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Un tour organisé, troisième partie : soirée à Quan Lan

Résumé des épisodes précédent : L’empire britannique prend le contrôle d’une partie du Moyen Orient pour assurer son approvisionnement en pétrole. Mais après une coûteuse guerre avec son voisin Allemand, rend ces pays à leur indépendance. L’un de ceux-ci, la Syrie, sous l’emprise d’Hafez El Asaad, compte bien assurer sa part d’influence, notamment sur le petit Liban, mais une révolte interne met à bas ces espoirs désormais porté par son fils dentiste. Pendant ce temps, quelque part au nord-est du Vietnam, un groupe de touristes à la forte proportion hexagonale s’approche de l’île de Quan Lan.

C’est sous un soleil couchant et un silence contemplatif que notre bateau aborde l’île au relief modeste, bordée d’une basse mangrove. Nous accostons, puis rapidement, sous la houlette de notre maman guide, empoignons nos sacs à dos pour rejoindre deux tuc-tucs qui nous attendent. Tant bien que mal chacun se serre dans un des deux véhicules, moi avec Pi Loo, un des marins et les deux marseillais. S’en suit alors un rodéo dans un tuc-tuc pétaradant et à l’amortissement minimaliste que vient stimuler un revêtement routier crevassé. Rapidement nous entrons dans un village bordé de hautes maisons couleurs pastel, étroites et profondes, à la mode vietnamienne. Fort heureusement, le trajet s’avère court et nous nous arrêtons devant une petite ruelle. « Okay, we stop here. Take your bags », nous confirme Pi Loo. Obéissant comme des soldats de deuxième classe, nous obtempérons et suivons notre guide dans la ruelle jusqu’à une grande maison d’un étage avec une petite cour. Un vieux monsieur, une vieille dame, une femme et deux jeunes hommes nous saluent et chacun répond en fonction de ses connaissances linguistiques. Moi j’arrose tout le monde de mes « sin cheu » dégueulasses, avec du sourire dedans pour que ça soit plus doux.

Pi Loo nous trie rapidement par chambre et, chouette, me retrouve seul dans une grande chambre au rez de chaussé avec deux lits équipés d’une moustiquaire. Il y a bien un ventilateur mais pas d’air conditionné. Mais pour qui me prends-je, enfin ! On a dit nuit chez l’habitant, à la dure, au plus près du réel. Bienvenue en terre inconnue, c’est pour maintenant. Comme il y a une salle de bain dans le couloir, je m’immerge dans le réel local et prend une douche, avec de l’eau, comme un véritable vietnamien de ces contrées reculées. En réalité, nous étions pas si reculés que cela car comme Pi Loo nous l’expliquera plus tard, l’île de Quan Lan fut plusieurs fois revendiqués par la Chine et le Vietnam. Elle ne se trouve qu’à 80km à vol d’oiseau du territoire du grand voisin et de nos jours est encore un site touristique visité par quelques chinois. Il y a donc une poignée de bars – karaoké dans la rue principale et quelques hôtels. Je dois bien vous avouer que je rêvais secrètement partager une natte en osier sur le sol en bambou d’une maison traditionnelle vietnamienne montée sur pilotis. On se contentera d’un lit douillet sur un sol carrelé monté sur une chape en béton.

Après ce brin de toilette, je retrouve mes collègues touristes dans la cour devant la maison. Il faut que je vous précise que la pièce principale de la maison étant très grande ouverte sur la cour, la distinction entre dedans et dehors est assez flou. Pi Loo est déjà occupé à aider la maîtresse de maison à préparer le repas. C’est une véritable mère pour nous, je vous le répète. Un des jeunes hommes de la maisonnée est en train de tapoter sur son ordinateur. Je m’approche donc pour observer d’un peu plus près cet objet traditionnel en faisant mine d’humer l’air chaud du soir. Le jeune homme lève la tête et, avec un sourire, me demande dans un très bon anglais de quel pays je viens. « France », réponds-je, et ce ne sera pas la dernière fois de mon séjour Vietnamien. Surprise, il me réponds dans un français un peu plus hésitant, « Dans quel ville ? ». Je suis bien obligé de lui avouer, et ça me coûte, que je suis Toulousain (même si je lui simplifie la compréhension en enlevant le « g » à la fin).

Nous engageons donc une longue conversation, tellement longue que je fini par m’asseoir à côté de lui sur une des chaises en plastique. Figurez-vous que ce jeune homme, et c’est là que je me dis que nous sommes vraiment peu de choses holistiquement parlant, venait de postuler pour une bourse auprès de l’ambassade de France afin d’effectuer une année d’étude en marketing à l’Université de Toulouse II. Oui, je sais, du marketing. Moi aussi ça m’a choqué. Il passe donc ses vacances tranquillement à attendre l’accord.

Alors que nous bavardons, un petit groupe s’est formé autour de Pi Loo du côté de la cuisine (qui n’est en réalité qu’une petite pièce nue donnant sur la cour avec un réchaud à gaz posé au sol). Je me rends compte tardivement que je viens de passer complètement à côté du cours de cuisine mais suis vite remis dans le bain lorsqu’on nous demande, moi et mon interlocuteur, de laisser nos places à la table pour l’atelier « roulage de nems ». Chacun notre tour, nous nous attaquons à cette tâche et je peux maintenant vous affirmer que je suis passé pro dans le domaine même si je ne sais toujours pas ce qu’il y avait dedans.

Les nems fini, il ne reste plus qu’à les faire cuire, ce que prend en charge la maîtresse de maison pendant que nous aidons maman Pi Loo à mettre les couverts. Le repas se passe tranquillement pendant lequel je fais un peu plus connaissance avec Kelly (que je subodore par rapport à ce qu’elle dit et ce qu’elle ne dit pas qu’elle est dans ce tour de l’Asie du sud-est à cause d’une rupture avec son copain à Bali) et le couple de Marseille (que je subodore être en vacances d’après ce qu’ils me disent assez explicitement) puis nous rangeons collégialement la vaisselle sale dans un bac en plastique. Ensuite, c’est quartier libre. Ah ! Une dernière information de la part de Pi Loo : le village étant un peu reculé, par économie d’énergie, il y a une coupure générale du courant à 22h30. Gé-nial ! Je n’ai jamais vu un village plongé dans le noir. Je récupère donc ma lampe frontale et part en ballade en suivant la rue principale.

L’ambiance est assez endormie et hormis quelques bars-karaoké vides et une sorte de bar du village en plein air qu’occupe une bande de jeunes (en scooter, forcément, on est au Vietnam), il n’y a pas beaucoup d’animation. Je déambule donc en m’éloignant de plus en plus de la maison dans des zones à l’éclairage public déjà de plus en plus rare. Je croise quelques formes pétaradantes puis d’autres couinantes, quelques enfants qui me lancent des « hellos ! » auquel je réponds car je suis poli, puis aperçoit la silhouette d’une pagode à droite. Devant, une forme humaine s’approche puis s’arrête à ma proximité. Tiens ? Je sort ma lampe frontale et je reconnais Kelly. Je ne suis donc pas le seul à vouloir expérimenter le noir total. On discute donc un peu et on reste là dans la nuit et le bruit des insectes, devant une pagode, à parler de l’Inde, deux occidentaux en ballade loin de chez eux.

Finalement, la jeune américaine décide de rentrer à la maison alors que j’insiste pour être pris au piège de la coupure générale, dans encore un peu plus d’une heure. Je me retrouve donc de nouveau seul en poussant encore plus loin. Les habitations deviennent de plus en plus espacées donc je décide de faire demi-tour pour retrouver un peu de civilisation, sinon la coupure n’aura aucun intérêt. Je repasse donc devant les jeunes, les bars-karaoké, où sont attablés quelques touristes, et assez rapidement retombe dans la brousse. Le village n’est pas non plus hyper grand mais est-ce une surprise. Je l’ai fait dans la longueur, je décide de tenter la largeur en prenant une rue à droite. Je passe devant des petites maisons où des habitants tentent de trouver le sommeil dans leur hamac, l’école, quelques hôtels bourrés de chinois qui parlent fort puis, de nouveau, la cambrousse.

Je refait demi-tour mais suis cette fois-ci interpellés par trois vietnamiens torses nus (et je les comprend) en train d’écluser des bières. L’ébriété déjà bien avancé, ils me parlent en vietnamien en me faisant de grands signes. Je m’approche d’eux en souriant, maîtrisant maintenant quasiment parfaitement la communication gestuelle. Késecé ? Il y a un problème ? Ils me font des signes que je ne comprends pas puis finalement un des trois pointe ma montre en me faisant un signe que j’identifie à « la mort » ou « la fin », qui sont synonymes dans mon langage des signes. Aaaaaah, vous voulez parler de l’extinction général des feux, c’est ça ?, réponds-je en désignant 22h30 sur ma montre. Ils acquiescent bruyamment. Mais qu’est-ce qu’ils sont sympas. Ils s’inquiètent pour moi. C’est y pas meugnon ? Ou alors il me prennent pour une nouille.

Je leur montre ma lampe frontale pour leur signifier que je suis prêt pour la fin du monde et du coup, fasciné par cette haute technologie (c’est quand une lampe LED), un des trois se la met autour de la tête suivant mes indications. Je l’allume même pour qu’il ne me la pète pas de frustration, c’est pour vous dire. Bon ceci dit, je commence à trouver le temps long jusqu’à la fin du monde. Il reste encore une petite heure. Si c’est comme ça l’apocalypse, on va tous crever d’ennui avant que ça arrive. Je repart donc vers la partie « animée » du village en faisant au revoir à mes trois poivrots (et en ayant récupéré ma frontale, bien sur) et me pose sur une table du café du village, à quelques mètres des jeunes. Il y en a bien un à ce rythme là qui va me lancer un « hello » et me donner un prétexte pour m’incruster et bénéficier d’encore plus de proximité avec l’habitant. Et bien même pas. Je suis resté à siroter ma Bia Hanoi pendant que les jeunes sirotaient la leur à côté en discutant paresseusement entre eux. C’est peut être des chinois. Je fini ma bière tout seul, dans ce village endormi, uniquement dérangé par le bruit des insectes et des télévisions. Les jeunes ont fini de partir par deux en scooter.

Ma bière fini, et avec encore une grosse demi-heure avant l’extinction du courant, je me rends et rentre à la maison. Finalement, il ne se passe pas grand chose dans ce village. Je retrouve mon chemin et tente d’ouvrir la grille de la cour. Fermé. A ben super les pantouflards. Il y a néanmoins de la lumière dans le séjour grand ouvert et un bruit de télévision. J’enjambe donc le muret et saute dans la cour. Oui, je fais le mur à l’envers, c’est ridicule, surtout en tong / claquette / schlappe / slache / gougoune. Nonchalamment, je rentre dans la maison et trouve Kelly sur le canapé en train de lire un livre pendant que la grand mère de la maisonnée est assise en tailleur sur un tapis derrière, concentrée sur une émission de télévision. Tout les autres se sont couchés.
« Vous n’attendez pas la coupure de courant, finalement ? », me demande Kelly. Je suis bien obligé de lui avouer que j’en avait marre d’attendre tout seul dans le village. Je m’approche donc discrètement de l’espace télévision pour voir ce qui peut bien captiver la grand mère.  Manifestement il s’agit d’un soap vietnamien. Bizarrement, bien que ne comprenant strictement rien, je reste scotché par ce spectacle sidérant. Au bout de quelques secondes, sentant ma présence, la grand mère se retourne et dans un grand sourire me propose une chaise à côté d’elle. Je la remercie et m’assois peut être un peu trop vite, les yeux toujours scotché sur l’écran, en essayant de trouver un moyen de demander par forces gestes à la grand mère pourquoi la petite brune en tailleur elle pleure et que fait ce connard à la coiffure stylée avec la petite brune à la courte jupe alors que manifestement il a une relation durable avec la petite brune aux longues jambes. Je suis un accro repenti à Santa Barbara donc je peut assez facilement replonger dans l’addiction.

Je reste donc un quart d’heure hypnotisé par la série pendant que régulièrement la grand mère me jette un sourire entendu. J’espère qu’elle ne pense pas que je saisi toutes les finesses des rebondissements scénaristiques. Je jette un œil de temps en temps à l’horloge, tendu à l’idée de voir ce soap interrompu par une bête coupure générale. Manifestement la grand mère à l’air totalement sereine. A 22h30, sur les nerfs, car le dénouement n’a toujours pas eu lieu à la télévision (on ne sait toujours pas qui appelait donc mystérieusement la grande brune aux yeux sournois), je demande avec des gestes et ma montre s’il ne devrait pas avoir une interruption électrique. L’ancienne me rassure avec d’autres gestes qui me certifient que ce ne sera pas avant 23h. Rhaaa, je ne tiendrai jamais jusque là. Soit mon cerveau va finir liquéfié par ce soap dont je ne comprends rien mais pourtant me fascine, soit je vais m’ennuyer à creuver dehors. Finalement, je craque et part me coucher discrètement en remerciant la grand mère qui me gratifie d’un dernier grand sourire. Kelly lève les yeux de son bouquin et me demande « Il n’y a pas de coupure de courant, finalement ? »
– Si, mais ils attendent la fin de l’épisode.

(suite au prochain épisode, justement)

Un tour organisé, deuxième partie : Bai Tu Long

Résumé des épisodes précédents : cinq françaises et deux espagnoles font tout pour tenter de saborder mon circuit trois jours et deux nuits à Bai Tu Long avec nuit chez l’habitant et cours de cuisine. Pendant ce temps là, notre guide Pi Loo parle très très fort dans son téléphone pour maintenir le programme à flot. Tapis dans l’ombre, un couple de Marseille est hyper discret. Cela cache-t-il quelque chose ?

Fin du générique.

Dans le programme des réjouissances, tel qu’inscrit sur le site web de l’agence Ethnic Travel, il y a noté, déjeuner et visite de la baie à bord d’une jonque. La grande classe. Depuis la première fois où j’ai vu « Les Tribulations d’un Chinois en Chine » avec Belmondo et Rochefort, j’ai toujours rêvé de monter sur une jonque avec leurs magnifiques voiles rouges en forme de nageoires de poisson.

Notre mini-bus arrive donc finalement à sa destination, une petite ville portuaire adossée à de doux reliefs calcaires, couverts de végétation, nettement moins touristique que le terminal d’Ha Long. La baie est parsemée de reliefs et d’îles escarpées, bouchant complètement la vue du large. Sous l’injonction de notre guide, tout le monde descend et récupère ses sacs à dos. Nous nous dirigeons à la queue le leu vers le port où je découvre une multitudes de bateaux en bois colorés en bleu, vert ou rouge. Mais aucune trace de voile. Damned. L’odeur marine et le bruit typique d’un port actif est bien sympathique, surtout après cinq heures en bus.

Notre bateau ne dépareille pas des autres. Tout en longueur, en bois peint d’un marron sombre presque sanguin, nous posons nos affaires dans la cabine centrale où nous apercevons une longue table basse en rotin entourée de chaises pliantes en bois. Tout ceci est fort sympathique, joli, agréable et sans être luxueux. Parfait. Mais il manque une voile, même s’il y a un mat.

Pendant que l’équipage appareille, nous nous retrouvons tous à la table autour de Pi Loo, une grande carte plastifiée des baies de Bai Tu Long et de Ha Long placées devant elle. Aaaah, le plan de bataille. Donc, pour votre culture personnelle, la légende raconte que les multiples îles des deux baies sont le produit d’un dragon qui les aurait craché pour protéger le Vietnam d’une attaque Chinoise, ainsi piégeant la flotte adverse dans un labyrinthe d’îles. La Chine est à environ 100km au nord. J’apprends même que « Long » veut dire dragon, Ha Long, maman dragon, et Bai Tu Long, fils dragon. Si c’est pas de l’information de premier choix, ça.

DSC_5557_DxOLa carte repliée, chacun se muni d’une boisson et vaque à ses occupations (qui se résume pour la plupart à se prélasser sur le pont avant, lunettes de soleil et tongue / schlappe / slache / gougoune – rayez les mentions inutiles – sur le corps généreusement oint de crème solaire), pendant que l’équipage et Pi Loo s’occupent de préparer le repas du midi. Pi Loo, c’est un peu notre maman dans cette histoire. « Okay, guys, time for lunch ! ». Et oui, avec notre Pipi, notre Loulou on est tous des « guys ». Nous retrouvons donc la table basse de la cabine les couverts mis, et nous installons pseudo-aléatoirement autour, les filles ensembles à droite, moi en face du couple de Marseille, Pi Loo à ma gauche et Kelly, végétarienne, isolée à tout point de vue quelque part au milieu de tout ces français. Je vous rassure. Il est parfaitement inutile que vous vous souveniez du plan de table car cela n’a aucune espèce d’importance pour la suite, hormis la présence de Pi Loo à ma gauche. Les plats arrivent alors au fur et à mesure, à la façon Vietnamienne, et nous nous trouvons rapidement submergés par cinq ou six mets différents. Pi Loo donne l’exemple et on commence par se servir en riz dans nos petits bols individuels avant d’aller piocher à droite à gauche (sauf chez son voisin).

Une fois un peu rassasiés, nous entamons un peu la conversation. Histoire de tenter d’amadouer notre guide et de lui faire vider son sac, je m’enquiers de cette incident avec les deux espagnoles et si elles ont finalement pu se faire payer leur taxi. Bien volubile, tout en s’envoyant des bouchées avec ses baguettes, elle nous raconte sa version des faits, ou, comment à l’hôtel des espagnoles, la barrière des langues à fait son effet. Les espagnoles avaient manifestement pas bien entendu « Ethnic Travel » et s’était raccroché à « Ha Long bay ». Je pense également que Pi Loo avait aussi un peu omis de demander leur nom ou de demander un reçu. Elle conclu que c’est la première fois que ça lui arrive. J’espère bien. En tout cas, même quand elle parle en anglais, Pi Loo, on a l’impression qu’elle nous engueule. Je crois que c’est au cours de ces premiers échanges qu’elle m’a donné son premier coup de poing dans mon épaule gauche (d’où l’importance du plan de table, finalement), signe que le ton était amical. Au passage je papote un peu avec le couple Marseillais.

On a bien mangé. Il y avait du poisson, du porc, de ces magnifiques boulettes de patate douce, des cubes de soja et du « water spinach ». Si en plus on ajoute l’ambiance doucement maritime, le soleil et le décor sympathique, ça augure de belles choses. Après ce repas, chacun retourne vaquer: lecture, bronzage (au troisième degré) sur le pont, contemplation béate du paysage (ça c’est moi, avec un peu de lecture des aventures de Richard Bolitho, histoire d’apprendre les termes marins et frimer avec l’équipage). Il faut dire qu’un petit bateau (mais quand même assez grand pour accueillir une douzaine de personnes) qui cahin-cahan, dans un ronronnement grave et la douce oscillation du clapot, avance dans un décor trois étoiles sous un grand ciel bleu , ça fait bien passer le temps. Aucun chouinement à constater en provenance « des filles », c’est pour vous dire.

Nous avançons donc doucement dans la baie de Bai Tu Long, longeant des collines rocailleuses couvertes d’une dense végétation d’où provient un bruit assourdissant d’insectes ou d’oiseaux. Ce n’est pas la baie d’Ha Long avec ces îles en forme de piliers mais n’importe DSC_5555_DxOquel pays serait déjà très heureux d’avoir ces paysages. On pourrait comparer cela à une ambiance de loch tropical en plus large. De temps en temps des petites îles isolées aux formes plus cylindriques nous donne un avant goût de la majestueuse Ha Long. Nous ne croisons que de très rares autres bateaux, quelques touristes mais pour l’essentiel des pêcheurs. De part en part Pi Loo, nous montre des élevages d’huîtres à quelques encablures de la terre avec la maison flottante attenante où vivent les éleveurs. La technique est radicalement différente de celle employée en France. De longues et épaisses tiges de bambou liées en grille, aidées par des bidons vides, flottent sur l’eau. A chaque point de cette grille, des cordelettes plongent dans l’eau avec une série de nœuds permettant aux huîtres de s’accrocher. Il suffit donc de lever une cordelette pour opérer une récolte. Notre guide nous explique que la culture de la perle occupe l’essentielle de l’élevage, le reste étant réservée pour la consommation des locaux et des éleveurs.

Après quelques heures d’une sereine navigation (j’avoue que le temps semble s’être arrêté), le bateau vient s’amarrer à un de ces caillebotis de bambous au milieu de l’eau. Pi Loo nous DSC_5554_DxOannonce en tapant des mains pour nous réveiller « Ok, now time for kayak ! ». Et oui, dans le programme il est prévu une petite séance de kayak de mer dans la baie. Moi, je suis bien chaud, à tout point de vue, donc un petit peu d’eau ne fera pas de mal. Les embarcations en question sont des bi-places sauf un mono-place unique. Manifestement Manon, des « filles », semble réticente et il faut quelques minutes d’encouragement et de pression de ses copines pour qu’elle accepte. En plus, elle hérite de moi en binôme, elle va pas se plaindre non plus ? Chacun son tour, on descend la courte échelle jusqu’au caillebotis où chacun tente maladroitement de se tenir droit, nu pied, sur des tiges de bambous larges comme des gros tubes de PVC (ça, c’est une image spécialement dédicacée à mon public plombier. Oui, car j’ai un lectorat chez les plombiers). Nous sommes d’autant plus ridicules que les deux pêcheurs locaux qui nous assistent se tiennent debout comme s’ils avaient fait ça toute leur vie. Ce qui est sans doute le cas, maintenant que vous me le dites.

Je me retrouve donc avec Manon, tout les deux engoncés dans nos gilets de sauvetage, muni de nos rames, moi derrière et elle devant. Je la sens un peu timide (c’est sur que dés qu’on n’est plus avec ses copines…) donc je l’invite à prendre en main le parcours. Moi, je me contente de ramer comme un sourd. Mais la timidité étant ce qu’elle est, je nous sentais parti dans un cercle vicieux de « non mais après vous, je vous en prit » et décide donc d’abréger nos souffrances respectives (une heure à rester au même endroit à deux mètres du bateau sous un soleil de plomb) en proposant de rejoindre une petite plage à trois cent mètres vers l’avant. Le coup de la plage, ça marche toujours, surtout qu’on était pas les seuls à l’avoir repérer. L’escadre entière de kayak se dirige comme des bateaux ivres dans sa direction.

Nous partons donc à la rame droit devant et je profite d’une certaine routine après le dixième coup de pagaie pour papoter avec mon pilote. Ce sont donc toutes des copines d’université de Montpellier qui viennent à peine d’arriver au Vietnam comme moi. Manon vient des environs de Colioure, terre de marins. J’ai donc confiance en cas de tempête. Ceci dit on a beau dire qu’on fait du kayak des mers, la baie de Bai Tu Long à cet endroit ressemble plus à un immense lac au paisible clapot qu’au grand large dans des creux de degré 4 à l’échelle de Beaufort.

Nous ne tardons pas à atteindre la plage, avant les deux autres bi-places des « filles », grâce à mon biceps droit. Oui, car nous avions la fâcheuse tendance de tirer vers la gauche. C’était très agaçant. Je suis particulièrement fier de moi car nous opérons un échouage de grande classe avec extraction très propre du kayak et remorquage de celui-ci sur quelques mètres en haut de la plage pour éviter qu’il se fasse emporter par le ressac. Toutes ces lectures des aventures de Richard Bolitho n’auront pas été vaines. Rapidement, les deux autres kayaks nous rejoignent et les « filles » se retrouvent de nouveau au grand complet, chacun paré de son magnifique gilet de sauvetage orange qui nous fait ressembler au bonhomme Michelin. Au fond de la petite plage, là où commencent les rochers et la jungle, j’aperçois un petit temple ou bien un autel, mais surtout à droite une petite maison. Un escalier y menant de la plage est occupé par une petite famille, à l’ombre du seul arbre aux alentours, qui nous observe, goguenards.

« Hello ! », lance-je dans leur direction en me dirigeant vers eux la paume en l’air en signe de paix. Je me place à l’ombre de l’arbre en articulant un « sin tchao » horrible qui ressemble plus à « sine cheu », autrement dit « bonjour », selon le Lonely Planet. Je me sens pendant une milliseconde tel Christophe Colomb découvrant la Dominique. Je suis ensuite submergé par un sentiment de ridicule dans mon accoutrement orange fluo. D’ailleurs, je le voit bien que je suis ridicule vu qu’ils n’arrêtent pas de sourire bêtement en me parlant dans une langue que je ne comprends pas. Je me retiens de leur lancer la célèbre réplique de Colomb, qui lui valu ensuite des siècles de moqueries, lorsqu’il rencontra pour la première fois des indigènes antillais :«C’est bien ici l’Inde? ». Mais j’étais complètement dans l’esprit. C’est fou comme un rien peu enflammer l’imagination ! En tout cas assez rapidement, le jeune père de famille m’invite avec un geste et un grand sourire à venir dans sa maison pour manger. Je décline poliment en leur faisant le signe universel « estomac bien rempli, moi plus faim ». Manquerait plus que je leur mange leur ration quotidienne alors qu’on venait de se lester le bide comme des goinfres.

Comme je venais de pacifier les indigènes, les cinq « filles » me rejoignent en échangeant des « hello » timides avec la petite famille qui les invite gentiment à s’asseoir à l’ombre avec eux, signe que ce sont vraiment des vietnamiens. Ils sont vraiment trop gentils. Un jour quelqu’un va en profiter pour leur déclarer la guerre, moi je vous l’annonce. Je me retire doucement, laissant les françaises avec leurs nouveaux amis qui ne tardent pas à les inviter à les prendre en photos. Moi c’est bon, j’en ai déjà profité en Inde. Plaisir d’offrir, c’est pour vous compatriotes.

Au bout de cinq minutes, nous quittons la famille de pêcheurs à grands renforts de « bye, bye » et de bras agités pour rejoindre nos embarcations. Nous reprenons donc la mer avec Manon, que je devine ravie de cette petite rencontre, au son plus enjoué et confiant de sa voix. Nous décidons donc de traverser le bras d’eau (au moins un bon kilomètre) pour rejoindre une très jolie île Ha Longuesque en face, si nous ne mourrons pas en route, emportés par un courant vers la Chine. Nous étions manifestement dans un état d’euphorie avancé. Des inconnus nous avaient dis bonjour, donc c’est que tout était possible dans ce vaste monde. A quoi ça tiens tout ça, je vous jure.

DSC_5568_DxOFinalement ces petits kayaks des mers tracent pas mal sur l’eau car nous opérons la traversée en deux temps, trois mouvement, une centaine de coups de rames (surtout à gauche, pour rattraper notre perpétuelle propension à vouloir virer bâbord) et quelques gouttes de sueur. Il fait chaud sur l’eau, malgré les embruns que je me projette maladroitement sur les bras avec mes rames. Au final, nous faisons donc un petit circuit bien sympathique et rejoignons le bateau au bout d’une petite heure fort sympathique. Chacun remonte à bord en tentant de se maintenir en équilibre sur le caillebotis. Pi Loo fait son compte, tout le monde est à bord, sauf Kelly. On lève la tête et on aperçoit un point vert et orange qui s’approche à la rame. Dommage, cela aurait fait une chouette anecdote à raconter. Il y en a qui font tout pour qu’un tour soit terne et inintéressant.

Le bateau reprend sa route, nous à son bord, agréablement fatigués en profitant du paysage superbe sous un soleil déclinant. Il nous reste encore une heure ou deux de bateau pour rejoindre l’île de Quan Lan où nous passerons la nuit chez l’habitant. Pendant ce temps là, le couple de Marseille est toujours aussi discret.

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(suite au prochain épisode)

Un tour organisé, première partie : Sur la route

Chaque type de voyage dans un pays influence la façon dont vous le découvrez. Suivant que vous préférez le visiter seul, en mode routard, ou bien à plusieurs, en mode organisé, vous ne verrez pas les mêmes choses ou ressentirez différemment les mêmes lieux. Après un mois en Inde en mode autonome foutez moi la paix bandes de touristes, j’avais envi de retrouver un peu la vie en groupe (mais pas trop quand même) et j’étais curieux de goûter aux visites organisées, n’ayant quasiment jamais tenté l’expérience. Le Vietnam sera donc mon champ d’expérience en la matière.

Comme je suis néanmoins légèrement réfractaire aux ambiances « Club Méditerranée, tarladirladada », j’ai décidé de commencer doucement en passant par une agence recommandée par le Lonely Planet, Ethnic Travel, prônant une attitude « responsable » avec découverte du pays au plus proche des gens. Enfin, dans la limite de la distance d’intimité. C’est pour ça que je n’ai pas fait ça en Inde, on se serrait mis en tas les uns sur les autres. Hors de question. Surtout avec la nourriture qui ne m’assurait d’aucune tranquillité digestive.

Me voilà donc, un matin tôt dans le hall de mon hôtel, attendant que le bus du tour organisé auquel je m’étais inscrit vienne me chercher. Au programme, trois jours et deux nuits dans la baie de Bai Tu Long, petite sœur de la célèbre baie d’Ha Long, moins courue touristiquement le tout avec couchage chez l’habitant et cours de cuisine. La totale. Il doit même y avoir moyen de bénéficier du droit de cuissage et de participer à la vaisselle pour encore plus de proximité avec l’habitant mais je me contenterai déjà du programme, pour un début.

A huit heures, un mini-bus orné du logo « Ethnic Travel » s’arrête devant le hall et une petite jeune vietnamienne dynamique descend, se dirige vers l’accueil et entame une conversation en vietnamien avec la préposée. On me pointe du doigt. C’est pas sympa. La fille émotive de l’hôtel me dit dans un grand sourire « It’s for you ! », à la limite de l’excitation. Je prends donc mes deux sacs à dos que je dépose à l’arrière du van et me glisse à l’intérieur, seul, sans oublier de dire au revoir à la fille de l’hôtel (qui me réponds d’un coucou frénétique de la main enrobé d’un grand sourire) pendant qu’on referme la porte coulissante dans un claquement militaire. L’affaire est rondement menée en deux minutes et nous repartons dans le trafic, encombré de multiples autres mini-bus semblables au notre qui font le tour des hôtels. Le lundi à 8h, c’est l’heure de pointe pour amener les touristes à la baie d’Ha Long. Pendant le trajet je soutire le nombre de participants au tour organisé : neufs personnes. Ok, ça me paraît beaucoup mais comme je suis novice en la matière, j’en reste là.

Nous faisons un premier arrêt à l’agence où nous récupérons cinq jeunes filles dont je devine sans difficulté la nationalité, française, et une sixième jeune femme, américaine. Nous repartons et un peu plus tard, récupérons deux nouvelles participantes, espagnoles cette fois ci. Bref, pour un premier tour organisé, ça commence plutôt bien. En dehors du chauffeur du van, je suis le seul homme.

Pendant que le dit chauffeur nous engage dans le trajet de cinq heures qui doit nous amener à Bai Tu Long en circulant comme un dingue dans le trafic de Hanoi, notre guide assise côté passager se retourne et se présente d’une voix forte avec un charmant petit accent vietnamien :

« Hello, ma name is Pi Loo. Can everyone present imself ? »

Nous entamons donc le traditionnel tour de présentation pendant lequel je parviens à peine à retenir les prénoms de mes co-touristes plus de dix secondes. Rappelez-vous, j’ai une mémoire débilitante des noms (Mais vous avez peut être une mémoire débilitante des histoires qu’on vous raconte). Le seul que je retient est celui de l’américaine à ma gauche, Kelly, car Pi Loo, notre guide, l’écorche instantanément en Kaï Li. Au passage, elle martyrise le mien. Je resterai pour le restant du tour, Olivia. Mais peu importe. Pour les françaises il y a une Manon (appelée Manou par Pi Loo) et une Charlotte. Et pour les autres, point de souvenir. Quand aux espagnoles, leur prénom importe peu car ce sont des personnages de second rôle qui meurent dés le début. Non, non, rassurez vous. C’est une métaphore. Personne ne décède réellement, que je sache.

La guide enchaîne alors en nous expliquant le déroulement des trois jours avec notamment la durée de ce premier trajet. Elle nous demande alors qui parmi nous effectue la visite de deux jours et ceux qui effectue la visite de trois jours. Je lève la main pour trois jours. Elle nous demande ensuite si tout le monde fait le tour comprenant la visite de Bai Tu Long suivi de celle d’Ha Long. Les espagnoles lui répondent exclusivement Ha Long et moi exclusivement Bai Tu Long. Ça va être un joyeux méli-mélo si chacun fait à la carte mais bon, après tout, c’est eux les organisateurs. Moi je suis là pour être guidé. En plus, je suis complètement zen en toutes circonstances depuis l’Inde. M’en fout, je verrai le moment venu.

Nous poursuivons la route dans le silence pendant que nous traversons la banlieue d’Hanoi. Tout ça est très plat mais entremêlé de cours d’eau, les bras du fleuve Rouge qui coule à Hanoi. Après un pont, nous apercevons des rizières de chaque côté. Je demande à la guide si nous sommes encore dans Hanoi, histoire de faire le fayot (d’autant plus que je me suis mis au premier rang avec Kaï Li et les deux espagnoles). Réponse affirmative. Diable, c’est vaste comme ville.

Nous replongeons dans un silence pudique. Ça met toujours un peu de temps à se mettre en route une vie de groupe. Il faudrait que quelqu’un face un bruit corporel ridicule ou quelque chose pour détendre l’atmosphère. Fort heureusement, le chauffeur choisit cet instant là pour tenter un dépassement de la mort face à un bus venant en sens contraire. Attitude tout à fait normale et typique au Vietnam et un Inde mais j’entends les cinq françaises derrière passablement effrayées commencer à commenter « la conduite de malade mental » de notre chauffeur. J’en profite pour glisser un « I thought we were going to die on this one » à ma collègue américaine qui renchérit. C’est parti, la conversation est débloquée. On papote donc un peu avec Kelly pendant une bonne demi-heure. Moi, je lui explique que j’ai « fait » l’Inde (j’allais pas me vanter d’avoir vu Mirepoix et Montauban, tout de même) et elle me raconte qu’elle s’est baladée un peu à Bali et Kuala Lumpur. On discute un peu de l’Inde (mon sujet favori à cette époque), destination qu’elle hésite à choisir en place de la Birmanie pour la suite de son périple en Asie du sud-est, après le Vietnam. Elle se donne quelques mois de voyage avant de rejoindre Oxford en septembre, pour un semestre d’échange avec son université en Floride. Tout ça permet à chacun de discuter à haute voix avec ses voisines, les espagnoles avec les espagnoles, les françaises avec les françaises et le chauffeur avec Pi Loo. Manifestement les cinq françaises, que j’entends vaguement d’une oreille (oui car j’avais réellement l’oreille gauche bouchée suite à un zèle excessif d’avec un coton tige le matin même), sont cinq copines de fac en maraude dont la Manon, la grande organisatrice (dans un groupe, il y a toujours un grand organisateur qui veut absolument tout prévoir. Dans mon groupe, par exemple, c’est moi).

Deux heures plus tard, ça commence déjà à chouiner derrière dans le camp français à propos du temps de trajet (Aaaah, la râle, l’odeur du pays. Que c’est bon), lorsque Pi Loo, jusqu’ici en grande conversation téléphonique dans un vietnamien assez agressif (on aurait presque l’impression qu’elle engueule son interlocuteur), raccroche et se retourne vers nous pour nous annoncer que l’on va s’arrêter quelques instants. Un couple d’un précédent groupe a oublié ses valises dans notre van et ils sont en route pour nous rejoindre et les récupérer. Cela prendra environ trente minutes. Consternation dans l’équipe de France féminine : ça râle de plus belle entre elles. Il ne me manque plus que l’odeur du pastis et je suis de nouveau au pays. Kaï Li tente un modeste : « Je serai content que l’on m’attende avec mes bagages si j’étais à leur place », en anglais, bien évidemment, mais la pauvre n’a manifestement aucune expérience du chouinage à la française pour penser que cela les calmera. Moi je ne dis rien, mais je n’en pense pas moins.

Finalement, après quelques minutes d’attente, un 4×4 « Ethnic Travels » arrive sur notre tribord arrière (pardon, pardon. Il faut que je m’y fasse) et on vient récupérer les deux sacs à dos oublié. Nous repartons finalement. Incident clos. Place au rêve, maintenant. Une heure plus tard, le camps français grogne et s’interroge sur le temps de trajet vraiment long (ça ne faisait que deux heures de route). Moi je regarde le paysage, papote un peu avec Kelly ou lance quelques questions de fayot à Pi Loo. J’ai payé pour avoir un guide, j’en profite.

Nous nous arrêtons à point nommer pour que mes jeunes compatriotes se dégourdassent les jambes devant un vaste magasin, au parking déjà encombré par trois mini-bus à destination de la baie d’Ha Long. A l’intérieur nous découvrons plein de choses hyper-indispensables aux touristes, selon les critères vietnamiens, tels des poteries, des soieries, des peintures, des chapeaux ainsi qu’à boire et à manger. Mais surtout, des toilettes. J’en fait donc le tour et commence un peu à m’ennuyer en attendant que l’on reparte. Une demi-heure plus tard, Pi Loo sonne le rappel et nous reprenons la route, un peu dégourdis.

Finalement, après une nouvelle heure, nous apercevons de magnifiques formations calcaires au loin et « les filles » (le club des cinq français) s’excitent alors, sentant enfin arriver la fin de leur intolérable supplice. Effectivement, une petite heure plus tard, nous nous arrêtons au terminal des bateaux pour la baie d’Ha Long (au loin, malheureusement) où nous récupérons deux nouveaux touristes qui se serrent un peu dans notre mini-van surchargé. Encore des français, un couple de Marseille, qui viennent de faire la baie d’Ha Long et enchaînent par Bai Tu Long. Ça fait beaucoup de Long, tout ça. Nous repartons sur la route de Bai Tu Long, donc, la bande au complet, au nombre de onze touristes (si vous avez bien compté), pour encore une heure de route avant de prendre un bateau qui nous amènera dans la baie, de Bai Tu Long, si vous suivez bien. Nous roulons donc pendant une demi-heure.

Si vous êtes attentifs vous avez du remarquer qu’il y a quelque chose qui cloche. Avec onze touristes, le compte n’est pas bon. Je vous laisse trente secondes pour relire ce billet du début et m’expliquer pourquoi. C’est bon ? Vous avez trouvé ?

Parmi ces onze personnes restent nos deux espagnoles, inscrites pour un tour exclusivement baie d’Ha Long. Hors nous venons de la quitter, la baie d’Ha Long. Une des deux hispaniques, visiblement inquiète, en arrive à la même conclusion et interpelle Pi Loo en lui tendant ses billets de réservation. Consternation. Notre guide découvre avec horreur que nos deux ibériques (tel un commentateur sportif, je connais plein de synonymes pour les nationalités) ne font absolument pas parti du tour, et pour cause, elles sont passées par une autre agence concurrente. Les cruches. Ou la cruche si notre guide est responsable. Pendant dix minutes elles tentent de comprendre ce que leur dit Pi Loo, et inversement, car elles n’ont pas l’anglais facile et Pi Loo, aucun espagnol. Quand à moi je me contente de savoir commander une bière en castillan, toujours fort utile à Barcelone, Madrid ou Mexico. En arrière plan, les petites françaises commencent à balancer des commentaires à voix basse entre elles. La tension monte.

La guide prend son téléphone et, de manière encore plus agressive, discute avec quelqu’un. Elle raccroche et explique aux deux espagnoles qu’un taxi va venir les prendre pour les ramener au terminal d’Ha Long. Pendant ce temps là nous continuons notre route vers Bai Tu Long et une des espagnoles fait des signes pour qu’on s’arrête. Le camps français désapprouve en sourdine rapport au planning. Cerise sur le gâteau, la chef espagnole (celle qui parle le moins pire anglais) exige d’être certaine que le taxi sera payé par son agence touristique. Jusqu’ici, je compatissais. C’est vrai quoi. Pris dans l’excitation du matin, pas bien réveillé, on peut tous faire la connerie. Mais ne pas vouloir payer le taxi alors qu’on est un peu responsable de sa bêtise, je trouve ça particulièrement mauvais joueur. D’ailleurs l’équipe de France féminine est du même avis.

Pi Loo alterne donc entre le téléphone ou elle s’engueule avec quelqu’un (pour de vrai, j’ai l’impression cette fois-ci) et les espagnoles, avec qui le ton commence à monter, le tout pour tenter d’arranger la situation. Je me jure de ne jamais de ma vie sous aucune circonstance et quelque soit le montant de la compensation financière m’occuper d’un groupe en voyage. En fond sonore, le club des cinq commence à faire des commentaires négatifs à voix haute, histoire d’ajouter encore un peu plus de tension dans le mini-bus de 6m2. Un peu agacé par les belettes de derrière, mais maître de mes nerfs (vétéran de l’Inde, je vous le rappelle), je fais le geste de se calmer à mes compatriotes doublé d’un petit « chuuuuuuut » et avec le sourire pour faire passer la pilule. Heureusement ça fonctionne. Elles se taisent. Merde. Ça marche. Et en plus Kelly me gratifie d’un pâle sourire en guise de soutien. Faut que je fasse ça plus souvent. On évite donc l’empoignade générale par les cheveux et c’est tant mieux. Ça fait super mal. Pendant tout cet incident, le couple de marseillais reste silencieux, et c’est un signe de sagesse.

Finalement, le mini-bus s’arrête et Pi Loo descend avec son téléphone portable et les deux espagnoles. Nous sommes donc frustrés de la fin de l’épisode. Néanmoins, l’arrivée d’un taxi et l’extraction de leurs bagages par le chauffeur augure d’une fin heureuse de leur côté.

Pendant ce temps, Manon, l’organisatrice suprême des franchouillardes, profite de l’arrêt pour sortir fumer une clope. Je lève les yeux aux ciel. Il y en a qui font tout pour que ça parte en cacahuète ce tour. Du coup je lance en français, à la cantonade: « Manquerait plus qu’on l’oubli », avec le sourire. Rire chez les filles et une de ses amies réponds: « Ah ça il n’y a pas de risque qu’on l’oubli Manon. On l’entendra crier si ça arrive ». Il faut dire que Manon ressemble à une solide petite matrone italienne. Dans l’adversité, la sauce du groupe commence à prendre.

Quelques minutes plus tard, notre chauffeur remonte suivi de notre guide. Nous repartons dans le silence et roulons quelque temps. Je vous rassure, Manon est à bord. Un téléphone sonne et Pi Loo décroche. De nouveau j’ai la nette sensation qu’elle est en train de s’engueuler avec quelqu’un mais avec l’accent vietnamien tonal, j’ai toujours un doute. Elle raccroche et chacun profite du silence non pas reposant, car la route tortueuse et le rythme effréné du chauffeur (qui doit bien ramer pour rattraper le retard cumulé depuis la récupération des bagages et la bourde hispanique) ne fait rien pour aller dans ce sens, mais bienvenu car quand Pi Loo elle s’énerve, Pi Loo elle envoi les décibels. Va falloir tâcher d’être sage pendant les trois jours et deux nuits.

Je me félicite d’avoir été fayot avec elle mais une inquiétude sourde commence à poindre. Est-ce que j’ai vraiment réservé pour trois jours et deux nuits à Bai Tu Long ?

(suite au prochain épisode)

Deux femmes à Hanoi

Jusqu’ici je ne vous ai point parlé des différentes rencontres, nombreuses, z’effectuées z’au Vietnam. Pour ne point déflorer le suspens, cantonnons nous déjà à Hanoi (je crois qu’il y a beaucoup de trop de N et de A dans cette phrase). Vous aviez le décor (en partie), place aux acteurs. Ou plutôt, place aux actrices.

A Hanoi (n’oubliez pas d’aspirer votre H sinon ça n’a aucun sens), il y a quelques musées. Nous parlerons une autre fois des numéros 2 & 3 mais je me dois d’évoquer le numéro 1 : le musée d’Ethnographie, avec un E majuscule. Une fin de matinée, de retour à l’hôtel de la sérénité (de son nom officiel Hanoi Serenity Hotel, là où tout le monde sourit), j’interroge la charmante demoiselle souriante derrière le bureau de l’accueil à quelle heure le musée 2 (d’Histoire) ouvre l’après midi. Mon guide Lonely Planet indiquait 14h00 mais pour avoir constaté quelques changements depuis l’édition du guide, je souhaitai m’en assurer. Je n’allais pas marcher jusque de l’autre côté du lac et me faire agresser par des xe oms, cyclos, marchands et guides handicapés pour me retrouver devant une grille fermée. Manifestement, le livre était bien à la rue car la fille de l’accueil m’assura que le musée étaient ouvert entre midi et quatorze heures. Ou bien elle n’avait pas compris ma question.

A cet instant, une jeune femme assise devant un des ordinateurs en libre service du hall d’entrée se retourne et me demande, en anglais : « Vous voulez aller au musée d’Ethnographie ? Ça tombe bien j’y vais cet après midi. On peut partager le taxi ! ». Euh, oui, enfin c’est à dire que je voulais voir le musée d’Histoire, moi, cette après midi. Le musée d’Ethnographie il est à l’autre bout de la ville et je voulais y aller demain. Bon et puis finalement, après réflexion, aujourd’hui ou demain, j’accepte sa proposition. L’hôtesse d’accueil nous regarde alors en souriant, limite en tapant des mains comme une petite fille excitée, « Super, vous vous êtes fait une amie! ». Elle est bien émotive, dites moi.

Nous nous retrouvons donc une demi-heure plus tard devant l’hôtel où un taxi nous attends. Pendant le trajet, j’ai le temps de faire connaissance avec Jin Ling (si j’ai l’audition bien en place), chinoise du nord, thésarde en ethnologie. Alors que moi, touriste, je visite les musées pour le plaisir (et pour m’entraîner à rester debout pendant des heures sans tétaniser), elle y va pour travailler sur sa thèse dont le thème est les minorités ethniques du nord du Vietnam, frontalière du sud de la Chine (Si, si. La géographie est formelle sur ce point. Le nord du Vietnam est attenant au sud de la Chine). Comme elle parle un excellent anglais, elle m’apprend qu’elle a passé quelques années à Ithaca dans l’état de New York travaillant pour un laboratoire d’ethnologie avec qui elle collabore encore. Du coup, je lui apprend que moi aussi, j’ai vécu dans l’état de New York étant petit et on discute de New York, New York, la grosse pomme. A ce propos, je reste dubitatif quand elle m’avoue préférer Shanghai à New York car elle trouve la seconde plus sale. Tout cela mérite investigation. Bref, finalement, arrivé au musée nous réglons la note, que Jin Ling tente de négocier à la baisse. Oui car physionomiste qu’elle est, elle n’a pas manqué de remarquer que le chauffeur de taxi était le même que celui qui l’avait amené au musée hier. Sauf que le prix de la course avait pris 20 kilo-dongs entre temps.

Je la laisse donc retrouver ses collègues de travail et j’attaque la visite du musée. Mais ceci est une autre histoire. Sachez juste, car le thème du transport me passionne, que ma course de retour par taxi m’a coûté environ 30% plus cher qu’à l’aller. Une histoire d’heure de pointe, parait-il.

Quelques jours plus tard, je me retrouve devant l’entrée du petit pont rouge menant au temple du lac Hoan Kiem, balayant les vendeurs de babioles tel des mouches. J’attends l’arrivée d’une certaine Thuy, vietnamienne contactée via le site CouchSurfing. J’avais envie de rencontrer un véritable habitant de Hanoi et il se trouve que Thuy venait de rentrer d’un mois enthousiaste à Paris. Nous avions donc chacun de quoi répondre aux questions de l’autre. Nos premiers échanges en anglais par mail me laisse présager d’une conversation fluide dans la langue de David Beckham (Shakespeare c’est un peu cliché aussi, comme Molière). Avec un peu de retard, je vois arriver une vietnamienne trentenaire plutôt grande habillée en tailleur blanc, un smart phone et un sac à main, juchée sur des chaussures à talon. Une sorte d’executive woman classe à la sauce Hanoi.

Elle commence par s’excuser de son quart d’heure de retard. Ce n’est point grave, je viens de Toulouse vous savez, le retard des autres, ça me connaît. Ensuite nous décidons d’aller boire un café vietnamien pour se mettre au frais. Chic, il paraît que c’est une spécialité. Je vais donc pouvoir tester cela. Rapidement au cours de ces premiers échanges, je me rends compte que son anglais oral n’est absolument pas à la hauteur de son anglais écrit. Ça ne va pas être si fluide que ça, et même plutôt heurté comme conversation. Nous nous installons finalement au premier étage d’un établissement un peu classouille surplombant le lac Hoan Kiem et je commande un milk shake au café, à défaut de café vietnamien. Le lieu en question est plus un café à l’occidental servant des boissons à l’occidental qu’un repère de spécialités locales. Mais peu importe.

Nous entamons donc la discussion et je parle de mes premières impressions de Hanoi et du périple que j’ai prévu jusqu’au sud du pays. J’évite de poser des questions trop compliquées car son français est quasiment inexistant et son anglais, très perfectible. Je découvre rapidement la source de son excellent niveau d’anglais à l’écrit en la regardant sortir son smartphone et tapoter dessus pour trouver la traduction d’un mot. Forcément, ça ne rend pas la discussion plus fluide. Malgré tout, tout cela est assez intéressant car elle m’apprend qu’elle est partie un mois à Paris dans le cadre d’une formation de marketing à Science Po (rien que ça, même si on se demande se que vient faire le marketing à Science Po). Après avoir vécu quelques jours à Anthony chez des amis (aaah, la diaspora vietnamienne) elle est parti habiter dans un petit appartement dans Paris même, du côté de République. Manifestement, financièrement elle était drôlement aidée, mais je n’ai pas réussi à comprendre si c’était grâce à une bourse, sa société ou via ses propres deniers.

Finalement, je dois interrompre la conversation car j’ai un train à prendre dans une heure pour quitter Hanoi. Très gentiment elle me propose de m’amener à la gare avec sa moto. Waouuh ! C’est complètement sexy ça de se faire amener en moto à la gare piloté par une jeune et jolie vietnamienne ! Ceci dit, j’avais beau me triturer le cerveau, je ne voyais pas trop comme on pouvait tenir à deux avec un gros sac à dos de 40 litres bourré à craquer et un deuxième plus petit pesant 10kg sur un scooter. Mais à l’époque je découvrais à peine le Vietnam. Depuis j’ai vu des vietnamiens transporter six carcasses de cochons adultes sur une mobylette hors d’âge ou carrément un congélateur. Du coup, j’ai décliner l’offre malgré son insistance en lui expliquant que j’étais vraiment chargé et que c’était beaucoup beaucoup trop dangereux. Non, mademoiselle, soyez raisonnable, enfin.

Manifestement, elle ne voyait pas trop où il était, le danger. Et elle a du me prendre pour une poule mouillée.

De l’art de choisir son guide

Le lac Hoan Kiem à Hanoi, c’est un peu la place Bellecour de Lyon, la place du Capitole à Toulouse ou encore le Vieux Port à Marseille : le centre touristique de la ville. De fait le nombre de touristes décroit de façon inversement proportionnelle à la distance au lac. Selon la loi corollaire, le nombre de vendeurs ambulants, xe oms, cyclos et autres guides factices décroit également de la même manière suivant la même distance. Vous imaginez donc que vouloir faire le tour du lac en marchant, c’est s’exposer à un harcèlement soutenu.

Alors que je me reposai sur un banc, face au fameux lac où vit une tortue géante solitaire (une descendante de la tortue géante qui sortie une épée magique sur son dos et l’offrit à je ne sais quel individu il y a fort longtemps, si la légende est vrai), je fut interrompu dans mes rêveries par un « hello » féminin à l’accent vietnamien. Encore une fois interrompu dans mes rêveries, remarqueriez-vous. La plupart des gens semble ne pas apprécier que l’on rêve car on est invariablement interrompu dans ces moments là. Triste époque. Je me tourne donc lentement dans la direction de l’interpellation.

Une femme d’âge moyen me sourit, avec un présentoir accroché au cou contenant des babioles dont je ne me souviens pas de la nature car je n’en avait aucunement l’utilité. Étant particulièrement observateur, je ne manque pas de noter une très légère omission chez mon interlocutrice. Elle a une jambe en moins que moi. Oui car n’étant pas regardant quand à mon lectorat, je m’abstiendrai d’estimer que vous en avez forcément deux. En tout cas, moi, jusqu’à nouvel ordre, j’en ai une paire. Fort heureusement, deux béquilles lui assure un équilibre stable. Je lui retourne donc son salut. Commence alors la conversation proprement dite :

« We are you fram ?

  • From France.
  • Ahh, Paris ? (forcément)
  • No, Toulouse. (déception)
  • Je parle un peu français, vous savez.
  • Aaaaah, bonjour alors.
  • Bonjour. Vous voulez un guide ?
  • Non, non. Merci.
  • Si moi je peux faire guide. Je connais autour du lac.
  • Non, non. C’est pas la peine.
  • Mais si, mais si. Pas cher. 30 minutes pour 20000 dongs.

Forcément, une petite dame d’âge moyen unijambiste qui me propose de faire guide pour une de mes premières sorties à Hanoi, j’ai beau être endurci par l’Inde, je l’imagine tout de suite jouant avec une mine anti-personnelle en étant gamine. Je repense également à tous ces jeunes étudiants qui ont moult fois tentés de me convaincre de souscrire un versement mensuel à Handicap International et je décide qu’il est temps d’agir pour aider les enfants handicapés. Et par extension les dames d’âge mûr vu que nous avons tous été des enfants même si ce n’est pas évident pour tout le monde.

Sentant que j’hésite, elle ajoute :

« Tour du lac, une heure pour 40000 dongs, si vous voulez. Je connais histoire.

  • Bon d’accord pour une heure à 40000 dongs. Allons-y

Je me lève donc et avec le sourire, nous partons tout les deux d’un pas décidé (surtout moi) le long du chemin alors qu’elle commence son laïus sur l’histoire du lac et de la tortue géante (que je savais déjà plus ou moins car je l’avais au préalable lu dans le Lonely Planet). Son français est un peu hésitant est approximatif, mais la plupart du temps, je comprends ce qu’elle veut me dire. Je tente de relancer par quelques questions mais atteins les limites de son français. Assez rapidement, je me contente donc d’écouter en poussant à intervalle régulier des « Aaah » (ravissement) et des « Oooh ? » (intérêt). Je suis assez doué pour ça. A ne pas confondre avec le « Aaaah ? » (surprise) et le « Oooh » (incrédulité).

Cinquante mètres plus tard, nous avions fait le tour de l’anecdote sur la tortue et l’épée. J’attends donc impatiemment que l’on arrive à un nouvel élément marquant pour avoir le droit à une nouvelle intervention de ma guide. J’aperçois cent mètres plus loin à droite une petite place certainement notable et riche en information, mais à l’allure où nous avançons, il fallait m’armer de patience. Je fais donc silence et ralenti mes pas, histoire de ne pas distancer ma guide.

Nous arrivons donc finalement à hauteur de la place et feignant la surprise je lance un « Mais dites moi, qu’est-ce donc là que cette place à notre tribord avant ? ». Oui, je suis encore en DSC_5500_DxOtrain de lire les passionnantes aventures de Richard Bolitho, capitaine de frégate de Sa Majesté George III. En vérité c’était plutôt une intervention du type « Et c’est quoi, ça, là bas ? » avec pointage de doigt. Elle s’arrête un instant et, cherchant ses mots, me décrit sommairement la statue du mandarin postée au milieu de la place. Malheureusement, je l’avais précédemment croisé, cette statue. J’apprends donc peu de choses.

Nous continuons notre ballade, en douceur. Tous ceux qui ont déjà effectué une promenade avec une personne âgé souffrant d’arthrite auront une vision assez claire du rythme de ce tour du lac. J’étais bien à l’abri d’une crampe et même ma guide avait l’air de pouvoir maintenir le rythme. Elle me parle du quartier français et de l’architecture. Bien, bien. Intéressant mais pas passionnant. Je n’hésite donc pas à la bombarder de questions sur le moindre truc que je vois et j’ai l’impression d’avoir de nouveau cinq ans « et là c’est quoi ? », « et ça ? », « et pourquoi là-bas ? ». C’est que j’en veux pour mon argent, moi ! Elle est guide, ou elle ne l’est pas ?

Un peu plus tard, on s’approche d’un nouveau groupe de bancs et elle s’assoit pour se reposer, en posant ses béquilles à côté. Obéissant, je m’assoit également et attend qu’elle reprenne un peu ses explications. Décidément, c’est pas d’un rythme effréné, aussi bien en terme de déplacement que d’informations délivrés. Pour combler le silence, je lui demande si elle fait souvent guide comme ça. Sans surprise, la réponse est « un peu ». Elle complète ses revenus de la vente des babioles par cela mais elle y arrive difficilement. Je vois, je vois. Bon, bon. Elle se lève, et nous repartons tranquillement. Régulièrement, nous croisons des touristes ou des vietnamiens (forcément, c’est l’endroit le plus touristique d’Hanoi) et je sens des regards mi-interrogatifs mi-dubitatifs oscillant entre « mais quel homme généreux » et « mais quel couillon ce touriste ». Ma guide reprend un peu ses explications en rebondissant sur un bâtiment que nous abordons à un train de sénateur.

DSC_5499_DxOCeci continue quelques temps et nous arrivons finalement à la petite île au nord du lac qui héberge un temple relié à la terre par un très charmant pont de bois rouge. A l’entrée du pont est dressé une sorte de petit obélisque orné d’inscriptions en caractères chinois. Ma guide commence alors son explication du monument effilé en m’expliquant que c’est un stylo et qu’il est dédié à l’instruction. Traditionnellement, au Vietnam, il y a toujours eu un grand respect pour les études et l’instruction. Je veux bien le croire au vu de l’anormale réussite scolaire constaté chez les quelques français d’origine vietnamienne que je connais.

Ma guide unijambiste me propose d’aller visiter le temple sur l’île. Me doutant bien qu’il va falloir que je lui paye l’entrée et que cela va considérablement nous faire baisser notre moyenne, je décline l’invitation. J’irai voir le temple une autre fois. A mon rythme.

Nous reprenons donc notre parcours en discutaillant à propos du temple puis croisons une nouvelle fois un banc. « On se repose ? », me demande-t-elle ? N’étant pas non plus cruel, je m’assoit une nouvelle fois à côté d’elle, très légèrement impatient, sans rien laisser paraître. Elle me demande alors si je voudrais qu’elle soit mon guide demain pour visiter d’autres endroits. Une vision s’imprime dans mon cerveau : « Hanoi à deux à l’heure ». Je réponds qu’à priori ce ne sera pas nécessaire. Elle insiste néanmoins un peu en me demandant le nom de mon hôtel pour qu’elle puisse m’y retrouver. Non mais, je vous jure, ce n’est pas nécessaire.

Finalement, n’y tenant plus, je regarde ma montre. Trois quart d’heures et on n’a à peine fais la moitié du tour de lac. Non, ça va être trop pénible de tenir encore quinze minutes et je doute que l’on parte en sprint pour finir le tour. Après une variante simplifiée de « Ah ben c’est pas tout ça mais c’est qu’le temps passe vite ! », je me lève en la remerciant et lui tends ses 40 kilo-dongs puis part en lui disant au revoir. Franchement, c’était pas très intense à tout les niveaux ce petit tour au point que je ne me souviens quasiment d’aucune des informations transmises. Ah si. Après vérification, ce n’était pas un stylo, le monument, mais un pinceau. N’importe quoi. Et ne me dites pas que c’est un problème de vocabulaire.

Donc, un conseil d’ami. Si vous devez choisir un guide, tant qu’à faire, demandez lui de marcher quelques mètres avec vous. S’il adopte un rythme similaire au votre, adoptez le. Sinon, fuyez.