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Les prix des boissons

Tiens, parlons en du prix des boissons. Avec une température qui ne descend jamais en dessous de 30°C et avec un taux d’humidité frisant le 100%, j’approche les 3 litres par jour pour ce qui de ma consommation journalière de produits liquides. Les trois quarts sont de l’eau et l’autre quart sont des boissons gazeuses pour épauler ma digestion. Il y a bien eu également une pinte de bière mais cela ne c’est pas reproduit depuis (surtout parce qu’il y a plein d’endroits qui ne servent pas d’alcool en Inde, notamment à Hampi) et reste donc anecdotique. Comme je ne me risque pas à boire l’eau du robinet à moins d’y avoir préalablement dissous une ou deux petites pilules de Micropur, j’achète régulièrement (c’est à dire environ toutes les quatre heures) un litre d’eau minérale de marque AquaFina (propriété de Pepsi Cola) ou autre RailDeer (un truc que je sais pas ce que ça veut dire vu que c’est écrit en hindi dessus). Autant vous dire que j’ai beaucoup d’interactions avec les vendeurs de coin de rue qui vendent des bouteilles fraîches (ou pas d’ailleurs. Au final ça ne fait pas énormément de différence vu que ladite fraîcheur se barre au bout de cinq minutes). Généralement ça se passe comme ça :

« Hello (ou Namasté quand je suis en forme). How much for this bottle of water (communication multimodale par le biais de la parole ET du geste pointant avec assurance une bouteille d’AquaFina / RailDeer d’un litre) ?

  • Whan ?
  • Sorry ?
  • One ?
  • Ah. Yes, one please (pointage d’un index vers le haut, toujours dans cet esprit de communication multimodale) »

Ici s’arrête la partie « commune » de l’interaction avec le sus-mentionné vendeur. Ensuite, généralement, s’en suit un court blanc ou je devine qu’il me jauge du regard. Il lance mentalement un dés dans sa tête et là le résultat varie allègrement entre 15 et 40 roupies. Au début je disais pas grand chose vu que je n’avais aucune idée du marché et que leur roupie elle est pas loin d’être de sansonnet (merci l’Euro fort). Mais à force, ça commence à m’agacer de voir à quel point les prix fluctuent, d’autant plus que la plupart du temps, forcément, ils ne sont pas affichés. Il faut négocier, me diriez vous. Vous n’êtes pas très originaux vu que c’est ce que je me dis également sauf que je déteste ça. Donc maintenant quand on m’annonce un prix supérieur à 20 roupies je rigole et je fais un clin d’oeil histoire de sous entendre tout un roman ou j’explique que je vis en Inde depuis quinze ans et que le coup du prix à la gueule je le connais surtout que mon beau frère travaille dans une usine d’embouteillage alors tu penses bien que je le connais le vrai prix de l’eau d’autant que tu tiens pas de comptabilité alors tu te fais ça hors taxe mon salaud mais bon c’est bien parce que c’est toi et que j’ai la langue qui colle, les synapses qui répondent plus et les lèvres gluantes que j’accepte ton racket surtout qu’entre temps j’ai fait un calcul et que ta bouteille d’un litre à 30 roupies ça fait même pas cinquante centimes d’où je viens donc tu me fais bien rire c’est pas comme ça que tu vas t’enrichir. Oui, je lui dis tout ça implicitement et ensuite je m’en vais avec ma bouteille que j’engloutis dans la foulée.

En changeant à peine de sujet, c’est également pour ça que je n’ai quasiment pas encore emprunté de rickshaw (cette petite pétrolette à trois roues noir et jaune). Je serai incapable de savoir quel est le bon prix à payer. La seule exception fut à Hampi ou pour visiter un ensemble de temples en ruine disséminés sur 26 km carré, je me suis décidé à prendre un rickshaw (et son chauffeur bien entendu) ainsi qu’un guide (mais c’est une autre histoire). J’avais au préalable demandé à un garçon de la « guest house » son avis sur le prix d’une journée de rickshaw qui devait être d’après lui d’environ 500 roupies. Et bien à la fin de la demi-journée (ou presque) le conducteur de rickshaw (Raj, qu’il s’appelle) il m’a fait le coup du 1000 roupies alors que je lui tendais un billet de 500 (j’adore me trimballer avec des grosses coupures). Là un peu agacé je lui dit que non les 1000 roupies c’est déjà le guide qui ce les ai pris alors que ça n’a même pas duré une journée le tour et que son tarif « recommandé » était de 1200 par jour. Il me sort le sketch qu’il faut qu’il appel son patron (mon derrière oui qu’il a un patron, tiens). Il revient en me disant 700. Là toujours agacé (mais avec le sourire) je lui dit que dans ce cas je le reprend pas demain, vilain, sur quoi il me propose de suite 600. Allez top là pour 600. Et forcément un peu plus tard dans la soirée, en discutant avec un vendeur de petites sculptures devant un couché de soleil, il me dit que c’est dans les 300 roupies pour une demi journée de rickshaw. Salaud.

Donc on peut dire que j’ai quand même fait un semblant de négociation mais je n’ai pas spécialement aimé.

La boustifaille de Mumbai

Qu’est-ce que t’as mangé là bas ? Voilà une question récurrente que l’on peut poser à un voyageur de retour de voyage. Notez qu’un voyageur qui ne retourne pas de voyage se fait beaucoup moins emmerdé par des questions. Donc bien évidemment, la question de la nourriture est un sujet primordial de notre quotidien à la maison et forcément c’est encore plus primordial en voyage. Et bien figurez-vous que ça ne me tracasse pas tant que ça jusqu’ici et ceci pour plusieurs raisons.

Premièrement, je prends le petit déjeuner à l’hôtel en room service. Alors n’allez pas croire que c’est parce que je fais ma star. C’est juste qu’il n’y a pas moyen de faire autrement. Soit c’est du room service, soit tu vas bouffer dehors. Et moi bouffer dehors dés le matin… j’hésite encore. Donc le matin je mange des œufs à la poêle ou en omelette, des toasts ou des tartines non toastées, avec un petit gâteau ou de la confiture et un café au lait. Pourquoi toute cette variété me demanderez-vous ? Certainement pas parce que je suis super instable pour ce qui est de mes habitudes alimentaires matinales. Non c’est tout bonnement car quand je compose le 555 (room service, j’écoute?) je ne comprends rien à ce que me dit le gars au bout du fil donc j’ai tendance à dire « yes » quand il me reprend. Résultat, une fois sur deux j’ai mes œufs brouillés ou à la poêle, mes tartines grillées ou pas mais j’ai tout le temps du café, préparé avec du lait (alors que j’ai rien demandé, mais ça, c’est culturel donc j’admets). Bref tout ça pour dire que le matin je mange plutôt pas mal mais à l’hôtel c’est souvent le cas.

Ensuite arrive le midi. Le midi je viens la plupart du temps de me coltiner une heure ou deux de marche dans une chaleur de sauna et donc la faim arrive souvent vers le tard. Du coup, il y a forcément se moment d’angoisse ou on se demande s’il faut osez commander ces petites boulettes ou samosas frits qui ont l’air tellement appétissants dans la devanture crasseuse du vendeur de rue, au risque de se torturer le bide (bien que depuis le Mexique, je suis capable de me faire vomir en catastrophe si l’alerte se déclenche. Un super pouvoir dont je ne suis pas peu fier). Sans parler du sketch anglo-gestuel qu’il faut effectuer pour désigner au vendeur de manière insistante qu’on veut manger ce truc là alors que lui essaie patiemment de te faire comprendre en hindi que ça, monsieur, c’est ce qu’on donne aux chiens pour qu’ils s’éloignent (voir billet sur les animaux, d’ailleurs). La première journée à Mumbai je n’ai pas eu faim avant la soirée donc la question ne s’est pas posée.

Le deuxième midi je suis rentré après un peu de déambulations et d’hésitations dans un petit troquet à côté de Churchgate. D’aspect « qui ne paye pas de mine » mais donnant sur une avenue principale et muni de quelques clients indiens (plutôt rassurant), grand ouvert vers l’extérieur avec des tables et des chaises tout à fait banals et des ventilateurs qui tournent mollement au plafond. Je me suis donc posé avec résolution à une table en attendant qu’un frêle serveur (voir le billet sur le physique des indiens) vienne me tendre une carte puis plus tard… un verre d’eau (qui est bien resté là, loin, sans bouger). Je constate que la carte en hindi et en anglais se compose pour moitié de plat végétariens, notamment des dahls à foison. Sympa. Le choix et vaste donc je prends un truc au hasard (en espérant que ce n’est pas un amuse gueule) dont je ne me souviens plus du nom. Le serveur me demande si je veux du riz. Je lui réponds non d’un vague air connaisseur que l’on pourrait méprendre pour de l’hésitation. Il me demande un peu surpris si je veux des naans. Je réponds d’un air un peu moins hésitant que l’on pourrait méprendre pour de l’expertise, oui, mais nature. Je précise qu’encore une fois tout ceci est romancé car en vérité il m’a dit un truc vaguement anglais que j’ai vaguement reconnu comme « rice » puis un autre truc vaguement anglais que j’ai compris comme « naan », c’est à dire que c’était pas de l’anglais d’où ma réponse plus rapide. Résultat des courses j’ai mangé un délicieux plat, bien sur épicé, avec des naans légèrement croustillants, servi séparément avec des tranches d’oignons et un petit demi-citron pour assaisonner à sa convenance. Et tout ça en finissant avec un thé sucré au lait que je commence à bien apprécier. Je vous le fait pour 130 roupies indiennes.

Le lendemain midi, j’étais un peu en vadrouille à un musée et en repartant je commençai à avoir faim. Malheureusement, pas de restaurants pas trop pouilleux aux alentours (quand je dis ça, je cherche pas un grand resto mais un minimum d’hygiène, bien que ce soit subjectif). Je décide de prendre le risque d’acheter un truc à un vendeur au coin de la rue. Je minimise un poil le risque (enfin vraiment un poil) en m’arrêtant à un kiosque « en dur » où je vois marqué, entre autres, bhel puri, 30 roupies. Je ne connaissait pas mais le LP en parlait positivement comme un plat typique « à la sauvette ». Je demande donc ça et repart avec deux petits plats en cartons serrés par des élastiques. Je m’éloigne un peu pour ne pas faire le morfal et je découvre une sorte de riz composé avec ce qui ressemble à un fromage râpé, du riz soufflé et je ne sais pas trop quoi. N’ayant pas été proposé de cuillère je saisie une première bouchée avec les doigts et suit agréablement surpris par le goût épicée et légèrement sucré à la fois. Ca va peut être me tuer mais entre temps, c’est bon. J’ai depuis relu le passage du Lonely Planet concernant les bhel puri (je ne pense pas qu’il faille dire bheaux puris au pluriel, même si c’est tentant). Ils parlent de beignets frits. Ah. Rien à voir. Il est donc fort possible que je me sois fait refilé la nourriture du chien. Mais si c’est le cas, heureux chien.

Ayant survécu pendant la nuit, le midi suivant, toujours en fonction de la faim je choisi de m’arrêter dans une boulangerie / restaurant « Sassanian », piqué de curiosité par un nom arménien. L’intérieur du restaurant semble être de la même classe que celui de Churchgate, sans prétention façon troquet, de frêles serveurs et une vieille dame à l’aspect possiblement occidental qui doit être la patronne. Derrière son comptoir elle semble jauger du regard ses serveurs indiens mais leur parle en hindi. Au plafond toujours des ventilateurs qui tentent mollement d’apporter un peu de fraîcheur à un temps lourd qui sent l’orage (oui car la mousson approche). Je m’assois à une table au hasard en jetant un œil et je découvre une photo du monsieur Sassanian fondateur du restaurant en 1913. La classe. J’aperçois accroché au mur un carton proposant une formule « Parsi » (c’est à dire Perse) à 130 roupies avec deux kebabs, du poulet et un Pepsi. J’opte pour ça, aimant particulièrement arroser mes plats par du Coca ou du Pepsi histoire d’aider ma digestion en cas de pépins. Le serveur m’apporte un verre d’eau (qui lui aussi va rester bien sagement à sa place sans bouger. En même temps ça se trouve c’est fait pour se laver les doigts) et je lui demande la formule Parsi. Un peu plus tard il arrive avec un bol contenant le poulet dans une sauce épicée ainsi qu’une assiette contenant une bonne plâtrée de riz et deux boulettes ainsi que le désormais (après deux je généralise) traditionnel accompagnement de tranches d’oignon et demi citron. J’en déduis que les boulettes sont les « kebabs » et c’est plutôt une bonne surprise. Résultat des courses ? Et bien c’était très bon et juste copieux comme il faut. Du coup j’ai fini avec un lemon cheese cake trèèès jaune (et plutôt bof en fait mais il n’y avait rien de typique en dessert) et un autre thé sucré au lait. Le tout pour 175 roupies.

Et pour le soir alors ? Je m’explose le bide dans les meilleurs restaurants de la ville ? Et bien non. Le soir j’ai jamais faim. Faut dire qu’avec cette chaleur… La seule exception fut le premier soir vu que je n’avait rien mangé le midi. Comme j’étais rentré vers 22h de mes pérégrinations ferroviaires je décidai de me faire le restaurant indiqué à l’hôtel comme étant son restaurant attitré. Oui et bien je comprends pourquoi. Ambiance classe, décoration à l’occidentale, frêles serveurs en habits qui vous servent et vous resservent à la moindre élévation de sourcil. Bref, tout ce qui me met mal à l’aise. Mais vu l’heure je n’ai pas envie de me prendre la tête et avec mes Euros, je leur achète leur resto s’ils me cassent les pieds. Le maître d’hôtel me demande si je viens pour manger. Je lui réponds que oui et pour déconner et faire couleur locale je commande une Kingfisher, à la pinte. Un peu plus tard il m’amène la bière avec un assortiment de petites chose à grignoter très bonnes (carottes et concombres en long dés avec une sorte d’épice, pois chiches demi-secs je crois, des sortes de pignons de pins et des sortes de naans très secs avec un assortiment de sauces épicées). Je commence à grignoter en me demandant s’il m’a bien compris quand à mon intention. Au bout de quelques minutes n’y tenant plus, je lui re-précise que j’ai vraiment faim et que ses apéricubes il peux aller se les foutre (de la main gauche) là où je pense. Mais je brode, je brode. Il rigole et me rassure en m’apportant la carte. Du coup pour faire le malin et l’original je prends du mouton à l’afghane et recommande une deuxième pinte de Kingfisher car ces petites choses m’avaient bien aiguisés la soif. Le plat servi fut très bon, servi dans une sauce épicée à l’ail et aux épinards je crois (en tout cas c’était vert), accompagné de riz et je crois même que je n’ai pas fini. C’est mal. L’addition arrive et je serre un peu les fesses : 810 roupies. Ah quand même, 12€. Mais c’est hors de prix ! Un rapide calcul mental me confirme que bien que coûtant plus de cinq fois mon déjeuner du midi ça reste assez accessible aux standards européens. Et puis de toute façon je ne ferai pas ça tous les jours.

Bref, oui maman, j’ai bien mangé.

Impolitesse ou curiosité

Les nombreuses fois ou j’ai du faire la queue à Mumbai (surtout pour des histoires de billets de train), j’ai été surpris par un comportement plutôt récurrent chez mes amis Mumbaiki (je crois que c’est comme ça qu’on appelle des habitants de Mumbai). Vous connaissez sans doute la notion de « distance d’intimité » qui varie en fonction des cultures ou de l’éducation. En France, j’estime à la louche que la distance d’intimité d’une personne est d’environ un mètre. Si on se rapproche en dessous de cette distance, c’est qu’on est drôlement intime avec la personne. Si on s’éloigne c’est qu’on ne veut surtout pas à faire avec lui (ou elle). Donc dans une queue les personnes sont plus ou moins espacées d’un mètre, sauf bien sur s’il y a foule. Au Japon, cette distance doit être plutôt autour de deux mètres. C’est pour dire comme ils sont pudiques.

Et bien a Mumbai (j’attends la suite pour généraliser à l’Inde du sud), cette distance d’intimité est d’environ dix centimètres. Oui, oui. Notez que ce n’est pas forcément ça qui me choque car j’étais au courant de cette variation en fonction des pays mais il faut bien avouer que c’est particulièrement surprenant pour un français de se retrouver avec un indien soufflant dans son cou alors qu’on est deux devant un guichet. Au début je me retournai pour le toiser de mon regard dur de commando légionnaire (celui qui me permet d’éviter les vendeurs et autres faux guides) mais ne voyant aucune malice et constatant que dans les queues voisines les gens étaient quasiment à touche touche, je m’y suis habitué. Enfin, disons que j’accepte qu’on me « colle » mais j’avoue me mettre encore un peu à distance plus respectueuse de mon prédécesseur. Mais encore une fois, tout ceci ne me surprend pas.

La où ça devient un peu spécial, c’est que parfois cette distance d’intimité descend à -40cm, c’est à dire qu’une personne vient carrément se coller devant vous. Quand cela m’est arrivé pour la première fois, je me suis dit qu’il s’agissait d’un mauvais signal que j’envoyai à mes congénères en me mettant un mètre derrière le type de devant, signal corporel qu’ils interprétaient comme étant « je suis en dehors de la queue » vu que pour eux, il y a moyen de caser deux indiens dans mon mètre d’intimité. Mais cette théorie c’est quelque peu fissurée quand j’ai constaté que certains le faisait à d’autres indiens et notamment à des gens qui étaient debout devant le guichet en train d’interagir avec le préposé. Là, c’est le comble. Tu discutes avec un employé des chemin de fer (c’est un exemple, bien sur), et paf, un gars se glisse tout doucement à côté de toi, te pousses gentiment en tendant un formulaire (par exemple un T 524 F) au guichetier. Non mais oh, faut pas se gêner, pense-je dans ces cas là. Parfois il emploi la tactique des petits pas en se décalant touuuuut doucement, de manière imperceptible avant de tendre son formulaire quand le guichet arrive juuuste au niveau de son épaule pendant que toi tu cherches à maintenir ta bouche au niveau de l’hygiaphone alors que maintenant ton buste est décentré de trente centimètres.

Si tu as le malheur de t’asseoir quand l’attente est longue il est également possible que tu te fasses piquer ta place par le type qui était préalablement après toi. Alors, impolitesse ou impatience ? J’avoue n’avoir pas encore tranché la question mais je précise que ce comportement reste encore hors norme, bien que fréquent. Il m’est tout de même arrivé qu’un monsieur m’enjoigne à passer devant car j’étais avant lui avant qu’on s’asseye. Le brave homme. En en plus il m’avait appelé « Sir », le flatteur.

Mais voici un autre cas qui peut également arriver lorsque vous êtes la personne « active » dans une queue, c’est à dire la personne ayant la chance (ou la douleur) de pouvoir interagir avec le guichetier. Cas d’école : vous avez environ quatre indiens bien calés dans le mètre derrière vous (ce n’est pas une contre pétrie) et tout doucement vous les sentez se déployer sur le côté ou sentez une respiration dans le creux de l’oreille (voir des deux pour la stéréo). Il ne faut pas paniquer parce que, soit ils tentent de vous court-circuiter pour glisser quelque chose au guichetier (qui parfois accepte car il doit être puissamment multitâche), soit ils sont extrêmement intéressés par ce qu’il vous arrive et il souhaite juste avoir une meilleure vue et un meilleur son. Notez que ce phénomène peut arriver même si les curieux ne comprennent pas la langue.

Bref, je n’ai toujours pas tranché quand à la nature soit impolie soit ingénue de ces phénomènes. En tout cas, ce n’est pas bien méchant.

L’aventure de la réservation de train

Comme certains le savent, je suis parti en Inde en ayant réservé que les trois premières nuit à Bombay (ou Mumbai pour les puristes). Une de mes premières tâches consistait donc à réfléchir à ce que je voulais visiter puis à aller acheter des billets d’un quelconque moyen de transport, le choix initial étant le train pour son côté écolo-authentico-économique. Mes premières lectures de mon Lonely Planet à l’hôtel d’Heathrow avait jeté un petit froid: d’après eux les trains sont tout le temps bondés en Inde et il vaut mieux réserver à l’avance avant son départ. Ah. Ben merde. Trop tard.

Je me suis donc mis en tête le premier jour de me lancer sur internet et de voir si je pouvais réserver des billets sur un des sites cité sur le Lonely Planet (que j’appellerai dorénavant LP pour la concision). Ce plan tellement 21ème siècle a magnifiquement capoté quand mon hôtel s’est retrouvé en panne du sus mentionné internet et que l’option de faire ça dans un cybercafé en temps limité me plaisait pas trop. Et aussi parce qu’entre temps je me suis souvenu que commander un billet par internet c’est bien, mais l’imprimer c’est mieux, enfin en supposant que ça marche comme sur « voyages-sncf.com », ce que je sentais pas trop. J’avais pas d’imprimante et j’étais pas trop sur pour le cybercafé. Donc plan B : je décidai de me déplacer directement en gare pour y commander les billets pour mon trajet et utiliser le téléphone pour réserver les hôtels. En plus je me disais que ce serai plus sympa de communiquer avec un être humain pour une fois.

Avant de partir pour cette aventure, je demande aux charmants responsables de l’accueil de mon hôtel s’il est possible d’acheter des billets de train dans n’importe quelle gare où s’il faut absolument se déplacer à la majestueuse gare principale de Mumbai, l’incroyable Chahatrapati Shivaji Terminus (précédemment connu sous le nom de Victoria Terminus) qui se trouve beaucoup plus loin de mon hôtel. Le premier lecteur qui rigole de cette question typiquement occidentalo-condescendant se prend un blâme. Fort heureusement, mon hôte me confirme que c’est tout à fait possible d’acheter des billets à la gare voisine de Santa Cruz. Et ceci avec son magnifique accent indien qui m’oblige à lui faire répéter deux fois et me fait douter des mes capacités cognitive. D’ailleurs considérez dorénavant que toutes les questions posées à un indien, sauf indication contraire, se fait en deux voir trois exemplaires souvent entrecoupé d’un rictus supplémentaire de concentration à la deuxième réponse.

Je sort donc de l’hôtel tout ragaillardi de cette information – ça fera des tracas en moins – me prend la grosse claque de chaleur dés que je m’éloigne de un mètre du hall climatisé et part faire un crochet au cybercafé du coin pour faire mon ultime déclaration Pôle Emploi – mais ceci est une autre histoire. Toujours est-il qu’en route vers le cybercafé, je me rends compte de la difficulté de la tâche d’aller en gare demander des billets pour un trajet composé de trois parties, chacune avec des dates espacées et avec le wagon climatisé en seconde classe s’il vous plaît, le tout avec mes capacités de compréhension de l’anglais qui ont manifestement dramatiquement chutées sous 36°C de température et 90% d’humidité. Je prends donc la lâche décision de passer par une agence de voyage. Car le matin j’avais justement croisé une agence en allant vers la plage.

Après une petite marche sous haute transpiration, je retrouve l’agence et sa rassurante pancarte « IATA ». Voilà qui fait sérieux, contrairement à l’aspect décrépi de la devanture, néanmoins dans les normes de Mumbai. Dans l’agence, j’aperçois quatre personnes assises derrière un long comptoir, un vieux monsieur dans un bureau en verre et un autre type plus bedonnant plus loin. Je choisi le personnage derrière le comptoir le plus proche comme mon interlocuteur, en sachant que tout le monde me regarde comme si j’étais le premier client depuis dix ans. Je me doute bien que c’est mon type « occidental » qui interpelle et c’est confirmé devant l’évidente gêne de mon interlocuteur et les regards attristés de ses collègues, façon « aïe, le pauvre. Il a pas de chance ». J’étale donc devant lui mon vaste projet ferroviaire dans un anglais parfait (657 au TOEFL faites moi pas chier). Je le re-étale une deuxième fois vu que je comprends pas ou il ne comprends pas ce que je dis puis finalement il se tourne vers le monsieur bedonnant que je comprends être son supérieur par la différence d’âge et de tour de taille. Ce monsieur me fait signe de venir à son petit bureau, me propose de l’eau (vision d’horreur d’un verre d’eau du robinet remplis de microbes vivants) et du thé (vision rassurante des microbes se faisant bouillir la gueule dans l’eau), que j’accepte. Sympa mais servi d’office avec beaucoup de sucre et un nuage de lait. Je ré-explique mon désir d’effectuer un trajet Mumbai – Hampi puis ensuite Hampi – Pondichéry et pour finir un Pondichéry – Chennai. Il me précise tout de suite qu’il n’y a pas de gare à Hampi et qu’il faut descendre à Bangalore et prendre le bus (Alors là j’avoue ne plus trop me souvenir mais il me semble bien que c’est lui qui m’a parlé de ce bus à Bangalore. C’est important pour la suite). Ravi d’avoir cette information je le laisse continuer. Il me propose également de réserver les hôtels, ce que j’accepte avec un moment d’hésitation car j’étais franchement en mode « arrêtons de se prendre la tête » et en plus il m’avait offert du thé. Je me sentais donc redevable. Il se met à tapoter sur son ordinateur pendant quelques minutes ce qui lui donne une certain contenance pour finalement m’annoncer qu’il ne pourra pas réserver le train, c’est pas possible, il peut pas faire, par contre les hôtels, yes. Ah, mais c’est surtout pour le train que je suis venu, lui dis-je avec un petit rire pour faire passer la pilule. Je me prépare donc psychologiquement à reprendre le plan A, c’est à dire se déplacer en gare. Gloups. Au passage il m’apprend qu’il ne peut pas réserver d’hôtel pour une des destinations (Pondichéry en l’occurence) pour une raison que je n’ai pas comprise. Soit, admettons, je me démerderai. Il ajoute ensuite qu’il ne peut pas me donner de prix tout de suite mais qu’il me contactera à mon hôtel demain quand il les aura. Je lui fourni donc mes coordonnées (non sans une certaine méfiance) et repart dans la chaleur vers la gare de Santa Cruz. Drôlement efficace cette agence. Je vais toute de suite assassiner le suspens en annonçant que je n’ai toujours pas eu de nouvelles de l’agence, plus de 72h plus tard. Va comprendre.

La gare de Santa Cruz, vous pouvez l’imaginer comme une gare RER avec trois voies et trois passerelles piétonnes suspendues au-dessus permettant de traverser les voies. Chaque passerelleDSC_5100_DxO grouille de vendeurs mais je parviens néanmoins après quelques tours à repérer une sorte de bâtiment crasseux attenant à une passerelle où pourrait se situer un guichet de la compagnie de train. Bingo. Je fais donc la queue derrière un guichet (au nombre de quatre pour les plus avides de détails d’entre vous) puis, mon tour venu, aspire un grand coup et ré-exprime mon vaste projet de déplacement à travers l’Inde en trois temps. Le monsieur me coupe toute de suite et me précise avec le sourire (je le dis quand c’est le cas, vous inquiétez pas, car c’est suffisamment rare pour être signalé) que ce n’est pas ici mais au bureau des réservations qu’il faut aller, là bas en descendant les escaliers de l’autre passerelle. Ah diantre. Merci, mon brave (ça je ne l’ai pas dis mais le cœur y était).

Après une retraversée de l’autre passerelle avec mon regard dur de membre du Delta Force qui me permet d’éviter toute sollicitation des vendeurs (ou alors c’est qu’ils s’en foutent), j’aperçois effectivement le sus mentionné bâtiment, également crasseux. Je vous dis ça pour la description car en réalité je m’en fous qu’il soit crasseux pourvu qu’on puisse y acheter des billets de train en toute fluidité. En rentrant, je me dirige vers un guichet qui se libère (une sorte d’instinct) où je répète ma tirade. Le préposé me fait signe que ce n’est point ici mais au guichet de l’autre bout (en sachant qu’il n’y en a que quatre, également), justement là où la queue est la plus longue. Tiens donc. Etant patient dans les queues et sentant le dénouement, je me déplace volontiers. Après quelques minutes où je patiente en tentant de déchiffrer les monstrueux tableaux des horaires de trains peints à la main en rouge sur fond blanc, je note que mes compagnons d’attente sont tous munis de formulaires remplis au stylo. Saisi d’un affreux doute, je me tourne vers mon compagnon arrière, et je lui demande en anglo-gestuelle si ce document est important et s’il m’est permis de le consulter. Gentiment, il me le montre et je prends connaissance pour la première fois du formulaire T 524 F de demande de réservation de train sur lequel il faut mentionné le nombre de voyageurs, leurs noms, leurs âges, leurs sexes, l’adresse du demandeur, son numéro de téléphone, si on est médecin, la date de départ, la gare d’embarquement, la gare de débarquement et surtout… le numéro du train. Hein ? Un DSC_5012_DxOregard vers les panneaux des horaires me confirme que c’est hors de portée de mes capacités présentes. Je tente donc le tout pour le tout en restant dans la file, confiant en mes capacités de raisonner la préposée.

Mon tour arrivé, je récite mon laïus… deux fois, mais je sens rapidement que le message ne passe pas très bien. Finalement, sans que je me sois crispé, la préposée me fait comprendre avec autorité mais gentillesse mais autorité que ce n’est pas possible ici et qu’il faut que je fasse cette demande à Churchgate ou Viti. Je dois bien avouer que ma géographie de Mumbai est assez limité mais mes lectures du LP me permettent d’avoir une idée concernant ces deux endroits. Viti, ou VT doit être le diminutif de Victoria Terminus, maintenant nommée Chahatrapati Shivaji Terminus, la gare principale de Mumbai que je voulais initialement éviter. Churchgate devait donc être une autre gare. De retour à mon hôtel un peu abattu, les clercs à l’accueil me confirment la nature de « Churchgate » et m’indiquent gentiment le numéro de plate forme à la gare de Santa Cruz où je peux prendre le train pour rejoindre Churchgate et en m’enjoignant trèèèès chaudement de prendre un billet « First Class » pour éviter d’être dans un wagon bondé. Heureusement le prix est classique pour un occidental : 180 roupies A/R, soit environ 2-3 €.

Je retourne donc à la gare de Santa Cruz, du pas résolu du familier, limite en tapant dans les mains des vendeurs de jus de citron et sandales qui ont du me voir faire cinq fois l’aller retour dans la journée. Le voyage dans le train – qui pourrait être décrit sommairement DSC_5074_DxOcomme un RER sans portes extérieures et dont les différentes classes (1 et 2) sont séparés par des grilles (ce qui laisse une drôle d’impression quand on voit nos voisins de la seconde bondée nous regarder avec un regard envieux) – se passe sans encombre mais en prenant tout de même une bonne demi heure. Donc au final j’ai l’impression d’être un habitant de Saint Germain en Laye a qui on demande d’aller à Gare de Lyon acheter des billets (remplacez Saint Germain / Gare de Lyon par Montauban / Matabiau ou Villefranche / Part Dieu en fonction de votre lieu d’habitation).

Fort heureusement, Churchgate se trouve être le terminus se qui m’évite la peine de me tordre le cou à chaque arrêt pour tenter d’apercevoir le panneau sur quatre avec le nom de la station écrit en anglais et non pas en hindi. Churchgate est une gare terminus couverte façon Gare du Nord ou Gare de Lyon, mais avec uniquement six voies et je ne sais pas pourquoi je vous précise ça, sans doute pour vous noyer sous un luxe de détails. Je me dirige donc vers le hall en passant un portail de sécurité (je parlerai de la sécurité une autre fois) cherchant un guichet ou bureau avec une indication « réservation » ou quelque chose d’approchant. A bout d’inspiration je me poste devant un des seuls guichets trouvés avec un panneau indiquant « All tickets » au dessus. Mon tour arrivant (finalement assez rapidement), je répète mon texte mais le préposé m’indique qu’il ne s’agit pas du bon guichet et qu’il faut aller au bureau des réservations de l’autre côté de la rue. Et j’avoue que ça ne me fait ni chaud ni froid, commençant a prendre un certain plaisir à ce petit jeu de piste. Pervers que je suis.

Je traverse donc la rue (je suis devenu super bon là dedans maintenant), et aperçoit effectivement un grand bâtiment un peu gothique avec notamment dans un coin en bas un grand panneau peint à la main (j’adore ça de voir que c’est bricolé) blanc sur fond bleu (me dites pas après que je suis pas assez précis) marqué « Reservation center » en anglais ainsi que « Ministry of Tourism, India » suivi de plein de trucs en hindi que je ne comprends pas encore dans le texte. J’avoue être passablement surpris de me diriger carrément au ministère du tourisme, mais admettons. Après un passage dans un petit portail, un léger rebrousse chemin devant un panneau marqué grosso modo « Non le bureau des réservation n’est pas là, c’est à côté à droite », puis une légère montée au premier étage, je pénètre dans une grand pièce climatisée (haaaaaaaa, rien que ça c’est bon) avec huit guichets, chacun muni d’une indication (peinte à la main, toujours). Je commence donc à scruter certaines pour tenter de faire mouche sur le bon guichet du premier coup. Je me décide sur l’un deux (dont j’avoue ne pas trop me souvenir de l’intitulé mais je crois qu’il y avait un Visa / Mastercard accepté dedans) muni d’une préposée. Elle me fait rapidement comprendre après mon début d’introduction que ce n’est toujours pas le bon guichet et qu’il faut aller au dernier au fond. Effectivement sur celui-ci est indiqué « Tourist reservation » (peint à la main). Je patiente un moment que mon prédécesseur ai fini et finalement m’avance avec un sourire confiant.

Je vous la fait courte car ce n’est pas la partie la plus intéressante (il y a plein de questions doublées et triplées, de sourires complices ou pas et d’attente) mais je suis reparti avec mes deux billets (oui car pour Pondichéry – Chennai, il n’y avait qu’un seul train possible par semaine à cause de la mousson donc elle m’a conseillé de faire plutôt 4h de bus. Ca l’air de ne pas plaisanter la mousson) après avoir diligemment rempli mes trois formulaires T 524 F, fourni mon passeport ainsi que 41$ (oui car je n’avais pas assez de roupies et elle n’acceptait pas la CB Visa à son guichet, contrairement à l’autre, va comprendre). Vous me dites si je fais beaucoup trop d’apartés, hein ?

Un peu plus tard dans la soirée, après une fin d’après midi à flâner dans le quartier et son bord de mer (luxe de détail pour toi, lecteur), je discute avec un indien (se sera le sujet d’une autre histoire) qui m’apprend, un peu surpris, qu’il y a une gare beaucoup plus proche pour aller à Hampi que Bangalore. Ah, tiens. C’est bête ça. Enfin c’est pas très grave, ça prendra un peu plus de temps. A mon retour à l’hôtel, saisi d’un doute, je compulse le LP sur la Kobo et je découvre qu’effectivement la gare recommandée pour aller à Hampi s’appelle Hospet et que ce n’est qu’à une demi heure de Hampi. Voilà qui m’apprendra à faire confiance à un agent de voyage estampillé IATA plutôt qu’au Lonely Planet. Il faut dire à ma décharge que le plan de l’Inde que j’ai se trouve dans une page du LP et que sur la Kobo elle est carrément illisible, donc il m’était difficile de déterminer la distance entre Hampi et Bangalore. Je décide donc (non sans soupirer intérieurement) de retourner le lendemain matin à Churchgate pour tenter de changer l’arrêt.

Le lendemain, après un crochet au cybercafé pour réserver des hôtels à Pondichéry et Hampi (oui car entre temps j’avais décidé d’assurer mes arrières vis à vis de l’agence de voyage), je reprends un ticket « first class » pour Churchgate et après l’habituel trajet de trente minutes, me dirige d’un pas déterminé vers le bureau des réservations. Je m’assois un peu afin de patienter car le guichet est pris (j’ai appris de profiter de chaque moment permettant de rabaisser ma température corporelle). Après quelques grosses minutes la personne s’en va et je me lève pour me poster devant le guichet juste au moment ou un autre homme qui traînait par là me passe devant et commence à parler au préposé. Je commence à être assez habitué (voir le petit billet sur la politesse) donc je ne dis rien et attends de nouveau en me rasseyant. A ce moment là, je vois arriver un couple, manifestement occidental cherchant un guichet. Mon cœur s’accélère. Je ne suis plus le seul touriste à Mumbai (voir billet là dessus). Après un petit « Hi » timide, ils viennent s’asseoir à côté de moi et rapidement, on engage la conversation. Ce jeune couple allemand venaient de l’office de tourisme indien en bas qui leur a donné une carte photocopiée de l’Inde sans réseau ferré dessus pour qu’ils puissent planifier leur trajet en train. On papote un peu et je leur apprend l’existence du formulaire T 524 F ainsi que de la nécessité d’avoir son passeport. A cette nouvelle, ils se regardent visiblement surpris et déçus car ils ne l’ont pas sur eux. Aaaah ces bleue-bites, j’vous jure. Comme quoi, 24h d’avance feront toujours la différence ! Je leur demande ensuite s’ils n’avaient pas eu envie de réserver par avance par internet et ils me répondent qu’ils préfèrent garder de la flexibilité en décidant au dernier moment. Non mais je vous jure. Il y en a qui se croit où ?

J’interromps notre conversation car le guichet se libère. Je me transporte donc devant le préposé (malheureusement différent de la veille) et lui explique que je souhaiterai remplacer Bangalore par Hospet dans mon trajet réservé hier. Je lui ré-explique que je souhaiterai remplacer Bangalore par Hospet dans mes billets acheté hier. Je crois apercevoir un acquiescement de compréhension et il se met à tapoter sur son ordinateur. Après quelques manipulations dignes du système Amadeus (pour ceux qui connaissent) il m’apprend que Bangalore – Hospet c’est neuf heures de train. Euh. Comment ça, Bangalore ? Je lui demande alors si Hospet ne serai pas sur la même ligne de train que celui qui va de Mumbai à Bangalore et il me répond que non.

A ce moment là nous voyons (moi et les deux allemands) arriver trois jeunes femmes en sari mais manifestement de type européen s’approcher vers le guichet touristique. Je dis manifestement européen car il y en avait une blonde. Moi étant à mon guichet je vois ça d’un œil mais entend rapidement qu’elles se mettent à parler français aux allemands. Déjà c’est complètement incroyable de croiser autant d’étrangers ici mais en plus tout le monde parle français ! Aaah, Europe ! De fil et en aiguille on papote également et l’une d’elles (la chef blonde que je détecte à son assurance naturelle) m’apprend qu’il y a des quotas touristiques dans chaque train mais qu’il faut les demander explicitement. Ah ben d’accord. Elle aurait pas pu me le dire la préposée de hier ? Bon en même temps j’en sais trop rien si j’ai un quota touristique ou pas à vrai dire mais je sais que j’ai du reculer mon départ d’un jour car il n’y avait plus de place. Bref, je leur explique que je tente de modifier un billet pendant qu’elles se battent avec un autre préposé pour acheter trois billets de train en sachant qu’elles n’ont que deux passeports mais que la troisième connaît son numéro par cœur. Elles ont du batailler au moins cinq minutes pour qu’ils acceptent en échange d’un retour lundi au guichet pour fournir l’original.

Revenant à mon mouton (le préposé), je suis passablement surpris qu’il faille enchaîner neuf heures de train pour aller à Hospet après les 14 heures pour faire Mumbai – Bangalore. Je me retourne alors vers mes nouveaux amis Allemands et leur demande s’ils n’auraient pas l’obligeance de me montrer leur carte d’Inde. Ils me sortent une carte dépliante grand format (qu’ils avaient donc déjà avant d’aller à l’office de tourisme, les traitres) et on se met alors tout les trois à la recherche de Hampi, Hospet et Bangalore. Là, il faut imaginer la caméra faisant un travelling arrière suivi d’un zoom avant pour comprendre la sensation de chute libre qui m’a pris quand on a découvert que Hospet se trouvait grosso modo à mi chemin de Mumbai et Bangalore. Le préposé me proposait carrément de faire un retour en arrière. Ou alors c’est qu’il ne m’avait pas compris. J’emprunte la carte au couple Allemand et je me dirige vers le guichet ou le préposé vient me rejoindre. Je lui fait comprendre par force signes en m’aidant de la carte doublé d’un sous titrage en anglais que Bangalore, caca, pouuuh, j’en veux pas, Hospet, mmmmh, good, this is where I want to go. Je caricature un peu mais finalement il avait effectivement mal compris. Le TOEFL c’est de la merde, en fait.

Il retourne à son clavier d’ordinateur ou après moult tapoti-tapota il me dit que Hospet c’est pas génial et qu’il me prends plutôt Hubli Junction comme gare. Soupir. « Vous êtes sur ? Parce qu’il n’y a pas de gare à Hospet ? ». D’après lui, il y a une gare mais c’est pas sur la grande ligne. Il vaut mieux s’arréter à Hubli et ensuite prendre le car qui amène à Hospet en trente minutes. Je fais un rapide calcul mental et me dit qu’une heure de car au total pour aller à Hampi, ça me va. Il me donne la liste des trains et malheureusement, faute de disponibilité, je suis obligé de décaler une nouvelle fois mon départ. Je vais donc rester deux jours de plus à Mumbai, ce qui n’est pas très grave (sauf éventuellement pour mon portefeuille) dans la mesure ou ça me permettra d’avoir plus de temps pour réserver le logement. Je donne donc le top et il se met à faire sa magie sur son ordinateur, me demande de remplir un nouveau formulaire T 524 F (trop facile) pour finalement me montrer l’ancien billet Mumbai – Bangalore en me demandant bien clairement si je veux l’annuler. Un frisson me parcours l’échine en imaginant qu’il ne m’a pas encore compris mais après un moment je me doute que c’est pour être bien sur. Je redonne le top plein d’assurance pour que le doute ne s’immisce surtout pas dans son cerveau et quelques instants plus tard il me rends tout un tas de roupies en remboursement. Et il me sourit. Euh. Mais t’as fait la moitié du boulot mon gars ! Je veux faire pareil pour Bangalore – Puducherry moi ! Pourriez vous remplacer ce billet Bangalore – Puducherry par un Hospet… euh… Hubli Junction Puducherry ? Là je sens qu’il est rodé car un T 524 F et un nouvel échange de roupies plus tard, mais cette fois ci, dans l’autre sens, je me retrouve avec mes deux nouveaux billets. Victoire.

Entre temps, le couple d’allemands a décidé de fuir et de revenir un autre jour avec leurs passeports. Rhaa, ces bleue-bites.

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Ma première sortie à Mumbai

Mon avion étant arrivé à Mumbai (anciennement Bombay) vers minuit trente et étant sorti de l’aéroport vers deux heures du matin (faites une rapide soustraction pour calculer le temps passé à faire la queue pour la douane), je n’ai finalement pu voir la ville qu’au lendemain matin. Je l’avais ceci dit très bien entendu car la cacophonie de klaxon commence déjà au parking de l’aéroport où m’attendait deux employés de l’hôtel.

Bref, après pas mal de reculades et de traînage au lit, je prends finalement mon courage à deux mains et décide de faire une première sortie dans la ville en tentant de rejoindre la mer à pied. Histoire de temporiser et surtout façon de ne pas faire l’imbécile, je demande à l’employé de l’accueil de mon hôtel dans quelle direction se trouve la mer ainsi que son opinion quant à l’idée de faire le trajet à pied. Il me réponds que c’est à trois kilomètres et que je devrais plutôt prendre un tuc-tuc. Premièrement, un tuc-tuc je ne sais pas trop ce que c’est mais je me doute que c’est ces petits engins à trois roues avec un bruit de mobylette pour lequel il va falloir que je négocie un prix en sachant que je suis nullissime en marchandage (voir billet sur le prix des boissons). Pour une première sortie je trouve ça un peu trop dur. Quand je serai baroudeur niveau deux, pourquoi pas. Et deuxièmement, trois kilomètres à pied sur du plat, c’est une plaisanterie. Je fais ça régulièrement et parfois même à la montagne! C’est d’ailleurs ce que je lui réponds avec un petit rire.

Je me lance donc et quitte le calme et le frais du hall pour rej… oh putain ! Mais c’est quoi cette chaleur ? Mais faut vite baisser le thermostat les gars ! Je sens déjà mes pores se dilater avant d’avoir parcouru les vingt mètres de la cour qui séparent la porte de l’hôtel de la rue. En arrivant dans la dite rue je me prends le deuxième choc et me retrouve abasourdi par la cacophonie de klaxons, d’odeur et de mouvement. Surtout le dépaysement est total et il n’y a pas la moindre chose de familier auquel se raccrocher. Je sens mon cerveau compulser ses fiches à la recherche d’un truc qui pourrait m’aider à faire bonne figure. En attendant qu’il trouve, je tourne machinalement vers la droite comme me l’a indiqué l’employé de l’hôtel. Pendant cent mètres j’ai les sens complètement saturés où tout est brouhaha (bruit de véhicules, klaxons, conversations en hindi), mon regard ne parvient pas à se fixer à quelque chose mais saute de droite à gauche comme si j’étais bourré. Mon nez, pourtant pas très fin, respire une odeur fait d’un cocktail de sucre, d’épice, d’encens, parfois de feu de bois et d’urine finie au gaz d’échappement. Ce n’est pas une souffrance mais c’est une véritable surdose sensorielle et je sais que je finirai par m’y habituer (c’est d’ailleurs le cas). Pour ceux qui connaissent, ça me rappelle vaguement l’odeur de Mexico en plus fort et corsé. Pour le moment, je me concentre de suivre plus ou moins le trottoir en zigzaguant entre les vendeurs, les passants venant dans l’autre sens et les voitures, tuc-tucs et motos à ma gauche. J’apprends rapidement à arrêter de chercher les passages piétons et traverse les rues au timing comme mes collègues piétons, profitant du klaxon pour entendre venir les véhicules de loin. Ou plutôt non car comme TOUT LE MONDE klaxonne il n’y a plus du tout moyen de savoir qui te parle. C’est tellement le bordel que je me dis que non, décidément, Mexico c’est Genève à côté de Mumbai (blague pour les Rhône-Alpins).

Je constate pas mal de regards dans ma direction et j’imagine que c’est soit à cause de mon air ahuri genre « mais c’est qui tout ces gens ? », soit à cause de mon look d’occidental. J’opte plutôt pour la seconde théorie. Au niveau visuel je suis surpris par la quantité d’échoppes de chaque côté de la rue – vendeur de téléphonie mobile, de nourriture, de boisson, de fruits, de chaussures – le tout un peu à l’arrache très très loin des standards occidentaux ou le moindre petit vendeur à une vitrine bien propre. Là tout le monde est dans la rue et le magasin souvent qu’une petite cabane en tôle ondulée. Derrière se trouvent souvent des immeubles modernes bien qu’assez décatis. Ce n’est pas tant la modestie d’apparat de ces magasins qui me surprends mais leur nombre. Je pensais Mumbai plus clinquant, plus vitrine, mais j’ai du choisir un quartier populaire. Côté indiens, je vois des hommes en chemise pantalon, d’autres en habits blancs avec ou sans petit chapeau, barbus, moustachus ou pas, des jeunes en jean et T-Shirt ou bien en habit blanc traditionnel, des femmes à l’occidental, beaucoup en saris de couleur et encore d’autres la tête voilée et même des femmes couvertes d’une sorte de burka. Un vrai mélange de religion et de croyance, quoi.

Je poursuis ma route et emprunte un escalier qui semble rejoindre une passerelle piétonne couverte qui suit la rue en hauteur. En continuant vers la direction indiquée de la mer la passerelle enjambe rapidement trois lignes de chemin de fers et je découvre pour la première fois les trains bondés à l’indienne avec des grappes de gens penchées à travers les portes ouvertes des wagons. J’ai une subite pensée pour le principe de précaution à la française et les campagnes de prévention routière. D’autres lieux, d’autres priorités. Je poursuit le long de la passerelle, profitant de l’ombre qu’elle procure et ne tarde pas à apercevoir un petit garçon assit bizarrement au milieu du flot humain. En me rapprochant je constate rapidement qu’il lui manque son avant bras gauche et poursuit mon chemin, comme tous les indiens à côté de moi. Ca, c’est bien une partie de l’Inde telle que je l’imaginai. Quelques dizaines de mètre plus loin une femme en sari crasseux fait l’aumône avec sa petite fille en slip. Je me rends compte que ça ne me choque pas plus que ça. La misère a bien progressé en France, et cette scène là est loin d’y être exceptionnelle. Pas sûr que ce soit une bonne nouvelle ceci dit.

Après quelques minutes de marche où on surplombe un quartier commerçant de bric et de broc, la passerelle se termine et je redescend un ultime escalier pour rejoindre une grande avenue bordée de magasins un peu plus à l’occidental. Malgré tout, des petits détails font qu’on ne peut pas se croire en Europe: des devantures un peu décaties et crasseuses même pour des banques ou des magasins hi-tech. Seules les magasins de luxes (quelques uns) sont à peu prêt propres, même si j’ai aperçu plus tard deux poules folâtrant dans le petit jardinet d’une joaillerie de luxe, mais c’est une autre histoire. Ce n’était pas bien différent au Mexique ceci dit mais la moindre boutique sérieuse ferait réfléchir le client en France par son aspect. Encore une fois, d’autres lieux, d’autres priorités et je me doute que la violence de la mousson annuelle ne doit pas aider pour l’entretien.

Je poursuit un peu mon chemin « à la boussole » et après avoir longé un terrain vague débouche dans une rue un peu plus pauvre et manifestement spécialisée dans les garages. Un grand nombres de garagistes oeuvrent sur les tuc-tucs et taxis jaunes et noires qui foisonnent dans les rues. Toujours ces regards vers moi et je décide donc d’adopter le regard dur et résolu qui inspire le respect et la crainte histoire de ne pas me faire embêter. Mais surtout j’adopte une démarche droite, résolue et surtout sans hésitations quand à mon chemin histoire de clairement faire passer ce message : « je suis en mission les gars, je sais ce que je fait, faites moi pas chier ». J’ai vu ça dans les films de Jason Bourne. Matt Damon, c’est mon mentor.

Bref, je traverse ce petit quartier de garagistes au demeurant fort sympathiques et opère une rotation vers la gauche car entre temps la rue avait traîtreusement obliqué dans le mauvais sens. Je repart donc vers l’ouest (c’est le meilleur d’après Jim Morrisson) et un peu plus tard change à nouveau de quartier que j’imagine être Juhu, quartier en bord de mer, car j’avais un petit peu potassé mon Lonely Planet. Un peu plus vert que les quartiers précédemment traversé, avec plein d’arbres aux lianes pendantes que les amateurs de plantes et les boudhistes identifieront mieux que moi comme l’arbre où Boudha est resté en méditation pendant des années, les immeubles aussi semblent être résidentiels supérieur bien qu’encore une fois, un peu décatis. Devant on y trouve pas mal de pancartes de médecins, cliniques ou autres dentistes. Deuxième indice donc concernant le niveau social du quartier. Le troisième indice étant la présence de gardes devant l’entrée des parkings. Alors, je vous arrête tout de suite. Ceux qui imaginent des gardes façon GIGN ou gros vigile black à la Sécuritas se fourvoient. Ici quand je dis gardes, il faut plutôt comprendre gardiens et ce sont plutôt de frêles messieurs légèrement assoupis sur leur chaise (faut dire qu’il fait drôlement chaud ici, rhaa), les doigts de pieds à l’air au dessus de leurs sandales et dans un uniforme légèrement trop grand pour eux. Ca ne fait pas trop peur. Mais en tout cas on comprend que ne rentre pas qui veut et surtout pas les crapouilleux.

Finalement, après un peu de marche supplémentaire, entre deux immeubles, je découvre un passage légèrement ensablé, et au loin, la mer. Joie ! Donc avec empressement je me dirige vers elle et… Au fait, vous pouvez m’arrêter quand je dis des conneries, hein ? Avec empressement ???!! Mais n’importe quoi. Sous 36°C et 90% d’humidité ? Faut être malade et c’est surtout carrément pas crédible. Donc non, je me suis traîné mollement vers la mer car j’avais déjà le cerveau pas mal en ébullition malgré ma casquette estampillée anti-UV et mes deux litres d’eau embarqués. Mon pantalon me collait aux cuisses et ma chemise de lin était trempée dans le dos. La voilà la vérité crue et sans fard !

Bref, je me pose un peu sur la plage, quasi déserte, et profite du trèèèès relatif air frais porté par le vent marin en provenance de la mer d’Oman. Un vent à 30°C je dirai. Donc pas très frais finalement. Mais bon, ça fait quand même du bien et je découvre quelques jeunes couples qui ont l’air de profiter de ce lieu pour se bécoter en toute discrétion à l’ombre des palmiers des résidences haut de gamme posés le long de la plage. En m’approchant de l’eau (c’est inévitable quand on est à la plage d’y être attiré) je découvre avec une demie surprise une eau sale et encombrée de détritus. Un peu plus loin sur une avancée rocheuse encadrant une rivière j’aperçois des gens penchés et cherchant des choses. Avec peu d’imagination je me dis qu’ils fouillent les poubelles. De l’autre côté, vers la mer, quelques barques de pêcheurs et leurs propriétaires travaillent sur leurs filets.

Je me pose à l’ombre d’un palmier à distance respectueuse de mes voisins, le dos appuyé sur le mur de soutien du jardin d’une résidence de catégorie supérieure et commence à bouquiner le Lonely Planet en tâchant de redescendre ma température corporelle à 37.5°C. L’environnement plus clame et paisible de la plage est agréable et je traîne un peu avant de refaire le chemin inverse vers mon hôtel, à travers Mumbai que je viens de rencontrer.