Hey, bro !
Hey, dude !
Hare krishna, my friend.
Aujourd’hui, ce billet ne sera que paix et amour.
Ça fait bien longtemps que les hippies aux cheveux longs ont quitté San Francisco. Quelle tristesse, cette belle époque pleine de rêves et de promesses d’un monde de fraternité, totalement libéré de toutes ces contraintes bourgeoises (et hygiéniques diront quelques mauvaises langues). Non, tout ce joli monde s’est dispersé et je crois bien que je viens d’en retrouver un nid.
Arcata, c’est une petite commune au nord de l’état qui, à mon grand désarroi, n’est pas côtière. Pour le surf, c’est rappé. Elle se situe non loin de l’océan, certes, quelques minutes de voiture à tout casser, mais ce n’est pas pour autant qu’il faudrait la snober. Ce n’est pas un endroit au charme architectural fou (quoique) ni situé dans un environnement naturel exceptionnel (quoique, également).
Arcata, c’est un peu la petite bourgade étudiante et progressiste juste au nord d’Eureka, la ville moyenne du coin. Au sud, l’agglomération est bordée par des terres marécageuses et une petite baie connectée au Pacifique par un étroit passage. A l’est commencent les vastes forêts de redwood pines qui couvrent quasiment toutes les collines de cette partie des Etats-Unis.
Vu de l’extérieur, la seule chose notable à Arcata est l’université d’Humboldt, université d’état qui avec ses huit milles étudiants sur les 17000 habitants que compte la ville peut être considéré comme le cœur de celle-ci. Géographiquement, le campus est légèrement en dehors du centre ville, de l’autre côté de la highway 101, même s’il est facilement accessible à pied. D’ailleurs attendez vous à croiser assez souvent le nom d’Humboldt dans les parages, le comté portant ce nom, ainsi que la baie au sud d’Arcata et le courant marin à l’ouest.
Non, au premier abord Arcata est extrêmement décevante. Mais il suffit de discuter un peu avec les gens et aller marcher dans le centre ville autour de la place centrale pour découvrir l’ambiance particulière du lieu. Mais avant cela, remarquez comme cette petite ville n’est pas totalement dénuée de charme avec ces rues perpendiculaires où sont plantés de jolies maisons en bois, sortes de « painted ladies » de plein pied, en divers états de conservation. Quelques unes abritent d’ailleurs, sans surprise des étudiants. Ces rues perpendiculaires sont d’ailleurs assez amusantes car ici, le schéma de numérotation à la New Yorkaise a été porté à l’extrême. Les rues courant d’est en ouest sont numérotées de 1 à 18 alors que celles du nord au sud portent des lettres dans l’ordre alphabétique de A à Q. Rien de plus simple pour s’y retrouver même si, lorsqu’on s’éloigne de la place centrale, ce schéma est abandonné au profit de noms de rues plus classiques.
Mais revenons plus particulièrement sur ce qui fait vraiment le charme de l’endroit, les gens et l’atmosphère. En plus d’une nonchalante ambiance étudiante (totalement à l’opposé de l’ambiance oppressante et traditionnelle de Cluny, pour ceux qui connaissent), la ville annonce avec fierté ses valeurs libérales progressistes, ici selon le sens donné par les américains que l’on pourrait traduire très grossièrement en français de manière caricaturale et approximative par « de gauche ». C’est d’ailleurs étonnant de voir comme ce terme « libéral » peut avoir un sens totalement contraire dans l’héxagone et aux Etats-Unis. C’est encore une fois une histoire de poule et d’oeuf que j’ai la fainéantise d’aller creuser sur Wikipédia. Est-ce à cause de nombreux migrants progressistes ou est-ce parce que la ville l’a toujours été qu’elle a attiré des gens de pensée similaire ? Je suppose que la présence de l’université n’est pas totalement étrangère à cet état de fait.
Il est temps que je vous donne des preuves de ce soit-disant état d’esprit libertaire qui règne ici. Déjà, il faut être un peu aveugle pour ne pas remarquer un nombre important de soixantenaires chevelus aux robes multicolores ou aux jeans usagers. Ceux là sont certainement des anciens d’Haight-Ashbury et consort. Parmi les plus jeunes (mais pas que), ont note également une proportion appréciable de porteurs de dreadlocks. Il y a même des joueurs de djembé au milieu de la place centrale, signe irréfutable d’une jeunesse qui fume autre chose que du tabac (oui, car la Californie autorise l’usage de cannabis pour des fins médicinales).
Jeudi, jour de marché sur la place centrale, vous noterez sans difficulté que la quasi-totalité des marchands arborent une voir plusieurs mentions « organic » (ce qui se traduit par bio, je vous le rappel) ou « locally grown » (ce qui se traduit par produits localement) sur les panneaux vantant leur marchandise. Je sais bien que l’habit ne fait pas le moine, mais ici, point d’habits bourgeois (ou si peu) mais plutôt de pratiques vêtements techniques ou de jeans passe-partout. En plus, pour signifier à quel point cette charmante bourgade est également rock’n’roll, un groupe live est chargé de mettre l’ambiance malgré un ciel bas. Aujourd’hui, le bon vieux blues râpeux de « Lizzy and the Moonbeams ». On est loin du bal musette de « Raymond et son accordéon ».
En allant faire mes courses le lendemain, je décide d’aller faire un tour au supermarché local. Je sais, c’est mal sans parler que c’est bizarre de faire du tourisme dans un supermarché, mais c’est drôlement instructif. Le « North Coast CoOp » en dit long sur l’atmosphère de la ville. Imaginez un supermarché grand comme il faut, sympathique, où on vous fournit des cartons d’emballages usagés pour emporter vos courses, où la quasi-totalité des produits sont estampillés « organic », où un immense rayon propose farines, céréales, huiles et fruits secs au kilo, sans packaging, un autre des produits d’aromathérapie (le soin par les odeurs?), et où surtout les papiers toilettes proposés sont exclusivement en papier recyclé et même vendus au rouleau dans des packaging en papier 100% sans plastique. En sortant de là, j’avais envie de prendre les clients dans mes bras ou d’embrasser les vendeuses, chose qui ne m’arrive jamais en France, peut-être aussi à cause de l’absence de musique débile. Bon, parce que personne n’est parfait, il y a bien quelques pickups et vans sur le parking, mais conduit par de jeunes hommes en bonnet péruvien ou un vieux monsieur en salopette.
Mais ce n’est pas fini. A Arcata (superbe allitération), il y a également un cinéma art et essai ainsi qu’un petit théâtre. Pour finir, je ne sais pas s’ils ont fait ça spécialement pour moi, mais le dernier soir où j’y suis resté, autour de la place centrale, c’était la grande soirée magasins ouverts jusqu’à 21h. Attendez, ne partez pas, si ce n’était que ça, mais non. Déjà je ne vous parle pas de magasins internationaux style Gap ou Zara mais de petites échoppes locales. De plus, non seulement tout le monde était dans la rue en papotant mais chaque magasin avait pour l’occasion embauché un groupe de musique live pour animer. ÇA c’est génial. C’est quand même autre chose que « Nature et Découverte » laissant son magasin ouvert en plein hiver en diffusant un CD de musique hypnotique ! Non ?
Il y avait même une camionette distribuant du thé chaud gratuit. Du coup, on déambule dans la rue, zappant de musique en musique, le tatoueur abritant un DJ et un chanteur de rap, le voisin hébergeant un quatuor à corde ou l’autre un groupe de jazz New Orleans. Du coup, fatalement, il y a également quelques autres groupes dans la rue, invités par la municipalité dont un qui s’est amusé à reprendre quelques bons standards du rock bien énergiques. C’est d’ailleurs en commençant par eux que je me suis dit que c’était drôlement sympa ici. Mais c’était avant de plonger dans l’ambiance festive, malgré une soirée fraiche.
Arcata, je n’y suis pas resté si longtemps que ça (deux jours, à peine), la faute à la météo, à l’envie de bouger et d’autres paramètres plus difficiles à cerner. Mais, Arcata, en partant, je me suis dit, c’est les Etats-Unis qu’on aime aimer.