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Une pause au motel

Que ceux qui souhaitent me jeter une première pierre se préparent. J’ai fauté. J’ai eu un moment de faiblesse. Alors que j’avais loué ma camping voiture pour onze jours avec dans l’idée de camper dix nuits, faisant ainsi de substantielles économies de logement, j’ai craqué. Que les pierres pleuvent.

Il fait quand même un peu froid dans ce foutu pays, même à la fin de l’hiver. Disons qu’il fait une température automnale, et moi, en automne, je campe rarement plus d’une nuit. Après les trombes d’eau que je me suis pris sur la Great Ocean Road et les nuits frisquettes autour des Grampians, j’ai décidé que ce soir, je m’offrais un logement en dur.

Depuis les Grampians, j’ai retraversé le Victoria vers l’est, traversé péniblement Melbourne en essayant d’éviter les autoroutes à péage (ce qui est une idée particulièrement imbécile, je le reconnais volontiers, rétrospectivement), tout ça dans le but de rejoindre une péninsule sauvage au sud-est de la grande ville afin d’y faire un peu de découverte et de marche à pied. Le Wilsons Promontory est un parc national au relief marqué qui est également la pointe la plus méridionale du continent australien, Tasmanie exclue, bien entendu. Je ne voyage que pour visiter des points d’exception mais je me rend compte que c’est particulièrement idiot, finalement, de se focaliser sur ce genre de particularité. A t’on déjà vu quelqu’un aller visiter le point le plus au sud-est d’un pays, ou au plus nord-nord-est ? Non. Pourtant, ça le mériterait tout autant.

Tout ça pour dire, qu’après une longue journée de route, rendu particulièrement pénible, ennuyeuse et stressante par la traversée (encore une fois débile) de l’immense banlieue résidentielle de Melbourne, j’étais en manque de confort. C’est bien simple, cette ville est vaste et uniquement occupée, hormis son centre aux gratte ciels que j’aperçois de loin, par des villas entourés de coquets jardins, parcs de criquet le tout bien propret avec des panneaux « Neighborhood Watch » qui ont le don de me foutre les j’tons dés que je les voie.

Postérité, je m’excuse donc d’avance, mais j’ai pris une chambre à 90$ dans un motel trois étoiles dans la ville de Warragul, où j’étais d’ailleurs un des rares clients. Pour arrondir le tout à 100$, je suis aller bouffer (y a pas d’autre mot) un demi-poulet frites dans un des rares fast foods ouvert le soir dans cette contrée, le tout en roulant de nuit avec ma voiture de location. Ce sera la nuit de tout les excès et interdits.

Promis, je me rattraperai en dormant à même le sol, une autre fois.

Grampians

 

SILENCE !

Bien. Sur une feuille quadrillée format A4 orientée en paysage, dessinez une carte de l’Australie. Placez un point A ainsi qu’un point B respectivement aux emplacements de la ville d’Adélaïde, capitale de l’Australie Méridionale (et non l’Australie du Sud, comme je l’écrivais précédemment de manière fort naïve), et de Melbourne, capitale de l’état du Victoria (en hommage à la reine du même nom). Puis, tracez une ligne reliant le point A au point B. A l’aide de votre compas, déterminez le point C, milieu du segment AB. Au stylo vert, légendez : « Grampians National Park ». Parfait. Zoom avant.

Les Grampians, c’est fort joli. Voilà. Point. Fin du billet.

Non, non, non, rassurez vous, il y a des choses à dire et d’autres choses à montrer (même que, parfois, c’est les même choses). Les Grampians sont un massif montagneux dont l’origine m’est absolument inconnue. Par contre, d’aspect, cela pourrait évoquer, de loin, le Vercors ou le Dévoluy, c’est à dire des falaises d’un côté et une douce pente de l’autre. Ces montagnes ne sont pas très hautes, le point le plus haut étant juste en dessous de 1200m, mais comme me l’a répété si souvent monsieur Yves R., de Grenoble (anciennement de Chambéry, anciennement de Chalon, anciennement de Paris, anciennement de Peypin en Provence), ce n’est pas la hauteur qui compte, paraphrasant plus ou moins en cela un dicton populaire sur un tout autre sujet. Car, en effet, ce massif est posé, encore une fois, au milieu d’un vaste terrain plat à une altitude proche du niveau de la mer. Ce continent est un vaste terrain vague où les dieux s’amusent, je vous dit.

C’est d’ailleurs assez étonnant de constater que, contrairement à certains massifs de ma connaissance où de petites ondulations de terrain de plus en plus prononcées annoncent les reliefs principaux, ici ce sont de grosses collines, isolées au milieu de la plaine, qui s’en chargent. A l’est, l’une de ces montagnettes porte le nom pompeux de mont Ararat. Dans le futur, j’y monterai un jour d’orage. Sait-on jamais, j’y redescendrai peut être avec un nouveau code des impôts dicté par une déité. En tout cas, on y a une belle vue de la plaine tout autour et, si je n’avais pas ce foutu soleil dans les yeux, des fameux Grampians.

Revenons en, à ces Grampians. Le massif s’étend essentiellement du nord au sud (et vice versa) sur quasiment environ 70km et sur une largeur de 30 en son centre. Je part du principe que je m’adresse potentiellement à des fétichistes de la métrologie. Un petit village du nom de Hall’s Gap concentre la plupart des logements et centres d’informations du parc. Encore une fois, le manque d’ambition de certaines personnes me sidère. J’aurai personnellement appelé ce bled Hell’s Gap afin d’ajouter un peu de mystère et de dramaturgie à un lieu qui n’en a, par ailleurs, ni l’un ni l’autre.

DSC_7277_DxOMais cessons là les critiques car il y a en ce bourg quelque chose de vraiment charmant, où alors je ne m’y connais pas en choses qui sont meugnonnes. Les kangourous y sont foisonnants et fort sociables. C’est bien simple, ils ont pris la place des pigeons et broutent paisiblement l’herbe rase du camping à porté de coup de pied au derrière (ce que je ne tente pas, bien entendu). Il m’est avis qu’ils ne sont plus vraiment sauvages. En tout cas, c’est l’occasion d’observer leur démarche à deux vitesses, ridicule ou bondissante, et leur mignonne petite bouille quand ils veulent bien s’arrêter de bouffer cinq minutes. Voilà. Merci.

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En parlant de ridicule, je découvre dans ce camping de Hall’s Gap une nouvelle limite à l’étendue du glamping en Australie : trois familles en camping avec enfants qui installent la nuit un cinéma d’extérieur avec écran déroulant et lecteur DVD. Bon, certes, ce n’est pas plus ridicule que la télévision dans le camping car. C’est même vachement plus sociable. Mais enfin, c’est bien la première fois que je vois ça. Quand on dit que les voyages ouvrent l’esprit, en voici bien la preuve indéniable.

Détournons donc le regard de la vallée et prenons de la hauteur. De nombreuses randonnées sont facilement accessibles et indiquées. D’ailleurs, je suis toujours étonné de constater à quel point de nombreux pays (pour le moment j’appui cette théorie par quelques expériences en Ecosse, Québec et en Californie) aménagent leurs sentiers de randonnées grand publics. Ce sont quasiment des boulevards avec des escaliers bien ciselées en présence de la moindre difficulté. C’en est presque frustrant. Heureusement, le chemin est assez original, commençant par un chemin montant dans une forêt d’eucalyptus (pour changer), passant ensuite dans d’étroits défilés rocheux, canyons ou bien traversant des dalles de pierre.

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Dans ces défilés, l’eau coule à flot. J’en veux pour preuve, sceptiques, cet enregistrement:

En tout cas, une fois arrivé au point le plus haut, la vue est grandiose et dégagée (ce qui va souvent de pair. Je connais peu de vues grandioses et bouchées), comme vous pouvez le constater. Si, si, j’insiste, constatez par vous même.

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Si vous êtes fainéants (moi même, je le suis assidument) ou bien juste un peu fatigués, quelques points de vues magnifiques, grandioses et dégagés sont également accessibles en voiture et vous épargne un long dénivelé à pied. Je vous le dit parce que je vous apprécie, bien que je ne sois pas partisan d’encourager la médiocrité. Pourtant, il faut bien admettre que tard le soir ou tôt le matin, la vue est de classe mondiale.

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Si ensuite, vous redescendez dans la plaine et décidez de vous en jeter un dans un bar, choisissez au moins un de ceux qui sont ouverts et surtout dont le patron a au moins un niveau minimum en orthographe. Pas comme celui-ci :

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Attention, cette devinette-ci est particulièrement ardue et s’adresse aux anglophones.

Peut-être même, d’ailleurs, est-ce moi qui pinaille.

Nuit au bord d’un chemin

Avec une bagnole et une carte bleue, on est libre (jusqu’à concurrence de votre capacité de crédit). La liberté, c’est la capacité de choisir ce que l’on veut faire. Je suis sans but. Uluru ? Fait. La Great Ocean Road ? Fait. Quoi voir maintenant ? J’ai encore trois jours de location. Au nord du Victoria, j’hésite à aller voir les Snowy Mountains, le massif montagneux le plus haut du continent, enneigé en cette saison. Deux facteurs m’en dissuadent : la distance et cette détestation de la moindre fraicheur attrapé depuis l’Inde. Il fait déjà suffisamment froid par ici, inutile d’aller se geler les miches plus haut.

Je compulse donc mon Lonely Planet pirate acheté au Vietnam (celui fait avec des pages quasiment aussi épaisses que du papier toilette) pour trouver une idée. Fort heureusement, j’avais croisé sur la route un panneau indiquant « Grampian Range » et lis le descriptif. Pourquoi pas, ce sera l’occasion de marcher plutôt que de rouler tout les jours comme un débile.

A ce propos, on est au milieu de l’après midi. Il faut donc que je trace. Je repart donc plein ouest en m’éloignant de Melbourne en essayant de me rapprocher le plus possible avant la nuit. Vers 16h30 je bascule en mode recherche de camping. Je roule, sans apercevoir de panneaux dans les rares petites villes que je croise. A 17h30, je commence à me dire que ce pourrait être amusant de tenter le camping sauvage. Je n’ai pas vraiment réussi à trancher si c’était illégal ou pas dans ce pays mais les deux vieux en 4×4 m’avaient affirmé qu’ils le faisait régulièrement sans que personne n’y trouve rien à redire.

Je prend donc une route à gauche au hasard, quittant la route principale, à la recherche d’un champs ou d’un endroit sympathique. Après deux ou trois changements de cap à l’intuition, je me retrouve dans une longue ligne droite sur un chemin non asphalté. Je planque mon contrat de location sous un tas de vêtements pour qu’il ne le voit pas. D’un côté il y a de vastes champs clôturés et de l’autre une forêt de pinèdes. De toute façon il fait presque nuit et au moins, il y a la place de se garer sans se retrouver dans un fossé. Je m’arrête.

Alors que je fait cuir un steak sur mon réchaud à gaz, un vieux pickup arrive à ma hauteur. Le vieux monsieur au volant me demande si tout va bien. Je le rassure en lui expliquant que mon contrat a peur du noir. Après cela, je ne croiserai personne de race humaine.

Je vais sans doute balancer des vérités vrais estampillées Lapalice mais il y a quelque chose de vraiment dépaysant et d’étrange à se retrouver tout seul au milieu de nul part dans une nuit profonde. C’est quelque chose de totalement étranger pour les citadins que nous sommes et par moment légèrement angoissant. Inutile de dire que le moindre petit mouvement de branche ou de feuille est intensément analysée du coin de l’oeil (où se situent les cellules photoréceptrices les plus sensibles à la lumière, figurez-vous). Ami ? Ennemi ? Psychopathe priapique ?

Le silence est total, uniquement troublé par de petites brises intempestives et ma déglutition. Le ciel est partiellement couvert et m’empêche de contempler un champs étoilé qui doit être magnifique. L’air est encore humide et le froid commence à se faire sentir. Je me repli donc dans la voiture.

A l’intérieur, les sons sont plus sourds et cloisonnés. A la lumière du plafonnier, l’extérieur devient noir total. C’est encore plus angoissant. Quelqu’un peut me voir et moi je ne vois rien. J’éteins donc la lumière et me glisse dans mon duvet.

Le lendemain matin, transi par un froid humide, je m’arrache de mon couchage et m’habille rapidement pour soulager un besoin unanimement qualifié de naturel. Je souffle un petit nuage de vapeur d’eau sous un ciel encore presque noir, avec une unique lueur à un bout du chemin. En contre jour, deux formes lapines, taille XL. Deux kangourous me regardent à vingt mètres en plein milieu du chemin. Je ne bouge pas pendant quelques secondes puis, tout doucement, tente d’attraper mon appareil photo. Instantanément ils partent dans d’impressionnants bonds élastiques et d’un bond exceptionnel, sautent par dessus la clôture et pénètrent dans le champs. Ils me regardent de l’autre côté et alors que je tente une nouvelle fois de m’approcher pour cadrer, ils détalent encore plus loin.

Je patiente alors en attendant que le soleil se lève. Nous, les citadins, on ne se rend plus compte du moment privilégié et unique que représente un levé de soleil. Le moment est encore plus fort lorsqu’on est seul, au milieu de nul part. Rien que pour cela, je ne regrette pas ma nuit frigorifique au bord d’un chemin.

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Papotages en soirée

Le seul problème lorsqu’on traverse un pays en voiture personnelle est que l’on ne croise pas grand monde. C’est d’autant plus rare car j’y suis également légèrement hors saison. Ici, c’est la fin de l’hiver austral, je vous le rappel. Néanmoins j’ai eu l’occasion de papoter avec un petit nombre de personnes pendant ce périple automobile. Rien d’extravagant mais c’est toujours amusant de constater que le fait de dire que l’on vient d’un pays étranger éveille la curiosité. Il est vrai également que la plupart des gens rencontré sont plutôt sociables.

Tenez, par exemple, puisqu’on parle d’australien, j’ai été abordé lors de ma soirée de camping au sud de Port Augusta (ce qui remonte déjà à deux ou trois jours) par un néo-zélandais d’âge moyen. C’est fou, quelle idée de venir passer ses vacances ici alors qu’on habite en Terre du Milieu ? Encore plus dingue, il se déplaçait ici en moto avec sa femme. Pour encore plus de folie, je précise qu’ils n’en avait qu’une seule, de moto. Ce n’était d’ailleurs pas leur première expérience du genre puisqu’ils avaient déjà parcouru la côte ouest. C’est des fanas d’Australie mais à moto, ça ne doit pas rigoler tout les jours.

Si ça vous tente, je vais partager avec vous quelques aspects pratique que j’ai pu glaner avec lui. Non, parce que moi aussi, ça m’intéresse. Surtout, d’où sort cette moto ? Ils l’ont amené en bateau ? Point du tout, ils l’ont acheté sur place, d’occasion. C’est d’ailleurs une solution retenue par de nombreuses personnes, comme je vous le démontrerai de manière empirique par un second exemple relaté plus loin. Comme nous vivons dans un monde de profit, l’idée est bien entendu de la revendre en repartant, de préférence sans décote.

Quelques jours plus tard, à Mount Gambier, j’ai donc l’occasion de papoter longuement avec mes deux vieux australiens à 4×4, originaire de Nouvelle Galle du Sud. D’ailleurs, maintenant que j’y pense, j’ai surtout papoté avec l’un deux, le deuxième étant beaucoup plus taiseux. Nous avons donc mené une discussion sur tout, passant de douces transitions en douces transitions vers des sujets divers, particulièrement au sujet de l’Australie. C’est d’ailleurs eux qui m’ont parlé de la mission des Royal Flying Doctors notamment car ils se déplacent dans un gros 4×4 suréquipé pour la survie en milieu hostile avec téléphone satellite, jerrican d’essence et tout le bazar. Ils étaient actuellement en vadrouille et avec eux, ça ne plaisante pas côté logistique.

En parlant de la situation économique du pays (ce qui est un de mes lancements favoris lorsqu’il y a un blanc), ils ont enchainé spontanément vers la fin du boom minier et de l’immigration illégale par voie maritime. Ce sont des sujets qui reviendront assez souvent dans les discussions que j’aurai avec des australiens, peut être parce que nous sommes en pleine campagne pour l’élection du premier ministre.

Le lendemain matin, alors que je redescendais de ma petite ballade sur la crête du cratère de Mount Schank, j’ai repéré un vieux break bleu appartenant à un jeune couple. Après nous avoir salué poliment, je suis reparti pour poursuivre mon chemin. Toute la journée, de look out point en look out point, je n’arrêterai pas de les repérer de loin et eux de même. Le soir arrivé au camping de Peterborough, je pénètre dans le bâtiment commun abritant la cuisine et, devinez quoi, je rencontre de nouveau le jeune couple. Nous étions destinés à nous parler. A vrai dire, étant peu physionomiste, ce sont plutôt eux qui m’ont reconnu. Seuls pensionnaires du camping, nous avons donc devisé tranquillement pendant qu’ils finissaient leur maigre repas et que je confectionnait le miens, également maigre. Ce soir là, c’était des pâtes, postérité.

Ils sont allemands ce qui est d’une vulgaire banalité. Je n’arrête pas d’en croiser en Australie. Rappelez-vous, ce sont eux qui se font le plus bouffer par les crocodiles et malgré cela, on en croise partout. Si mes souvenirs sont bons, ils étaient également sous visa touriste-travail mais, manque de chance ou retournement économique, ils n’avaient pas réussi à trouver de boulot. Ayant mis cela en second plan, ils se consacrent donc au voyage, au volant de leur vieux break aménagé, acheté également d’occasion. D’ailleurs, ils m’ont proposé de le racheter car ils sont très proche de la fin de leur séjour. J’ai bien entendu décliné. Moi, propriétaire d’un break, et puis quoi encore ?

Great Ocean Road

Mince. Je me rends compte que je vous promet des choses que malheureusement je ne peut même pas réaliser. Là, par exemple, au dernier billet, je vous avais promis que j’allais voir la Great Ocean Road aujourd’hui. Malheureusement, encore une fois, j’ai sous-estimé les distances. Attention, soyons précis, j’ai vu de l’océan, pour sur. J’étais sur une route, pour sur. Par contre je ne peux pas affirmer que c’était « great ». Ceci dit, point d’inquiétude, je vous ai bien dit que la route susnommée ne méritait son nom que sur sa partie orientale, que j’estime commencer au niveau des Douze Fucking Apôtres.

C’est donc sous une ambiance de tempête, vent force 9, bruine, ciel bas, mer agitée à très agitée, que j’atteins pour la première fois la côte sud, face à la mer de Tasmanie. De manière fort DSC_7110_DxOsympathique, les responsables du développement touristique ont, pour une fois, placés des « look out point » tout les 500m. C’est vraiment tant mieux car la plupart du temps, la route suit la côte légèrement en retrait derrière un mur de gros buissons rabougris, battus par le vent. Je m’arrête donc régulièrement pour aller apercevoir une petite crique et de petites falaises sympathiques mais à l’aspect fragile. Aussi régulièrement, je me précipite dans la voiture pour retrouver une atmosphère plus feutrée et calme.

DSC_7108_DxOAprès quelques heures de ce petit manège, je commence à me lasser de sortir tout plein d’excitation pour finalement n’apercevoir qu’une côte, certes jolie, mais loin d’être grandiose. A sa décharge, le temps ne met pas vraiment en valeur le paysage même s’il met en valeur l’atmosphère. Ce n’est que vers la fin de l’après midi que finalement, après un ultime « look out point », que j’assiste à un magnifique déclin de soleil à travers des nuages de tempête baignant une côté agitée par les vagues où percent des rochers sérieusement entamés par l’érosion. Là, ça commence à causer. Ce n’est pas encore les Douze Apôtres mais c’est un joli avant goût. Ici les falaises ne sont finalement pas très hautes, à peine dix à quinze mètres au dessus de l’eau mais le chapelet d’îles isolées par les assauts répétés de l’eau rend la baie photogénique. Quand le soleil s’y met, ça devient glorieux. Je crois qu’un jour je deviendrai aveugle à force de contempler des soleils couchant.

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La conséquence de ce coucher de soleil est qu’il faut vite fait que je me trouve un camping pour la nuit sous peine de me faire vilipender par mon loueur de voiture qui, je suis sur, me suit par satellite. Comme par hasard, c’est au moment où on en cherche un, sur une des routes les plus touristiques de la région, que l’on est bredouille. Finalement, je trouve un caravan park à Peterborough, état du Victoria, capitale Melbourne. La fréquentation étant proche de zéro, on m’offre même gratuitement un emplacement avec électricité. Il faut dire que cette pluie n’attire pas grand monde.

Le lendemain matin, la vérité nue éclate au grand jour, l’impudique : il va faire un temps de chien pourri à ne pas mettre un bébé dehors. Le vent souffle fort en rafale et la pluie est drue. Quand au ciel, il est bas, merci pour lui. Ce doit être le temps rêvé pour effectuer une journée de ballade le long d’une route scénique. Aller, pas le temps de s’apitoyer sur mon sort, je petit déjeune rapidement, me lave et repart sur la route.

DSC_7131_DxOAssez rapidement, je retombe sur de nouveaux point de vues que j’attaque avec gourmandise. Oh que… c’est… pfff… beau… pfffrrt. Rhaaa, ce vent qui m’amène des seaux d’eau dans la gueule, qu’est ce que c’est bon ! Je remonte dans la voiture et enlève mon blouson, trempé. Pour le pantalon, c’est beaucoup plus difficile. Allez, en route vers le prochain « look out point ». Essuie glaces à vitesse maximale (après un clignotement intempestif) je continu pendant un demi kilomètres et m’arrête à un nouveau parking. J’ouvre la porte et me retrouve instantanément sous la douche. Pffff, wah, c’est…. vraiment… drôlement, euh, ppfffffrt… agité ? Après quelques minutes pendant lesquels mes habits se retrouvent imbibés d’eau, je retrouve la voiture. En route pour le point suivant.

Un petit kilomètre plus loin, j’endure la même punition et abandonne l’idée de maintenir ma DSC_7129_DxOcapuche en place. Bon, là, ça commence à être pénible. Je décide donc de ne m’arrêter que pour les points de vue haut de gamme. D’ailleurs je me souviens avec un petit sourire d’auto-connivence que j’ai dans mon sac à dos un pancho récupéré du Vietnam. J’ouvre le sachet plastique et découvre un mince kway bas de gamme d’une épaisseur équivalente à une poche plastique de supermarché. Je tente malgré tout le coup et l’enfile comme je peux. Je sort. Pfffffrrrttttttt, rrrrhaaaaa, bon c’est un… échec…. ppfffffrrt. Regardons le point de vue en essayant de résister au vent. Allez, c’est bon. Je repart en courant vers la voiture et constate les dégâts. Le poncho est en lambeau. Aaaah, mais c’est quoi cette camelote vietnamienne?!

Maintenant, c’est décidé, je ne m’arrête plus jusqu’aux Douze Fucking Apôtres. Le chauffage à fond, je tente d’évaporer le maximum d’eau de mes habits tout en suivant la route, les essuie glaces en marche. Après quelques kilomètres pendant lesquels je snobe ostensiblement tout panneau indiquant un point de vue, j’aperçois une indication « parking Twelve Apostles ». Mon intuition et mes connaissances en anglais me hurlent que c’est ici. Je me gare donc parmi un nombre notable d’autres voitures, fait rarissime depuis hier. En inspirant un bon coup j’ouvre la porte et me précipite dehors jusqu’au centre des visiteurs. Première étape. Après quelques minutes à regarder s’il n’y aurai pas une petite exposition histoire de sécher, je reprend une nouvelle inspiration et part en courant dehors, empruntant un passage souterrain pour atteindre les falaises.

DSC_7134_DxOQuelques secondes plus tard, j’aperçois à droite la côte déchiquetée et une enfilade en perspective d’aiguilles rocheuses. Les voilà ces saloperies d’Apôtres. Dans la foulée, je me fait copieusement arroser et tente malgré tout de prendre quelques photos. Je dois dire que c’est extrêmement difficile de maintenir le cadre stable avec des rafales de vent. Ci fait, je repart en joggant vers un point de vue un peu plus loin en hauteur. Cette fois-ci j’ai une vue un peu plus large des aiguilles. Ma première réaction est alors : ah, oui, c’est joli. Ensuite, j’ai le vague sentiment de m’être fait tromper. Les photos que j’avais vu me donnait l’impression que ces falaises DSC_7135_DxOet aiguilles étaient gigantesques. Certes, il n’y a pas que la taille qui compte, mais par rapport aux falaises de Mohair en Irlande ou les falaises de craie de Normandie, je trouve ça moins impressionnant. Sur une des photos ci-dessous, à droite vous apercevrez un petit personnage. Cela vous donnera une idée de l’échelle. Je vous laisse juge. Peut être suis-je démoralisé par le temps, par la lumière plate, mais après cinq minutes, je repart à la voiture. Heureusement que j’ai vue Uluru, sinon…

DSC_7137_DxOAprès quelques kilomètres, la route et les paysages changent. Le relief devient plus prononcé et forestier. De grandes forêts de hauts eucalyptus bordent la route qui commence à zigzaguer. De manière assez étrange, cette transition s’opère quasiment au point le plus au sud de la côte, DSC_7138_DxOà hauteur du cap Otway qui signale l’entrée occidentale du détroit de Bass, le bras de mer séparant le continent de la Tasmanie. D’ailleurs, en redescendant de l’autre côté, vers l’est, le temps s’éclairci quelque peu et j’atteins la petite ville d’Apollo Bay avec un peu plus d’espoir pour la suite de la journée.

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Trempé, je ne suis pas très motivé par l’idée de manger un nouveau sandwich froid, même s’il est fait maison. Je gare donc la voiture au bord de la plage et parcourt un peu la rue principale à la recherche d’un restaurant pas trop cher. De manière surprenante, je constate une petite poignée de petits cafés restaurants chaleureux proposant des plats du jour bio. Je me laisse tenter par l’un d’eux proposant une soupe du jour et un pain fait maison. Je peux vous le dire maintenant, avec le recul, ce sera le clou gastronomique de mon séjour australien. C’est fou comme tout est une question de moment, d’alignement des astres, de conjonction planétaire. J’avais besoin d’un bon plat chaud et on me sert un exquis potage aux châtaignes (attention, profitez en, j’use peu des superlatifs), admirablement relevé et avec ce trait de génie brute consistant en un subtile DSC_7143_DxOsaupoudrage de cacahuètes concassés. Le bol est servi chaud, juste comme il faut pour ne pas souffrir inutilement, et comme promis en devanture, accompagné d’une boule de pain, chaude également, ainsi qu’un généreux pot de beurre. Voilà. C’est tout ce qu’il faut pour être heureux. Quand on pense en plus que l’ambiance était au sympathique dans ce petit café restaurant, autant vous dire que je suis resté un peu plus pour prendre un café et bouquiner mes aventures de Richard Bolitho. Le tout, avec la mer en face, de l’autre côté de la route. Sinon, ça n’a pas d’intérêt.

Après une petite sieste digestive dans la voiture, je reprend la route. De ce côté ci, la côte est DSC_7148_DxOmontagneuse et pour le coup, c’est la véritable Great Ocean Road. D’accord, là je veux bien. Ok. Effectivement, c’est plutôt chouette voir même très chouette. Un grand soleil perce sur la mer mais les reliefs sont encore sous la pluie. Magie de la nature mainte fois renouvelée mais jamais égalée, un arc-en-ciel fait son apparition, le modèle haut de gamme, double. Ma moyenne en prend un coup. Je poursuit malgré tout, m’arrêtant régulièrement lorsque la route s’élève pour profiter du panorama au moins du même niveau que Big Sur, en Californie.

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Malheureusement, rapidement je suis rattrapé par la pluie et les choses reprennent un aspect plus morne et déprimant. C’est finalement arrivé à Geelong, une ville moyenne au sud-ouest de Melbourne, que la route côtière s’achève. M’en fout, j’ai fait la Great Ocean Road. Je peux maintenant quitter l’Australie en paix.