deux ans et ma gentille banque (en l’occurrence l’écureuil Rhône-Alpin, qui comme une horrible poupée de film d’horreur s’est mué depuis sa création de sympathique animal en peluche en rongeur écumant au regard dément) m’a proposée, en la personne de mon conseiller personnel (le personnel devant être compris dans le sens « ce joueur de foot est vraiment trop personnel »), une nouvelle carte top moumoute munie de son propre crédit renouvelable au taux exceptionnellement usurié de deux chiffres. Devant ma moue dubitative (celle que j’adopte à la plupart de mes rendez vous avec mon banquier, que je trouve aussi passionnants qu’une vidéo d’entreprise) il m’a finalement convaincu en m’expliquant qu’elle était également munie d’un second pouvoir me permettant de bénéficier d’une extension de garantie sur tout les achats de matériel effectué avec. Bon, soit. Je comptais acheter du matériel. Admettons. Voilà encore une preuve que je suis un peu trop lâche avec mon banquier ou bien qu’il est particulièrement versé dans l’acte commercial. Déjà, à l’époque, je subodorait fortement que mon banquier était en réalité un vendeur de tapis et mauvais acteur avec ça, surtout lorsque je lui ai demandé combien il touchait en commission pour chaque carte à crédit renouvelable vendue. En me regardant droit dans les yeux, il a protesté.

Tout ça pour dire qu’arrivé en Australie, subitement, j’ai été confronté à un dilemme terrible au moment d’utiliser ma carte bleue dans les bornes de retrait mais également dans les commerces. Sachez que là bas (mais également en Nouvelle-Zélande et, présentement , aux Etats-Unis) on vous demande sur quel compte vous souhaitez effectuer l’opération, questions aux trois invariables réponses possibles : « courant, chèque ou crédit ». Je sais d’expérience que dans ces pays le terme carte de crédit est utilisé pour une carte au crédit renouvelable alors que notre carte bleue de chez nous correspond à une carte de débit. Cette confusion, je sais m’en prémunir dorénavant. Par contre, pour moi, le compte courant et le compte chèque, c’est du pareil au même. Ne parlons même pas de l’option « crédit » que je fuit comme la peste de peur que l’opération soit effectuée sur mon nouveau crédit revolving à 25000%.

C’est donc un peu au hasard et en fonction de mon humeur que je choisi « courant » ou « chèque » pour un résultat également aléatoire. De plus, à mon arrivée en Australie, j’ai quasiment fondu ma carte en procédant à de monstrueuses opérations en vue de réserver mes différents tours Kakadu-Litchfield et Ulura-Kata Tjuta-King’s Canyon, sans oublier la location de la camping-voiture pour dix jours. Résultat prévisible, j’ai littéralement démoli mon plafond d’opération et un peu plus tard l’autre plafond, celui de retrait. Là, je plaide coupable. J’aurai du prévenir ma banque au préalable. J’ai donc essuyé quelques jours un peu chaotiques côté paiement.

Jé décide donc de prévenir ma banque par un moyen drôlement efficace que j’ai découvert il y a quelques années et qui s’appelle l’e-mail. C’est génial ce truc. Vous envoyez un message à votre correspondant sous forme de texte, correspondant qui n’est même pas obligé d’être là au moment où vous l’écrivez puisque celui-ci s’entasse gentiment dans un équivalent électronique de boite aux lettres. Il peut donc tranquillement dépiler ses messages le lendemain matin, sa tasse de café à la main. Mon conseiller personnel, avec un regard complice, m’avait fort gentiment glissé sa carte de visite munie de tout les canaux de communication permettant de le joindre. Ces informations sont également répétées sur la page web qui me permet de consulter mes comptes en ligne. Certes, je suis informaticien et donc légèrement en avance technologiquement sur vous, les autres, mais manifestement mon banquier ne sait pas se servir d’une boite mail, malgré son âge tournant autour de la petite trentaine.

J’ai attendu cinq jours qu’il daigne me répondre et prendre des actions pour relever temporairement mon plafond d’opérations. Finalement, j’ai craqué et ai décidé d’appeler directement sur sa ligne directe (car nous sommes très intimement liés par les liens de l’argent) ce qui, j’en suis sur, me coûtera un organe mineur. Une fois appris par cœur son message m’indiquant qu’il n’était pas disponible (sans doute parti choisir sa nouvelle BMW), je me résous à appeler le numéro de mon agence, vaste fumisterie puisqu’en réalité ce numéro me permet d’atteindre un plateau téléphonique une fois traversé le labyrinthe de menus patiemment dictés par un robot lymphatique (lorsqu’on appelle d’Australie, c’est particulièrement énervant). Finalement, j’arrive à expliquer le problème, à faire remonter le plafond et à demander à la conseillère d’engueuler mon conseiller qui n’en branle pas une.

Les jours passent et le problème persiste. Jé décide donc d’envoyer un mail dont voici le contenu :

Bonjour,

Je suis actuellement en déplacement à l’étranger pour plusieurs mois. J’ai depuis quelques semaines des soucis avec ma carte bleue. Vous étiez absent en vacances. J’ai donc tenté de joindre M. XXX, comme spécifié dans votre mail d’absence, mais sans résultat. Je lui ai laissé un message téléphonique, sans réponse de sa part. Je lui ai envoyé un mail, également sans réponse. J’ai appelé le numéro d’appel en 0800 pour exposer mon soucis. La personne m’a dit qu’elle allait contacter quelqu’un à l’agence qui allait me recontacter. Je n’ai pas eu de nouvelles. C’était il y a un peu plus d’une semaine. J’ai rappelé ce même numéro hier soir qui m’a dit qu’elle allait prendre contact avec vous. Je n’ai toujours pas de nouvelles.

Voici mes soucis. Premièrement en Australie et Nouvelle Zélande l’utilisation de ma Carte Bleue Visa dans un magasin implique un choix entre trois options « check », « savings » et « credit » qui peut se traduire par « chèque », « compte courant », « crédit ». Lorsque j’utilise les deux premières options, l’achat est refusé une fois sur deux ou sur trois. Initialement, je pensais qu’il s’agissait d’un plafond de dépense atteint et c’est donc pour cela que j’ai appelé la première fois. Je ne sais toujours pas si c’est le cas mais le problème persiste.

Deuxièmement, récemment, une personne m’a dit d’utiliser l’option « crédit ». Effectivement, les deux achats effectués avec cette option sont passés. Malheureusement, je ne souhaite absolument pas utiliser la réserve d’argent associée avec ma CB Visa avec un taux de crédit très élevé. J’aimerai donc savoir si les deux achats effectués le 29/08/2013 effectués via cette option tape dans cette réserve ou dans mon compte courant. C’était le sujet de mon appel de hier soir. La personne m’a dit qu’elle n’avait aucun moyen d’avoir l’historique d’utilisation dans la réserve d’argent. Je trouve cela inconcevable. J’ai consulté la synthèse de mes comptes ce matin (soit le 29 au soir pour vous) et je ne trouve toujours pas trace de ces deux opérations. Qu’en est-il alors?

Troisièmement, dans la synthèse de mon débit différé, je vois apparaitre deux cartes de crédit dont une que je ne reconnais pas dont le numéro fini par 237511. Dans ce débit différé je vois une opération pour le 05/08/2013 intitulé « Avangate » d’un montant de 49.95€ avec comme détail « Paris ». Qu’est ce donc sachant que je n’ai pas mis les pieds à Paris depuis quelques années et que cela fait trois mois que je suis à l’étranger?

Je vous serai donc très reconnaissant de prendre le temps de répondre à toutes mes interrogations, de préférence par mail, si vous recevez celui-ci, afin de démontrer que vous prenez en compte les petits soucis de vos clients, quand ils sont urgents. J’ose espérer que vous n’êtes pas là que pour des actions commerciales.

Le lendemain, oh surprise, je reçois une réponse de mon conseiller drôlement personnel, pas particulièrement pertinente, avec notamment cette fabuleuse phrase à l’intérieur, également fort peu utile :

Le plafond de paiement est de 2400 euros / 30 jours consécutifs. Ce plafond a été augmenté à 7500 euros (du 14/08 au 14/11 par Mr XXX ?).

Il n’est pas possible d’utiliser le paiement ou retrait à crédit à l’étranger (cette fonction est uniquement disponible en France). Les traductions check (interrogation de compte), savings (épargne) et credit (credit card est la traduction de CB à l’étranger).

Pour commencer, on sent qu’il a bien lu mon mail, certes fort long et ennuyeux, mais tout de même. PUISQUE JE TE DIS QUE TON COLLEGUE XXX NE M’A PAS REPONDU, TU PENSES BIEN QU’IL N’A RIEN FOUTU!!! Ensuite, grâce à mon conseiller bancaire, j’apprend des mots anglais que je connais déjà et que surtout, je lui ai parfaitement traduit dans mon mail. C’est vraiment parfait. Ça c’est du conseil. De plus, si je comprend bien, ce magnifique crédit renouvelable ne m’est d’aucune utilité dans mes voyages, là où pourtant, j’en aurait vu une possible utilité de secours. Soit. C’est ma faute. J’aurais du lire plus attentivement les petites lignes en bas.

Je vous épargne quelques autres mails de relance, car comme d’habitude, il a la fâcheuse tendance de lire ses messages environ une fois toutes les deux semaines. Je crois qu’il a bien saisi le caractère presque d’urgence de la situation. Entre temps, j’ai réussi à me démerder en utilisant tout le temps l’option « crédit ». Tant pis si je crève sous d’affreuses dettes. Aux dernières nouvelles, tout va bien.

C’est finalement, quelques semaines plus tard, alors que je suis confortablement installé dans un grand lit gonflable au rez-de-chaussé du sympathique loft des mes frenchies san franciscains, que mon téléphone portable sonne. Dehors il fait nuit, je me réveille. Il est minuit trente. Quel est le con qui… ?

«Mallooooooo?

  • Bonjour, monsieur Prat ?
  • Mmmoouuaaaih ?
  • Bonjour c’est monsieur B., votre conseiller à la Caisse d’Epargne. Je vous dérange ?
  • Mmmh, il est minuit trente.
  • Ah. Euh… vous êtes toujours à l’étranger ?
  • Mmoooui.
  • Ah. Vous voulez que je vous rappelle ?
  • Noooon, par mail.
  • Ok. Désolé.

Clac.

Le petit écran

Ça fait quelque temps que je souhaite vous parler de ce curieux phénomène constaté depuis l’Inde. Aussi bien en Inde, au Vietnam, en Australie et en Nouvelle-Zélande je constate que les émissions de télévision se ressemblent toutes. Pour les deux derniers pays, cela n’a rien d’étonnant du fait de leur proximité mais pour les deux autres, je ne m’attendait pas à cela.

Je ne passe pas mon temps à regarder le petit écran, c’est même d’ailleurs exceptionnel, mais à chaque fois que j’effectue un petit zapping, je remarque les mêmes similitudes. Tout d’abord, je ne sais pas pour vous, mais j’ai les yeux qui pleurent à force d’être hyper stimulé par les éclairages violents et plats des plateaux de journal télévisé ou talk-shows, à croire qu’il n’y a qu’une seule façon d’éclairer ces émissions, sans subtilité de préférence. J’ai l’impression que c’est la chasse à l’ombre. Ah non de dieu, Robert, il y a une petite ombre sous le menton de Jennifer ! Attends, bouge pas, je lui rajoute un quinzième projecteur par en dessous. C’est d’un triste. Pour ne rien arranger, le chefs décorateurs sont tous portés sur les couleurs vives ce qui n’arrange rien sous les éclairage massifs des plateaux. Bon sang, mais qui a lancé cette mode et surtout pourquoi a t-elle était reprise partout dans le monde ?

Je ne vous parle même pas du standard qu’est devenu la pose raide comme un piquet du présentateur de journal. Ils sont d’ailleurs tous recruté chez Elite, surtout les femmes, à voir leur plastique étrangement haut dessus de la moyenne, y compris en Inde. Mince, où est passé le sympathique moustachu bedonnant ? N’y a t’il plus de place nul part pour le ou la présentatrice au strabisme divergent ?

Bon, ça encore, je m’énerve juste pour m’énerver car le plus triste dans toute cette histoire d’uniformisation et que l’on retrouve quasiment les mêmes émissions partout, la faute à Endemol, la titanesque société de production hollandaise. J’ai l’impression que l’émission de télévision calibrée est devenu le premier produit d’exportation des Pays-Bas (même si je vient de découvrir grâce à Wikipédia que l’entreprise a été racheté par Telefonica, société espagnole). Que ce soit « Qui Veut Gagner des Millions » (moi, pour commencer), « Star Academy », « Big Brother » ou d’autres, chaque émission est produite dans tout ces pays avec absolument tout similaire que ce soit la musique, les décors, l’éclairage et le concept. Tu parles d’un dépaysement.

Lorsque l’on va sur le site d’Endemol France, on découvre d’ailleurs ce magnifique slogan sans fard et d’une touchante sincérité : « Endemol, producteur de flux ». Tout est dit. On n’est pas là pour faire des émissions les gars, on est là pour remplir les tuyaux.

La pizza d’un poète

Au cours de ce long voyage, et je ne parle pas seulement de l’étape néo-zélandaise, il m’est arrivé d’être surpris par l’environnement traversé. Que ce soit des paysages, des villes ou des gens, ces moments là sont les moments de grâce du voyage, ce dont on se souvient le plus. De plus, lorsqu’on voyage seul, ce qui a de vraiment satisfaisant, c’est qu’on est en grande partie responsable du contenu. Si c’est ennuyeux, on ne peut s’en prendre qu’à soit même et si on passe des moments géniaux, on se félicite de s’être foutu un grand coup de pied au cul, métaphoriquement parlant, pour s’être forcé à faire deux heures de bus pour voir des ruines dans une chaleur apocalyptique. Corollaire de tout ceci, on s’en veut parfois de ne pas s’être fait violence et ne pas avoir assisté à une fête de pécheurs alors qu’on y était cordialement invité.

Et puis parfois, on se surprend soit même. Tout ces déplacements nous conduisent dans des situations que le vocabulaire branché qualifierai « d’improbable » alors que, lorsqu’on est confortablement chez soi dans la routine du travail, jamais ceci n’aurait pu arriver (ou alors, justement, de façon peu probable). Tout ces voyages, ces changements de cultures nous ont finalement changé d’une façon subtile, peut être pas irrémédiablement, mais dans le contexte de ce périple on sent qu’on a atteint un certain degré de compétence, d’agilité et de détachement. A ce moment là, certaines choses que l’on n’avait pas prévu nous arrive.

Je sens que vous ne voyez pas trop où je veux en venir. L’introduction est longue, permettez moi donc de revenir un peu en arrière. Et pour que ce soit plus vivant, passons au présent narratif. Ça ne coute pas plus cher, et ça m’évite de désagréables ennuis de concordance des temps.

Le YMCA d’Auckland est un grand bâtiment austère à plusieurs étages identiques. Sur chacun, un long couloir droit donne accès aux multiples dortoirs alors que deux salles de bains et deux salles de toilettes procurent le restant de confort moderne abrité derrière des fenêtres en simple vitrage. En dehors de cela, point de fioriture. On se croirait dans une résidence étudiante des années 60.

Après m’être enregistré à l’accueil, de manière fort sympathique, je monte au quatrième étage et remonte le couloir à la recherche de ma chambre, mes sacs à dos sur les épaules. Ce moment là est toujours un peu spécial. J’imagine qui seront mes collègues de chambrées, deux allemands en vadrouille ou un camionneur de cinquante ans, et de vieux réflexes casaniers me font discrètement rêver d’un dortoir vide. Ça c’est déjà vu. J’ouvre la porte et rentre.

Raté. Ce ne sont pas deux sœurs suédoises en visa tourisme-travail. En fait, je n’en sais trop rien car la chambre est vide même si des signes évidents d’occupation m’ôtent tout espoir d’être seul. Une cafetière électrique, des biscuits sur les casiers ainsi que plusieurs gros sacs et une guitare sur un des lits superposés me font supposer que mon collègue est ici installé. Je pose donc mes affaires sur le lit en face, en bas, histoire de marquer mon territoire. Je m’installe et sort ma liseuse électronique pour me détendre sur le lit.

Quelques minutes plus tard, la porte du dortoir s’ouvre et un type de taille moyenne, cheveux courts, barbe naissante, petits yeux, portant un haut de survêtement à capuche et dans la trentaine tardive, entre de manière dynamique. On s’échange des « Hi » dans des demi-sourires. Histoire de ne pas faire l’ours je lui demande confirmation que le lit est libre. Pas de soucis, c’est bien le cas et il enchaine en me demandant d’où je viens. Je réponds et ravi, il m’apprend que les précédents occupants étant espagnoles, il trouve cela formidable toute cette diversité. Ben merde, j’aurai bien voulu voir ça. Ça m’aurait changé des allemands.

Il faut indéniablement que je fasse des efforts de mémorisation ou au minimum que je sois rigoureux dans mes prises de note car je n’ai aucune trace du nom de ce personnage. Pour fluidifier la narration (et je crois bien avoir déjà usé de ce subterfuge), prénommons le Jack, même si tel n’est pas sa véritable identité. Hors donc, Jack s’exprime de manière relativement rapide et euphorique avec une certaine volubilité. Généralement, je trouve ça suspect et fatiguant. Magie des circonstances, est-ce parce que je viens de passer sept jours en bagnole ? En tout cas, je relance la conversation sur les sujets classiques.

Jack est de Wellington. Nous parlons donc de sa ville et je partage avec lui le peu de choses que j’ai pu apprendre là bas. En parallèle, je le vois en train de s’activer à ranger des affaires dans la chambre, signe supplémentaire qu’il est bien installé. Au cours de cette rapide conversation, je découvre un garçon sympathique mais bavard avec ce mélange étonnant d’ouverture et de méfiance que traduisent, pour moi, ces demi-sourires.

Je me remet alors à lire (toujours du Richard Bolitho, ça ne change pas). Du coin de l’oeil je le vois attraper sa guitare, la brancher sur un petit ampli et se coiffer d’un casque. Avec entrain, assis sur son lit, il se met alors à slapper ce qui s’avère être en réalité une basse dans un curieux silence hormis les petits claquements sourds de ses doigts sur la corde. Je tente de me re-concentrer sur la manœuvre en cours de mon héros favoris, occupé à abattre de deux rumbs avant d’engager l’ennemi par le flanc babord.

Quelques minutes plus tard, il repose sa basse et je ne résiste pas à ma curiosité. Je lui demande s’il est musicien. Jack me répond par la négative et m’explique qu’il est poète mais qu’il apprend la basse depuis quelques temps. Très gentiment, il me demande si cela m’a dérangé. Non, non, point du tout. C’est amusant, il se comporte comme s’il était chez lui, ici, mais tout en s’attachant à ne pas trop déranger. Tout naturellement, nous parlons un peu musique.

Alors que nos relations deviennent cordiales, il me demande si j’ai déjà mangé. Effectivement ce n’est pas le cas. Voilà, il s’apprêtait à descendre acheter une pizza et si ça me dit de l’accompagner, ce sera avec plaisir. En peu embêté, je lui explique que ç’aurait été avec plaisir si je n’avais pas des problèmes de soucis d’argent qui m’oblige à rester frugal le temps que mon p***** de banquier daigne me donner de ses nouvelles. Je doit donc refuser.

Magie, c’est à toi, là, maintenant. Jack, sans une hésitation, propose de me l’offrir. On se connait à peine depuis un quart d’heure et il m’invite à venir partager une pizza sur ses deniers personnels. Il faut bien avouer que je ne suis pas très habitué à ces mœurs ! Je lui explique de nouveau que je ne pourrais pas forcément le rembourser vu que je part dans quelques jours mais malgré cela, il insiste de manière très naturelle. Ma curiosité prenant un peu le dessus, j’accepte.

En attendant, chacun n’ayant pas encore faim, Jack me demande si ça ne me dérangerait pas de l’écouter déclamer un de ses poèmes. Dans quelques jours il va participer au deuxième tour d’un concours de poésie, et il souhaiterai s’entrainer et avoir un avis extérieur. Tout surpris et bafouillant presque, j’accepte. Je me lève donc et m’assoie sur le rebord de fenêtre alors que Jack se place debout à deux mètres de moi. Il se lance alors dans sa tirade dont je ne me souviens plus des mots même si c’était drôlement imagé, métaphorique et renvoyant fichtrement à notre condition mortelle, le tout me fixant intensément dans les yeux avec de grands gestes un peu forcés et de timides envolées puissantes de la voix. Moi, je passe d’un état d’extrême concentration afin de pas rire à une sorte d’abandon, captivé par l’énergie et la flamme qu’il met. C’est certes perfectible, maladroit mais c’est particulièrement sincère et courageux. Je suis admiratif et tente quand bien que mal, avec la même sincérité de lui donner mon avis, notamment sur son interprétation, point sur lequel il doit travailler, d’après lui. Moi, je trouve qu’il devrait encore un peu forcer sur la dynamique, alternant les moments doux et les moments forts. La dynamique, c’est l’émotion, aussi bien en musique qu’en théâtre. Le plus fou, c’est qu’il est d’accord et m’avoue qu’au premier tour du concours, c’est la remarque qu’on lui a fait. Je vais peut être devenir critique de poésie, moi, tiens ?

On se donne donc une dizaine de minutes pour s’occuper de diverses petites affaires puis nous voici tout les deux quittant le YMCA dans la nuit, sous une petite pluie fine bretonne bien que pourrie. Nous descendons la rue en direction du centre ville. Aujourd’hui c’est le jour de la promotion chez Pizza Hut, la pizza classique pour 5$ (soit à près 3€), m’explique t-il. Nous reprenons donc la discussion en marchant et je commence à questionner Jack sur ses occupations. Je suis comme cela, j’aime bien savoir à quoi les gens s’occupent. De plus en plus curieux, il me révèle qu’il est en train de changer de vie. Sans trop rentrer dans les détails, il m’avoue être juste sorti d’une grosse période de galère personnelle. D’ailleurs, ce soir, après la pizza, il doit assister à sa réunion hebdomadaire des alcooliques anonymes.

Voilà. C’est aux alentours de ces moments là que je me surprend. Je me surprend a être intensément passionné par la vie de ce garçon, a être heureux d’avoir accepté de l’accompagner et, quelque part, je suis également flatté qu’il me parle de tout cela, moi, quasi-inconnu. La conversation se poursuit alors que nous arrivons devant le petit stand Pizza Hut où se pressent une poignée d’étudiants sans le sou et d’autres individus en recherche de bons plans. Un peu mal à l’aise, j’attend que Jack achète la pizza et le remercie chaleureusement. Il n’y a pas de quoi. Ben si, mon gars, j’insiste.

Nous allons nous poser un peu plus loin sur un banc en bord de trottoir luisant de pluie, les lumières multicolores se réfléchissant sur le bitume humide alors que de rares passants se hâtent vers des lieux plus cléments. Ce n’est pas luxueux mais les Alcooliques Anonymes sont à deux pas et moi, je trouve qu’on est dans le ton. Nous reprenons notre conversation et Jack me parle de son projet de devenir acteur ou poète pendant que nous mâchonnons nos parts. Il y a des gens que je trouve admirable par leur envie, leur rêve et leur détermination. On discute du milieu culturel et artistique d’Auckland qu’il me dit plein d’opportunités. Moi qui ne suit pas très branché poésie, je me surprend une nouvelle fois à trouver cela fascinant. A mon tour je lui explique mon tour du monde, ma situation d’indépendant, mon envie de dégager du temps, de réaliser mes propres projets et advienne qui pourra. Nous parlons même religion et partageons une vision commune sur le sujet.

Finalement, nous finissons notre repas et repartons vers le YMCA. En route, j’abandonne Jack a sa réunion et me retrouve seul dans le dortoir. En voilà une soirée vraiment étonnante.

Le lendemain matin, Jack me propose des biscuits et un café. Aujourd’hui, il quitte le YMCA pour un autre endroit moins cher. Etonnant personnage. J’aimerai bien savoir ce qu’il adviendra de lui. Nous nous quittons en se serrant la main chaleureusement, je ne manque pas de le remercier une nouvelle fois pour la pizza et surtout, je lui souhaite toutes les chances possibles pour son concours. Il y a des dîners fast-foods qui valent de grandes soirées au restaurant.

Auckland

Finalement, une semaine dans un pays ça file vite. Po, po, pop. Avant que vous vous mettiez à hurler comme des putois, je prend les devants. Oui, la plupart d’entre nous n’avons qu’une semaine pour visiter un pays, pour qui se prend-il ? Je ne dis pas le contraire. N’empêche que j’ai déjà fait une semaine dans d’autres pays (notamment l’Ecosse) où ça passait moins vite. Finalement, le fait de se balader seul en voiture, c’est certes pratique mais on passe beaucoup de temps à rouler.

Me voilà donc de retour à l’aéroport d’Auckland où j’ai déposé ma voiture. Dans trois jours, j’y retournerai pour m’envoler pour la destination suivante mais, en ce moment, je prend le bus pour le centre ville. De nouveau, j’ai réservé un lit dans un dortoir sauf que cette fois-ci c’est dans un endroit rendu mondialement célèbre par une bande d’énergumènes chantant en playback sur une musique disco et habillés chacun dans un costume représentant un métier plutôt physique (oui, je constate à chaque fois qu’il n’y en a pas eu un déguisé en cadre supérieur ou en professeur d’université). Si vous avez un minimum de culture, vous aurez reconnu les Village People et leur célèbre tube, YMCA. Ouaip, je peut maintenant annoncer fièrement que j’ai dormi dans un YMCA à Auckland. Mais assez parlé, logement, car je détaillerai cela dans un billet suivant.

Toujours est-il, qu’avant d’arriver à destination, j’ai l’occasion d’avoir un premier aperçu de la capitale économique du pays. Tout d’abord, c’est assez vallonné. D’ailleurs le centre ville où se situent la majorité des immeubles, le reste se contentant de bâtiments relativement bas, comme cela semble être la norme dans ces pays neufs où chacun s’étale, et bien ce centre ville est entouré de collines. La colline la plus haute, le mont Eden, au sud du centre ville, héberge un parc. Le seul endroit plat se situe en toute logique proche du port, au nord. D’ailleurs, on se pâme devant la baie de Sydney (moi même, j’ai cédé à ce travers) mais vu sur une carte, la baie d’Auckland elle n’est pas à vomir non plus. Elle est même à placer dans la même catégorie, je trouve. Là où la ville néo-zélandaise se démarque, c’est que, techniquement, elle est au bord de deux baies, l’une au nord, que borde le centre ville, donc, et qui donne sur le golfe d’Hauraki et l’autre, au sud, sur le port de Manukau. Avouez que c’est assez exceptionnel, tout de même ?

C’est encore plus amusant lorsque l’on constate que la ville d’Auckland occupe toute la largeur de l’isthme à la pointe nord de l’île du nord. Au delà, c’est le Northland et si vous souhaitez y aller du sud, il n’y a pas d’échappatoire, vous êtes obligé de traverser l’agglomération. Mais assez de considérations géographiques qui, j’en suis sûr, n’intéressent que moi et les autres passionnés de cartes.

DSC_8123_DxOQue vaut Auckland d’un point de vue touristique ? Encore une fois, l’état d’esprit dans lequel on se trouve au moment de la visite compte pour beaucoup. Il fait frais, il pleuviote par intermittence et comble de malchance, j’ai des petits soucis de paiement (je consacrerai d’ailleurs un prochain billet vert et pas mûr sur mon banquier). Je ne suis donc pas dans les meilleures dispositions mentales. J’ai même d’ailleurs plutôt l’esprit tourné vers l’étape suivante, comme c’était le cas des derniers jours dans mes précédents pays. Disons que c’est une agglomération moderne, assez classique et similaire à Wellington, mais en un peu plus vaste. Grâce à Wikipédia, j’apprend que l’agglomération concentre un quart de la population néo-zélandaise. Mazette. Si le verre est à moitié plein, on peut dire que ça fait beaucoup de monde mais s’il est vide, j’affirme que c’est le désert en dehors, dans ce cas.

DSC_8110_DxOJ’aurai bien voulu visiter la baie en bateau et même m’arrêter sur une des îles pour une demi-journée, mais mes moyens de paiement ne me le permet pas. Je me contente donc de marcher et de prendre des photos. Au dessus du YMCA, le quartier est plutôt agréable et humble. La rue rejoignant Queen’s Street, la grande artère qui plonge vers le port, est vivante et commerçante. De multiples petits restaurants de toutes les cuisines du monde proposent des plats pour pas trop cher.

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DSC_8151_DxOLe centre ville, et bien, c’est beaucoup de hauts immeubles. A part cela, il ne m’a pas transcendé. La seule chose notable qui m’y soit arrivé est que deux dames portant foulard m’ont offert une rose pour la journée de sensibilisation à l’islam. C’est donc la fleur en boutonnière que j’ai arpenté ces rues à la recherche de quelque chose de particulièrement original. Fort heureusement, j’aime beaucoup les immeubles en verre qui reflètent le ciel bleu, comme je vous l’ai déjà dit. Malheureusement, le ciel bleu se fait un peu rare ces temps-ci. J’y ai tout de même une révélation. Attention, vous allez me traiter de naïf, mais… est-ce que c’est moi où les immeubles des centre villes de grande villes appartiennent tous à de grandes institutions financières ou multinationales?

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Du coup, je quitte assez rapidement l’endroit pour une des collines autour. Le quartier de Parnell est, d’après Trip Advisor, un quartier résidentiel sympathique aux jolies maisons et magasins d’artisans, le tout dans une ambiance tendant vers le bourgeois bohème. DSC_8134_DxOEffectivement, le long de la rue principale en montée, astucieusement nommée Parnell road, sur deux cent mètres, de jolies petites maisons abritent des magasins de décoration ou des galeries d’art bien propres sur elles. Tout ceci est un peu trop lisse, je trouve. Sur les rues parallèles, je constate quelques vieilles maisons en restauration mais le quartier n’est finalement pas bien grand. Je m’arrête dans un salon de thé pour lire un peu au chaud en avalant une pâtisserie afin de faire durer l’expérience. Parnell, c’est un poil décevant, en réalité.

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DSC_8152_DxOLe jour suivant, toujours à pied, je vais à la découverte du quartier de Ponsonby, également situé sur une colline de l’autre côté du centre ville à l’ouest. Le quartier est plus vaste que Parnell et dans un dédale de rues perpendiculaires on y constate un grand nombre de vieilles maisons aux ferronneries travaillées. D’ailleurs la plupart sont en piteux état hormis certaines en restauration, signe d’une gentrification en cours. Finalement, je tombe sur DSC_8155_DxOune rue commerçante et le quartier prend un tout autre aspect, plus vivant. On retrouve toujours ces bâtiments bas et une variété de petits magasins ou restaurants. L’endroit me paraît un peu plus humble que Parnell avec une très légère tendance à la Fitzroy de Melbourne par certains côtés penchant vers le cradingue. Ceci dit, ce n’est pas non plus Florence et je ne vous invite par à traverser la moitié de la Terre juste pour venir ici.

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Pour finir avec ma rapide découverte d’Auckland, je passe un peu de temps le dernier jour dans le centre ville du côté du port, arpentant les quelques centre commerciaux rutilants à la recherche de petites choses utiles pour dépenser mes quelques kiwi-dollars. Si vous êtes à la recherche du DSC_8125_DxOdépaysement, ce n’est pas le bon endroit. Non, le seul truc amusant que j’ai vu de ce côté-ci, c’est un immense paquebot blanc à quai. C’est tout bête mais je me suis mis à penser à « La Croisière s’Amuse », cette sympathique mais simpliste série télévisée des années 80. Le bateau de la série s’appelle le «Pacific Princess » et le mien, à Auckland, le « Sea Princess ». C’est pour vous dire comme je m’ennuie ces dernières heures là bas.

La Faune, La Flore

Faisons une pause dans le voyage car cela fait bien longtemps que je n’ai point parler d’animaux et végétaux, hormis une rapide évocation du weta, cet insecte géant dont a horreur sir Peter Jackson. C’est fort dommage car il y a plein de choses à dire à ce sujet en Nouvelle-Zélande, le pays ayant une richesse et une originalité dans ce domaine que seul dépasse l’Australie. Malheureusement, contrairement à celle-ci, sa biodiversité d’origine a été méchamment entamée depuis l’arrivée des colons maoris puis anglais.

Par exemple, prenons le kauri. Cet arbre géant, endémique du pays et apparu pendant le jurassique, a été presque entièrement déforesté au siècle dernier. Ce gros conifère pousse tout droit et possède un tronc extrêmement large et cylindrique, avantage magnifique pour la construction maritime qui lui valu sa quasi perte. Aujourd’hui seulement 4% de la surface des forêts d’origine perdure.

Si l’on reste sur les végétaux, l’emblème de l’équipe de rugby national à 15 est la fougère argentée que l’on ne trouve qu’ici. A priori, elle n’est pas en danger, rassurez-vous. Non c’est juste que je trouve cela fort dommage qu’ils ne songent pas à refaire leur drapeau totalement quelconque et que tout le monde confond avec le drapeau australien, pour le remplacer par une bannière noire arborant la sus-dite fougère, autrement plus parlante.

En ce qui concerne les animaux, on compte également pas mal de disparus au champ d’honneur. Alors figurez-vous que j’étais persuadé que le kiwi, ce charmant petit oiseau sans ailes symbole du pays, était éteint. Et bien pas du tout, bien qu’il soit protégé. On en trouve encore dans des réserves et des parcs nationaux. Autre nouveauté en ce qui me concerne : sa taille. Je le voyais gros comme un poulet alors qu’il a à peu près la taille d’un gros moineau. C’est très mignon même si c’est très ridicule comme animal. Déjà, comme je viens de vous le dire, c’est un oiseau sans ailes (comme le dit si bien la chanson) mais c’est également un oiseau sans bec doté d’un long nez avec deux petites narines au bout. Maintenant que j’y réfléchi, je crois même que c’est un oiseau sans plumes. A me lire, on dirait le descriptif d’un rat à deux pattes. Surtout, on devrait arrêter d’appeler ça un oiseau.

Non le bestiau disparu, entre autres, c’est le moa, cousin très éloigné et géant de l’autruche et de l’émeu, également dépourvu d’ailes. Imaginez une autruche d’un mètre quatre vingt de haut au garrot, avec des pattes épaisses comme des bûches et au cri terrifiant de l’équivalent Barry White du canard. Pour ce dernier, je témoigne, c’est flippant, surtout le soir au fond des bois. Moi je me suis contenté de l’écouter dans un enregistrement au musée Te Papa. J’étais tout retourné. En tout cas, pour les plus sensibles d’entre vous, l’espèce est éteinte. Vous pouvez donc vous balader la nuit dans les bois sans craindre l’arrêt cardiaque, bien que la créature soit parfaitement pacifique.

La raison de la chute brutale de la population des ces sympathiques oiseaux sans ailes est encore et toujours étonnamment évidente une fois qu’on vous le dit, à s’en taper la main sur le front. Ils étaient d’une naïveté de bisounours. Ils menaient une vie paisible et routinière sans la moindre menace de prédateurs. Le jour où la première banque commerciale s’installa dans le pays, l’effet fut désastreux. A moins que ce soient les chiens et chats domestiques. Je confond et les causes sont difficiles à démêler. Déjà, à l’époque, le capitaine Cook avait noté dans son carnet de bord que son chat s’était fait une orgie de meurtres gratuits à s’en dégoûter la vie lors de son bref passage sur terre. Pour que lui même l’ai noté, c’est que la lutte devait être particulièrement déséquilibrée. On imagine d’ici la scène, un petit kiwi tout pelucheux remuant son petit museau d’anticipation à la charmante petite reniflade amicale avec ce sympathique mais inconnu quadrupède aux longues griffes acérées, tapis, prêt à bondir. En ce qui concerne le moa, remplacez le chat par l’homme.

Fort heureusement, tout les oiseaux néo-zélandais ne sont pas aussi naïfs. Les hautes montagnes de l’île du sud abritent même une des espèces les plus intelligentes de perroquets, les kéas. Non seulement ils ont l’intelligence et le bon goût d’aller vivre au bon air des montagnes, là où la vue est magnifique, contrairement à leurs cousins tropicaux qui sont plutôt assis bêtement dans des jungles touffues, moites et obscures, mais en plus ils sont extrêmement malins. Comme quoi, l’air pur, ça fait du bien à la tête. L’anecdote typique pour démontrer leur extrême intelligence, je l’ai lu encore une fois au musée Te Papa de Wellington. La plupart des pic-niqueurs néo-zélandais connaissent bien ces petites pestes et font tout pour les chasser à grand mouvements de bras. Les oiseaux se sont donc mis à réfléchir un peu plus à leur tactique, le soir, contemplatifs face au soleil couchant.

Dorénavant, certains s’attaquent aux joints en caoutchouc autour des vitres de voitures. Le propriétaire, en colère, se précipite alors vers son véhicule (l’effet étant encore plus efficace s’il s’agit d’un 4×4 hors de prix) pour chasser les petits vandales. A ce moment là, l’équipe B de perroquets déclenche l’attaque principale, profitant de la diversion pour attraper le maximum de nourriture avant que l’équipe A ne rebrousse chemin. C’est bien simple, d’après le descriptif lu au musée, un kéa moyen a une intelligence équivalente à un enfant de 5 ans.

Dit autrement, et de manière moins politiquement correcte, un enfant de 5 ans moyen est aussi intelligent qu’un perroquet de haute montagne. Fort heureusement pour les parents, il ne sait pas voler.