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Le petit écran

Ça fait quelque temps que je souhaite vous parler de ce curieux phénomène constaté depuis l’Inde. Aussi bien en Inde, au Vietnam, en Australie et en Nouvelle-Zélande je constate que les émissions de télévision se ressemblent toutes. Pour les deux derniers pays, cela n’a rien d’étonnant du fait de leur proximité mais pour les deux autres, je ne m’attendait pas à cela.

Je ne passe pas mon temps à regarder le petit écran, c’est même d’ailleurs exceptionnel, mais à chaque fois que j’effectue un petit zapping, je remarque les mêmes similitudes. Tout d’abord, je ne sais pas pour vous, mais j’ai les yeux qui pleurent à force d’être hyper stimulé par les éclairages violents et plats des plateaux de journal télévisé ou talk-shows, à croire qu’il n’y a qu’une seule façon d’éclairer ces émissions, sans subtilité de préférence. J’ai l’impression que c’est la chasse à l’ombre. Ah non de dieu, Robert, il y a une petite ombre sous le menton de Jennifer ! Attends, bouge pas, je lui rajoute un quinzième projecteur par en dessous. C’est d’un triste. Pour ne rien arranger, le chefs décorateurs sont tous portés sur les couleurs vives ce qui n’arrange rien sous les éclairage massifs des plateaux. Bon sang, mais qui a lancé cette mode et surtout pourquoi a t-elle était reprise partout dans le monde ?

Je ne vous parle même pas du standard qu’est devenu la pose raide comme un piquet du présentateur de journal. Ils sont d’ailleurs tous recruté chez Elite, surtout les femmes, à voir leur plastique étrangement haut dessus de la moyenne, y compris en Inde. Mince, où est passé le sympathique moustachu bedonnant ? N’y a t’il plus de place nul part pour le ou la présentatrice au strabisme divergent ?

Bon, ça encore, je m’énerve juste pour m’énerver car le plus triste dans toute cette histoire d’uniformisation et que l’on retrouve quasiment les mêmes émissions partout, la faute à Endemol, la titanesque société de production hollandaise. J’ai l’impression que l’émission de télévision calibrée est devenu le premier produit d’exportation des Pays-Bas (même si je vient de découvrir grâce à Wikipédia que l’entreprise a été racheté par Telefonica, société espagnole). Que ce soit « Qui Veut Gagner des Millions » (moi, pour commencer), « Star Academy », « Big Brother » ou d’autres, chaque émission est produite dans tout ces pays avec absolument tout similaire que ce soit la musique, les décors, l’éclairage et le concept. Tu parles d’un dépaysement.

Lorsque l’on va sur le site d’Endemol France, on découvre d’ailleurs ce magnifique slogan sans fard et d’une touchante sincérité : « Endemol, producteur de flux ». Tout est dit. On n’est pas là pour faire des émissions les gars, on est là pour remplir les tuyaux.

Retour vers le futur

L’aéroport international de Chennai est à l’image de l’Inde : moderne de l’extérieur mais vétuste de l’intérieur. Le ton est d’ailleurs donné lorsqu’on arrive par le train local. Vous descendez après un voyage dans des wagons similaires aux slow trains de Mumbai, à la gare de Tirusulam, postée en face de l’aéroport (sans indications qu’il s’agit de la gare qui dessert l’aéroport donc il vaut mieux se renseigner au préalable. Fort heureusement, j’avais fait la queue à un guichet pour arracher cette information à une préposée peu souriante et grâce l’aide d’un aimable jeune homme derrière moi, un tantinet plus anglophone). Il faut ensuite traverser une route à pied, heureusement, relativement peu empruntée, puis un petit talus herbeux, une voie de circulation routière interne à l’aéroport puis enfin traverser les parkings avant de rejoindre l’entrée des halls, le tout sans passage piéton, bien entendu. Tout ça est encore une fois un peu vétuste et sommaire, mais bon, ça fonctionne. Dites vous bien que la phrase « l’aéroport international est desservi du centre ville par taxi, bus ou train rapide » peut révéler deux réalités totalement différentes suivant qu’on est à Stockholm ou Chennai, du moins qualitativement.

Une fois dans le hall départ, après le contrôle de sécurité, on se retrouve plutôt dans une ambiance années quatre-vingts avec un unique afficheur rotatif qui fait un très joli bruit froufroutant lorsque il se met à jour. Je comptais sur les heures d’attentes à l’aéroport (j’avais prévu une grosse marge, méfiant que j’étais) pour me bouffer un burger dégoulinant de fromage fondu au McDonald’s ou Burger King de la zone marchande et, si la chance était avec moi, profiter d’un accès WiFi pour régler quelques derniers détails pour mon arrivée à Hanoi. Je me suis donc contenté d’un rapide sandwich au curry (ce sera mon tout dernier plat indien) acheté dans un des deux stands du minuscule hall départ. On se croirait à l’aéroport de Marignane. Finalement après quelques heures d’attente dans un brouhaha de hall de gare, mon vol est annoncé au panneau (ffffrrrrrrtt, que c’est joli) et j’entame le long périple à travers la douane et la sécurité pour rejoindre la zone d’embarquement. Un écran affiche les vols et leur porte d’embarquement mais le miens n’y ai pas. Mais après tout, il y a encore une heure avant le décollage.

Cinquante minutes plus tard, la porte d’embarquement n’est toujours pas annoncée et je commence à me dire qu’il va y avoir un couac. Une annonce sonore attire mon attention et je parvient péniblement à reconnaître le numéro de mon vol suivi d’un autre numéro inconnu. Dans le doute je me dirige vers la porte du numéro inconnu, sait on jamais. Une queue est en train de se former mais aucune traces d’indications. Quelqu’un d’autre dans la queue me confirme que c’est bien ici pour le vol Singapore Airlines vers Hanoi. C’est bien discret je trouve et surtout, faire embarquer tous les passagers d’un avion en dix minutes, ça me paraît être une manœuvre pour le moins ambitieuse. Finalement, cinq minutes avant le décollage prévu, l’afficheur se met à jour et l’embarquement commence.

Une petite demi-heure plus tard, les portes de l’avion se referment et le capitaine nous fait les annonces de bienvenu avec une petite conclusion joliment ironique : « et merci pour votre embarquement ponctuel ». Message personnel pour le chef d’escale Singapore Airlines à Chennai ou pour le responsable de l’embarquement de l’aéroport, voir les deux. Nous décollons donc avec trente minutes de retard mais déjà, dans l’avion, je me sens transporté cinquante années en avant.

Après un rapide vol de quelques heures ou je revis avec émotions mes premiers souvenirs à bord d’un avion de Singapore Airlines quand j’étais enfant (les hôtesses sont toujours aussi jolies et souriantes et il y a toujours une petite serviette chaude servie peu après le décollage), nous atterrissons pour une escale à Singapour. Et là, c’est le choc. Comment dire. Ce devrait être interdit ça de faire direct Chennai-Singapour. On a l’impression de voyager un siècle dans le futur. On est tout déboussolé par la propreté quasiment maniaque, par la redécouverte de l’aspirateur, par le WiFi gratuit tous les cinquante mètres, par les tapis roulants, par la taille des lieux et par le silence feutré. Certes tous les grands aéroports internationaux se ressemblent, mais j’en avais oublié la saveur. C’est effectivement comme mordre dans un sushi après un mois de plats épicés. C’est peut être fade, mais qu’est-ce que c’est reposant.

Aaaah, que ça fait du bien de revenir au 21ème siècle !

Conclusion sur l’Inde

Alors, après ces plus de trois semaines, ai-je aimé où pas l’Inde ? Telle est la question que je me pose encore, figurez-vous. Elle m’a été posée plusieurs fois depuis et je suis encore en train de chercher une réponse définitive, mesurée et sincère.

Ce qui est certain, c’est que je suis extrêmement soulagé de quitter le pays. C’est un pays que l’on visite mais ce ne sont certainement pas des vacances de tout repos, en tout cas si on cherche à voyager en dehors des hôtels cinq étoiles et sans utiliser l’avion. Ce qui est également certain c’est que je n’aimerai pas vivre dans les quatre endroits que j’ai vu. Je crois que je suis trop habitué à des sociétés « tempérées » d’un point de vue social car ce qui est le plus agaçant pour moi, c’est cet incroyable grand écart de civilisation dans ce pays où se côtoient les plus grands esprits internationaux dans des domaines de pointes comme les mathématiques, la physique, la médecine, un pays qui est à la pointe technologique dans énormément de domaines, qui possède l’arme atomique et des centrales nucléaires mais qui de l’autre côté a une frange de sa population qui paraît être en stagnation complète. L’Inde a un pied solidement ancré dans le 21ème siècle, en mouvement. Le problème c’est que tout le reste du corps est encore au 19ème, immobile. Les infrastructures que l’on considère de base sont encore loin d’y êtres présentes ou vieillissantes (voir pourrissantes), même dans les grandes villes hyper-dynamiques comme Mumbai. A quoi sert d’avoir le téléphone portable et l’internet (et encore) quand il n’y a même pas de réseau d’eau potable, un réseau routier moderne et un réseau électrique fiable? C’est d’ailleurs pour moi une semi-decouverte et semi-confirmation de ce que je pensais, que la véritable richesse d’un pays se mesure surtout dans la qualité de ses infrastructures y compris sociales et non pas dans l’excellence de quelques élites quelles qu’elles soient.

Après, il faut être raisonnable et bien se rappeler d’où vient l’Inde. Son système éducatif, d’après ce que j’en sais, semble bon et ouvert à tous (en théorie), donc il y a peut être de l’espoir dés qu’ils auront dégagés les politiciens corrompus à leur tête (et oui, c’est sans doute en partie un problème de caste politique). Sauf que j’ai quand même bien l’impression que les mentalités sont encore très traditionnels et j’ai du mal à juger de l’influence de la religion sur cette situation. Je vous parle de ça en ayant eu, à l’instant où j’écris ces lignes, un aperçu du Vietnam depuis une bonne dizaine de jours. La différence est flagrante entre un pays ravagé par la guerre il y a encore trente ans et un autre qui a eu son indépendance tout en ayant gardé ses infrastructures intactes il y a plus de soixante ans.

Mon esprit rationnel, scientifique et franchouillard est donc particulièrement agacé. Ce sentiment est un peu renforcé par l’impression pendant ce séjour d’avoir vécu dans une bulle indienne véritablement coupée du reste du monde : on mange indien, on écoute de la musique indienne, on voit des films indiens, on roule dans des voitures indiennes, on s’habille indien. Quasiment tous les produits de consommation courante sont indiens. C’est excellent pour l’économie indienne mais ça laisse une sensation d’autarcie et de non ouverture au monde extérieur qui doit être une réalité pour la majorité des gens qui n’ont pas de famille à l’étranger et pas la possibilité de se payer un aller-retour Mumbai-Londres une fois par an.

Mais c’est génial ! C’est dépaysant, me diriez-vous. Vous avez raison. C’est ce que l’on cherche lorsqu’on voyage et de ce point de vue là, je n’ai rien à redire. On touche alors du doigt le paradoxe du touriste éclairé (je ne parle pas du touriste beauf qui ne s’intéresse qu’au soleil, la plage et le repas du soir) : on est ravi de découvrir une culture pleine de traditions et de particularismes alors que si on état prisonnier de cette culture traditionnelle et particulière, on hurlerait pour avoir plus de liberté et de modernisme. Mon côté touriste s’esbaudissant devant la vieille grand mère en sari salle occupée à balayer son hall de gare le dos cassé est en lutte permanente avec le citoyen d’une démocratie à l’origine de la déclaration universelle des droits de l’homme qui trouve cela complètement débile et dégradant.

Je ne pense pas qu’on va visiter l’Inde pour les paysages et les monuments. Ce ne sont qu’une trame et si c’est le cas, on n’a pas visité l’Inde (Mais n’est ce pas vrai de la plupart des pays?). La véritable raison de vouloir visiter l’Inde (pour la plupart d’entre nous et c’est pour ça que nous sommes nombreux à ne PAS vouloir la visiter) c’est de se confronter à cela, cette contradiction permanente, cette frustration de voir ce si grand pays à l’influence mondiale toujours les pieds englués dans le sous développement. Et comme l’a dit un internaute sur un de ces blogs que j’ai lu (pour essayer de comprendre si j’étais le seul dans cet état d’esprit) : en tant qu’occidentaux, on y va pour ce sentiment de liberté et de débrouillardise imposée, cette abolition des règles et du rationnel. On y va pour voir les gens, leurs rites, réaliser que non, tout ça ne sont pas que des clichés : il y a de la merde, il y a des sourires, il y a du bruit, il y a de la puanteur, il y a des odeurs d’encens, il y a de la frénésie, il y a de la méditation, il y a de la gentillesse et il y a de la corruption. D’ailleurs, un peu par pudeur et un peu délibérément, je me suis retenu de photographier des bidonvilles, des clochards, des estropiés (chiens et humains) ou des rivières dégueulasses. Ça existe et ce n’est pas anecdotique. Mais je ne sais pas le photographier.

Mais qu’est ce que j’en ai retiré, me demandez vous, un brin agacés ? D’une part que les chiens indiens ont en moyenne 3,7 pattes, que je suis encore moins pro-religion qu’avant, que je sous estimait encore l’incroyable influence culturelle passée de l’Inde sur toute l’Asie mais surtout, je me sens vraiment prêt à tout affronter maintenant dans mon tour du monde car tout me paraît facile et sans stress dorénavant. J’ai bien l’impression d’avoir monté de niveau d’un coup. La prochaine étape, c’est l’Afrique. Plus tard.

Donc, pour conclure, non je n’ai pas aimé l’Inde mais, bon sang, je vous interdit de dire que je l’ai détestée. D’ailleurs, je retournerai bien un jour visiter le nord qui parait-il est encore plus extrême. Mais avant je me repose et ce soir, promis, je me prends une dose de vision holistique et on en reparle.

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Zapping indien

Allez hop! Vite! Allez chercher de quoi grignoter et posez vous dans un bon siège. Ce soir, on regarde la télé. Au programme, un zapping (quasiment) aléatoire.

N’oubliez pas d’éteindre la télé avant de partir.

Chennai

Est-ce que je peux vraiment dire que j’ai vu Chennai? Sans doute pas. J’y suis resté deux nuits et environ une journée et demi avec déjà la tête ailleurs, impatient de changer de pays. Je me suis donc contenté de visiter le musée du Gouvernement, le vieux fort anglais (pour ce qu’on peut en visiter) et me balader dans les rues. La ville m’a laissé une impression légèrement différente de Mumbai, sans doute par la présence de vieux bâtiments à l’architecture originale autour du quartier de mon hôtel mais aussi par l’absence de grattes ciels.

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Malheureusement, c’est aussi à Chennai que j’ai vu la plus grande misère, crasseuse et dans un apparent abandon total de dignité. Un bidonville de tôles et de planches de bois longeant la rivière (qui comme toutes les rivières urbaines que j’ai croisé en Inde ressemble plus à un cloaque pollué, puant et stagnant qu’à un fier cours d’eau pressé de rejoindre l’océan) est quasiment mitoyen du quartier général de l’armée Indienne pour la région. De magnifiques panneaux 4 par 3 clament haut et fort sur des photos de soldats d’élite : « Pride of a Nation », fierté de la nation. Tu parles. Sur le pont menant à la base militaire, sous lequel commence le bidonville, des étrons humains jonchent le trottoir.

Mais pour ça, je vous épargne les photos.

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