Australian Football

Melbourne c’est une capitale culturelle. Ca va bien finir par rentrer à force que je vous le répète. Ceci dit, pour beaucoup d’australiens, les sorties en soirée sont plutôt l’occasion d’aller se divertir au stade. De ce côté ci, ils sont plutôt vernis, ayant le choix entre le cricket (pour les plus léthargiques), le rugby (à 13 ou à 15) mais surtout, le football australien, également surnommé « footy ». C’est d’ailleurs extrêmement perturbant au début car les gens vous parlent de « football » en se référant à sa version locale, l’AFL (Australian Football League) mais comme le football européen est encore un peu timide ici, pour eux, il n’y a pas d’ambiguité.

Hors donc, pour mon dernier soir à Melbourne, je me suis inscrit pour aller assister au match du vendredi soir pour un prix complètement dérisoire de 15$ (soit environ 10-11€). La sortie est organisée par le Greenhouse Backpacker et, oh surprise, notre chef de bande est Molly, notre guide pour le Pub Crawl. C’est d’ailleurs elle l’instigatrice de cette sortie. Elle est fan de footy. En plus, ce soir, ça tombe bien, son équipe, Collingwood, joue et pour que la soirée soit encore plus dingue, c’est un derby de Melbourne, Hawthorne vs. Collingwood, deux quartiers de la ville.

A ça, il n’y a rien d’étonnant. En discutant un peu avec Molly, mais aussi grâce à mes papotages avec les trois Brisbanais de hier soir, j’apprend que ce sport est joué majoritairement au sud du pays, avec une forte concentration d’équipes à Melbourne. La ligue compte 18 équipes, dont 9 sont basées dans la capitale du Victoria, voir 10 si on rajoute Geelong, une ville mitoyenne. C’est d’ailleurs à Melbourne que le sport a été créé. Molly nous a d’ailleurs raconté qu’historiquement, il s’agissait d’un sport d’entrainement hors saison pour les joueurs de cricket. Je suis drôlement sceptique à ce sujet car je ne voit pas bien en quoi le fait d’être hors de forme impacte en quoi que ce soit la performance d’un joueur de cricket. Si c’était un sport physique, ça se saurait. Je crois que je vais lancer la rumeur que le rugby a été inventé par des joueurs de pétanque pour maintenir leur condition physique pendant l’hiver.

Du coup, la saison est hivernale est courte. Comme un grand nombre d’équipes est de Melbourne, aux alentours des weekends il y a des matches quasiment tout les soirs. Il y a d’ailleurs deux stades dédiés, des plus modernes, l’Etihad Stadium à l’ouest du CBD et le MCG (Melbourne Cricket Ground) à l’est mais les deux sont en centre ville et facilement accessibles à pied de Federation Square.

Je me retrouve donc de nouveau à l’accueil de l’hostel, attendant que tout le monde se rassemble. Un groupe de trois anglaises sont déjà là, à moitié peinturlurées en noir et jaune, les couleurs de Hawthorne. Agréable surprise, je retrouve Samjin, également intrigué par ce sport. Sous le chaperonnage pressant de Molly, nous prenons la route à pied. Manifestement, elle est pressée d’arriver un peu tôt malgré des places numérotées.

C’est d’ailleurs franchement agréable de pouvoir tout faire à pied lorsqu’on est en centre ville. Le stade est à peine à dix minutes de marche le long de la Yarra River. Hormis deux rues traversées, le reste du parcourt se fait sur un chemin piéton et sur une très jolie passerelle en bois. Nous profitons de ce moment de ballade pour discuter de nouveau football avec Samjin. A l’approche du stade, nous croisons de plus en plus de personnes aux couleurs des deux équipes. La foule est extrêmement variée, familiale et calme.

Le MCG, également stade de cricket, comme son nom l’indique, est vraiment immense et moderne. Après s’être fait refoulé à une entrée pour une confuse raison (je crois que Molly avait ses habitudes et que pour ce match, ce virage n’était pas autorisé pour les non abonnés), nous refaisons un demi tour de l’enceinte pour finalement pénétrer au rez de chaussé. Tout est nickel et propre avec une ribambelle de vendeurs de nourritures et de boissons. Nous grimpons des marches et j’ai pour la première fois une vue de l’intérieur du stade.

C’est immense. Ce stade peut contenir jusqu’à 100000 spectateurs et pour vous donner une idée, c’est plus que le Stade de France qui est le plus grand stade français. Il est parfaitement oval de forme, à l’image du terrain de cricket qu’il contient. De plus les tribunes sont très inclinées ce qui assure à tout le monde une vue superbe sur l’action.

On poursuit donc notre ascension et nous nous retrouvons quasiment aux deux-tiers en haut, dans un des coins du terrain. Enfin, comme il est oval, on ne peut pas vraiment parler de coin. En tout cas, on est super bien situés. Le stade est déjà bien rempli alors que le match ne commence que dans trente minutes.

C’est le moment dont profite Molly pour nous expliquer un peu les règles de ce sport. En espérant ne pas me tromper, disons que c’est une sorte de mélange entre le rugby et le football. Je pourrait vous renvoyer vers la page Wikipédia, mais je préfère quand même vous balancer moi même quelques généralités. Tout d’abord, le sport se joue sur un terrain de 185m de long sur 100 de large. C’est gigantesque. Si, si. C’est beaucoup plus qu’un terrain de football ou de rugby. On y met, à des endroits stratégiques, bien entendu, deux fois 18 joueurs. Ca fait du monde. Vous habillez ces joueurs de petits shorts courts façon Michel Platini, années 70, ainsi que de marcels laissant saillir les muscles des épaules.

Les joueurs peuvent se passer la balle soit à la main, soit au pied. S’ils choisissent la première option, ils doivent impérativement la taper par en dessous, à la manière d’un service de volleyball lorsqu’on ne sait pas servir au volleyball. Contrairement au rugby, d’ailleurs, on peut très bien effectuer une passe en avant. Au pied, c’est beaucoup moins restrictif et on peut faire ce que l’on veut. Là où ça devient franchement divertissant, c’est que le joueur portant le ballon peut se faire plaquer, y compris lorsqu’il est en l’air. Finalement, pour que tout ceci prenne encore plus l’allure d’un sport inventé par une romancière au chômage, vous pouvez porter le ballon mais sur pas plus de 15m. Ensuite vous pouvez dribbler pour repartir pour 15 nouveaux mètres. Oui, vous avez bien lu : on peut dribbler avec un ballon oval. Je l’ai vu faire.

Pour donner un sens autre que de se foutre sur la gueule, on a placé quatre poteaux de chaque côté du terrain. Pourquoi quatre, me demandez-vous (je vous entends d’ici) ? Tout simplement car les deux du milieu rapportent un maximum de point si vous parvenez à passer du pied (et non pas de la main) la balle entre, alors que si vous la passez entre un des poteaux extrêmes et ceux du milieu, ça ne rapporte qu’un point. Si vous la shootez n’importe où, c’est encore plus drôle car cela donne une touche. Mais contrairement à tout les autres sports de la planète où la balle revient à l’équipe adverse qui la remet en jeu, dans ce sport c’est l’un des arbitres qui s’en charge. Pour garantir l’équité de la remise en jeu, il se place alors sur la ligne, se retourne dos aux joueurs, face au public, et d’un grand jet par dessus sa tête qui n’est pas sans rappeler la gestuelle du lanceur de tronc d’arbre, l’envoi valdinguer à l’aveugle très loin dans le terrain. Je crois bien que c’était mon moment préféré du match.

Il y a encore plein de subtilités que je vais passer sous silence, principalement car je ne les ai pas comprises. Heureusement, Molly était là pour répondre à la majorité de nos interrogations. Tout ceci se déroule sur quatre quart temps de 20mn, avec des pauses au milieu ce qui fait qu’on passe quasiment deux heures au stade. Ceci dit, au vu de la taille du terrain et les distances parcourus par les joueurs (sans parler des placages), c’est un des sports les plus physiques que je connaisse. Il n’y a pas à mégoter, ces joueurs sont de sacrés athlètes.

Mais revenons à notre match. Pour faire couleur locale, je redescend me prendre de quoi manger et opte pour un fish’n’chips. Je crois bien que je rend perplexe Samjin devant ce choix, lui qui est habitué à fréquenter les stades de football anglais. Ce doit lui paraître aussi peu dépaysant que de commander un jambon beurre. J’apprend d’ailleurs qu’il a joué à un très bon niveau et qu’il y a encore un an, jouait en amateur dans l’équipe de sa ville. Un peu plus et il m’avouait avoir participé à la Ligue des Champions ou connaître personnellement Wayne Rooney.

Enfin, le match commence après un petit cérémonial. Le stade est quasiment plein et les supporters de Hawthorne et Collingwood, plutôt mélangés. D’ailleurs, on repère très peu de véritables groupes organisés et globalement l’ambiance est incroyablement calme et retenue. Par rapport à un stade de football, c’est incomparablement plus silencieux, et c’est peu dire. L’avantage est qu’on peut se concentrer sur le match sans être sans cesse dérangé par une ola. Par contre, il faut bien l’avouer, c’est assez terne. Samjin, en habitué, tente de se mettre dans l’ambiance en lançant des « Come on, magpies ! » mais la sauce ne prend pas. Les couleurs de Collingwood sont le noir et le blanc, d’ou le surnom donné à l’équipe de « magpie », la pie commune. Sinon, vous pensez bien que ça n’aurait aucun sens ce qu’il dit.

Comme Molly supporte Collingwood, nombreux sont les gens qu’elle a rallié à sa cause. Moi j’attends de voir qui va gagner. D’après notre guide, Hawthorne, banlieue plus fortunée, est favorite mais l’enjeu du match est essentiellement pour Collingwood qui peut, en cas de victoire, se qualifier pour la phase finale du championnat. Quelle tension. J’espère bien que vous vibrez avec cette mise dans le contexte.

En tout cas, le jeu est franchement divertissant, toujours en mouvement et avec très peu de temps morts. Je dois dire que les impacts me semblent beaucoup moins violents qu’au rugby sans doute car les joueurs ont moins de vitesse. De toute façon, la plupart des mouvements de ballons se font par des passes au pied, avec très peu de courses.

Pendant la moitié du match les équipes sont au coude à coude. J’en profite d’ailleurs pour repérer un joueur de Collingwood, répondant au joli nom de Harry O’Brien qui, comme son nom pourrait laisser croire, n’est pas un grand roux à tâche de rousseur originaire de Limerick ou de Galway, mais un grand black à rasta originaire de Rio de Janeiro. Comme c’est le seul black des 36 joueurs sur le terrain, c’est relativement facile de le reconnaitre. De plus, il marque un superbe but, histoire de se faire remarquer. Finalement, à partir du troisième quart temps, les choses se gâtent pour Collingwood. Les espaces sont font en même temps que se fait sentir la fatigue (parce que ça cavale, croyez moi) et la défense prend l’eau. Je me retourne et Molly semble de plus en plus déçu par la tournure des évènements.

Au coup de sifflet final, c’est un score proche de la fessée qui s’affiche au panneau principal, en faveur de Hawthorne. Nous repartons dans le calme, toujours dans une ambiance tranquille et conviviale. C’est un sport intense mais on ne peut pas dire que les supporters soient déchaînés ici.

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