Conclusion sur l’Inde

Alors, après ces plus de trois semaines, ai-je aimé où pas l’Inde ? Telle est la question que je me pose encore, figurez-vous. Elle m’a été posée plusieurs fois depuis et je suis encore en train de chercher une réponse définitive, mesurée et sincère.

Ce qui est certain, c’est que je suis extrêmement soulagé de quitter le pays. C’est un pays que l’on visite mais ce ne sont certainement pas des vacances de tout repos, en tout cas si on cherche à voyager en dehors des hôtels cinq étoiles et sans utiliser l’avion. Ce qui est également certain c’est que je n’aimerai pas vivre dans les quatre endroits que j’ai vu. Je crois que je suis trop habitué à des sociétés « tempérées » d’un point de vue social car ce qui est le plus agaçant pour moi, c’est cet incroyable grand écart de civilisation dans ce pays où se côtoient les plus grands esprits internationaux dans des domaines de pointes comme les mathématiques, la physique, la médecine, un pays qui est à la pointe technologique dans énormément de domaines, qui possède l’arme atomique et des centrales nucléaires mais qui de l’autre côté a une frange de sa population qui paraît être en stagnation complète. L’Inde a un pied solidement ancré dans le 21ème siècle, en mouvement. Le problème c’est que tout le reste du corps est encore au 19ème, immobile. Les infrastructures que l’on considère de base sont encore loin d’y êtres présentes ou vieillissantes (voir pourrissantes), même dans les grandes villes hyper-dynamiques comme Mumbai. A quoi sert d’avoir le téléphone portable et l’internet (et encore) quand il n’y a même pas de réseau d’eau potable, un réseau routier moderne et un réseau électrique fiable? C’est d’ailleurs pour moi une semi-decouverte et semi-confirmation de ce que je pensais, que la véritable richesse d’un pays se mesure surtout dans la qualité de ses infrastructures y compris sociales et non pas dans l’excellence de quelques élites quelles qu’elles soient.

Après, il faut être raisonnable et bien se rappeler d’où vient l’Inde. Son système éducatif, d’après ce que j’en sais, semble bon et ouvert à tous (en théorie), donc il y a peut être de l’espoir dés qu’ils auront dégagés les politiciens corrompus à leur tête (et oui, c’est sans doute en partie un problème de caste politique). Sauf que j’ai quand même bien l’impression que les mentalités sont encore très traditionnels et j’ai du mal à juger de l’influence de la religion sur cette situation. Je vous parle de ça en ayant eu, à l’instant où j’écris ces lignes, un aperçu du Vietnam depuis une bonne dizaine de jours. La différence est flagrante entre un pays ravagé par la guerre il y a encore trente ans et un autre qui a eu son indépendance tout en ayant gardé ses infrastructures intactes il y a plus de soixante ans.

Mon esprit rationnel, scientifique et franchouillard est donc particulièrement agacé. Ce sentiment est un peu renforcé par l’impression pendant ce séjour d’avoir vécu dans une bulle indienne véritablement coupée du reste du monde : on mange indien, on écoute de la musique indienne, on voit des films indiens, on roule dans des voitures indiennes, on s’habille indien. Quasiment tous les produits de consommation courante sont indiens. C’est excellent pour l’économie indienne mais ça laisse une sensation d’autarcie et de non ouverture au monde extérieur qui doit être une réalité pour la majorité des gens qui n’ont pas de famille à l’étranger et pas la possibilité de se payer un aller-retour Mumbai-Londres une fois par an.

Mais c’est génial ! C’est dépaysant, me diriez-vous. Vous avez raison. C’est ce que l’on cherche lorsqu’on voyage et de ce point de vue là, je n’ai rien à redire. On touche alors du doigt le paradoxe du touriste éclairé (je ne parle pas du touriste beauf qui ne s’intéresse qu’au soleil, la plage et le repas du soir) : on est ravi de découvrir une culture pleine de traditions et de particularismes alors que si on état prisonnier de cette culture traditionnelle et particulière, on hurlerait pour avoir plus de liberté et de modernisme. Mon côté touriste s’esbaudissant devant la vieille grand mère en sari salle occupée à balayer son hall de gare le dos cassé est en lutte permanente avec le citoyen d’une démocratie à l’origine de la déclaration universelle des droits de l’homme qui trouve cela complètement débile et dégradant.

Je ne pense pas qu’on va visiter l’Inde pour les paysages et les monuments. Ce ne sont qu’une trame et si c’est le cas, on n’a pas visité l’Inde (Mais n’est ce pas vrai de la plupart des pays?). La véritable raison de vouloir visiter l’Inde (pour la plupart d’entre nous et c’est pour ça que nous sommes nombreux à ne PAS vouloir la visiter) c’est de se confronter à cela, cette contradiction permanente, cette frustration de voir ce si grand pays à l’influence mondiale toujours les pieds englués dans le sous développement. Et comme l’a dit un internaute sur un de ces blogs que j’ai lu (pour essayer de comprendre si j’étais le seul dans cet état d’esprit) : en tant qu’occidentaux, on y va pour ce sentiment de liberté et de débrouillardise imposée, cette abolition des règles et du rationnel. On y va pour voir les gens, leurs rites, réaliser que non, tout ça ne sont pas que des clichés : il y a de la merde, il y a des sourires, il y a du bruit, il y a de la puanteur, il y a des odeurs d’encens, il y a de la frénésie, il y a de la méditation, il y a de la gentillesse et il y a de la corruption. D’ailleurs, un peu par pudeur et un peu délibérément, je me suis retenu de photographier des bidonvilles, des clochards, des estropiés (chiens et humains) ou des rivières dégueulasses. Ça existe et ce n’est pas anecdotique. Mais je ne sais pas le photographier.

Mais qu’est ce que j’en ai retiré, me demandez vous, un brin agacés ? D’une part que les chiens indiens ont en moyenne 3,7 pattes, que je suis encore moins pro-religion qu’avant, que je sous estimait encore l’incroyable influence culturelle passée de l’Inde sur toute l’Asie mais surtout, je me sens vraiment prêt à tout affronter maintenant dans mon tour du monde car tout me paraît facile et sans stress dorénavant. J’ai bien l’impression d’avoir monté de niveau d’un coup. La prochaine étape, c’est l’Afrique. Plus tard.

Donc, pour conclure, non je n’ai pas aimé l’Inde mais, bon sang, je vous interdit de dire que je l’ai détestée. D’ailleurs, je retournerai bien un jour visiter le nord qui parait-il est encore plus extrême. Mais avant je me repose et ce soir, promis, je me prends une dose de vision holistique et on en reparle.

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