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Mon ami sans nom

J’ai fait un rêve en planifiant (oui, sauf le train, gna, gna, gna) ce tour du monde. J’ai rêvé que je rencontrai des gens du coin et que malgré la barrière de la langue nous parviendrions à créer un lien et à échanger sur nos pays respectifs. En un mot comme en cent, j’ai rêvé de rencontres exotiques (humaines ou pas. Je suis pas difficile). Ouvres toi monde, je viens z’a toi. Et bien il ne m’a pas fallu plus de 24h pour commencer à papoter avec un gars du cru, c’est à dire (et pour voir si vous suivez), un indien de Mumbai. Il est pas beau le monde, hein?

DSC_4927_DxOJe vous pose le décor : Mumbai, fin de journée. Le soleil se couche sur le célèbre front de mer surnommé le « Queen’s Necklace », face à la mer d’Arabie. La foule remonte (ou redescend ça se trouve) la promenade au bruit des vagues qui s’écrasent sur la plage mais également au bruit des klaxons et des bruits de moteur, oui lecteur cynique. Après une longue journée de négociation avec des employés des chemins de fers indiens, je me pose sur un banc face à la mer et profite du spectacle sans cesse renouvelé de mes congénères bipèdes.

Après quelques minutes de méditations, j’entends mon voisin à ma droite qui me parle du temps qu’il fait dans un anglais impeccable. Voilà qui est incroyable. C’est le premier indien que je comprends instantanément depuis mon arrivée (ce sera d’ailleurs le dernier). Je me tourne vers lui un peu sur la défensive (putain, mais il voit pas que je médite face au célèbre front de mer qu’on surnomme le « Queen’s Necklace » celui là?) mais malgré tout intrigué car il avait lancé la conversation non pas sur un thème météorologique complètement banal du genre « halala, qu’est ce qu’il fait beau » mais sur quelque chose de plus exotique du genre « la mousson ne vas pas tarder à arriver et les couchés de soleils en seront plus joli ». Poésie orientale, transporte moi. Etant donné que, moi, la mousson je compte bien la vivre en direct (vu que je me suis fait suer à investir dans des sacs étanches pour mon matos) je lui demande donc quand est-ce qu’elle va t’elle arriver la mousson, dites, hein ? Mais en anglais, bien sur.

DSC_4929_DxOBref de fil en aiguille, nous sommes restés gentiment assis côte à côte à deviser de l’Inde, de la France, de Nicolas Sarkozy et Carla Bruni, de la corruption, etc, le tout pendant au moins trois heures. J’en ai profité pour lui poser des questions sur des comportements vus à Mumbai que je n’avais pas très bien compris (notamment cette fameuse impolitesse dans les queues), sur la situation économique en Inde. Bref, j’en profites en faisant mon candide. Un monsieur à la conversation agréable, cultivé, d’environ cinquante ans je dirai, un peu chauve à la Mahatma Gandhi mais un peu plus gras (est-ce un exploit?) et sans les lunettes. Bien entendu également un peu plus vêtu. Il m’a expliqué qu’il travaillait dans la pharmacie mais que ça société ne le payait plus depuis trois mois et donc qu’il cherchait du boulot. Il m’apprend également qu’il a un bon ami français qui est producteur de cinéma. Mais c’est dingue ça ! Comment s’appelle t’il ? Figurez-vous que je connais également des gens qui sont dans le cinéma à Paris ? Bon là j’étire un peu la vérité car en fait je connais vaguement un producteur avec qui j’ai travaillé sur un projet européen il y a dix ans. Mais ça serait bien le diable si c’était lui. Forcément c’était un gars que je ne connaissais pas (Luc Besson, non, connais pas) mais qui d’après lui l’avait rencontré de manière naturelle comme nous maintenant alors qu’il venait pour un festival à Mumbai. Mais c’est dingue ça dites moi, dis-je, quand même un peu surpris qu’un producteur de cinéma parisien se lie d’amitié aussi facilement avec le premier venu.

Je découvre également après forces questions sur sa vie (oui car on s’est raconté nos vies, un peu) qu’il est en procès, lui et ses collègues, avec sa boite pour qu’elle paye les salaires mais qu’entre temps elle s’est fait racheté par Pfizer, une grosse boite pharmaceutique. Ah, mais oui, je connais très bien. Sauf que Pfizer veut liquider la branche indienne donc ils vont sans doute se retrouver au chômage. Du coup forcément, j’enchaîne sur le système d’assurance chômage en Inde pour pouvoir comparer avec notre bon vieux Pôle Emploi.

Puis un peu plus tard on revient sur sa situation et notamment familiale. Il m’explique qu’il a envoyé sa famille dans sa ville d’origine (Pune pour les plus curieux. C’est à côté de Mumbai) parce qu’il ne pouvait plus payer le loyer à Mumbai, exorbitant. Combien lui demande-je ? 6000 roupies par mois. Rapide calcul mental. Ah oui, c’est euh… exorbitant. Bref, sa famille proche n’était plus avec lui.

On parle un peu du coup de nos situations familiales respectives et sur la structure familiale en Inde. Un peu plus tard il m’apprend qu’en dehors de sa femme personne d’autre est au courant de sa situation financière car il ne veut pas affoler ses parents et qu’il est gêné vis à vis des autres membres et amis pour qui il est un symbole de réussite. Il n’ose pas trop demander de l’aide à son ami français parisien ou à son autre ami italien bien qu’à chaque foi qu’ils viennent à Mumbai, il les reçoit comme des rois chez lui. Ah oui, la fameuse fierté masculine, hein, mon cochon ?! Je ne lui ai pas dit comme ça. Mais un truc un peu plus édulcoré.

J’étais peut être en mode voyageur candide, monde viens z’a moi, je m’ouvre à toi (ou inversement, je m’y perds), mais là j’avoue que je commençais à avoir l’arnaquomètre qui commençait tout doucement à s’approcher de la zone d’alerte. Cette insistance à ramener le sujet sur sa situation financière commençait à devenir suspecte. Je suis donc passé en mode noyade de poisson.

On poursuit donc la conversation sur des sujets variés, moi essayant de parler d’autre chose qui pourrait avoir trait à de l’argent, lui revenant sur ces problèmes d’emploi. La situation était délicate. Malheureusement, j’avoue qu’à un moment j’ai fait une gaffe de débutant. Il devisait tranquillement sur un entretien qu’il venait de passer chez une autre société pharmaceutique (car il cherchait à trouver un autre job vu qu’il n’était plus payé) et qui avait été très positif. La preuve, on l’avait rappelé pour venir faire un deuxième entretien au siège social situé quelque part dans le Gujarat (un autre état d’Inde). Je suis pas très fortiche en géographie indienne mais je me doutais que c’était un peu loin de Mumbai. Donc naïvement (rhaaa, la faute de quart), je lui demande si la société lui paye le déplacement. Non ? Ah ben elle est dure celle là dites donc. Gloups. Ah et puis en plus vous pensez qu’il va falloir payer un dessous de table pour avoir ce job alors qu’on vous a dit de source sure que vous êtes le dernier candidat retenu mais que vous n’avez pas de quoi vous payer à manger alors vous pensez bien payer un aller retour vers le Gujarat. Ah. Ben merde alors.

A partir de ce moment là le doute c’est immiscé. Pas de chance pour lui j’avais le lointain souvenir de mes parents se faisant arnaquer d’une somme à Nairobi au Kenya, par deux « étudiants » qui voulait retourner à Mombasa pour leurs études en sachant qu’ils n’avaient pas de quoi payer le voyage. Par contre ils avaient promis de rembourser à leur arrivée. Argent jamais remboursée, bien entendue. Bref une histoire dans le genre.

Je regarde donc ma montre en sortant la célèbre réplique vaudevillesque « Ah, mais il se fait tard monsieur. Mon mari va bientôt revenir. Vite, cachez vous dans le placard » que j’avais bien entendu adapté à la situation : « Ah, mais il se fait tard monsieur. Il faut que je rentre à mon hôtel qui est loin d’ici, à Santa Cruz ». J’avais enlevé toute la partie cocufiage qui me semblait hors de propos dans le contexte. Je me lève donc en le remerciant de cette charmante conversation sauf que bien entendu, il s’invite pour me conduire à la gare pour m’indiquer le chemin. Rhaaa le lourd. On marche donc vers la gare ou il me reparle un peu de ces problèmes financiers (il doit penser que je suis pas très sensible aux messages subliminaux) pour finalement, au pied de la gare, enfin faire son coming out : « me voilà navré vous pensez bien mais au vu de ma situation je ne peut pas faire autrement que de vous demander une petite aide financière pour me sortir de ma situation ». Aaaaaah ben voilà. Que je lui ai dit ou presque. Disons que je lui ai fait remarquer avec le sourire que je me demandais quand il allait finalement me demander explicitement de l’argent. Il m’accompagne jusqu’au pied des quais où il m’indique celui pour rejoindre Santa Cruz. Il me propose également de faire le guide pour moi le lendemain. Un peu impressionné par le temps qu’il a passé à me tenir la jambe, je sors mon portefeuille et décide de lui donner 50 roupies, pour le spectacle.

La morale de l’histoire, c’est que d’une part j’ai fait mine d’aller en direction de la plate forme qu’il m’avait indiquer en disant au revoir de la main pour finalement revenir en arrière et vérifier avec un passant si c’était bien la bonne. Mais d’autre part il m’avait complètement bousillé mon rêve. Je me suis mis à douté de tout ce qu’il m’avait raconter sur l’Inde, sur ses amis français, italiens, sur sa vie, bref sur tout. Dans un grand pschiiit, le ballon s’est crevé. 50 roupies c’est rien mais malheureusement je n’y ai pas cru à son histoire. Il y toujours un doute mais je lui en veut surtout de m’avoir rendu plus méfiant.

Monde viens z’a moi, mais d’abord t’es qui ?

Les physiques de Mumbai

Il est toujours amusant, quand on découvre un pays, d’observer les gens.

Je reprends.

Il est toujours amusant d’observer les gens, point.

Je ne me risquerai pas à des conclusions hâtives, du moins pas avant la fin de ce billet, mais j’ai constaté une nette différence quand à la taille moyenne des gens croisés à Mumbai par rapport à, mettons, Toulouse. Et je peux vous dire que j’en croise des gens à Mumbai. A vrai dire c’est mon occupation principale et ceci contre ma volonté. Mais de manière vraiment naturelle je constate que je dépasse la plupart des gens d’une demie, voir d’une tête complète. Autant dire que je vois assez loin dans la foule (ce qui n’est pas désagréable). Il me semble avoir eu également cette impression à Mexico, mais le temps passant, les souvenirs se brouillent sur ce point.

Ensuite côté largeur, j’ai la nette impression que j’ai une corpulence légèrement supérieure à la moyenne indienne, également. Là je ne sais pas s’il faut que j’en soit particulièrement fier même si dans une foule, ça peut m’être également utile pour garder mon cap en bousculant gentiment l’aveugle ou le cul-de-jatte. Je plaisante bien entendu. Je ne bouscule personne. Et encore moins les aveugles. En tout cas, l’habitant de Mumbai moyen que je croise est frêle (comme les serveurs ou les gardiens d’immeubles, oui). J’imagine que le régime alimentaire joue pour beaucoup car les quelques indiens un peu « occidentalisés » et manifestement de catégories légèrement supérieures que je croise dans mon wagon de première classe (on va pas se mélanger avec les gueux, non?) sont plutôt à la norme européenne. Comme quoi les vitamines…

Finalement, côté beauté (attention, passage subjectif), je me suis fait la même remarque qu’à Mexico : mais dieux que le / la français(e) est beau/belle ! Oui, c’est le moment d’auto congratulation. Ou pas, car on se doute que l’indien moyen a moins l’occasion ou l’argent de prendre soin de soi. Résultat on constate une plus grande variété de « gueules » dans la rue et surtout des personnes plus cabossées avec l’âge.

Bref tout ça pour dire que j’ai un énorme sentiment de supériorité physique avec mon mètre soixante quatorze et quatre vingt kilos (bon, peut être un peu plus). Ce n’est pas un frêle vendeur de boissons ou un frêle gardien de musée qui va m’intimider avec ces petits bras. Ca change des vigiles de supermarché qu’on croise en France, ça aide pour se sentir un peu plus à l’aise dans la foule mais ça me fait drôlement chier quand je me tape régulièrement le haut de la tête en sortant de la salle de bain de la « guest house » !

Mumbai traffic

 

DSC_5093_DxO DSC_5083_DxO DSC_5091_DxO DSC_5092_DxOQu’il est beau le doux bruit du klaxon. Qu’elle est belle l’agréable pétarade des rickshaws. Concert urbain, ballet humain, Mumbai traffic tu me rends dingue.

Et avec le son et le mouvement c’est encore mieux. Au choix, ambiance jour ou ambiance nuit. La dernière étant prise à quelques encablures de mon hôtel.

 

 

Les prix des boissons

Tiens, parlons en du prix des boissons. Avec une température qui ne descend jamais en dessous de 30°C et avec un taux d’humidité frisant le 100%, j’approche les 3 litres par jour pour ce qui de ma consommation journalière de produits liquides. Les trois quarts sont de l’eau et l’autre quart sont des boissons gazeuses pour épauler ma digestion. Il y a bien eu également une pinte de bière mais cela ne c’est pas reproduit depuis (surtout parce qu’il y a plein d’endroits qui ne servent pas d’alcool en Inde, notamment à Hampi) et reste donc anecdotique. Comme je ne me risque pas à boire l’eau du robinet à moins d’y avoir préalablement dissous une ou deux petites pilules de Micropur, j’achète régulièrement (c’est à dire environ toutes les quatre heures) un litre d’eau minérale de marque AquaFina (propriété de Pepsi Cola) ou autre RailDeer (un truc que je sais pas ce que ça veut dire vu que c’est écrit en hindi dessus). Autant vous dire que j’ai beaucoup d’interactions avec les vendeurs de coin de rue qui vendent des bouteilles fraîches (ou pas d’ailleurs. Au final ça ne fait pas énormément de différence vu que ladite fraîcheur se barre au bout de cinq minutes). Généralement ça se passe comme ça :

« Hello (ou Namasté quand je suis en forme). How much for this bottle of water (communication multimodale par le biais de la parole ET du geste pointant avec assurance une bouteille d’AquaFina / RailDeer d’un litre) ?

  • Whan ?
  • Sorry ?
  • One ?
  • Ah. Yes, one please (pointage d’un index vers le haut, toujours dans cet esprit de communication multimodale) »

Ici s’arrête la partie « commune » de l’interaction avec le sus-mentionné vendeur. Ensuite, généralement, s’en suit un court blanc ou je devine qu’il me jauge du regard. Il lance mentalement un dés dans sa tête et là le résultat varie allègrement entre 15 et 40 roupies. Au début je disais pas grand chose vu que je n’avais aucune idée du marché et que leur roupie elle est pas loin d’être de sansonnet (merci l’Euro fort). Mais à force, ça commence à m’agacer de voir à quel point les prix fluctuent, d’autant plus que la plupart du temps, forcément, ils ne sont pas affichés. Il faut négocier, me diriez vous. Vous n’êtes pas très originaux vu que c’est ce que je me dis également sauf que je déteste ça. Donc maintenant quand on m’annonce un prix supérieur à 20 roupies je rigole et je fais un clin d’oeil histoire de sous entendre tout un roman ou j’explique que je vis en Inde depuis quinze ans et que le coup du prix à la gueule je le connais surtout que mon beau frère travaille dans une usine d’embouteillage alors tu penses bien que je le connais le vrai prix de l’eau d’autant que tu tiens pas de comptabilité alors tu te fais ça hors taxe mon salaud mais bon c’est bien parce que c’est toi et que j’ai la langue qui colle, les synapses qui répondent plus et les lèvres gluantes que j’accepte ton racket surtout qu’entre temps j’ai fait un calcul et que ta bouteille d’un litre à 30 roupies ça fait même pas cinquante centimes d’où je viens donc tu me fais bien rire c’est pas comme ça que tu vas t’enrichir. Oui, je lui dis tout ça implicitement et ensuite je m’en vais avec ma bouteille que j’engloutis dans la foulée.

En changeant à peine de sujet, c’est également pour ça que je n’ai quasiment pas encore emprunté de rickshaw (cette petite pétrolette à trois roues noir et jaune). Je serai incapable de savoir quel est le bon prix à payer. La seule exception fut à Hampi ou pour visiter un ensemble de temples en ruine disséminés sur 26 km carré, je me suis décidé à prendre un rickshaw (et son chauffeur bien entendu) ainsi qu’un guide (mais c’est une autre histoire). J’avais au préalable demandé à un garçon de la « guest house » son avis sur le prix d’une journée de rickshaw qui devait être d’après lui d’environ 500 roupies. Et bien à la fin de la demi-journée (ou presque) le conducteur de rickshaw (Raj, qu’il s’appelle) il m’a fait le coup du 1000 roupies alors que je lui tendais un billet de 500 (j’adore me trimballer avec des grosses coupures). Là un peu agacé je lui dit que non les 1000 roupies c’est déjà le guide qui ce les ai pris alors que ça n’a même pas duré une journée le tour et que son tarif « recommandé » était de 1200 par jour. Il me sort le sketch qu’il faut qu’il appel son patron (mon derrière oui qu’il a un patron, tiens). Il revient en me disant 700. Là toujours agacé (mais avec le sourire) je lui dit que dans ce cas je le reprend pas demain, vilain, sur quoi il me propose de suite 600. Allez top là pour 600. Et forcément un peu plus tard dans la soirée, en discutant avec un vendeur de petites sculptures devant un couché de soleil, il me dit que c’est dans les 300 roupies pour une demi journée de rickshaw. Salaud.

Donc on peut dire que j’ai quand même fait un semblant de négociation mais je n’ai pas spécialement aimé.

La boustifaille de Mumbai

Qu’est-ce que t’as mangé là bas ? Voilà une question récurrente que l’on peut poser à un voyageur de retour de voyage. Notez qu’un voyageur qui ne retourne pas de voyage se fait beaucoup moins emmerdé par des questions. Donc bien évidemment, la question de la nourriture est un sujet primordial de notre quotidien à la maison et forcément c’est encore plus primordial en voyage. Et bien figurez-vous que ça ne me tracasse pas tant que ça jusqu’ici et ceci pour plusieurs raisons.

Premièrement, je prends le petit déjeuner à l’hôtel en room service. Alors n’allez pas croire que c’est parce que je fais ma star. C’est juste qu’il n’y a pas moyen de faire autrement. Soit c’est du room service, soit tu vas bouffer dehors. Et moi bouffer dehors dés le matin… j’hésite encore. Donc le matin je mange des œufs à la poêle ou en omelette, des toasts ou des tartines non toastées, avec un petit gâteau ou de la confiture et un café au lait. Pourquoi toute cette variété me demanderez-vous ? Certainement pas parce que je suis super instable pour ce qui est de mes habitudes alimentaires matinales. Non c’est tout bonnement car quand je compose le 555 (room service, j’écoute?) je ne comprends rien à ce que me dit le gars au bout du fil donc j’ai tendance à dire « yes » quand il me reprend. Résultat, une fois sur deux j’ai mes œufs brouillés ou à la poêle, mes tartines grillées ou pas mais j’ai tout le temps du café, préparé avec du lait (alors que j’ai rien demandé, mais ça, c’est culturel donc j’admets). Bref tout ça pour dire que le matin je mange plutôt pas mal mais à l’hôtel c’est souvent le cas.

Ensuite arrive le midi. Le midi je viens la plupart du temps de me coltiner une heure ou deux de marche dans une chaleur de sauna et donc la faim arrive souvent vers le tard. Du coup, il y a forcément se moment d’angoisse ou on se demande s’il faut osez commander ces petites boulettes ou samosas frits qui ont l’air tellement appétissants dans la devanture crasseuse du vendeur de rue, au risque de se torturer le bide (bien que depuis le Mexique, je suis capable de me faire vomir en catastrophe si l’alerte se déclenche. Un super pouvoir dont je ne suis pas peu fier). Sans parler du sketch anglo-gestuel qu’il faut effectuer pour désigner au vendeur de manière insistante qu’on veut manger ce truc là alors que lui essaie patiemment de te faire comprendre en hindi que ça, monsieur, c’est ce qu’on donne aux chiens pour qu’ils s’éloignent (voir billet sur les animaux, d’ailleurs). La première journée à Mumbai je n’ai pas eu faim avant la soirée donc la question ne s’est pas posée.

Le deuxième midi je suis rentré après un peu de déambulations et d’hésitations dans un petit troquet à côté de Churchgate. D’aspect « qui ne paye pas de mine » mais donnant sur une avenue principale et muni de quelques clients indiens (plutôt rassurant), grand ouvert vers l’extérieur avec des tables et des chaises tout à fait banals et des ventilateurs qui tournent mollement au plafond. Je me suis donc posé avec résolution à une table en attendant qu’un frêle serveur (voir le billet sur le physique des indiens) vienne me tendre une carte puis plus tard… un verre d’eau (qui est bien resté là, loin, sans bouger). Je constate que la carte en hindi et en anglais se compose pour moitié de plat végétariens, notamment des dahls à foison. Sympa. Le choix et vaste donc je prends un truc au hasard (en espérant que ce n’est pas un amuse gueule) dont je ne me souviens plus du nom. Le serveur me demande si je veux du riz. Je lui réponds non d’un vague air connaisseur que l’on pourrait méprendre pour de l’hésitation. Il me demande un peu surpris si je veux des naans. Je réponds d’un air un peu moins hésitant que l’on pourrait méprendre pour de l’expertise, oui, mais nature. Je précise qu’encore une fois tout ceci est romancé car en vérité il m’a dit un truc vaguement anglais que j’ai vaguement reconnu comme « rice » puis un autre truc vaguement anglais que j’ai compris comme « naan », c’est à dire que c’était pas de l’anglais d’où ma réponse plus rapide. Résultat des courses j’ai mangé un délicieux plat, bien sur épicé, avec des naans légèrement croustillants, servi séparément avec des tranches d’oignons et un petit demi-citron pour assaisonner à sa convenance. Et tout ça en finissant avec un thé sucré au lait que je commence à bien apprécier. Je vous le fait pour 130 roupies indiennes.

Le lendemain midi, j’étais un peu en vadrouille à un musée et en repartant je commençai à avoir faim. Malheureusement, pas de restaurants pas trop pouilleux aux alentours (quand je dis ça, je cherche pas un grand resto mais un minimum d’hygiène, bien que ce soit subjectif). Je décide de prendre le risque d’acheter un truc à un vendeur au coin de la rue. Je minimise un poil le risque (enfin vraiment un poil) en m’arrêtant à un kiosque « en dur » où je vois marqué, entre autres, bhel puri, 30 roupies. Je ne connaissait pas mais le LP en parlait positivement comme un plat typique « à la sauvette ». Je demande donc ça et repart avec deux petits plats en cartons serrés par des élastiques. Je m’éloigne un peu pour ne pas faire le morfal et je découvre une sorte de riz composé avec ce qui ressemble à un fromage râpé, du riz soufflé et je ne sais pas trop quoi. N’ayant pas été proposé de cuillère je saisie une première bouchée avec les doigts et suit agréablement surpris par le goût épicée et légèrement sucré à la fois. Ca va peut être me tuer mais entre temps, c’est bon. J’ai depuis relu le passage du Lonely Planet concernant les bhel puri (je ne pense pas qu’il faille dire bheaux puris au pluriel, même si c’est tentant). Ils parlent de beignets frits. Ah. Rien à voir. Il est donc fort possible que je me sois fait refilé la nourriture du chien. Mais si c’est le cas, heureux chien.

Ayant survécu pendant la nuit, le midi suivant, toujours en fonction de la faim je choisi de m’arrêter dans une boulangerie / restaurant « Sassanian », piqué de curiosité par un nom arménien. L’intérieur du restaurant semble être de la même classe que celui de Churchgate, sans prétention façon troquet, de frêles serveurs et une vieille dame à l’aspect possiblement occidental qui doit être la patronne. Derrière son comptoir elle semble jauger du regard ses serveurs indiens mais leur parle en hindi. Au plafond toujours des ventilateurs qui tentent mollement d’apporter un peu de fraîcheur à un temps lourd qui sent l’orage (oui car la mousson approche). Je m’assois à une table au hasard en jetant un œil et je découvre une photo du monsieur Sassanian fondateur du restaurant en 1913. La classe. J’aperçois accroché au mur un carton proposant une formule « Parsi » (c’est à dire Perse) à 130 roupies avec deux kebabs, du poulet et un Pepsi. J’opte pour ça, aimant particulièrement arroser mes plats par du Coca ou du Pepsi histoire d’aider ma digestion en cas de pépins. Le serveur m’apporte un verre d’eau (qui lui aussi va rester bien sagement à sa place sans bouger. En même temps ça se trouve c’est fait pour se laver les doigts) et je lui demande la formule Parsi. Un peu plus tard il arrive avec un bol contenant le poulet dans une sauce épicée ainsi qu’une assiette contenant une bonne plâtrée de riz et deux boulettes ainsi que le désormais (après deux je généralise) traditionnel accompagnement de tranches d’oignon et demi citron. J’en déduis que les boulettes sont les « kebabs » et c’est plutôt une bonne surprise. Résultat des courses ? Et bien c’était très bon et juste copieux comme il faut. Du coup j’ai fini avec un lemon cheese cake trèèès jaune (et plutôt bof en fait mais il n’y avait rien de typique en dessert) et un autre thé sucré au lait. Le tout pour 175 roupies.

Et pour le soir alors ? Je m’explose le bide dans les meilleurs restaurants de la ville ? Et bien non. Le soir j’ai jamais faim. Faut dire qu’avec cette chaleur… La seule exception fut le premier soir vu que je n’avait rien mangé le midi. Comme j’étais rentré vers 22h de mes pérégrinations ferroviaires je décidai de me faire le restaurant indiqué à l’hôtel comme étant son restaurant attitré. Oui et bien je comprends pourquoi. Ambiance classe, décoration à l’occidentale, frêles serveurs en habits qui vous servent et vous resservent à la moindre élévation de sourcil. Bref, tout ce qui me met mal à l’aise. Mais vu l’heure je n’ai pas envie de me prendre la tête et avec mes Euros, je leur achète leur resto s’ils me cassent les pieds. Le maître d’hôtel me demande si je viens pour manger. Je lui réponds que oui et pour déconner et faire couleur locale je commande une Kingfisher, à la pinte. Un peu plus tard il m’amène la bière avec un assortiment de petites chose à grignoter très bonnes (carottes et concombres en long dés avec une sorte d’épice, pois chiches demi-secs je crois, des sortes de pignons de pins et des sortes de naans très secs avec un assortiment de sauces épicées). Je commence à grignoter en me demandant s’il m’a bien compris quand à mon intention. Au bout de quelques minutes n’y tenant plus, je lui re-précise que j’ai vraiment faim et que ses apéricubes il peux aller se les foutre (de la main gauche) là où je pense. Mais je brode, je brode. Il rigole et me rassure en m’apportant la carte. Du coup pour faire le malin et l’original je prends du mouton à l’afghane et recommande une deuxième pinte de Kingfisher car ces petites choses m’avaient bien aiguisés la soif. Le plat servi fut très bon, servi dans une sauce épicée à l’ail et aux épinards je crois (en tout cas c’était vert), accompagné de riz et je crois même que je n’ai pas fini. C’est mal. L’addition arrive et je serre un peu les fesses : 810 roupies. Ah quand même, 12€. Mais c’est hors de prix ! Un rapide calcul mental me confirme que bien que coûtant plus de cinq fois mon déjeuner du midi ça reste assez accessible aux standards européens. Et puis de toute façon je ne ferai pas ça tous les jours.

Bref, oui maman, j’ai bien mangé.