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Hanoi, de face, de profil

A Hanoi, il y a des bâtiments et temples anciens à la très nette influence chinoise.

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Mais il y aussi des jeunes en petites tenues, avides de modernité, qui tournent des clips musicaux à la très nette influence américaine.DSC_5523_DxO

En fin de journée, le soleil illumine timidement les immeubles d’habitation à travers les arbres.
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Mais les oiseaux en cage, eux, n’en profitent que très rarement. Pourtant ils sont sensés porter chance sauf à eux-mêmes.

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On croise aussi des artisans qui travaillent accroupies quasiment sur le trottoir, le ferronnier dans la rue des ferronniers, le tailleur de bambou dans la rue des tailleurs de bambou et les garagistes dans la rue des garagistes.

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Au détour d’une rue, il y parfois de petits temples tout discrets.

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Mais aussi de grands marchés couverts nocturnes qui le sont nettement moins.

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Et puis si on en a marre de l’agitation, il suffit de s’éloigner du centre pour trouver des ruelles calmes et étroites, uniquement dérangées par le bruit des oiseaux et des cigales.

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La vie dans la rue

Ce que je trouve très sympathique à Hanoi c’est que tout ce passe dans la rue ou bien dans des échoppes au rideau métallique grand ouvert sur la voie. Si ce n’est pas le cas c’est que vous fréquentez des établissements classes ou climatisés, ce que je peux comprendre, chaud qu’il fait.

Tiens, justement, en parlant de chaleur, vous n’avez pas soif, là maintenant, à l’instant où je vous écrit ? Ça tombe bien. Quasiment tout les cent mètres, voir tout les dix mètres à certains endroits, on trouve des gens assis sur le trottoir, les fesses posées sur de minuscules tabourets bleus à quatre pieds en plastique moulé, un verre d’un liquide jaunâtre posé sur une table également minuscule de la même matière, bavassant avec leurs amis les jambes croisés, la claquette (tong, gougoune, schlappe ou slache, suivant l’endroit d’où vous venez) pendant mollement au bout de l’orteil. Portez votre regard sur le liquide sus mentionné. Vous découvrirez alors qu’il s’agit d’une bière légère et qui a le bon goût de ne coûter quasiment rien puisque de l’ordre de huit kilo-dongs. Si ces gens sont assis sur le trottoir c’est qu’il s’agit soit de citoyens souhaitant se détendre devant chez eux avec leur voisin et dans ce cas n’essayez pas de vous asseoir à côté en lançant un péremptoire « Bia hoï, siouplait msieurs dames ! » (oui car la bière se dit bia, ici au vietnam, et hoï veut dire fraîche. Merci wikipédia). L’autre possibilité est qu’il s’agit d’une dame (très souvent) proposant de sa propre bière en vente mais dans un cadre quasi identique. Dans ce cas, asseyez-vous. Il est parfois très difficile de distinguer les deux situations. Donc mon petit truc de baroudeur niveau 2 consiste à observer la quantité de petite table bleue. Au delà de une table, je considère que c’est un débit de boisson et ne me dérange pas pour écraser le tabouret de mes 80 kg (à peu près, quoi) en lançant un « bia hoï » assuré à la dame sous le chapeau conique à côté. Mon accent étant détestable, je double la mise en pointant du doigt le verre de mon voisin. Mais toujours avec le sourire.

Bon, maintenant qu’on s’est jeté de la cervoise dans l’estomac, vous n’avez pas faim ? C’est encore plus simple. Des grillades de porcs ou de bœufs provenant d’un vendeur ambulant vous sont proposés pour une paire de kilo-dongs, que vous pourrez déguster instantanément sur le petit tabouret bleu qu’on vous aura glissé d’un air désolé sous l’arrière-train, mais sur le trottoir. Alternativement, vous pouvez acheter un sandwich à un autre vendeur ambulant fait avec un petit pain ovoïde à l’allure de baguette. Merci la colonisation française. A vous de choisir vos ingrédients et votre sauce en les pointant du doigt. Il devrait être évident pour vous depuis tout ce temps qu’il est quasiment indispensable d’avoir au moins un index en bon état de marche pour pouvoir s’en sortir en Inde ou au Vietnam. Je n’ose imaginer comment je m’en serai sorti en étant manchot.

Si vous êtes un peu plus bourgeois et n’aimez pas avoir le ciel au dessus de votre tête, vous aurez éventuellement la possibilité de quitter le trottoir pour une salle donnant grand ouverte sur la rue (et parfois débordant sur le trottoir) en choisissant une échoppe de bun (boune) ou de pho (fa). La plupart du temps il n’est même pas utile de commander quoi que ce soit. Il suffit juste de vous installer à un petit tabouret bleu de libre à une des petites tables pour qu’on vous serve un bol dans les minutes qui viennent. N’oubliez pas de vous nettoyer les dents avec les cure dents fournis gracieusement.

Vous aurez remarqué, si vous êtes un tant soit peu attentif, la présence systématique de ces petits tabourets à quatre pattes bleus. Mais pourquoi tant de tabourets ? Je n’en sais strictement rien. Les chaises sont réservés pour les restaurants. Toujours est-il que ça a le don d’enlever toute forme de chi-chi et de rabattre tout le monde au même niveau. Ça DSC_5533_DxOdemande juste un peu de souplesse pour s’asseoir et se relever. Et comme je ne suis pas salaud, je vais même partager avec vous quelques trucs et astuces glanés de mon expérience personnelle concernant l’usage de ces tabourets. Tout d’abord, lorsque vous vous relevez, vérifiez bien qu’il n’y a pas de seau d’eau bêtement laissé juste derrière, surtout si vous avez des voisins. Avoir le pied mouillé c’est une chose, mais asperger la jolie vietnamienne à votre gauche, une autre, notamment lorsqu’elle est accompagné d’un gars. Ensuite, préférez nettement le short, la jupe ou éventuellement un pantalon très large. Une fois assis vous aurez les jambes passablement écartées et votre vêtement subira une très forte tension à l’entrejambe. Surtout sous l’effet de la transpiration qui aura tendance à transformer vos cuisses en champs de glu. Un déchirement est si vite arrivé. Finalement, soyez conscient de votre poids. Inutile de faire la coquette (ou le coquet), la pesanteur et l’épaisseur de plastique bleu se chargeront de rappeler au monde entier votre véritable masse. Ces tabourets sont conçus pour un physique asiatique moyen, pas pour un américain élevé aux hormones ou un savoyard nourri au fromage fondu et à la patate.

Vous venez donc de déchirer de nouveau votre pantalon et il vous faut dans la minute un vêtement de rechange. Autre possibilité, vous avez terriblement chaud et vous n’en pouvez plus de faire une lessive tout les deux jours. Dans tout les cas, à quelques encablures vous trouverez des vendeurs de vêtements débordant sur le trottoir, la vendeuse souvent assise sur un petit tabouret en plastique bleu, muni de quatre pattes (je parle du tabouret, bien entendu). Inutile de faire le difficile car il s’agit vraisemblablement d’articles fait à la chaîne dans des sweat shops du pays. Soyez déjà heureux qu’elle ait votre taille, occidental pourri gâté.

Vous êtes maintenant de nouveau présentable (et surtout prêt pour une nouvelle flexion des jambes) mais cette chaleur continue de vous accabler méchamment. Il y a fort à parier qu’au détour d’une de vos pérégrinations en ville vous apercevrez deux ou trois coiffeurs de rues, installés sur le trottoir, un miroir piqué accroché à la grille d’un bâtiment officiel. Un petit ratiboisement capillaire pourrait bien être une solution à vos problèmes de chaleur. Vous vous asseyez donc, de nouveau, cette fois-ci sur une chaise. Et ben oui, pas con le coiffeur. Ce n’est pas lui qui va se casser en deux pour atteindre votre cuir chevelu, tout de même ? Sans même vous tendre un catalogue de coiffures exotiques, il attaque son travail d’éclaircissement au rasoir électrique, la main légèrement tremblante. Il enchaîne ensuite aux ciseaux, toujours tremblant puis finalement sort un coupe choux qu’il aiguise comme une brute sur une lanière de cuir. Vous avez un petit mouvement de glotte d’appréhension. Fort heureusement, il ne s’agit que d’affiner son travail d’orfèvre autour des oreilles, mais toujours la main tremblante. Voilà, vous êtes tout frais coupé et sortez d’urgence une main de sous le tablier qu’on vous aura préalablement noué autour du coup pour signifier catégoriquement votre refus d’attaquer votre moustache. Si vous en avez une, bien entendu. N’oubliez pas de tendre un billet de vingt kilo-dongs au gentil artisan en le régalant de votre plus beau sourire.

Avec tout cette activité, on se demande bien à quoi ça sert de s’embêter à construire des trottoirs vu que personne ne peut les emprunter.

Dàn Klongput

C’est complètement fou ce qu’on peut apprendre comme trucs quand on voyage et qu’on est un brin curieux. En plus avec internet à disposition, on peut colmater les brèches et donner l’illusion d’une érudition encyclopédique. Lors de la visite au Temple de la Littérature à Hanoi, j’ai pu assister à un mini concert de musique traditionnelle vietnamienne. On n’était pas nombreux mais j’ai fait quelques découvertes étonnantes du côté des instruments.

En premier lieu, le célèbre dàn bau, cette sorte d’instrument mono corde aperçu lors du spectacle de marionnette aquatique. Je viens de lire un article dessus sur Wikipédia et je comprends mieux maintenant ma désagréable sensation de play-back. Cela viens de la façon dont l’instrument est joué. Ce serait trop long à expliquer mais disons que contrairement à ce que je pensais une note n’est pas « grattée » comme une guitare mais l’instrumentiste frotte régulièrement la corde pour qu’elle se mette à vibrer puis module la note avec le manche vertical. Comme la corde est extrêmement fine et tendue, et qu’en plus le mouvement de main sur la corde n’est pas en rythme avec les notes (forcément, ce n’est pas nécessaire) on a cette désagréable sensation lorsqu’on n’est pas initié, que le musicien nous pipeaute un peu.

Mais la grande découverte fut un instrument totalement novateur pour moi qui m’a littéralement scotché, moi et un autre américain, percussionniste de son état. A la fin du concert on s’est tout les deux dirigés vers l’instrument pour l’observer de plus prêt. J’ai même demandé son nom à une musicienne qui m’a répondu « colapou ». C’était totalement nul comme réponse car d’après internet le nom est plutôt « dàn kongput ». Rien à voir. Ou alors la prononciation du vietnamien écrit est vraiment particulièrement traître (ce qui est fort probable vu que c’est une langue tonale comme le chinois). Bref, laissez moi vous décrire l’instrument. Imaginez une flûte de pan géante (genre 1m50 de long), en bambou, placée horizontalement sur un support à hauteur de hanche. N’importe quel musicien non vietnamien tenterait de souffler dedans mais à moins d’avoir la bouche de Mick Jagger, l’échec sera cuisant ou résultera en un désespérant « pffffffffffffrrrrrrrrrrr ». Les joueurs de digeridoo auront sans doute l’idée de cracher dedans, les dégueulasses, mais je doute que l’effet soit concluant. Le secret pour animer cette instrument et de claquer des mains devant l’embouchure d’un des tubes, suivant la note que l’on souhaite jouer. Ce claquement de main complètement funky provoque une brusque injection d’air dans le tube et entraîne la vibration de la colonne d’air prisonnière du tube. C’est cette vibration que nous percevons alors comme un superbe contre ut : « clapffiouuuu ». Avouez que c’est complètement génial : le premier instrument hybride à vent – percussion.

Forcément, l’américain, l’esprit bricoleur, émit l’idée d’en fabriquer un chez lui avec des tubes de PVC. Moi j’étais déjà en train d’imaginer comment exciter l’engin autrement qu’avec un vulgaire claquement de main, dans l’ordre : un pétard, une caisse claire, une explosion de ballon de baudruche (pas très pratique pour des morceaux un peu long) ou des moyens corporels plus ou moins avouables. On est ainsi fait.

Les marionnettes sur l’eau

Il y a quelques mois je suis aller voir un documentaire au cinéma au sujet des vietnamiens envoyés en France pendant la seconde guerre mondiale pour remplacer la main d’œuvre française qui pendant ce temps là attendait les allemands sur la ligne Maginot. Très rapidement ils furent utilisé comme main d’œuvre bon marché par le régime de Vichy. La bonne blague bien douteuse, c’est qu’ils sont restés jusque dans les années 60 / 70 avant que la bureaucratie française se rappelle que ces gens existaient, pour être ensuite emmerdés par le régime Vietnamien qui les prenait pour des traîtres. Mais tel n’est pas le sujet de ce billet et je digresse une nouvelle fois. Il se trouve que dans cet excellent documentaire, la narration est parfois entre coupée de séquences de marionnettes racontant le supplice de ces gars dont la grande poésie est rehaussée par le fait que ces marionnettes se meuvent sur l’eau, actionnée en sous marin (ou presque) par des marionnettistes hydrophiles. Art ancestrale au Vietnam, d’après ce que j’ai lu, les séquences du documentaire étaient en plus magnifiquement filmées au ras de l’eau.

Je suis ressorti de ce film en ayant oublié dans la demi-heure les trois quarts des données géopolitiques et sociologiques mais en conservant une image très précise de ces séquences de marionnettes. A la première occasion, j’en parle donc de manière enthousiaste à mon référent vietnamien, m’sieur K.N. Tran de Saint Cloud, Hauts de Seine, qui, tout parisien qu’il est, me lâche un : « meuh c’est un truc pour touristes tes marionnettes sur l’eau ». Pfff, ce garçon n’a décidément pas conservé une âme d’enfant, là quelque part entre son aorte et son poumon gauche. Surtout qu’il y a une très jolie explication à la naissance de cette forme de théâtre puisqu’elle est apparue dans les villages pendant la saison des pluies où la plupart des endroits du village étaient inondés. Il n’y avait du coup plus d’autres possibilités pour se divertir avec les marionnettes que de tirer partie de cette abondance d’eau. Et là vous me dites : et pourquoi qu’y zont pas fait du water polo, plutôt ?

Je vous ignore.

Loin de me laisser déstabiliser par la remarque toute parisienne de mon référent, lors de mon deuxième après midi à Hanoi, je vais donc m’acheter un billet pour la représentation de 20h au théâtre Thang Long, juste en face du lac Hoan Kiem où une tortue magique sorti une épée dans l’eau, à moins que ce soit l’épée qui était magique. Je vous balance les anecdotes légendaires en vrac. Vous serez bien capable de les ranger. Un peu avant l’heure dite, j’arrive au théâtre en grande tenue de soirée : polo blanc de Mission Street, Pondichéry, pantalon « baroudeur » non repassé et chaussures de marche « poussière d’Inde » . C’est que ce soir on va au théâââtre. S’agit pas de venir habillé comme un plouc. Enfin, ceci dit, au vu des trois cars de touristes en short, T-Shirt, claquettes qui faisaient la queue, j’étais bien le seul à avoir des prétentions vestimentaires. Ça, c’est bien les touristes. On leur fout de l’art ancestrale dans le groin et ils te bouffent ça comme s’ils étaient au KFC.

A l’heure dite, nous entrons dans la salle où chacun est fermement enjoint à rejoindre sa place numérotée dans un petit théâtre en pente devant un petit plan d’eau en contrebas. A gauche du plan d’eau, en hauteur, des sièges, sans doute réservé aux musiciens. Car c’est également un spectacle musical et ça je ne le savions point. Réjouis toi, ô amateur d’art ancestral car tu pourras z’également festoyer de musique à la tradition millénaire.
Après quelques minutes d’attentes histoire de remplir la salle aux trois quarts, la lumière baisse soudainement, sans prévenir, sans même trois coups de cannes. Une poursuite s’allume sur l’espace des musiciens et cinq dames habillées en tenues traditionnelles (deux instrumentistes et trois choristes) s’assoient devant des instruments du même acabit. Je perçoit derrière elles, dans l’obscurité, le reste de la troupe de musiciens mais qui sont fâcheusement cachés à la vue de la grande majorité des spectateurs. Une des musiciennes se lève et nous présente en vietnamien le spectacle et la première fresque. Puis, une voix off en anglais fait de même.

Silence.

Musique et chant : «  Dziing goiiiin euh, maaaa teuuuh ééééé, kaaam iiii ngggheuuu, vaaa heuuu léé.»

Enfin un truc comme ça car je ne suis malheureusement pas encore fluent en vietnamien, mais en tout cas ça rimait rudement bien. A dire vrai, j’étais surtout concentré sur les deux instrumentistes de sexe féminin car passablement intrigué par une vague sensation global de décalage du son à l’image, sensation renforcé par la sonorisation électrique des instruments. Moi quand on joue de la musique, j’aime bien regarder ce que fait l’instrumentiste pour juger de sa maestria. Ça me permet de crier « olé » à point nommé. Là, je ne voudrais pas trop critiquer, mais une des instrumentistes joue d’un très joli instrument muni d’une unique corde avec un sorte de baguette à vibrato à un bout (grâce à Wikipedia, je peux vous annoncer que ça s’appelle un dan bau). Je ne remet pas en cause la qualité musicale de l’instrument mais son faible impact scénique car apercevoir une unique corde à vingt mètres dans un environnement faiblement éclairé comme un théâtre, il faut être bionique. On a alors une sensation très particulière d’assister à un spectacle de « air guitar ». Et surtout, j’ai drôlement l’impression qu’elle n’est pas du tout en rythme l’instrumentiste. Et même, si je puis me permettre d’être encore plus critique, je trouve l’arrangement diffusé dans les hauts parleurs diablement complexe pour deux instrumentistes en avant plan et trois autres en arrière plan dans l’obscurité, dont un ou deux qui se grattent le nez quand ils croient qu’on ne les voit pas. Donc bon, je ne jurerai de rien, mais la sensation étrange d’assister à un play-back persistera tout le spectacle.

Mais foin de la musique. Nous sommes venus ici pour s’éclabousser la rétine d’un sublime spectacle ancestrale de marionnettes sur l’eau. Sous de très jolis effets de lumière, de petites marionnettes de quarante centimètres de haut représentant des pêcheurs émergent du liquide et entament leur chorégraphie. Enfin, plus exactement, c’est ce que j’entraperçois entre la forêt de bras qui se s’est levé devant moi alors que deux cars de touristes décident au même moment que c’est une joyeuse bonne idée de mitrailler la scène au flash de leur appareil photos pourris, ruinant par la même occasion les subtiles effets d’éclairage. On ne peut pas leur en vouloir vu que le théâtre autorise, moyennant 20 kilo-dongs, l’usage des appareils photos et caméras et qu’en vacances les gens laissent leur dignité en garde chez leur voisin, avec le chat. Je me retrouve donc rapidement dans une ambiance de spectacle de fin d’année de maternelle où chaque parent tente de filmer son rejeton en levant bien haut son portable merdique, pourrissant par un effet concomitant le spectacle pour les autres de derrière. Il faudra un jour que quelqu’un décide d’envoyer tout ces touristes en camp de redressement pour leur expliquer que premièrement le flash, à vingt mètres, ça ne sert STRICTEMENT à rien hormis provoquer des crises d’épilepsie et que deuxièmement dans un théâtre il fait à peu près aussi sombre que dans ma narine gauche un soir de grippe (pour rester poli parce que sinon j’ai d’autres images mais ce rapportant plus à la partie terminale de mon tube digestif) ce qui augure très mal de la qualité de la photo malgré les 100 milliards de pixels de son iSamsung GTX Turbo.

Fort heureusement, au bout d’un certain temps, les crampes aidant, la forêt de bras retombe et je peux enfin me concentrer pleinement sur le travail de chorégraphie et la virtuosité des marionnettistes. J’en vient presque à regretter les bras levé car il faut bien avouer que la virtuosité n’est pas particulièrement au rendez vous. Marionnettes qui manquent de se rentrer dedans, alignement et synchronisation plus qu’approximatif, je suis loin d’être impressionné. Disons que c’est aussi attendrissant que de voir des enfants de trois ans d’âge essayer de réaliser une chorégraphie sans se percuter et si possible, ensemble. Seul un très joli tableau avec des marionnettes de jeune fille aux parasols roses m’arrache un petit « aaah, que c’est mignon ». Au passage, la forêt de bras repousse instantanément. Je ne suis pas le seul à trouver ça mignon.

Je surprend les musiciens et les choristes à se sourire entre eux. Au moins, ils s’amusent et cela fait plaisir à voir. On entend parfois même les marionnettistes s’interpeller derrière le rideau et je me retiens de chuchoter très fort « On vous entend les gars !!! ». Ils doivent être sourd à force d’être dans l’eau. Bref, au bout du quatrième tableau je commence sérieusement à me dire que le temps est long. J’ai donc tout loisir pour repenser à la sarcastique remarque de monsieur Tran, de Saint Cloud. Il m’énerve quand il a raison.

J’en étais là de mes réflexions (autant vous dire que j’avais pas mal décroché du spectacle) quand, entre deux tableaux, je vois deux spectateurs se lever et quitter la salle. Tout de suite, je jette un œil aux choristes, en première ligne, car je sais qu’il est toujours cruel de faire ça à un artiste. Manifestement, ça ne les atteint pas plus que ça et le spectacle enchaîne sur une nouvelle séquence toujours aussi touchante d’approximations. Je me reconcentre dessus pour montrer que je me désolidarise totalement de ces goujats qui ne respectent pas le travail d’artistes renommés (oui, car plusieurs des marionnettistes ont le titre de « maître marionnettiste ». Ça en impose) lorsqu’au milieu du tableau, trois touristes chinois se lèvent et quittent la salle sans effort particulier de discrétion. Là, c’est vraiment insultant et je note qu’une des choristes est un peu meurtrie. Quelle bande de connards ! Bon certes, le spectacle est pas génial mais pour 100 kilo-dongs, ce n’est pas non plus la ruine. Et en plus c’est loin d’être « Le Soulier de Satin » car au bout de quarante cinq minutes on en était déjà au tableau final avec présentation des marionnettistes dans un joyeux refrain digne de Broadway et sous les applaudissements mécaniques et tièdes des spectateurs.

Au moins, les artistes avaient l’air d’être satisfaits d’eux même et se lançaient des sourires voir des rires. Quand je vous disais que les vietnamiens sont tout le temps souriant. Bon ceci dit, les gars, s’agirait pas non plus de se fendre la poire en permanence, hein ? Il y a des moments pour tout. Des fois il faut être sérieux quand on est devant cent personnes venu des quatre coins du monde pour assister à un spectacle ancestrale.

En ressortant, déçu, je me suis souvenu qu’ils en étaient à leur quatrième représentation de la journée. La prochaine fois, s’il y a, j’essaierai d’aller les voir à la première représentation matinale en espérant qu’ils seront bien reposés pour voir s’il y a du progrès. Mais je veux surtout croire qu’il ne s’agit pas d’une troupe et d’un spectacle d’élite mais un aimable spectacle à la chaîne pour touristes. Sinon, il faudra sérieusement remettre en question l’intérêt de l’eau dans tout ça. Ou alors surenchérir et proposer un spectacle de marionnettes sur boue.

Se sustenter

J’ai une grande nouvelle à vous annoncer. Après un mois d’entraînement à la dure, je suis parvenu à descendre ma consommation d’eau à deux litres par jour. Une réduction drastique d’un tiers, on ne pourra pas dire après ça que je ne fait pas d’effort pour la planète. Inutile de vous mentir, il y a une deuxième explication à ça. Je mange relativement liquide le midi et le soir.

Au Vietnam, comme je suppose dans beaucoup d’autres endroits en Asie, on se nourrit assez souvent de soupes et surtout de grands plats de nouilles de riz arrosés d’un bouillon. Il y en a deux sortes : le phở (incorrectement prononcé « fa » par moi même) et le bún (prononcé aussi salement par votre serviteur « boune »). Ne me demandez pas de vous expliquer la différence entre les deux car après plus de deux semaines, je ne parviens pas à les discerner. Je sens que ça va hurler dans les chaumières franco-vietnamiennes. Mon référent vietnamien, monsieur K.N. Tran (inutile que je donne son nom complet. Je ne suis pas là pour faire de la pub à un fumeur de cigare), à cette question me répondit avec son doux accent de Saint Cloud, Hauts de Seine, « ben t’as qu’à essayer les deux de suite et tu verras la différence ! ». A cette remarque mi-sarcastique, on devine qu’il est beaucoup plus parisien que vietnamien. Je fit donc une étude comparative en allant deux soirs de suite au même endroit en demandant un bun bô (c’est à dire un bun au bœuf) le premier soir et un pho (fa) bô le deuxième. Résultat : match nul. Ou alors si vraiment on cherche la petite bête, le bun a des pâtes rondes et le pho (fa) des pâtes plates mais quelque chose me dit que c’était une pure circonstance d’approvisionnement.

La bonne nouvelle c’est que bun ou pho (fa) sont également délicieux à mes papilles usées par un mois d’épices. J’ai une petite préférence émue pour le bun bô car ce fut le premier plat vietnamien pris à Hanoi le soir de mon arrivée et il était particulièrement bon. Et pas trop cher. Pensez que pour 30-50 kilo-dongs suivant l’endroit, vous avez un grand (très grand) bol de pâtes arrosé d’un bouillon (mais ça, vous le sauriez si vous lisiez attentivement), avec des éclats de cacahuètes suivant l’endroit et surtout aromatisé aux herbes. Là plupart du temps, on vous met également à disposition des quartiers de petits citrons verts, des pousses de soja et une assiette d’herbes et de plantes pour aromatiser encore plus à votre convenance. Les plus sadiques fournissent également des petits piments rouges à l’aspect terriblement menaçant dont j’évite de croiser le regard.

Pour moi, le secret et la jouissance d’un bon bun bô (très belle allitération en « b ») ou d’un pho (fa) réside dans ces fameuses herbes qui parfument subtilement le plat. Ça change du tapis de bombes des épices indiens. A ce propos, il est fort probable que je m’appuie sur des images de guerre et de bombardement tout au long de ces billets sur le Vietnam. Je vous jure que c’est inconscient. C’est vous qui avez l’esprit mal tourné. Manger un pho (fa) ou un bun (boune) c’est redécouvrir le plaisir du goût, de discerner de nouveau chaque petit composant d’un plat et de savourer l’alliance du liquide, du croquant et du mou. On est vraiment dans une tout autre école esthétique et culinaire plus proche de mon penchant naturel pour le zen où le moins et le mieux. Laissons parler les ingrédients en harmonie au lieu de les mélanger brutalement dans une boue piquante. Je dis ça, mais j’aime toujours le curry de banane que fait ma sœur.

Mais qu’ont-elles ces herbes pour provoquer en moi tout cet émoi ? Point d’interrogation. C’est une symphonie douce et subtile d’anisé, de citronné, de ciboulette ou d’oignons, voilà ce qui provoque la chose. C’est toute cette fraîcheur végétale qui vient transformer ce qui n’est après tout, si on veut être méchant, qu’un bête plat de noodles instantanées. Hors je ne souhaite pas l’être, méchant. Les vendeuses de pho (fa) et de bun (boune), bien que rarement souriantes, connaissent leur boulot et c’est toujours un plaisir de les voir saisir les morceaux de bœuf ou de porc dans un wok, de les jeter dans le bol pour ensuite les ébouillanter d’un bouillon, de les étouffer d’un entrelacs de pâtes brûlantes (je vous averti qu’il vaut mieux éviter de laisser choir une pâte sur la jambe alors que le plat vient juste de vous être servi. C’est d’une douleur atroce, collante et persistante), pour finalement y jeter une poignée d’herbes préalablement hachées.

A ce propos, lorsqu’on vous dit « pho au poulet » ou « pho au porc », il faut prendre cela au pied de la lettre. Si vous êtes particulièrement malchanceux ce jour là (mauvais karma à force de critiquer la cuisine indienne), il est possible que vous vous retrouviez avec un pho (fa) ou un bun (boune) contenant que des os, peau ou gras de porc. Ne soyez pas de mauvaise foi, personne ne vous a dit que c’était un pho (fa) à la VIANDE de porc. Satané touriste, va. Fort heureusement les probabilités sont faibles pour que la totalité du porc ou du poulet soit des abats. Ou alors vous avez été particulièrement désagréable avec la vendeuse.

Les cuistres de Hué et de la région centrale du Vietnam, eux, dans un excès baroque y ajoutent un soupçon d’épice piquant. Si c’est pas foutre en l’air un plat, ça ? Est-ce qu’on rajoute de la dorure à une calligraphie japonaise ? Foutez moi le camp avec ça. Il faut dire qu’ils font pousser des petits piments rouges (ceux à l’aspect belliqueux) à côté des rizières et plants de cacahuètes. Ce serait con de les jeter.

Lorsque vous avez la chance d’être dans un groupe avec un vietnamien (par exemple, un guide) qui peut dialoguer efficacement avec un restaurateur (à supposer que ce soit un vrai restaurant et non pas des petites échoppes comme précédemment pour le pho et le bun), vous aurez sans doute l’occasion de goûter à un vrai repas familial constitué d’une multitudes de mets disposés au centre. Muni de votre petit bol attitré et de vos baguettes (je constate d’ailleurs que la très grande majorité des touristes occidentaux maîtrisent les baguettes, ce qui doit être profondément désolant pour les asiatiques qui devaient bien se marrer il y a trente ans), vous faites le plein de riz dans le plat adéquate puis allez picorer à droite et à gauche. C’est très convivial sauf quand il ne reste qu’une seule de ces délicieuses boulettes de patate douce. Dans ce cas, tels les cerfs en période de rut, vous êtes bon pour un combat de baguette. Invariablement dans ces repas on vous sert du « water spinachs », épinard d’eau une fois traduit en français. Je ne sais pas si ce sont véritablement des épinards mais en tout cas, doucement relevé à l’ail, c’est très agréable et frais. C’est lors de ce type de repas que l’on sent nettement l’influence chinoise sur la cuisine vietnamienne.

Pour finir sur cette note culinaire (qui doit être un de mes sujets favoris avec le transport. Comme quoi voyager se résume à se déplacer, bouffer et dormir), parlons d’un sujet qui fâche. Au détour d’une ballade à pied dans Hanoi, je suis interpellé par une série d’étals de bouchers servant toutes de curieuses carcasses rôties. Ce pourrait être des petits cochons de lait si ce n’était leur dentition munie de proéminentes canines ainsi qu’un museau beaucoup plus allongé. Je ne suis pas vétérinaire, mais je crois reconnaître un corps de chien qu’en j’en vois un. Quelques jours plus tard, alors que je séjournais dans un endroit un peu plus reculé du centre du pays, je constate nombres de chiens dans les campagnes mais tous d’une taille moyenne et d’un âge relativement jeune. Un peu curieux, et sentant une relation de causalité entre la jeunesse des chiens et une possible consommation de leur chair, je pose donc la question à une guide. Loin d’infirmer la chose elle me raconta que la ferme où je résidait avait effectivement vu trois de leurs sept chiots disparaître avant d’ajouter : « ici, quand les gens ont faim, ils mangent de tout ».

Voilà. Amis des chiens, vous savez à quoi vous en tenir maintenant. En ce qui me concerne, un doute permanent m’étreint. Lors d’un repas organisé par un guide nous avons mangé une chair délicieuse. Celle-ci à notre question sur sa nature nous répondit « dog » suivit quelques secondes plus tard par « no, its joke ». Hahaha. Je crois que j’en ai repris.