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Scout chez les silicon frenchies

Vous devez commencer à avoir l’habitude mais je vais, de nouveau et en introduction, me prêter à une généralisation outrancière à partir d’un échantillon réduit de cas. J’affirme avec aplomb qu’un nombre important d’américains, de toutes catégories sociales, ont un parcourt professionnel extrêmement varié, beaucoup plus varié que la moyenne française.

Lorsqu’on interroge un(e) français(e) moyen(ne) sur sa profession, la personne (ça me simplifiera le maniement du genre) vous répondra « cadre commercial » (beurk), « agent EDF », « prof » ou encore « ingénieur informaticien » (sur-beurk). Je sais qu’il ne faut pas juger les gens uniquement sur leur profession (car il faut également tenir compte, comme chacun le sait, de leur aspect physique), mais force est d’avouer que l’image qui en ressort est extrêmement peu excitante, à moins que la réponse à la question soit « photographe de guerre » ou « tueur à gages » (ou que la personne soit une sublime blonde avec un ratio tour de poitrine / tour de hanche égal au nombre d’or).

Avec les américains que j’ai rencontré, hormis Phil à Darwin qui était tristement uniquement ORL (bon, certes expatrié en Australie pour un an fraichement sorti de son université), je suis à chaque fois surpris par le curriculum que l’on me donne. Ils ont souvent à leur passif deux ou trois métiers différents. Sans réfléchir au pourquoi du comment, je trouve ça incroyablement rafraichissant et surtout, enrichissant. Ça doit faire beaucoup pour éviter le corporatisme bien que cela induise sans doute d’autres inconvénients qui ne me viennent pas à l’esprit, là, spontanément.

Mais rappelez-vous, tout ceci n’est qu’une introduction et nullement le cœur thématique de ce billet. En vérité je souhaiterai vous parler d’un gars prénommé Merrick. Forcément, je vous doit en préambule quelques explications quand à son intérêt.

Il est venu mon dernier soir à San Francisco. Je sais, c’est triste. Toutes les bonnes choses ont une fin et il est temps que j’aille affronter le froid polaire du Québec automnale (enfin, que je me dis). C’est donc ce samedi soir que nous allons passer une soirée à Redwood City, bourgade résidentielle sans intérêt de la Silicon Valley, hormis d’être mitoyenne de Palo Alto (où réside, je vous le rappel bande d’ignares, l’université de Stanford et le siège mondial de Hewlet-Packard) et d’abriter le siège mondial, lui aussi, d’Oracle (qui pour ceux qui ne le savent pas est une méga compagnie d’informatique dont le grand patron, Larry Ellison, est un des hommes les plus riche du monde).

Je dis nous car je suis (du verbe « suivre », pour éviter toute ambiguité) Sam, Claire et le petit Isaac, à une soirée d’anniversaire organisée par un de leurs amis français habitant la sus-mentionnée Redwood City. Dans une maison de plein pied au milieu d’un quartier fade est propret, surveillé par le neighborhood watch et les patrouilles de police, où réside tout les cent mètres un millionnaire internet séparés par des voisins employés de sociétés high techs aux salaires supérieurs ou égal à 100k$ par an, je retrouve une joyeuse bande composée d’une ossature de frenchies immigrés et d’américains. Pour éviter toute mauvaise interprétation, la référence aux revenus des gens n’est là que pour poser le décor de façon légèrement hors sujet de la réalité immobilière de la Silicon Valley. Paradoxalement, les maisons ne sont pas particulièrement luxueuses, tout au plus confortables et spacieuses. Mais je m’égare.

Je me retrouve donc rapidement un verre de bière locale à la main, à faire et subir les présentations d’innombrables gens dans un état de joie croissant. Poignées de mains ou bises (quand ce sont des françaises), j’en arrive à serrer la paluche à un américain prénommé Merrick. Là commence le sujet de ce billet.

Merrick, c’est un jeune gars (une petite trentaine) de Santa Cruz (station balnéaire à une heure au sud, Mecque des surfeurs) travaillant en tant que développeur dans une petite société du Web. En France, on s’en serrait certainement arrêté là (rapport à ma longue introduction et ma fallacieuse statistique) et j’aurai papillonné vers un autre groupe de personnes en claironnant que moi, j’ai Fait l’Inde. Avant que j’ai pu trouver un habile stratagème pour clôturer cette conversation naissante et me trouver un nouvel interlocuteur, il enchaine en expliquant qu’il souhaite prendre de l’expérience pour espérer pouvoir créer sa boite (mais ça, ici, dans cette partie du monde, c’est aussi commun que d’annoncer ailleurs qu’on va s’ouvrir un PEL) car malgré son âge il est débutant dans le métier.

Je fais une rapide soustraction mentale et suis surpris par son manque d’expérience professionnel à son âge. Si vous êtes un brin perspicace, vous aurez compris qu’il n’en était pas du tout à sa première expérience professionnelle, mais juste débutant dans sa nouvelle carrière d’informaticien, débuté il y a peu. Pour vous, pour que vous ne mourriez pas de curiosité, je l’interroge donc sur ses précédentes activités. Sa réponse : l’armée. Alors voici la situation : j’ai rien contre l’armée en tant que telle. J’ai juste un problème avec les militaires. Je suis donc tout à coup légèrement circonspect. Mais voici l’histoire de Merrick à l’armée, sans doute similaire à de nombreux jeunes américains de sa génération.

A la sortie du lycée, sans idée de ce qu’il veut faire hormis une envie d’aventure, il cède aux sirènes des recruteurs. Ça tombe bien, l’armée US a grand besoins de bras ces temps-ci, engagée qu’elle est depuis 2001 dans deux guerres majeures. Comme Merrick est vraiment, vraiment à la recherche d’aventure (et un peu fou, il me l’avouera rétrospectivement), il choisi le corps des scouts qui comme sa traduction littérale ne l’indique pas, n’a rien à voir avec la bande de boys du même nom. Non, les scouts, en anglais, ce sont les éclaireurs. Après quelques mois d’entrainement intensif, il part donc, je vous le donne en mille et un, à Bagdad, Irak, Moyen-Orient.

A partir de ce moment là, je reste scotché, fasciné, en discussion pendant deux heures avec Merrick, lui posant progressivement des questions plus sensibles sur le sujet. A l’aune de ses réponses, je découvre un type ouvert, curieux, sensible et lucide pour qui cette expérience fut à la fois forte et enrichissante. Il me parle d’esprit de corps, de camaraderie et de mixité sociale, comment ses meilleurs amis d’Irak sont toujours en contact, notamment Bo, un véritable redneck d’Alabama fier de lui envoyer une vidéo de son 4×4 embourbé dans un étang, tous ces gens qu’il n’aurait jamais croisé en restant aux US. On en vient à parler plus brutalement de son contact avec la mort et toujours, aussi franc, il m’avouera n’avoir eu qu’un contact assez vague, son unité n’ayant déploré aucune perte. La mort, elle était, supposée, lorsqu’il devait tirer vers une zone désignée abritant un ennemi.

Ses deux ans à Bagdad, il me les raconte comme une vie d’excitation et de confort, hébergé dans la zone verte ultra-protégée, sortant en patrouilles de Hummvee pour escorter les forces spéciales jusqu’à leurs zones d’intervention, en charge d’éliminer les fameuses têtes du « Deck of Cards ». Tout ceci est à la fois lointain et proche pour moi, nourri des multiples films sur le sujet mais d’être en contact direct avec quelqu’un l’aillant vécu est vraiment passionnant. Avec les irakiens, il a eu quelques contacts mais leur isolement ne facilitait pas la tâche.

Encore une fois, je suis séduit par sa façon très lucide, je trouve, et neutre de raconter cela. Globalement et avec le recul, il est d’accord pour estimer que leur rôle était tout au plus flou. Bizarrement, ça lui a ouvert l’esprit. De retour à Santa Cruz, il s’intéresse à de nombreuses choses, s’informe, lit. Grâce au contrat signé au moment de son recrutement, il part faire quelques années d’étude. Un gars véritablement passionnant et attachant surtout car il nous offre une grosse bouteille de bière d’une micro-brasserie de Santa Cruz. Toutes ces histoires irakiennes, c’est un prétexte pour être resservi, bien entendu.

Finalement, un verre d’excellent et rare bourbon dans les mains servi de la réserve personnelle d’un sympathique américain d’origine sicilienne (qui me raconte ses vacances chez sa grand mère en Sicile), je me retrouve toujours debout à 3h du mat’ avec une poignée d’irréductibles frenchies, dont l’inusable Samuel, attendant mon taxi pour l’aéroport de San José. Dans deux heures j’y décolle pour Montréal. Dans l’avion, j’aurai largement le temps de dormir et de repenser à toutes les surréalistes anecdotes racontés par Merrick.

Et comme j’ai une mémoire de m… et que j’étais « légèrement » éméché, je ne m’en souviens que très peu.

San Fran by Night

C’est toujours un plaisir de parcourir une ville à partir du crépuscule. A San Francisco, la remontée de Columbus Avenue permet de traverser des quartiers progressivement festifs au pied de Telegraph Hill. La nuit, clubs, café, restaurants et boites de jazz ou de strip, s’y animent. Au coin d’une rue, un vieille immeuble en fer à repasser se découpe sur l’arrière plan moderne du downtown. Au rez-de-chaussé, le Café Zoetrope. Pour les cinéphiles, Francis Ford Copolla n’est pas loin.

De l’autre côté de la baie, c’est l’occasion de profiter de magnifiques couchés de soleil face au Golden Gate, à l’autre bout du Bay Bridge ou du reflet lunaire sur les marinas endormies d’Emeryville, non loin des studios Pixar.

Mais chuuuut, place aux images.

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Sonoma

Le lendemain matin, je me lève tôt et quitte mon motel moisi de Vallejo vers les 8h30 après un minuscule petit déjeuner gratuit offert dans le bureau de l’accueil. Que me vaut ce réveil matinal hormis l’insupportable odeur de déodorant bas de gamme qui sature la chambre ? Aujourd’hui j’ai cassé la tirelire en m’offrant une visite guidée des vignobles de la Sonoma valley… à vélo.

Ça fait bien longtemps que je n’ai pas effectué une ballade à vélo (enfin, pas tant que ça, puisque la dernière ballade remonte à Rarontonga). Je voudrais donc faire de même ici mais vu mon échec patent à trouver en voiture des chemins sympathiques dans la Napa valley, je me suis dit qu’il valait mieux assurer un minimum en effectuant cela avec une personne du cru. Pédaler toute la journée à se casser le nez devant des clôtures, ça va bien cinq minutes. Une recherche internet plus tard (c’est vachement pratique ce truc, il n’y a pas à dire), j’envoi un mail pour réserver un tour guidé en VTT le lendemain matin auprès d’un magasin spécialisé de Sonoma. Sonoma, c’est, comme son nom l’indique, le chef lieu de la vallée.

DSC_8577_DxOD’ailleurs, un petit point géographique s’impose vu ma façon apparemment très légère de parler alternativement de la vallée de Sonoma et de Napa. Les deux sont voisines, tellement voisines que parfois, on se demande où fini l’une et commence l’autre. Elles s’étirent toutes les deux du nord au sud en baignant les rives de la baie de San Pablo, au nord de San Francisco.

Ce petit tour à vélo coûte un bras. Pour le coup, c’est presque 200$ la journée, location de vélo, dégustations et déjeuner compris. Décidément, il est loin le Vietnam et sa location de vélo à 1 euros la journée. Mais fini les grommellement. On est ici pour profiter à la fois de ce que la région a à offrir et de l’impeccable météo du jour.

DSC_8558_DxOJ’arrive donc vers les 9h15 dans la ville de Sonoma, un peu en avance. Voilà une petite ville qui a du charme, tenez. Contrairement à sa cousine, Napa, bourgeoise, Sonoma a une atmosphère un peu plus nonchalante. L’endroit est également moins étendu et le centre ville se concentre plus ou moins autour d’un petit parc arboré et le long de Broadway, la grande rue qui part vers le sud. Tout autour l’architecture est un mélange entre far-west et hispanique très sympathique, certains bâtiments étant incroyablement anciens pour DSC_8557_DxOle pays. Ce n’est d’ailleurs pas surprenant, la ville de Sonoma ayant été bâtie autour de la mission espagnole du même nom, encore debout et que l’on peut visiter. Quelques petits cafés avec terrasse et des restaurants achèvent de donner une ambiance tranquillement « bon vivant » à la ville.

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DSC_8569_DxOJe pénètre donc un peu en avance dans le magasin de cycles de Broadway et suis accueilli par deux jeunes femmes dynamiques en short et haut cycliste, une petite brune et une blonde qui, comme souvent aux Etats-Unis, se fendent d’un grand sourire et d’un « hi » enthousiaste. A l’annonce de mon nom, le sourire se crispe un peu. Le tour que j’avais réservé est annulé, faute de participants mais, avant que je puisse protester, elles me proposent de me raccrocher au tour de la vallée de Napa, un peu moins dur physiquement, mais plus long. Allez, après tout, l’important est de pédaler dans les vignobles et de gouter du vin, sans parler du prix qui est plus avantageux. A mon acquiescement, les grands sourires reviennent et quelques « cool » leur échappe. A tout les coup, elles s’imaginaient devoir affronter un client difficile. On passe donc le quart d’heure d’attente avant le départ à papoter. Alors que nous parlons voyages, j’en viens à fournir à la blonde les références du Phong Nha Farm Stay au Vietnam au cas ou elle souhaiterai postuler en tant que guide à vélo.

Nous sommes rejoint finalement par notre guide, Jerry, un grand cinquantenaire athlétique aux cheveux gris coupés court et à la voix calme et mesurée saupoudré de juste ce qu’il faut d’humour. Les quatre autres clients sont un couple d’américains de l’Oregon et un couple de mexicains de la Ciudad de Mexico. Nous montons tous dans un van avec les vélos et après un petit quart d’heure de route, sommes prêts, casques sur la tête (on n’est plus au tiers monde, ici) et vélos entre les jambes. Sans surprise, Jerry nous sert un petit discours sécuritaire sur le mode « faites attention aux voitures », bien loin de mes expériences en deux roues indo-vietnamiennes.

Ce petit groupe s’avère idéal pour ce genre de ballade. Chacun profite des explications de Jerry et peut l’interroger sans devoir s’imposer. Physiquement, c’est un rythme de ballade et cette partie de la vallée, au sud, s’avère peu vallonnée. Sous un franc soleil nous profitons donc agréablement de petites routes tranquilles et des larges chemins entre les vignes.

Je ne manque pas de noter quelques petites différences entre les vignobles de Bourgogne et ceux-ci. Les vignes y sont plus hautes, notamment. Il y a également de nombreux appareils et DSC_8551_DxOstratagèmes pour éloigner les oiseaux, la plaie de la région semble t’il. Néanmoins, je retrouve au fil des explications de notre guide la même ambiance et les mêmes rythmes saisonnier de toutes régions viticole. D’ailleurs, la région commence tout doucement à attaquer les vendanges, moment parfait pour effectuer la visite.

La vallée de Napa contient plusieurs terroirs du nord au sud. La haute vallée au nord possède le plus de relief alors que la basse vallée où nous sommes et assez sablonneuse. Au sommet DSC_8555_DxOd’une petite butte au milieu d’une parcelle, Jerry nous fait un rapide descriptif du panorama bordant la baie de San Pablo. Les rives sont marécageuses et abritent des oiseaux alors qu’à l’ouest elle est bordée par les montagnes côtières et notamment le mont Tamalpais, dans le comté de Marin, au nord du Golden Gate, où, selon la légende, les premiers VTT furent inventés et utilisés dans les années ’70.

DSC_8552_DxOEntre ces moment de pédalages, nous effectuons des arrêts dans des domaines, chacun avec une petite spécificité. Le premier, Bouchaine, est un grand domaine de la région (sans être un méga domaine propriété de grands groupes agro-alimentaires). Le deuxième, McKenzie-Mueller est beaucoup plus modeste et familiale alors que le dernier, Ceja, symbole de la réussite américaine, a été fondé il y a moins de quinze ans par une famille d’immigrés mexicains, venus à Napa comme de nombreux autres pour récolter le raisin.

A chacun des arrêts nous sommes accueillis avec le sourire et profitons de la dégustation d’une poignée de vins, blancs et rouges, chardonnay, merlot, pinot ou cabernet-sauvignon. D’ailleurs, je ne manque pas de faire remarquer, profitant d’une dégustation particulièrement chaleureuse et sans chi-chis avec la fille du domaine de McKenzie-Muller, cette particularité de nommer les vins en fonction du cépage. Chaque domaine propose son « merlot », son « cabernet-sauvignon » (ou « cab’ » comme ils disent ici) ou son « pinot » et c’est le cépage qui est mis en avant plutôt que le terroir, contrairement à la France ou l’Italie. Chaque domaine cherche à proposer une offre très large de vins rouges, blancs, sucrés ou secs. On est très loin des mono-cépages exclusifs bourguignons.

Ce qui fait chaud au cœur, et ces domaines n’ont sans doute pas été choisis au hasard, c’est de constater la passion qui anime ces viticulteurs. Vendange oblige, bien que la plupart entament une période de travail intense, ils ont quand même du plaisir à nous faire gouter leur vin (et à y gouter également). Entre la sympathique fille McKenzie-Mueller avec qui on rigole de son accent français (Cabeurnay sovïnionne) et qui nous fait visiter les pressoirs (avec une dégustation du délicieux premier jus) ou la fille d’Armando et Amélia Céja, les deux fondateurs, qui ne peut pas s’empêcher de boire avec nous chaque vin qu’elle nous sert, je dois dire que l’on ressort de là avec une belle image des gens de la région, beaucoup plus positive que les premières impressions industrielles glanées lors de ma reconnaissance en voiture.

En tout cas, bien que n’étant pas un fin spécialiste de la chose vinicole, je dois dire que ces vins de la Napa que l’on nous propose sont loin d’être désagréables. Ils sont même pour la plupart particulièrement bons. Je ne vous surprendrait pas en vous annonçant qu’ils sont également particulièrement chers, une bouteille se vendant rapidement entre 20 et 40 dollars. L’alcool aidant, je craque et achète une ou deux bouteilles de rouge pour Sam et Claire ainsi qu’un blanc particulièrement doux, à la limite du sirupeux pour les amis de Montréal.

Inutile de préciser qu’avec tout ce vin et cette convivialité, le déjeuner en plein soleil est l’occasion de discuter et de découvrir mes comparses. Jerry nous offre une salade composée et des wraps, le tout d’une bonne facture, que l’on déguste tranquillement en discutant. C’est avec une grande ouverture beaucoup moins réservée que lors de mes tours en Australie que chacun parle de son parcourt.

Commençons d’abord par notre guide qui nous énumère son parcourt de vie assez varié avec notamment un passage dans l’armée. Actuellement, en plus de faire des visites guidées à vélo il est également consultant indépendant dans le domaine de la formation, travaillant de chez lui. La belle vie en somme. Il habite une région agréable et alterne le travail en intérieur avec de jolis moment à l’extérieur au contact de gens variés.

Le couple de l’Oregon quand à eux, travaillent dans le milieu du vin dans la région de Willamette, au sud de Portland. Je découvre grâce à eux cette région qui semble t’il est également un terroir de qualité, bien que moins connu qu’ici. Paul, le mari, s’occupe de logistique dans le domaine.

Quand aux deux chilangos, Annah et Miguel, bien que plus réservés à l’origine, ils ne tardent pas à s’ouvrir un peu. Annah, avocate, et Miguel, écrivain, sont ici en vacances. Avec eux je ne tarde pas à parler un peu de Mexico et de cette affreuse coutume locale qui consiste à boire une bière accompagné d’un verre de mescal.

L’après midi s’achève tranquillement et nous retrouvons notre mini-bus pour nous ramener à Sonoma. C’est au cours du trajet que je discute avec Kayla, la petite brune du matin. Nous avons abandonné Jerry et je me retrouve dans le siège passager. A l’unanimité nous acceptons la proposition de notre chauffeur de rentrer par les petites routes. Elle nous fait découvrir l’aspect un peu moins joyeux de la région, ce prix astronomique de l’immobilier qui pousse les travailleurs modestes de la région a habiter loin où à se loger dans des appartements minuscules et de mauvaise qualité. Sous la pression combinée de l’industrie viticole qui achète des parcelles cultivables à prix d’or et les riches employés des industries high tech de la baie, une maison se négocie à partir d’un million de dollars. Sans surprise, de nombreux habitants de Sonoma et de Napa sont obligés de prendre deux emplois pour s’en sortir.

Avec tout ça, je fini l’après midi sous une lumière orangée en déambulant dans Sonoma. Histoire de cuver un peu.

Napa

Une journée plus tard, j’ai déjà quitté le nord de la Californie et les forêts de pins pour revenir dans la région de la baie de San Francisco. Je dois déjà rendre la voiture de location le surlendemain et me rapproche donc pour éviter toute course de dernière minute. C’est donc dans un motel glauque de Vallejo que je planifie les journées qui viennent. D’ailleurs, à ce propos, je me demande si le terme « glauque » n’est pas finalement indissociable du terme « motel ». Après le Motel 6 de Weed, l’America’s Best Value Inn de Vallejo et même le Quinta Inn d’Annaheim, je viens à conclure que nos Formule 1 français sont riants et joyeux à côté. Sans trop rentrer dans les détails, les chambres sont sombres, les fenêtres bloquées et surtout, une odeur prégnante et entêtante de déodorant bon marché, à défaut de rassurer, provoque l’effet contraire.

Pour commencer, je part explorer la vallée de Napa, non loin de là. C’est d’ailleurs le but de la région, les vallées viticoles de Napa & Sonoma au logement malheureusement inaccessible d’un point de vue financier. Suite à mon séjour de 3 ans en Bourgogne, je garde une affection particulière pour les régions à la forte tradition viticole. Je m’attaque donc en voiture à la Napa vallée avec un sentiment de forte curiosité et de joie. Je m’imagine emprunter des petites routes de campagnes bordées de vignes voir de me poser dans un champs pour pic-niquer, la baie de San Pablo et de San Francisco au loin. Oui, car pour ceux qui n’auraient pas la curiosité d’ouvrir leur atlas, les vallées de Napa et Sonoma sont directement au nord de la baie.

Tout d’abord, force est de constater que le commerce du vin a l’air d’être florissant par ici. Le meilleur indicateur est la taille des propriétés et l’aspect cossu des maisons (ou manoirs, par moment). Tout ceci respire les dollars à plein nez. Ce n’est d’ailleurs pas surprenant, ces deux vallées étant parmi les plus réputées des Etats-Unis. En Bourgogne ou dans le Bordelais, voir même dans les vallées viticoles autour d’Adélaïde en Australie, ce n’est pas si différent. Les maisons y sont également fort bien entretenu. La différence, par contre, c’est que cette richesse est ici beaucoup plus tape-à-l’oeil est ostentatoire.

De plus j’ai l’habitude de belles maisons anciennes accolées à des parcelles modestes. Ici, les parcelles sont relativement grandes et les maisons, plus loin, regroupées entre elles. A mon grand désespoir, la quasi-totalité des parcelles sont clôturées, et les chemins privés. Impossible d’aller se perdre dans des petits chemins montant dans les collines comme en Bourgogne. Tout est inaccessible. Mis bout à bout, tout ceci m’évoque une culture plus industrielle et moins artisanale du vin.

Je tente pendant quelque temps de trouver une route montant dans les collines boisées mais sans succès. Comme à chaque fois que je tente cette approche dans cette région, je constate qu’il y a une stricte séparation entre les zones habitées et les zones sauvages, contrairement à la France. C’est assez frustrant lorsqu’on n’est pas habitué.

Je me rabat donc vers la ville de Napa, centre de la région. Celle-ci porte également des marques de richesse et de haut embourgeoisement : voitures haut-de-gamme, bâtiments impeccables, restaurants chics à la clientèle portant lunettes de soleil et habits classes. L’architecture n’est pas particulièrement intéressante et hormis un jardin aromatique cultivé par un des chef fameux de la ville, bordant la mince rivière de Napa (ils ne se foulent pas trop pour les noms ici), je ne note rien de particulier. En désespoir de cause, je me gare à côté d’une DSC_8548_DxOhalle couverte à côté duquel se tient un autre « farmer’s market ». De nouveau, j’ai un sentiment de tendresse en constatant que les californiens redécouvrent les plaisirs simples du marché à l’ancienne. Je déambule donc à travers les quelques stands, toujours estampillés majoritairement « organic ». Un panneau d’interdiction d’accès au chien pour des raisons hygiéniques me fait de nouveau réfléchir au côté parfois DSC_8550_DxOtotalement irrationnelle des risques sanitaires. Aurait-on l’idée d’interdire aux mamies d’amener leur chien au marché du mercredi en France ?

Alors que je m’apprête à repartir après avoir acheté quelques pêches locales, un « hello » féminin m’interpelle. Je me tourne vers l’origine de cette interpellation, certes amicale, mais tout de même.

<Ralenti et musique genre « Take My Breath Away » de Top Gun>

Une femme sublime aux cheveux roux tirés en arrière et aux lumineux yeux verts me sourit chaleureusement d’un sourire étincelant digne d’une publicité de dentifrice. D’une voix exquise, elle m’invite à gouter un échantillon de son produit, une sorte de pain d’épice révolutionnaire que l’on peut toaster. Je lui répond « Glumpfxxsh rhreeuh, glups » et prend machinalement le morceau qu’elle me temps, hypnotisé par son regard. Je mâche toujours en mode automatique avec un grand sourire pendant qu’elle m’explique très très très loin, le son de sa voix richement nappée d’une réverbération cathédrale, les avantages de son produit fait artisanalement par elle même avec ses propres mains sublimes. Au prix d’un contrôle mental surhumain, je parvient à retrouver une syntaxe acceptable et un esprit plus clair.

<Fin du ralenti et de la musique>

Je l’écoute attentivement, toujours un sourire aux lèvres en l’encourageant à continuer pendant que je la regarde. Elle est vraiment magnifique et touchante car elle se lance manifestement toute seule dans cette aventure. Par contre, je tente de me concentrer sur le goût de son pain d’épice pour être un minimum sincère. Peine perdu. Je lui lance donc un banal « no, its good, really » un tantinet hypocrite. Totalement sous le charme, je m’arrache malgré tout à son stand en lui souhaitant bonne chance. Après quelques renseignements (internet fait des miracles, signe qu’il faut faire très attention à ce qu’on y met), je découvre que c’est une ancienne actrice d’Hollywood qui après quelques années de second rôles, a décidé de commercialiser une recette de pain d’épice qu’elle a elle même créée.

N’empêche que c’est fou, ce n’est pas au marché local de Lavaur, dans le Tarn, qu’on croiserait des actrices sublimes vantant les mérites des grattons de canard ! C’est aussi ça la Californie.

Mount Shasta

La région de Mount Shasta ne regorge pas de centres urbains mais les quelques qui trainent sont d’un intérêt pour le moins, limité. Mais commençons par un petit contexte géographique. Le mont Shasta est un volcan situé au nord de la Californie, à une petite centaine de kilomètres de la frontière avec l’Oregon. Il fait partie d’une chaine volcanique, la chaine des Cascades, qui part de la frontière canadienne de l’état du Washington jusqu’à une centaine de kilomètres au sud du mont Shasta où se trouve les deux derniers volcans, hauts de 2500m.

Le mont Shasta est un des plus haut volcan de cette chaine puisqu’il tape juste au dessus de 4300m d’altitude. Ce n’est pas rien. Je vous rappelle qu’il n’y a aucun somment de 4000m dans les Pyrénées. De plus, le dénivelé par rapport au terrain aux alentours est de 3000m. Vous pensez bien qu’il est donc particulièrement aisé de le repérer surtout qu’il est le seul dans les environs, de cette taille-ci. D’ailleurs, vous ne manquerez pas de remarquer qu’il n’est pas parfaitement conique, à ma grande déception. Il y a plutôt deux cônes, le mont Shasta, le plus haut et Shastina, un cône légèrement au nord-ouest du premier, 600m plus bas. De profil, venant de l’ouest, ça ruine tout.

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Il y a donc le volcan, quelques hautes collines couvertes de forêts de pins aux alentours vers l’ouest et une plaine vers le sud-est. Au pied de la montagne à l’ouest se trouve la ville du même nom, ce qui est bien son seul intérêt. Non franchement, passez votre chemin ou servez vous en comme base arrière pour faire des DSC_8504_DxOrandonnées. De plus, comme elle est très proche (on ne peut pas faire plus), les logements sont relativements rares. Plus au nord vous avez la bourgade de Weed (toujours aussi amusant comme nom), également pourvu en motels déprimants, dont l’intérêt autre que le logement est lui, par contre, absolument nul. Ni allez surtout pas pour faire des visites culturelles. C’est… nul.

Alors qu’est ce qu’il y a à faire dans la région ? Et bien je ne vous cache pas qu’il faut être plutôt branché nature, ballades, VTT ou kayak. Il est possible de monter jusqu’au sommet avec un peu d’équipement, mais 4000m, ce n’est pas anodin. D’ailleurs, il semblerait que ce soit un volcan sous surveillance. On le suspecte de faire semblant de dormir.

DSC_8510_DxOComme dans tous les parcs que j’ai visité aux USA, les chemins de randonnées sont très bien indiqués. Ça en devient même presque frustrant. Je me suis donc contenté d’une petite marche au sommet de Gray Butte, un des petits dômes sur la pente sud, qui avec 200 petits mètres de dénivelés permet d’avoir une vue panoramique sur le volcan, le tout sous un ciel immaculé, un franc soleil et, malgré les 2400m d’altitude, une agréable température printanière. DSC_8538_DxORésultat ? Ça vaut le détour et j’y suis même resté un bon moment à contempler, lire et faire la sieste, jusqu’au soleil déclinant. De toute façon, il n’y a rien d’autre à faire.

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