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Pondichéry la blanche, Pondichéry la moins blanche

Muni de votre nouvellement acquise toile de fond historique (j’espère que vous n’êtes pas allé vérifier sur Wikipédia, traîtres), place maintenant à une présentation contemporaine de Pondy (oui, je suis intime maintenant).

Sa géographie est relativement simple : entre le bord de mer et l’ancien canal se trouve la ville française historique alors que tout autour pousse la ville tamoule. Techniquement, la ville est bien entendu tamoule partout mais par soucis de clarté, on désigne la partie ancienne sous la dénomination de « quartier français ». La ville compte environ deux millions d’habitants (c’est plus que Lyon, c’est fou) mais le vieux quartier français se concentre sur une bande minuscule de un ou deux kilomètres de large sur trois ou cinq (à la louche) de long. C’est totalement accessible à pied, ce dont les conducteurs d’auto-rickshaws semblent totalement ignorer. Mais il faut vraiment que j’arrête avec ceux là.

DSC_5292_DxOLa différence entre les deux pDSC_5318_DxOarties de la ville est notable. Côté « tamoul » Pondichéry ressemble à toutes les villes indiennes : une concentration humaine élevée, un trafic sonore et dense, des marchands et des magasins partout ainsi qu’un sentiment général de décrépitude et de saleté. DSC_5294_DxOBref, c’est très vivant. J’ai d’ailleurs envie d’introduire DSC_5285_DxOun néologisme personnel : c’est sur-vivant. Néanmoins, on y trouve aucun gratte ciel et les habitations ne dépassent que rarement six étages.

Côté « français », on se téléporte au 18ème siècle dans une ville issue des principes rationnels des lumières : rues larges et perpendiculaires autour d’un parc central (le parc Bharati) qui rejoint lDSC_5259_DxOe front de mer et l’ancien phare. Une grande rue longe la plage minuscule elle même encombrée par de larges blocs brises lames. L’architecture est colDSC_5268_DxOorée, de couleurs pastels soulignés de blanc et les habitations basses (pas plus d’un ou deux étages). Des arbres sont régulièrement plantés pour apporter une ombre bienfaisante en journée. L’ambiance y est également plus calme (similaire à Chalon-sur-Saône un samedi en journée, pour vous DSC_5276_DxOsituer le tableau) voir endormie le soir (similaire à Chalon-sur-Saône un samedi en soirée, pour vous re-situer l’autre tableau), hormis le front de mer (l’avenue Goubert) qui rassemble une faune familiale et touristique, mollement déambulante sous une brise tiède et océanique. Notez queDSC_5301_DxO cette architecture empiète un peu côté tamoul donc vous pouvez éventuellement panacher si vous vous sentez mal à l’aise à Chalon-sur-Saône. Particularité notable dans cette partie de la ville, la propreté relativement élevée DSC_5297_DxOpour une ville française. Euh pardon, indienne. Quel labsus. Le gouvernement de Pondichéry doit tenir à son tourisme.

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Il y a une très claire atmosphère dans le vieux Pondy, qui doit beaucoup parler aux français. Les noms de rues sont la plupart du temps françaises (rue Dumas, rue Suffren, rue Mahé de la Bourdonnais, cette saloperie de rueDSC_5248_DxO que je n’arrive jamais à retrouver), sous-titrées en tamoul, et sentent l’époque des Lumières. On y croise le consulat de France (la seule antenne diplomatique de Pondy), l’Alliance Française, le Lycée Français ainsi que des DSC_5240_DxOéléments de la vie quotidienne qui nous arracherait presque un petit sourire de tendresse : des policiers au képi cousins des anciens képis de gendarmerie, des anciens jouant à la pétanque devant l’église et une gastronomie touristique DSC_5257_DxO(comprendre, dans des restaurants haut de gamme) franco-tamoule. Et tout ça est parcouru par des dames en saris, des indiens en mobylettes, motos ou vélos avec un très léger saupoudrage de touristes.

DSC_5300_DxOMoi, j’avais grand plaisir à y marcher tranquillement à la tombée de la nuit (même si je l’ai fait aussi avec le soleil au zénith, comme un con de touriste, que je suis), sous le grésillement des insectes et des conversations feutrées en tamoul. Il faut dire (et je vous le rappel) que je suis en train de me plonger dans une série de romans situées au 18ème portant sur la marine royale anglaise dont une partie des aventures se situe dans l’océan indien entre Madras et l’Indonésie. DSC_5249_DxOJe n’arrêtais pas, à la tombée de la nuit, de longer les murs un sabre à la main (en vérité mon trépied photo replié) pour me précipiter vers des vieilles tamoules, les yeux enfiévrés, en hurlant « A l’abordage ! Abaisse ton pavillon, saloperie de grenouille !! ».

Introduisons Pondichéry

Permettez moi de faire un petit saut dans le temps et d’éluder totalement un nouveau transport ferroviaire entre Hospet et Pondichéry (avec changement à Hubli Junction, bien entendu, car je sais qu’il doit avoir quelque part dans le monde des coupeurs de cheveux en quatre qui sont friands de ce genre de détail). Je suis de moins en moins quiche maintenant donc tout c’est passé sans encombre. En tout cas pas moins que d’habitude. Pour anecdote, mes deux compagnons de voyages étaient des sortes de VRP qui discutaient entre eux en anglais. Ou en hindi. C’était pas très clair pour moi. Le sujet de conversation semblait être la comparaison entre les différents modes de transports en Inde : avion, train, taxi, bus. La conclusion que j’en tire, c’est que prendre le bus de nuit, c’est prendre un risque mortel. Mais je digresse, je digresse. Le sujet d’aujourd’hui c’est Pondichéry ou selon sa nouvelle dénomination officielle, Puducherry, voir Pondy si vous êtes habitués, et Pondy chérie si vous êtes intimes. C’est le matin, je m’échauffe. Comme je ne laisserai passer aucune occasion de faire accroire que je possède une culture sans fond, permettez moi de vous esquisser en quelques lignes d’Arial corps 12, l’histoire de Pondichéry, ou Puducherry ou Pondy, mes chéries.

L’histoire commence quelque part entre l’an 1600 et l’an 1800. Je prends une sacré marge. La France via sa Compagnie des Indes, cherche un comptoir commercial sur la route de la soie et des épices réunis, afin de pouvoir faire concurrence à la Compagnie des Indes Orientales (version Royaume-Unie) ainsi qu’à la Compagnie des Indes (version Hollandaise). Ça ne va pas être simple de s’y retrouver avec tous ces noms similaires. Je ne rentre pas dans tous les détails de basse politique et de négociation d’épiciers (d’autant plus que je ne les ait pas, les détails), mais un français parvient à acheter un bout de terrain relativement pourri, car marécageux, à un seigneur local, à une centaine de kilomètres au sud de Madras (actuelle Chennaï), tenu par les anglais. L’emplacement est face au golfe du Bengale, proche plage, exposé est-sud-est, plat avec possibilité aménagement ville coloniale. Sur le moment, ça semblait être un plan foireux comme une location Pierre & Vacances, mais au final, cela se révéla être une plate-forme idéale et la ville commença tout doucement à prospérer.

Au 18ème siècle (quelque part au milieu, j’ai envi de dire), le roi de France (Louis XV selon toute probabilité), y nomma un nouveau gouverneur du nom de Goubert, Edouard (Eddy Goobert pour les américains). C’est sous sa direction que Pondichéry pris véritablement son essor et se développa pour devenir une véritable ville. Entre temps on s’occupa en allant titiller les anglais à Madras et cela donna quelques occasions pour certains, de mourir, et pour d’autres d’amasser quelques bonnes anecdotes à partager autour d’une boisson face au golfe (qui est du Bengale, je vous le rappel).

Autour du comptoir français ne manqua pas de s’agglutiner une ville tamoule (car Pondy, comme Madras, se trouve dans la partie tamoule de l’Inde), en commençant très certainement par des rickshaws (pas encore motorisés) et des vendeurs de produits en tout genre. Le commerce, le commerce. Mais après tout, c’est pour cela qu’on avait créé la ville. Faut assumer ensuite.

On vivait bien à Pondy, surtout les français, dans une torpeur et langueur coloniale. Mais tout cela pris fin en 1952, l’année ou la France céda le territoire à l’Inde, récemment indépendante. Malgré tout, la ville et son territoire proche conserve un statut de Territoire de l’Union qui lui octroie quelques avantages fiscaux. En plus de cette région attenante à la ville, le Territoire de Pondichéry regroupe la ville de Mahé, côté ouest de l’Inde (ça ne doit pas être simple côté administratif) ainsi que deux autres villes dont je ne me souviens plus du nom. Chacune est un ancien comptoir français. Mais comme le français est un petit filou, on laissa à Pondichéry un lycée français pour torturer les jeunes indiens ainsi qu’une Alliance Française pour diffuser une rétrospective Cédric Klapish sous titré en hindi tout les dimanches à 18h. On sait manier le bâton et la carotte.

Je ne résiste pas à l’envie de conclure par cette petite phrase de mon cru qui devrait vous faire parvenir des parfums d’aventures épicés : Pondichéry situé sur la côte de Coromandel et Mahé, sur la côte de Malabar, furent des comptoirs sur la route des épices. Alors ? Vous ne les sentez pas les odeurs de mer, de chanvre et de goudrons, de traversées houleuses, de cocotiers, de gentilshommes et dames suant sous des costumes inadaptés, des bruits de canons et de mousquets, et des visions de tumulus d’épices colorés attendant d’être chargés en cale de grands voiliers aux ailes blanches par de puissants tamouls torses nus et enturbannés (attention aux liaisons)? Mince, voilà que ça me reprend.

La faune et la flore de Hampi

Réjouissez-vous amoureux de la nature, voici venu le moment du billet animaux spécial Hampi, spécial Hampo (mais pas Hampa, c’est malsain).

Mon court séjour (mais au combien intense) me permit quelques rencontres intéressantes de ce côté-ci. Bien entendu, j’ai croisé moult vaches, toujours aussi placides et fourrageant dans les ordures à la recherche de restes végétaux. Les restes animaux sont quand à eux plutôt du domaine des chiens errants, toujours aussi présents et également toujours aussi sympathiques qu’à Mumbai. En Afrique, les animaux se retrouvent le matin autour d’un plan d’eau pour boire. En Inde, on se retrouve autour d’un tas d’ordure pour manger. Que bella la nature. Mais assez de ces animaux domestiques, exigeriez-vous. Soit. Parlons donc des animaux sauvages. Ceux qui ont planqué leurs enfants suite à l’épisode « Hampa » peuvent maintenant les ramener. Ça va être très mignon. En tout cas, pas pire qu’un documentaire animalier sur France 5.

DSC_5212_DxOEn premier lieu je vous présente, les seigneurs de Hampi, les maîtres des rochers, les cousins à la face expressive… les singes. Il y en a parait-il deux sortes l’un à face rouge (plutôt rose d’ailleurs) et l’autre à face noir. En ce qui me concerne, j’ai surtout côtoyé ceux à face rouge qui sont également pas très farouches. A vrai dire, la tenancière de ma guest house avait l’air de les considérer comme des nuisibles chapardeurs. J’ai pu sans problème m’approcher à moins d’un mètre de certains, suivant que c’était des femelles avec un petit, ou pas. Mais surtout ils peuvent très facilement passer en bande à côté de soi, à les toucher, juste en levant des yeux curieux vers vous. Ils ne sont pas bien gros (environ 50cm assis) quoique ceux à face noire me semble un poil plus costauds. Généralement, on les trouve sur les gros rochers autour du village, dans les DSC_5164_DxOgrandes tours du temple ou bien dans les arbres avoisinant. Au bout d’un certain temps cependant, j’ai appris à ne pas les regarder trop longuement. Ils me fixent alors de leurs yeux expressifs et j’y lit une profonde et millénaire tristesse. Ce doit être l’équivalent en singe de « 100 roupies, please? ».

Plus joyeux, je vais vous présenter l’extraordinaire acrobate du lieu : l’écureuil. Tout de suite, je sens comme une vague de déception chez vous. Il est où l’exotisme, il est où le dépaysement ? Un vulgaire écureuil, qui ressemble étrangement à ceux que l’on a chez nous, il DSC_5157_DxOfaut bien l’avouer. J’étais comme vous, je ne lui prêtait pas beaucoup d’attention. Mais je crois bien qu’ils cachent leur jeu. Je ne jurerai de rien, mais, pendant un moment d’observation plus attentif, j’en ai vu un effectuer un saut très étrange vers un arbre voisin. Je ne vous cacherai pas que j’ai fait quelques études de physique donc les corps en chute libre, ça me parle. Il est possible que j’ai mal vu, mais suite à ce saut, j’ai poussé un cri d’étonnement (heureusement, j’étais une nouvelle fois seul) : l’écureuil venait de contredire les lois de monsieur Newton (et non, ce n’était pas un saut relativiste. Blague de physicien). En clair, il avait sauté en ligne droite, sans aucune chute. J’ai donc la quasi conviction que ces petites bêtes déguisées en écureuils français sont dotées du pouvoir de vol. Ou alors ils sont drôlement doués pour planer.

En parlant de rochers (si, si, j’en ai parlé plus haut. Faut suivre), l’autre habitant des lieux avec le singe est le lézard. En catalogue, il y a le noir à bande rouge sur le dos, le noir à bande jaune et le gris marron standard. Je n’ai absolument aucune idée de ce que c’était mais j’ai comme dans l’idée que les deux colorés n’ont pas très bien observé leur environnement car leur camouflage est particulièrement raté. Joli, certes, mais peu efficace. Il me semble qu’ils seraient beaucoup plus adaptés à un match de foot.

Enfin, pour l’exotisme, j’ai en stock du serpent. Oui, j’ai vu un serpent de taille respectable que j’évaluerai à plus d’un mètre de long. Fort heureusement, il était très très pris à cet instant donc je n’étais pas son soucis principal (même s’il était le mien). Il essayait de se défendre contre une attaque aérienne menée par deux oiseaux de la taille de gros moineaux complètement fous-dingues qui pratiquaient l’attaque en piqué, façon Stuka. Il est parti à l’abri dans un fourré pendant que les deux volailles complètement remontés à bloc repartaient en direction de l’arbre le plus proche en piaillant comme des hystériques :

« Chef, chef, on l’a bien niqué ce salopard, hein ?

  • Et comment. On lui a bien foutu sa branlée.
  • Chef, chef, vous avez vu comment je lui ai bien défoncé sa tête à coup de bec, là ?
  • C’est bien, c’est bien petit. Tu es enfin prêt. Demain on attaque un crocodile. »

Mais pour les crocodiles je suis navré de vous décevoir. Je crois bien que c’était une blague pour touristes.

Le chaud et le froid à Hampi

Hampi est un petit village, même à l’échelle européenne. Au centre trône le temple. Un peu à l’écart on trouve le vaste terre-plein où les bus arrivent et où l’on peut trouver des marchands de bananes et autres légumes. Puis entre le temple et la rivière, on trouve le village proprement dit d’une cinquantaine de maisons. A côté de l’arrivée de bus se trouvent les plus grandes maisons toutes un peu carrées en parpaings peints (très joli à dire, ça) et donc les guest houses les plus cotées. C’est là que j’avais la mienne car je le vaut bien. N’aller pas imaginer des trucs. J’avais juste le droit à la climatisation dans la chambre fermée par une porte en contreplaqué et sécurisé par un gros verrou extérieur. Mais c’était propre et il y avait une douche.

Dans le village on trouve quelques autres guest houses ainsi que plein de restaurants « multi-cuisine » (comprendre cuisine indienne familiale et quelques trucs de base du reste du monde), le tout végétarien car la viande est interdite. Tout ça est relié par des routes et chemins en terre battue, d’un niveau de propreté à l’indienne et saupoudré de quelques mendiants, vaches, chèvres et chiens errants. L’éclairage public est limité mais la bonne nouvelle c’est que les auto-rickshaws n’arrivent que le matin et restent du côté de l’arrivée des bus. Voilà pour le décor.

Il m’est arrivé plusieurs choses à Hampi : du magique, du symptomatique, du casse-couille et du glauque. Mais commençons d’abord par le symptomatique. Parce que c’est moi qui décide.

On le sait, l’Inde est impitoyable pour le touriste. La légende raconte que c’est le seul pays au monde doté d’une cellule psychologique au sein de l’ambassade de France. J’ai rencontré une touriste au bout du rouleau. Elle était assise sur un rocher en bord de chemin, le bras dans le plâtre, entourée de trois indiens qui tentaient de la soutenir. Son bras, elle se l’était cassée deux semaines auparavant pendant son séjour de quelques mois en Inde. Fatiguée, ayant mal à son bras, avec un mal de tête naissant, elle a craqué. En pleur, elle attendait un auto-rickshaw pour l’amener voir un médecin en gémissant à intervalle régulière « j’veux rentrer en France ». Heureusement, les indiens en question était manifestement des amis et tentaient de la rassurer pour l’un, et de savoir ce que foutait l’auto-rickshaw pour l’autre avec son portable. Oui car les auto-rickshaws sont chiants jusqu’au bout. Toujours là quand on s’en fout mais jamais là quand on a besoin d’eux. En compatriote français, car c’était une française, j’ai vainement tenté de la rassuré en lui disant qu’elle devait avoir le droit à un rapatriement avec sa carte bleue (alors que j’en savais rien du tout) mais je sentais bien que j’arrivai après la bataille. Et d’autant plus que je ne me sentais pas plus légitime que trois autres indiens beaucoup plus moustachus que moi, quoique plus frêles. Je l’ai donc laissé à sont sort. A mon retour de ballade elle avait disparu, sans doute emportée par Shiva, le téléporteur (nom d’un dieu, mais c’était quoi son boulot à lui?).

Pour ce qui est du casse-couille, laissez moi vous dire que dans certaines contrées un peu reculées comme Hampi, et notamment en basse saison ou le touriste se fait plus rare, je suis régulièrement interpellé par des jeunes d’un « hello » invitant à la conversation. Il m’est donc arrivé plusieurs fois d’engager un gentil papotage avec des questions qui sont invariablement, dans cet ordre, d’où viens-je, comment m’appelle-je, quel âge ai-je, suis-je marié-je et comment ce faisse-je. L’indien est obsédé par le mariage et manifestement éberlué lorsqu’il ne survient pas après trente ans. Si c’est pas une société traditionnelle, ça. Tout ces échanges se font, bien entendu, en gesto-anglo-hindi mais généralement vu le niveau des questions, on se comprend et cela reste très bon enfant. Il m’est d’ailleurs arrivé plusieurs fois qu’on me demande de prendre les gens en photo pour pas un rond. Généralement, je montre le résultat sur le petit écran arrière de mon Nikon (en plein soleil, autant dire qu’on voit pas grand chose, et j’en suis navré) et les gens sont ravis. La grande majorité de ces petits curieux sont des adolescents de sexe mâle car manque de pot, je devais faire ma ballade après 16h, heure de fin de classe. Le problème avec les adolescents de sexe mâle, c’est qu’il y a parmi eux une forte proportion de connards, qu’on appelle généralement des « petits cons » à cet âge là. Je tombe donc sur un duo, un grand dégingandé et un plus petit moustachu, ou plutôt ils me tombent dessus d’un « ha-lo » que j’interprète comme une envie d’entamer le questionnaire classique (dont j’ai bien rodé les réponses maintenant). Ils enchaînent par une demande de photo et je précise bien que je ne paye pas. Pas de soucis, je mitraille leurs faces boutonneuses. Et paf, le petit moustachu me demande 100 roupies. Nan, nan. 50. Non plus mais avec le sourire (ne jamais se défaire de son sourire, c’est important). Du coup je repart en marchant en essayant de ne pas trop relancer la conversation. Mais tels des adolescents qui s’ennuient, ils se sentent obligé de me suivre pour me poser pleins de questions en pseudo anglais que je ne comprends pas, ce qui provoque des rires et commentaires entre eux. Des vrais ados petits cons. Moi je me dirige vers la rivière car je cherchai un endroit pour la traverser, un guet, des cailloux ou quelque chose (j’ai d’ailleurs vite abandonné l’idée au vue d’un panneau marqué « Attention, crocodiles »). Je m’arrête un peu pour essayer de repérer quelque chose avec mes deux sangsues à un mètre, toujours à me poser des questions incompréhensibles. Bref, ils commençaient sérieusement à m’échauffer les oreilles (et avec cette chaleur, il m’en fallait peu). Mon sourire était en train de fondre. Puis, je ne sais pas ce qui lui à pris, le petit con moustachu (celui qui avait la connerie) s’est saisi nonchalamment de mes lunettes de soleil que j’avais accroché à la pointe du col de mon polo. L’effet fut instantané. Mon reste de sourire c’est instantanément évaporé, je lui ai chopé le bras pour récupérer mes lunettes et l’ai bousculé violemment. Oui, car on ne me touche pas les lunettes comme ça. C’est privé. Et puis surtout il se croyait où, chez mémé ? Mais comme c’était un ado con, forcément ça l’a fait rire avec son pote étiré et j’ai du me les coltiner encore quelques minutes, à me suivre, en les ignorant pendant que, furibard, je révisait mentalement mes coups appris à l’armée pour les démolir discrètement à l’abri d’une colonne en ruine racontant le chapitre 25 du Ramayana. Malheureusement, ils se sont lassés et m’ont lâché le train. J’avais été à deux doigts de me friter avec un indien. Ça aurait fait une jolie anecdote.

Puisqu’on en est à parler des choses désagréables, enchaînons directement sur l’épisode glauque de mon séjour à Hampi. S’il y a des enfants qui lisent, je suggérerai de préserver leur innocence encore quelques chapitres en les mettant devant un excellent dessin animé Pixar. Sinon, pour les autres, mon serment tacite de tout vous raconter (et pour le coup, ici, sans exagération, sinon ça n’aurait aucun sens) m’oblige à ne pas vous épargner cette anecdote. Elle commence comme les précédentes : je me ballade dans Hampi, le long du vieux bazaar antique qui conduit du temple au pied de Munthaga Hill. C’est le soir et je profite un peu de ce moment pour déambuler mollement dans ce décor mystérieux. Comme d’habitude, je suis accosté par un jeune garçon de 11-13 ans qui me demande (devinez) mon pays d’origine, mon nom, etc. Mais ensuite, accroc, il dévie du script en me demandant de l’argent. Je sort ma réplique favorite : « No, no ». Il insiste, tel un petit mendiant roumain, mais en anglais. « No, no », réponds-je, toujours avec le sourire. J’effectue un rapide check-up discret de son anatomie : deux bras, deux jambes, une tête, des mains, des pieds, tout ça dans des angles standards. Non, ce n’était pas un éclopé. Nous marchons un peu, moi en l’ignorant. Puis il me demande « Hampa ? ». Je suis au regret de lui indiquer que je ne comprend pas sa question mais il se sent obligé de la répéter à l’identique : « Hampa ? ». Mon imagination cynique me susurrait qu’il s’agissait d’une proposition de drogue. Manque de pot, je ne la connaissait pas et en plus je suis pas trop porté sur la chose, encore moins en Inde ou rien que la nourriture peut te tuer, alors de la drogue… Je continu à marcher en évaluant la distance qui me reste jusqu’à la guest house. Le petit garnement, quelques instants plus tard recommence son cirque « Hampa ? ». Mais je ne comprend pas, mon petit bonhomme ?, lui dis-je en anglais. Le petit bonhomme, avec plein de sang froid et en toute discrétion me ressort une nouvelle fois son interrogation « Hampa ? » mais cette fois-ci accompagné d’une gestuelle qui ne laissait planer absolument aucun doute sur sa suggestion. Soyons cru, car il n’y a aucune raison que je vous épargne : le garçon me proposait une masturbation. « Incredible India ! », comme dirait le ministère du tourisme indien. Et pour ceux qui ne parle pas bien l’anglais, car entre temps mon cerveau avait fait la traduction, « hampa » signifiait « hand pump ».

Enlevons-nous tout de suite ce goût étrange et amèreDSC_5132_DxO dans la bouche en parlant du numéro 1 de ce top 50 : les moments magiques. Il y en a eu trois. On peut donc dire qu’ils équilibrent (mais est-ce aussi simple) les trois autres. Premièrement, en parlant de gens qui accostent et demandent des DSC_5126_DxOphotos, la première fois eu lieu dans un des plus grand temple en ruine. Une famille élargie d’indiens modestes (que j’arrive à repérer grâce aux habits des hommes. Les femmes ont invariablement des saris colorés et je me vois mal tâter la fabrique pour estimer leur niveau de revenu), complète avec enfants et grands parents, m’ont demandé de faire des photos d’eux.DSC_5127_DxO J’ai du faire une petite séance photo de cinq minutes avec profusion de sourires et rires au vue des photos. C’est eux qui insistait pour continuer et c’était super sympathique. Quelle est belle l’humanité dans ces cas là. Merci à eux. Accessoirement j’ai également pu photographier deux « religieux » en tenu complète, mais cette fois-ci moyennant un « don » généreux de 100 roupies. Mais comme c’était des religieux j’ai eu le droit à des petit tours de magie du plus vieux qui consistait essentiellement à cacher des objets plus ou moins importants dans sa gorge, sans s’étouffer, bien entendu. DSC_5238_DxOBravo l’artiste mais j’ai compris du coup pourquoi c’était toujours le même qui parlait (le plus grand): son comparse avait l’entièreté de l’arrière boutique du BHV planqué dans son œsophage.

Ensuite il y eu des soirées spéciales, chacune dans leur genre, dans des petits restaurants d’Hampi, avec moi comme seul client. La première eu lieu le premier soir de mon arrivé où je suis allé me restaurer après un long trajet en train et en bus dans un petit restaurant familiale aux chaises en plastique moulé (comme tous les restaurants d’Hampi). Dans ces cas là, je sens que je prend les gens par surprise. Merde, un client ! J’ai eu le doux plaisir d’être servi en terrasse pendant que quelques membres de la famille y regardait la télévision. J’avoue que je ne me souviens plus du plat mais le film d’action bollywoodien et le chant des insectes nocturnes, oui.

Mais l’instant le plus magique, ce petit moment de grâce imprévisible qui justifie à lui seul le voyage et tout ses emmerdements, eu lieu le deuxième soir, le même jour que la scabreuse suggestion enfantine. Le soleil se couche et une pluie fine arrive doucement. Je part dans le village à la recherche d’un petit restaurant pour le dîner, appréciant cette soudaine fraîcheur relative. Brutalement la pluie s’intensifie pour se transformer en véritable pluie de mousson. Je fait demi-tour pour me fixer sur un des premiers restaurants du village. Le déluge me trempe rapidement mais je m’en fout. Soudainement, le rare éclairage public et quelques lumières intérieures s’interrompent. Coupure de courant. Je hâte mon pas dans les ruelles de terre battue déjà trempées en essayant de deviner les flaques dans le noir. Je retrouve le restaurant dans l’obscurité, lui aussi touché par la coupure de courant. Je demande et on m’invite à venir manger malgré tout. Seul, on m’apporte un menu, une petite bougie et me retrouve pendant une demi-heure à savourer l’instant, à la lumière de la chandelle et d’une ampoule dans la cuisine, alimentée par une batterie. De grosses gouttes frappent le toit en tôle. La cuisinière fait rissoler quelque chose en écoutant la radio. Au son de musiques indiennes et de paroles dans une langue inconnue, j’observe deux jeunes filles assises à l’entrée du restaurant et discutant en regardant la pluie. Une toute petite fille vient jouer avec son frère puis son grand père à côté de moi. Je me sens comme un spectateur invisible. Une soirée de pluie de mousson.

Incredible India !

Ce que j’ai retenu de ma leçon d’hindouisme

Je crois qu’il est maintenant grand temps que je tente de vous régurgiter ce que j’ai vaguement retenu de ma leçon d’hindouisme perpétrée par le guide Veeresh ou collectée au travers des quelques musées visités. Vous serez averti dans le texte lorsque je ne serai pas sûr de moi du à une mémoire atroce des noms. La prochaine fois je demanderai à ce qu’on me sorte un paper board pour me faire un diagramme. Bref, ce ne sera sans doute pas très académique et si vous êtes théologien de l’hindouisme vous me ferez parvenir un petit message privé pour rétablir les contre vérités et autres outrancières simplifications.

Donc.

Au début il y avait Brahma qui créa l’univers et toutes les choses qui le compose, du plus grand au plus petit, du plus important au plus dérisoire, donc tout. Non, ne cherchez pas, il a TOUT créé, vous dis-je. Cherchez pas la petite bête dés le début de l’histoire.

ATTENTION PASSAGE FLOU. Il créa également les dieux, notamment Vishnu, le protecteur, et Shiva le quelque chose en « eur ». FIN DU PASSAGE FLOU. Donc, je ne suis pas sûr que Brahma créa les dieux, mais si on part du principe qu’il a TOUT créé, faut être un peu logique. Ensuite, je ne me souviens plus trop de la fonction de Shiva, à savoir, destructeur, vengeur, percepteur ou bien branleur. En tout cas c’était un truc qui finit en « eur », ce qui exclu catégoriquement attaquant de pointe. A la limite milieu récupératEUR. Mais peu importe. Vous vérifierez par vous même sur Wikipédia.

En tout cas Shiva danse sa danse cosmique et connaît par cœur 108 positions différentes qu’il est capable d’effectuer avec sa tête, son cou, ses deux jambes et ses quatre bras, ce qui exclu toute forme de reproduction par le commun des mortels. D’autant plus que la plupart du temps, il danse sur un démon, accessoire qu’il est difficile de se procurer de nos jours. Ou pas.

Ensuite, Vishnu a une femme, Parvati, qui est également une déesse. C’est plus pratique dans la mesure où cela permet de partager les mêmes sujets de conversations. Si je ne dis pas de bêtises (ATTENTION RE PASSAGE FLOU) on la voit souvent avec une flûte. Bien entendu, quand je dis « on la voit », comprenez, « on la voit représentée ». N’est pas Bernardette Soubirou qui veut. Mais bien que Parvati joue de la flûte, elle s’ennuie. Notez bien, c’est important pour la suite : Parvati s’ennuie.

Ah non. Mince. Je me suis trompé. Elle ne s’ennuie pas. Manquerai plus que ça, une déesse qui s’ennuie. C’est un coup à nous balancer un tremblement de terre pour s’occuper. Non pardon, je me méprend. Elle ne s’ennuie pas, elle a peur toute seule chez elle. Rien à voir. Donc là vous pouvez effacer la précédente remarque et noter qu’elle a peur. C’est vraiment important pour la suite. Je sais, c’est compliqué tout ça.

Où en étais-je. Ah oui. Elle a peur car son mari, Vishnu, passe sont temps à s’incarner sur Terre pour protéger les hommes. N’oubliez pas, son job c’est « Protecteur ». Du coup il n’est jamais à la maison. Notez, notez. Ça aussi c’est drôlement important pour la suite.

Vishnu a également deux consœurs, dont notamment, la fameuse Mahalakshmi, déesse de la richesse et du succès en affaire, patronne des commerciaux de SSII. Malheureusement, je ne connais pas exactement le lien hiérarchique ou de boulot exact entre Vishnu et ces deux consœurs. Mais on les voit assez souvent ensemble sur les sculptures de bronzes dans les musées. Je ne veux rien sous entendre.

Donc c’est MAINTENANT que vous pouvez ressortir vos notes. Comme Parvati a très peur toute seule chez elle (quartier qui craint, manifestement) en l’absence de Vishnu, elle décide de se créer un protecteur à elle sous la forme d’un fils. Rationnels que vous êtes (ou pas) vous devez vous dire qu’il y a comme une cou**** dans le potage. Car si Vishnu est son mari, qu’il n’est jamais là, mais qu’elle veut avoir un fils… ça va être compliqué de le faire, le fils. Sauf que c’est une déesse et qu’il lui suffit de sculpter son fils à l’image qu’elle veut (pas nécessairement la sienne) grâce à une matière première dont je vous laisse deviner la nature. Alors ? Et bien, d’après Veeresh (je préfère citer mes sources parce que je trouve ça un peu énorme quand même et il est fort possible que j’ai mal compris son anglais approximatif), Parvati créa son fils avec la graisse de sa cuisse. Morale de l’histoire ne jetez surtout pas les produits de vos liposuccions, mesdames.

Enfin, Parvati est heureuse. Son tout nouveau fils est maintenant devant l’entrée de la maison pour la protéger. De quoi ? L’histoire ne le dit pas, mais en tout cas on sait que son fils est beau et bien proportionné avec tout ce qu’il faut. Notez, c’est assez important aussi. Malheureusement, Vishnu le Protecteur de l’humanité, bien que s’incarnant à foison fini bien par rentrer chez lui. Il trouva donc devant sa maison un jeune homme qui, d’une voix ferme lui refusa l’entrée. On comprend que ça l’ai fait doucement marré, le Vishnu. Passablement éreinté par sa récente incarnation (ou plus probablement, par son encore plus récente négociation avec un conducteur d’auto-rickshaw pour rentrer chez lui), il abrégea la conversation d’un coup d’épée qui trancha net la tête du fils de Parvati. Tchop,

« Voilà qui va plus m’emmerder celui là. Chéri, t’es lààààà ?, appela t’il

  • Oui, oui, j’arrive, répondi Parvati, Aaaaaaah, Maikècecé !?
  • J’sais pas. Un mec défoncé au crack qui voulais pas que je rentre.
  • Mais c’est mon fils !
  • Pardon ? Tu peux me la refaire celle là ?
  • Rha je t’expliquerai, mais fait quelque chose ! Ressuscite le !
  • Ah mais je ne peux point et tu le sais. Ce que Vishnu tue, personne ne peut ramener z’à la vie.
  • C’est bien vrai, c’est bien vrai. Mais que faire ?
  • Bouge pas. J’ai une idée. Mais entre temps t’as intérêt à peaufiner ton explication à propos de cette histoire de fils, conclua Vishnu.

Vishnu parti vite à la recherche d’une tête de rechange pour le fils de Parvati et, muni d’un fort esprit bricoleur mais dénué totalement de sens esthétique, attrapa un éléphant et lui coupa la tête. Sans réfléchir, il choisi un écrou de 12 et vissa la tête d’éléphant sur le corps du fils de Parvati et ramena celui-ci à la vie.

« Salut la compagnie, Brrrrraaaaaaaaaaaawwwh. J’ai le nez pris, je crois », fit Ganesh. Car vous l’avez tous deviné, ainsi fut créé Ganesh le dieu à la tête d’éléphant, fils de Parvati, mais pas totalement celui de Vishnu. Mais ça, c’est des histoires de couples. Ah et depuis il a pris quelques kilos.

Puisqu’on en est encore à parler de Vishnu, il s’est déjà incarné neuf fois, à chaque fois dans une forme de plus en plus évoluée. Une de ses incarnations les plus connus fut Rama (la 6ème ou 7ème je crois), célèbre (super) héros aux pouvoirs extraordinaires et personnage principal du Ramayana. Rappelez-vous. Il y eu aussi Krishna et Bouddha, je crois mais là je suis pas sûr. PASSAGE FLOU ! Pardon, j’avais oublié de vous prévenir. Par contre là ce n’est pas flou, mais d’après Veeresh, on attend la dixième réincarnation. Je n’en dis pas plus, c’est peut être votre voisin de gauche. Autre point important concernant Vishnu que je vais vous chuchoter pour ne pas vexer : il a un troisième œil au milieu du front. Cet œil est d’ailleurs toujours fermé ce qu’il vaut mieux car quand cet œil s’ouvrira, ça va barder pour tout le monde.

Bref si on résume : nous avons Brahma, Vishnu, Shiva, Parvati, Mahalakshmi, son autre consœur dont j’ai oublié le nom, Ganesh et Hanuaman le dieu singe (qu’on a vu dans le billet précédent). Il doit en manquer un paquet notamment Kali que je ne parviens pas à situer dans le panthéon. Au niveau des cultes il faut savoir que Brahma n’est absolument pas célébré, représenté ou adoré. Tout le monde s’en fout comme le nom du producteur du film. C’est le type qui a tout payé, mais personne ne songe à le remercier. Attitude classique. J’espère au moins qu’il touche des royalties. Non, les deux grandes stars sont Shiva et bien sûr, Vishnu, vu qu’il est protecteur. C’est facile.

Concernant les signes distinctifs, les supporteurs de Vishnu portent trois bandes blanches verticales sur le front alors que les membres du kop de Shiva (virage sud) les portent horizontalement. Ou inversement. Mais quelle mémoire atroce. Ganesh est adoré par les chauffeurs routier, de bus voir d’auto-rickshaws (pourquoi, je ne sais pas) alors que Hanuaman est cultissime chez les culturistes.

Quand au point rouge sur le front, c’est une légende. En vérité ce sont des tireurs d’élites qui pointent chaque hindou de leur visée laser. Quand l’oeil de Vishnu s’ouvrira…