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Deux jours et demi dans le bush

La prochaine étape de mon voyage, rejoindre Melbourne. Le plus dur dans ce trajet et de se faire les 1200 km de route dans l’outback, le long de la Stuart Highway avant de quitter cette immense zone semi-désertique. Cette fois-ci, j’ai décidé de faire cela en voiture histoire de sentir ce que c’est que de se taper des heures de ligne droite dans un paysage monotone, sans l’aide d’aucune drogue.

DSC_6840_DxOJ’ai loué une voiture aménagée en petit camping car, fourni avec le minimum de matériel de camping (réchaud, casseroles, couverts, glacière et chaise pliante) que je dois déposer à Melbourne dans onze jours. Après une journée de repos et de travail (il faut bien de temps en temps) à Alice Springs, je part récupérer le véhicule vers 9h du matin avec en bonus cinq bouteilles de bière laissé par les précédents usagers. On se les partage avec le responsable de la compagnie de location.

Une petite matinée plus tard d’achats de survie de base (nourriture, neuf litres d’eau et recharges de gaz) je fait le plein. A vrai dire, les niveaux des liquides seront l’obsession lors de cette traversée : huile, refroidissement, eau et essence. Le responsable de la compagnie de location me fait un rapide résumé des consignes de sécurité en me regardant bien droit dans les yeux : faire le plein d’essence dés qu’on le peut, vérifier les niveaux tout les deux matins et interdiction de rouler de nuit ou sur des routes non asphaltées. Pour ce qui est de l’interdiction nocturne, il s’agit de limiter les risques de collision avec les animaux, notamment les kangourous, qui ont tendance à sortir la nuit. Ok, chef, c’est noté.

Comme souvent, la conduite à droite est un peu déstabilisante au début, mais je m’y fait assez rapidement grâce à mes fréquents séjours écossais. La voiture est automatique mais, à ma grande tristesse, est dépourvue de blocage de vitesse de croisière. Si c’est bien une option qui prend tout son sens ici, c’est celle là. Plus perturbant, les commandes de clignotant et d’essuie glace sont inversés ce qui me vaut quelques hésitations et balayages intempestifs en ville. Une fois sur route, je ne devrais pas avoir besoin de tourner et vu la géographie, la pluie ne devrait pas être de la fête avant quelques jours. Encore aujourd’hui, comme les cinq derniers jours, le ciel est bleu profond et le soleil éclatant.

Ce n’est donc pas sans une certaine appréhension et d’excitation que je quitte enfin l’agglomération après la traversée des MacDonnel range, empruntant la route menant vers le sud et vers Uluru. Pour me mettre le cœur au ventre j’allume la radio et balaye le spectre FM avant de DSC_6605_DxOme fixer sur une station pop / rock. La route est une simple deux voies mais le trafic ne nécessite guère plus. Après une heure de route, la radio commence à décrocher et je bascule en grandes ondes pour tenter d’attraper encore un peu de musique. Je suis maintenant définitivement dans le bush.

Je roule. Du bush.

Je roule. Du bush.

Je roule. Du bush.

La radio commence à balayer les grandes ondes en vain. J’ai atteint le désert radiophonique. Mine de rien, je croise quand mêmes quelques voitures, pick-ups et road trains bien que, par moment, je roule cinq minutes sans apercevoir d’autre véhicule devant ou derrière.

Je roule. Du bush.

Je roule. Du bush.

Je roule. Du bush.

DSC_6742_DxOJe fait une pause sur une sorte de terrain vague car je commence à m’assoupir. Bizarrement, cela à beau être monotone, je trouve ça moins ennuyeux que prévu. Surtout, le temps passe étrangement vite. La perception du temps qui passe est très certainement lié aux nombres d’événements remarquables vécus. En l’occurrence, il y en a peu. Le seul témoin de mon mouvement est la lente baisse du niveau d’essence.

DSC_6757_DxOJe roule. Du bush.

Je roule. Du bush mais légèrement différent.

Je roule. Du bush.

Je roule mais m’arrête à la vue d’une station essence. Ce doit être la deuxième que je croise depuis mon départ d’Alice Springs. Pour le moment elles sont éloignées d’une centaine de kilomètres les unes des autres. Comme constaté pendant mon tour à Uluru, les stations d’essence sont situés dans ce qui semble être des relais basé au niveau de cattle ranch. On y trouve également souvent un petit magasin, un bar, un restaurant, un motel et des emplacements de camping. En dehors de cela, rien. J’en profite donc pour manger des sandwichs, me battre contre les mouches et faire le plein de fuel alors que le niveau est à peine à la moitié. Au moment de payer, ma carte bleue ne fonctionne pas. Parfois, ça arrive. Je retire donc du liquide au distributeur du magasin et règle le plein.

DSC_6769_DxOJe roule. Du bush.

Je roule. Du bush.

Je roule. Du bush.

Bien que la route soit majoritairement rectiligne, parfois de petites courbes viennent rompre la monotonie. De plus, le paysage ondule très légèrement et de légers faux plats agrémentent la conduite. Quand je pense que je croise quelques motards en Goldwing, ils ne doivent pas vraiment se régaler.

Je roule. Du bush.

Je roule. Du bush.

Je roule. Du bush.

Je roule. Du bush.

DSC_6744_DxOJe roule mais le soleil commence à décliner. Il est cinq heures et mon contrat de location stipule que je ne doit plus utiliser le véhicule après 18h. J’ai donc encore une heure de route pour atteindre le prochain cattle ranch.

Je roule. Du bush.

Je roule. Du bush et sur le côté un cattle ranch avec des emplacements de camping. Ce sera donc le spot pour la soirée. C’est également l’occasion de se familiariser avec le matériel et notamment le système de couchage complètement bricolé. Le siège arrière a été enlevé et deux planches d’agglomérés posées sur les compartiments abritant le matériel. Un mince matelas recouvre le tout. Malheureusement, les planches en question ne font pas toute la longueur du matelas et je cherche quelques minutes un moyen pour éviter de basculer dans le vide derrière les sièges avant ou dans les compartiments. Tant bien que mal, je parviens à m’endormir.

DSC_6768_DxOTôt le matin, réveillé par le soleil naissant à travers les vitres, je suis rapidement prêt à partir après un rapide petit déjeuner dans la fraîcheur du matin. De nouveau le ciel est limpide, sans un nuage.

Je roule. Du bush.

Je roule. Du bush mais qui change encore progressivement de physionomie.

Je roule. Du bush et je fais une pause. Il n’est pas facile de maintenir sa concentration bien, que de nouveau, j’ai la sensation de ne pas voir le temps passer.

DSC_6767_DxOJe repart. Du bush.

Je roule. Du bush. Tiens, je quitte les Territoires du Nord pour pénétrer dans l’état d’Australie du Sud, capitale, Adélaïde.

Je roule. Du bush.

Je roule. Du bush.

DSC_6780_DxOJe roule. Du bush. Au loin, de curieux monticules coniques de terre ou de sable clair apparaissent. Étrange.

Je roule et je vois de plus en plus de ces petits terrils. Des panneaux sur le bord de la route proposent de visiter des mines d’opal. C’est donc que j’approche de la ville de Coober Pedy, le fief minier de l’opal. Chaque petit monticule et le produit d’une excavation. Des barrières séparent les concessions, parfois abandonnées. Je rallume la radio et arrive à capter quelque chose sur les grandes ondes.

DSC_6781_DxOJe roule. Des terrils.

Je roule. Des terrils.

A panneau indicateur, je quitte la Stuart Highway pour pénétrer dans la ville. J’y reste une heure ou deux, le temps de manger et de visiter. Ce ciel est vraiment incroyable.

Je repart et recroise des terrils.

Je roule. Des terrils.

Je roule. Du bush.

DSC_6809_DxOJe roule. Du bush.

Je roule. Du bush qui change encore un petit peu, pour devenir peut être plus vert. De nouveau la radio verse dans un chuintement continu.

Je m’arrête pour faire le plein. De nouveau, ma carte bleue ne fonctionne pas et suis obligé de payer en liquide. Une légère angoisse commence à monter et je m’imagine bloqué au milieu du bush, contraint à travailler dans un cattle ranch, ma carte bleue ayant atteint le plafond de retrait.

Je roule. Du bush.

DSC_6775_DxOJe roule. Du bush.

Je roule. Du bush.

Je fait la sieste sur le bord de la route. Dur, dur de rester concentré.

Je roule. Du bush.

Je roule. Du bush.

DSC_6812_DxOIl est presque cinq heure, temps de se mettre en recherche du prochain arrêt. En même temps, la recherche n’est pas compliqué, il suffit d’avancer jusqu’au prochain relais, dans quarante kilomètres. Une demi heure plus tard, je gare la voiture au milieu d’un espace de camping derrière un petit motel et prépare à manger. Les couché de soleils sont vraiment magnifiques mais la température rafraîchie rapidement. Cette fois-ci, je trouve des rideaux pour les vitres de la voiture.

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Le lendemain matin, nouveau réveil frisquet dans une pâle lueur. Il est aux alentours de 6h30. Encore une fois, je met peu de temps pour être prêt à partir et reprend de nouveau la route.

Je roule. Du bush.

Je roule. Du bush.

DSC_6822_DxOJe passe au dessus d’une ligne de chemin de fer, la Ghan Railway, nommé ainsi en hommage aux chameliers afghans. Un luxueux train permet de descendre de Darwin jusqu’à Adélaïde en empruntant cette voie mais je n’y aperçoit qu’un immense train de marchandise.

Je roule. Du bush.

Je roule. Du bush.

Je roule et tout doucement le paysage devient légèrement plus vert et vallonné. Au loin, des espaces scintillant trahissent la présence de lacs. Puis de plus en plus rapidement, la végétation DSC_6839_DxOse transforme en vaste prairies et des reliefs montagneux apparaissent au sud-est, les monts Flinders. Un vent puissant souffle et la température est nettement plus fraîche malgré un franc soleil.

Je roule. La route descend tout doucement et je fini par apercevoir l’océan. Le trafic devient normal. J’aperçois de plus en plus de petites fermes au loin et un panneau indique la prochaine ville, Port Augusta.

Le relief se fait plus plaisant et le paysage nettement plus verdoyant. Ça y est, je suis sorti du bush. Il m’aura fallu deux jours et demi de conduite solitaire.

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J’ai pas les codes

Pour ceux qui lisent ce blog depuis quasiment le début, et je vous arrête tout de suite il n’y aura pas de récompense pour votre assiduité, j’avais eu quelques petits soucis d’adaptation en Inde du, essentiellement, à la non compréhension de certains comportements. Je viens de me rendre compte en Australie qu’il se peut que j’eusse également des lacunes avec certains anglo-saxons.

Je vous avais déjà parlé des distances physiques d’intimité. Nous allons donc aujourd’hui causer de la distance relationnelle, si j’ose dire, autrement appelé par un néologisme que je viens de pondre à l’instant, le « onapazélevélécochonzenssembles ».

Petit rappel pour les non français, en France, il me semble, lorsqu’on rencontre quelqu’un pour la première fois, la plupart du temps on observe une certaine distance relationnelle marqué par l’emploi du « vous ». Notez que cela dépend de votre éducation mais j’estime que c’est un trait partagé, à différents degrés, par la plupart des français. Au fur et à mesure où l’on se familiarise avec cette nouvelle connaissance, dans un moment d’abandon, il se peut, si le contact est agréable et la relation prometteuse, que l’on passe au « tu » après accord des deux parties. Ce « tu » dénotes une certaine familiarité mais sans impliquer non plus une quelconque intimité. Si la relation devient de plus en plus cordiale pour virer au chaleureux, on peut même se risquer à employer le terme « mon cher », « mon ami », « mon copain », « mon pote » voir « ma couille » pour notifier ce nouveau passage au statut supérieur de la relation. Si c’est une femme les choses sont équivalentes avec une grille différente constituée de « ma chère », « mon amie », « ma copine », « ma super copine » puis cela s’arrête là car je ne connais pas d’équivalent féminin de « ma couille ».

Quand on pense qu’au 18ème siècle, siècle de la politesse, les choses étaient encore plus raffinées et qu’appeler quelqu’un « mon ami » était l’équivalent d’un serment de fidélité à la vie à la mort, on peut considérer que l’on se soit considérablement enhardi dans nos relations. Il y a bien eu l’épisode révolutionnaire où tout le monde, de peur d’être confondu avec un aristocrate, se balancait du « tu » et du « citoyen » à tout bout de champs, mais sinon, on peut considérer que la France a toujours été un pays dont la transcription du lien relationnel dans le langage revêt un grand degré de finesse.

En Australie, ces choses là m’ont l’air très simples. Déjà, la langue anglaise ne fait pas de distinction entre la première et la troisième personne, donc encore moins entre la troisième personne du pluriel et celle de politesse. Tout le monde se donne du « you » en veux tu en voilà. Mais ce n’est point ceci qui me trouble et qui me pousse à écrire se billet. Non, ma perplexité vient de l’emploi massif du terme « mate », prononcé « méïte », que l’on pourrait traduire par « pote ». Par un curieux hasard linguistique, le verbe « mate » se traduit par « copuler ». Ça se trouve je comprends les choses encore moins et tout ceci est une invitation à des relations sexuelles permanentes.

Prenons un exemple de phrase, une première fois en français, puis ensuite en australien :

« Bonjour, comment allez vous aujourd’hui ? »

« G’day, haya doin’, mate ? »

Ou encore :

« Pour le garage Beaurepaire, prenez à droite puis tout droit. Vous ne pouvez pas vous tromper »

« For Beaurepaire, take to your right then straight ahead. Ya can’t miss it, mate. »

Moi je suis désolé mais je ne suis pas leur pote. Je les connaît à peine ces gens là. Notez qu’avec les américains, c’est un peu similaire (mais un peu moins intense parce qu’ils y vont gaiement avec le « mate ») mais avec l’emploi des termes « dude » ou « buddy ». « How ya doin’, buddy ? » ou « Hey dude, how’s it goin’ ». Rhaaa mais ne me touchez pas, sales gueux !

Là où je trouve ça complètement désagréable c’est qu’avec certaines personnes que l’on fréquente plusieurs jours comme, mettons, un guide, on tombe instantanément dans la familiarité. Surtout qu’ils sont quand même relativement souriants et expansifs. Par voie de conséquence, après deux jours de « mate », « dude » ou « buddy » en tartine et des sourires un peu faux, moi je crois qu’on est tous devenu des supers bons poteaux. La chose semble être également vrai avec les néo-zélandais, soit dit en passant. A valider.

Tout ceci est fort agréable mais il me semble que ça ne clarifie pas l’expression des sentiments. Si tout le monde est « mate » avec tout le monde et se sourit, comment savoir si la personne vous trouve véritablement sympathique ? Je dis ça mais je suis certain qu’il y a d’autres signes à apprendre.

En tout cas, à mon sens, ça explique pourquoi les français trouvent les anglo-saxons hypocrites et pourquoi les anglo-saxons nous trouvent distants et froids. Je dois bien vous avouer qu’à force, je trouve ça agaçant.

Ce que j’ai retenu des Aborigènes

Ce n’est pas très évident de découvrir la culture aborigène. Pourtant j’ai essayé. Ok, je l’avoue, je ne me suis pas démené comme un fou non plus. Disons qu’à chaque fois que j’en avais l’occasion, j’essayais de glaner quelques informations. Mais un peu à l’image de quelques aborigènes que l’on croise à Darwin ou Alice Springs, cette culture est proche mais à la fois lointaine. Voici donc ce que j’ai retenu comme information à ce propos.

Tout d’abord historiquement, l’homme est arrivé sur le sol australien par le nord. A cela, rien d’étonnant. Un rapide coup d’œil à une carte nous montre bien que la terre la plus proche se trouve en Timor ou Papouasie-Nouvelle Guinée. Physiquement d’ailleurs, il y a une nette ressemblance entre le type aborigène et certaines peuplades de Nouvelle Guinée.

Ensuite, vue de l’extérieur on a l’impression que la culture aborigène est unique : didgeridoo, boomerang et tutti quanti pour tout le monde. Il n’en est rien. En réalité il y a des variations géographiques. Certains peuples aborigènes, par exemple, ne connaissent pas le boomerang, et pour cause, il s’agit d’une arme destinée avant tout à chasser le grand kangourou dans un bush relativement ras. S’il y a des arbres partout, convenez que c’est beaucoup moins pratique. Néanmoins, ne nous mentons pas, il y a beaucoup de traits communs entre ces cultures, de la même façon que la France, l’Espagne et l’Italie partagent bien des choses.

Ces différences culturelles se concrétisent souvent au sein de « nations » aborigènes différentes. Une nation se cantonne à un territoire et possède sa propre culture. Bien entendu la langue varie également. La mosaïque de ces nations est d’ailleurs extrêmement complexe, comme le montre cette carte ci-dessous. De manière amusante, à chaque fois qu’un guide souhaitait faire comprendre cette complexité à des australiens, il prenait l’exemple de l’Europe : un petit territoire au grand nombre de nations. C’est sur que pour les américains et les australiens, les choses sont plus simples. Bien entendu, ce découpage en nations n’est pas à prendre strictement. Les frontières sont floues.

Aboriginal_Australia_Map

Ce flou est essentiellement du au fait que le mode de vie aborigène est extrêmement nomade pour la plupart. Ce mode de vie nomade découle d’une extrême dépendance aux ressources directes que l’on cueille, que l’on chasse ou que l’on pêche. Le niveau de ces ressources variant beaucoup avec les saisons, il faut donc se déplacer en fonction. Fait étonnant, si on est un peu curieux et doué de raison, aucune nation aborigène ne maîtrise l’agriculture. En sachant que tout le monde me répète que les cultures aborigènes sont les cultures les plus anciennes et qui remontent à presque 30000 ans sans changement notable, et on est en droit de se demander comment se fait-il que pendant tout ce temps, personne n’y ai pensé ?

La réponse m’a été donné par Adam et se trouve être parfaitement logique. Pour que l’agriculture se développe il faut que soit accessibles des semences et des animaux domesticables. Hors, le continent australien ne possède aucun animal de ce type. Sans animaux domesticable, il était impossible d’abandonner la chasse et de se créer des réserves, ce qui est la base de la sédentarisation. A priori, il semblerait que ce soit également le cas pour des semences de plantes équivalentes au blé, riz ou maïs. C’est donc une formidable culture de subsistance qui s’est développée.

Aucune de ces nations aborigènes n’a développé l’écriture. Sans doute est-ce du au fait que l’écriture a toujours dans l’histoire été un sous produit de la vie en cité, elle même enfante de la sédentarisation. Toute la culture et le savoir se transmet donc de manière orale ou bien avec le support de peintures « rupestres ». Sans me faire passer pour un spécialiste, tout ce savoir et cette culture auquel on ajoute le processus d’initiation qui permet de l’acquérir est regroupé sous un terme commun, Tjukurpa. Je ne sais pas si ce terme est commun à chaque nation aborigène mais il est en tout cas celui utilisé dans la région d’Uluru. Le Tjukurpa défini précisément la place de chaque individu dans la société (fille ou garçon, marié ou célibataire, etc.) et les règles qui s’y applique. Mais le Tjukurpa, c’est également l’ensemble des histoires du temps des rêves qui expliquent le monde, et donc le mode de vie des aborigènes.

Chaque individu aborigène prend connaissance du Tjukurpa, par étape, au cour de sa vie. A chaque étape correspond une initiation et il y a un parcours distinct entre hommes et femmes. Suivant le degré d’initiation d’un individu, il aura accès ou sera interdit de certains lieux. Puisqu’on en est à parler des individus, à leur naissance, chaque aborigène se voit attribuer un animal comme « totem ». Cet totem est à la fois l’esprit de l’animal protecteur pour cet individu mais également son interdit alimentaire. Si votre totem est le petit wallaby noir, il vous est interdit de le chasser ou de le manger. Même si c’est un cadeau. En plus d’une signification spirituelle, c’est également un moyen de réguler les ressources alimentaires d’un territoire. Si une espèce tend à péricliter, les anciens vont décider d’affecter ce totem aux nouveaux nés. En tout cas, j’imagine que c’est comme ça que cela fonctionne. Moi, mon totem depuis deux mois, c’est le curry indien.

Lorsqu’on n’est pas initié, comme le sont la plupart des touristes, avoir des informations sur le Tjukurpa est extrêmement difficile car avoir la connaissance de tel élément suppose que l’on soit initié de l’élément le précédent. Les informations fournis à ce sujet dans les endroits touristiques tel que Uluru sont d’ailleurs considérés par les aborigènes comme des informations « pour enfant ». Néanmoins, certains choses sont connus comme le système de justice. D’après Bob, à chaque transgression du Tjukurpa est associé une punition, elle même décrite dans le Tjukurpa, assignée par les anciens une fois la faute jugée. Des exemples de transgressions sont le non respect de son totem (comme le manger, ça c’est vilain) ou encore de voler une carcasse d’animal mort de ses blessures alors qu’il a été blessé par un autre chasseur. Ça ne se fait pas et c’est le comble de l’impolitesse.

Ces châtiments peuvent être bénins mais peuvent parfois être assez sanglants. Du côté extrême du spectre on trouve le coup de lance dans la cuisse (Tiens ! Ça t’apprendra à mettre tes doigts dans le nez) ou la très sophistiquée et perverse application d’une puissante glue naturelle sur les paupières du fautif endormi que l’on vient ensuite emporter, aveugle, quelque part au milieu du bush, sans eau. C’est à cela que l’on devine à quel point cette culture est raffinée. Notez qu’avec ce système de justice punitive, que l’on peut sans doute estimer barbare aux yeux de nos cultures baignées dans la douce lumière de la raison, la culture aborigène considère la personne punie d’une façon bien différente que dans nos cultures occidentales. Un individu ayant courageusement subi et purgé sa peine sera par la suite pleinement réintégré dans le groupe sans que quiconque n’en fasse plus jamais allusion. Suivant la gravité de la punition, il sera même considéré avec respect car il aura su encaisser son châtiment dans le digne respect du Tjukurpa. Comparons donc cela à l’opprobre et aux stigmates publics qu’un condamné occidental doit se coltiner même après sa sortie de prison. Un coup de lance dans le jambon, c’est sans doute cruel, mais une fois que c’est fait, on en parle plus. Tiens, prends ça, malpoli ! Aïe. Bon, et à part ça, je te sert une bière ?

Donc, comme on le voit, la vie dans la société aborigène est extrêmement cadrée et définie. Ce n’est pas une société où chacun s’émancipe mais, en contrepartie, chacun a une place, suivant le schéma de beaucoup de sociétés traditionnelles, il me semble. Les personnes ayant atteint le plus haut niveau d’initiation sont appelés « anciens » et forment un collège décisionnaire dans la vie de chaque groupe. La toile de fond de cette vie et de cette culture est bien entendu la nature australienne. Le regard sur la nature que porte les cultures aborigènes est très proche de la vision amérindienne : la nature est nourricière et il faut donc en prendre soin. On pourrait appeler cela de l’écologie mais c’est bien entendu plus que cela. La nature n’est pas considérée comme une ressource à exploiter. Il s’agit plus d’un équilibre du type « aide la nature et la nature t’aidera ». Au vu des conditions difficiles de vie dans la majorité du pays, il y avait tout intérêt à raisonner comme cela.

Mais qu’en est-il de cette culture aborigène de nos jours ? Et bien, en tant que non spécialiste, j’ai envie de vous dire, ça dépend. Depuis plusieurs dizaines d’années, le gouvernement fédéral australien a rendu progressivement une partie des terres aux aborigènes. Plus précisément, comme le veut la terminologie officielle politiquement correcte, il a rendu des terres aux « propriétaires traditionnels ». Comme l’ont précisé et Adam et Bob, le terme est particulièrement mal choisi dans la mesure ou dans la culture aborigène, le concept de propriété de la terre est juste inconcevable. C’est à cela que je devine que je devient peut être un peu aborigène moi même. La terre appartient à tout le monde. Il s’agit donc plutôt de « gardiens responsables de l’entretien traditionnels ».

Une partie de la population aborigène vit encore de manière traditionnelle au sein de ces terres. La société moderne percole malgré tout jusque là et certaines techniques ou instruments ancestraux ont été remplacé par des éléments plus contemporains. Une autre partie vit dans les villes de façon un peu nomade. On en croise quelques uns à Darwin et Alice Springs qui se regroupent dans les parcs ou sous des arbres. C’est d’ailleurs assez bizarre car on les sens étrangers mais à la fois chez eux. De quoi vivent-ils ? D’argent public, d’après Bob, ce qui pose de sérieux problèmes car la vie traditionnelle enseignée par le Tjukurpa étant une vie de subsistance où la nature fourni tout ce dont ils ont besoin, l’argent obtenu ne leur sert pas à grand chose, à part éventuellement acheter à manger ou à boire. Selon Bob, il y a eu des tentatives de fournir des logements gratuits à des populations aborigènes. L’expérience a tourné à l’échec pour certains, qui arrachaient le plancher pour alimenter un feu à l’extérieur où chacun venait se retrouver. On sent que l’Australie occidentale et le gouvernement fédéral tente de gérer maladroitement un problème qu’elle s’est peut être créé elle même, sous empreinte de culpabilité collective.

Ce que je trouve fascinant, c’est la façon dont cela renvoi au problème plus vaste de cohabitation entre civilisations sédentaire et nomade. En Europe, un cas similaire se pose entre les sociétés sédentaires et les Roms, Gitans et gens du voyage. Les sociétés sédentaires ayant le plus de pouvoir et étant par nature prompte à s’accaparer définitivement l’espace, la compatibilité semble difficile. L’Australie a peut être une chance du fait de ses vastes espaces inexploités mais la pression des industries d’exploitation font peser une menace permanente.

Ceci dit, une dernière partie de la population aborigène a adopté un mode de vie occidental. Ils bénéficient d’ailleurs des lois « pro aborigènes » qui leur octroie un financement gratuit des études, y compris supérieur. Il y a d’ailleurs, du coup, une définition très précise d’un individu « aborigène » basé sur un pourcentage d’héritage génétique. Ça rappel les définitions officielles de négritude aux États-Unis pendant les années de ségrégation ou un individu métis était considéré comme étant noir. Bien entendu, comme toute les mesures de discrimination positive, qui consistent à vouloir régler une injustice au niveau d’une catégorie d’individus en appliquant une injustice au niveau des individus, elle est décriée.

Avec tout ça, j’ai quand même eu le sentiment qu’officiellement, l’Australie avait beaucoup changé sa façon d’aborder la culture aborigène. C’est désormais mis en avant de manière positive comme une des véritables cultures de ce continent. Pour avoir été petit enfant à l’école là bas il y a trente ans, je ne me souviens pas du tout d’avoir été ne serait-ce que présenté à cette culture. Maintenant, les enfants des écoles sont sensibilisés, notamment dans certaines régions à la forte influence aborigène comme à Alice Springs. De nombreux « artistes » aborigènes sont maintenant dans les galeries et « l’art aborigène » s’arrache parfois à prix d’or à Sydney ou Melbourne.

Comme souvent, le fin mot de l’histoire sera sans doute démographique. Face à une immigration essentiellement asiatique, jusqu’à quand est-ce que la culture aborigène restera-t-elle en vitrine de l’Australie et surtout vivante ?

Uluru, Kata-Tjuta, Kings Canyon – jour 3

On a beau dire, ces tours guidés à travers un territoire gigantesque ont un gros avantage. Pour faire rentrer tout ces trajets dans le planning, on est obligé de se lever très tôt. Conséquence positive, on profite de la visite des sites sous une lumière éblouissante. De nouveau, ce matin, on se lève avant l’aurore. Le petit déjeuner se fait dans un silence cotonneux mais aujourd’hui, Bob semble particulièrement excité. On fini donc de se préparer et le groupe monte dans le camion. Heureusement, la route est courte mais nous arrivons à un parking dans une nuit quasiment complète.

Ce matin, nous allons effectuer une petite randonnée autour de Kings Canyon et à écouter Bob, ça va être grandiose. Le spectacle étourdissant va rabaisser Uluru et Kata-Tjuta au rang de néant touristique. J’ai peur d’en avoir les yeux qui saignent tellement ça va être beau. On en avait d’ailleurs parlé avec Yannick et Annouk la veille dans le camion, plusieurs guides avaient l’air de sous entendre que Kings Canyon, c’est de la balle atomique. Ben mazette, il me tarde de voir ça.

DSC_6704_DxONous commençons donc une petite ascension rocheuse à la lampe frontale. Progressivement une lueur se fait devant nous et commence à découper des reliefs étranges en ombre chinoise. Arrivé au sommet d’un plateau, nous dominons la vaste plaine de bush derrière nous, à l’ouest, alors qu’à l’opposé, le soleil commence tout doucement à révéler des formes bosselées dans un paysage minéral rouge orangé. Nous poursuivons la marche et progressons sur un terrain rocheux fait de strates et de curieux hauts dômes et cônes que l’on pourrait croire fait de briquettes rouges. De ci, de là, des carcasses d’arbres morts renforce ce sentiment de désert minéral. Quelques buissons et lichens semblent seuls pousser par ici.

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DSC_6710_DxOLe chemin débouche sur une falaise qui nous permet d’apercevoir l’autre bord du canyon, à peine illuminé par le soleil levant. C’est effectivement beau mais je reste encore sous le charme d’Uluru. Bob profite de la pause pour nous donner quelques informations sur le lieu. Pour les aborigènes des environs, l’endroit est très spécial. La nuit, le plateau avec ce labyrinthe de dômes est même craint car associé à la mort.

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DSC_6717_DxOUn peu plus loin nous commençons à redescendre puis empruntons des escaliers en bois pour pénétrer dans un petit vallon encaissé à la végétation luxuriante. Une rivière coule doucement au milieu et les nombreux oiseaux qui y chantent procurent un incroyable contraste avec l’austérité du plateau. En remontant le vallon nous rencontrons une source translucide au pieds des falaises rouges. Bob nous distribue des biscuits et nous apprend qu’il s’agit d’une source d’eau potable donc sacrée pour les aborigènes. L’endroit s’appelle « Le Jardin d’Eden » et indubitablement, il porte bien son nom. C’est une sorte d’oasis au milieu de ce désert de roches.

DSC_6718_DxOAprès un peu de repos dans ce lieu où chacun baisse sa voix, nous repartons en sens inverse puis remontons sur le plateau de l’autre côté. Toujours ces dômes à perte de vue qui évoquent une étrange vision de ville morte. Nous marchons dans un air frais malgré un franc soleil matinal. A une nouvelle pause, Bob prend un air solennel et demande notre attention. « Alors maintenant, je vais partir tout seul en avant. Je demande à chacun de continuer sur le chemin mais surtout, sans se retourner. C’est très important sinon vous aller vous ruiner l’expérience. Lorsque vous m’apercevrez, vous me rejoignez, toujours sans regarder derrière. Ce n’est que seulement arrivé à mon niveau que vous pourrez vous retourner. Vous ne le regretterez pas. Ok ? »

DSC_6731_DxOSur ce, il s’en va. Et tout le monde se regarde. Ben diantre. Bon, ben, euh… allons-y. Je reprend le chemin dans un état d’angoisse, crispé à l’idée de trébucher sur un rocher et de devoir me retourner par réflexe. Mon imagination cale sur ce que doit bien être cette vue exceptionnelle qui nous attend à moins qu’il ne s’agisse d’un événement mystique. Progressivement je suis le chemin, quelques autres membres du groupe derrière moi. Je me demande si je ne suis pas pris d’une violente envie de faire pipi dans ma culotte tellement l’émotion de l’attente est grande.

Au loin j’aperçois Bob, assis au bord d’une falaise, regardant dans mon dos. Aaaah. L’émotion est à son comble et, mes genoux tremblotant d’excitation, j’arrive à son niveau. Je me retourne tout doucement avec des « glorias aleluya » qui résonnent dans ma tête dans un sublime accord mystique. J’ouvre grand les yeux. HOSANNNNAAAAHHH ! GLO-RI-AAAAAAA A-LEEEEE-LUUUUU-YAAAAAAAAH !!!!

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Oui, bon, ben, euh, oui, c’est pas moche. M’enfin, faut pas non plus s’emballer là mon vieux. Il serait pas sous speed, le Bob, là ? Loin de moi l’idée de faire le difficile mais il me semble que tu nous a un peu survendu le truc, j’veux dire. Mais attention. Ne me faites pas dire ce que je ne pense pas. C’est trèèèès mignon. Voir c’est trèèèès joli. Mais de là à insinuer que c’est le clou du spectacle, faut pas exagérer, mon petit Bob.

Je prend quelques photos en lâchant quelques « Ah, ouais » hypocrites et attend que tout le monde se retourne. Personne ne tombe dans les pommes par excès émotif, parfait. Une fois regroupé, Bob reprend la parole, toujours avec autant de solennité, et nous explique l’importance qu’il attache à ce lieu. Il y a quelques années, avec son amie, ils ont eu une petite fille qui malheureusement est morte née. Étant sensible aux coutumes aborigènes, et aimant ce lieu, il a demandé à un ancien qu’il connaît s’il lui était possible de disperser les cendres de l’enfant dans le canyon. L’accord donné, ils organisèrent une cérémonie spéciale en ce lieu. Depuis il vient s’y recueillir régulièrement.

Le silence se fait dans le groupe. Oui, bon, je pouvais pas savoir, non plus. Si on joue la carte du petit enfant qui meurt, c’est un peu tricher, aussi. Une ange passe. « Bon allez ! On fait une photo de groupe », nous lance Bob. Rhaaa, encore ? Je m’exécute. Cheeeeeese ! Nous reprenons la marche.

DSC_6722_DxOUn peu plus loin, nous effectuons une rapide pause autour d’un des nombreux arbres blancs des parages. Leur tronc est d’une blancheur presque artificielle, comme si quelqu’un les avait peint. Notre guide nous explique qu’il s’agit d’un arbre, le ghost gum, dépourvu d’écorce dont le tronc est recouvert d’une poudre blanche. Cette poudre est d’ailleurs utilisée par les aborigènes comme protection anti-solaire. Elle a d’ailleurs été mesuré comme ayant un indice 5. Je n’aurai pas été surpris outre mesure s’il nous avait demandé de lécher le tronc.

Encore un peu plus loin, nous nous arrêtons une nouvelle fois pour une petite explication sur les histoires aborigènes associées à cette endroit. Malheureusement, je ne m’en souviens plus. Par contre, après son explication, il nous invite à poser des questions sur ce qu’il vient de dire ou sur la culture aborigène. Moi, j’en profite et je lui demande quelque chose qui me trottait dans la tête. Est-ce que toutes les tribus aborigènes vivent de façon nomade ou y a t-il, comme en Amérique du Nord, des modes de vie indigène plus sédentaires ? Moi, je la trouve vachement pertinente ma question. Je me fais légèrement rembarrer lorsqu’il me répond de manière que je sens comme légèrement agacé : « Tu te souviens la carte des différentes nations aborigènes que je vous ai montré hier ? Et bien chaque nation a un territoire propre ». Mmmmh, je ne vois pas bien le rapport, pense-je. « Aaaah, oui. Bien sur », répond-je hypocrite. J’ai compris. Je me démerderai tout seul.

Finalement, nous repartons et en chemin, j’en profite pour taper de nouveau la discussion avec la canadienne de l’Alberta, très sympathique. Gentiment, elle me chuchote qu’elle a trouvé ma question très pertinente et me parle des tributs amérindiennes sédentaires du Canada. Ah ben bravo ! Z’aviez qu’à le dire à l’autre Bob, ça ! Malgré tout, pas rancunier, nous continuons notre discussion tranquillement jusqu’au parking.

Cette fois-ci, nous avons fait le tour complet et il nous reste plus qu’à rallier Alice Springs. Une longue route nous attend et chacun se détend. L’ambiance devient de plus en plus scolaire et je tente tant bien que mal de me concentrer sur les aventures de Richard Bolitho, toujours au service de sa majesté le roi d’Angleterre.

Nous faisons une pause déjeuner, puis repartons. Franchement, c’est un peu un boulot difficile maintenant que j’y pense, guide. Ils se tapent vraiment des centaines de bornes par jour et en plus ils doivent diriger un groupe, ce qui n’est jamais très facile. Hormis faire la sieste, je papote longuement avec Yannick qui s’avère être un passionné d’histoire. Je le vois d’ailleurs en train de lire un livre sur les grands chefs de guerre où est d’ailleurs décrit le fameux général Giap du Vietnam (à ce propos, il vient de mourir il y a quelques jours). On discute donc de plein de choses en rapport avec la Révolution Française et la Seconde Guerre Mondiale. Je dois dire que le garçon en connaît un sacré rayon.

Sur la route, Bob et James, qui se trouve maintenant à la place du copilote, s’amusent à compter les vaches, occupation très innocente si ce n’est qu’ils se mettent à hurler « COW ! » dés qu’ils en voient une. J’ai connu mieux pour garder un rythme cardiaque constant.

Finalement, nous arrivons à Alice Springs et chacun est déposé à son hôtel. On se retrouve pour la plupart au même, Yannick et Annouk y compris. Une soirée est organisée le soir dans un des restaurant / bar d’Alice Springs. Moi, je décline un peu fatigué par le bruit du dernier voyage et clairement pas trop en phase avec le reste du groupe mais surtout peu séduit par notre guide. Je dis malgré tout au revoir chaleureusement aux deux autres français en leur proposant de boire une verre le lendemain si on arrive à se recroiser. Malheureusement, ce ne sera pas le cas.

Au final, il restera des images incroyables de paysages surnaturelles sous des lumières sublimes. Indubitablement, il s’agit de lieux hors du commun. Seul Kings Canyon m’a déçu mais très certainement car on nous avait préparé à quelque chose du même niveau. Par contre, clairement, ces tours guidés sont un peu de la loterie que ce soit au niveau de la personnalité du guide ou des autres participants. On ne peut pas gagner à chaque fois. Si c’était à refaire, je le ferai tout seul, Uluru.

Kata Tjuta

DSC_6659_DxOKata Tjuta, autrefois appelé Monts Olga par les anglo-saxons, est un massif. Pour d’autres détails géologiques, je vous prie de vous référer vers des sources autrement plus calées que moi. Tout ce que je risque de faire est de vous répéter, en déformant, ce dont je me souviens des explications de Bob, quand à sa formation. Dans cette histoire, il y avait une chaîne montagneuse gigantesque, d’une hauteur plus impressionnante que l’Everest, des mouvements de plissements du à la marée et de l’érosion à foison. Tout ceci est un peu vague, je vous le concède. Ce que j’ai surtout retenu de son explication est que l’Australie, il y a un gros paquet de millions d’année, portait une chaîne montagneuse fabuleuse, depuis sérieusement rabotée.

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Ce qui est complètement impressionnant et presque inquiétant avec Kata-Tjuta est que l’on pourrait croire que ce n’est qu’un frère (ou sœur, comment savoir) d’Uluru. Même couleur, même côté un peu rondouillard, même situation au milieu de nul part, etc. Mais, point du tout. De loin, les deux ne se ressemblent pas. J’en veux pour preuve cette photo d’Uluru avec Kata Tjuta au fond à gauche.

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Ensuite, alors que l’un est du grès, l’autre est plutôt une sorte d’argile compacté. Rien à voir. Ne dites donc pas de bêtises. Il y a même de la végétation qui pousse sur les monts de Kata Tjuta alors que l’on a jamais vu un poil sur la tête à Uluru. J’imagine que vous ne voyez pas bien en quoi DSC_6677_DxOtout ceci devrait être « presque inquiétant ». Je vais vous le dire, moi, pourquoi vous devriez être inquiets. Un peu plus loin, en retournant vers Alice Springs, vous pouvez apercevoir une troisième formation exceptionnelle, Mount Conner, un gigantesque mesa en forme de fer à cheval. Vous ne trouvez pas ça bizarre, vous, qu’il y ait au milieu de nul part, à portée de vue, trois formations totalement différentes alors que tout autour, tout est plat? Moi ça me fait réfléchir et je me renseigne déjà sur la possibilité de devenir messie. Vous ne me ferai pas changer d’avis. Il y a du surnaturel dans tout cela.

DSC_6672_DxOEn parlant de ces choses là, saviez vous que Kata Tjuta était un lieu sacré pour la tribut aborigène des alentours? J’espère que vous avez répondu « oui », car je vous l’avait déjà dit, ça. Soyez un peu attentif. Les Yankunytjatjara, rapellez-vous. Et bien pour ces gens là, le lieu était carrément interdit aux femmes. Interdiction d’y aller, voir d’y jeter un œil. Pouah. Les rites qui s’y passaient étaient pour beaucoup liés à l’initiation des plus jeunes et devaient pour l’essentiel impliquer des retransmissions d’événements sportifs et une ingestion appropriée de boissons alcoolisées ponctué de concours de flatulence. Mais tout ceci est très secret, vous dis-je.

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En ce qui me concerne, j’ai trouvé Kata Tjuta magique, sublime et tout aussi spectaculaire qu’Uluru, mais dans un style différent. On pénètre dans Kata Tjuta et on peu s’y plonger. Uluru ne s’inspecte pas, on tourne autour. Il y a donc un mystère supplémentaire du fait de cette distance. Mais si vous voulez un conseil, prenez votre temps pour les visiter. Ne passez pas par un tour guidé.

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