Ni oui ou ni non

Il y a des choses qu’on sait. Il y a des choses qu’on oublie. Il y a des choses qu’on sait mais dont on a oublié le contexte. Il y a des choses dont on ne sait pas que l’on sait car les choses rentrent par une oreille et s’échappent de l’autre. Ça c’est les plus nombreuses.

Dans un contexte dont j’ai totalement oublié la nature, j’avais appris que les deux gestes universels pour signifier « oui » et « non » n’étaient en vérité, pas si universels que ça. A l’époque j’avais du répondre « C’est dingue, ça ! » puis depuis ai promptement oublié les pays pour lesquels « oui » et « non » ne se traduisaient pas par respectivement, un hochement de la tête de gauche à droite autour d’un axe vertical et un hochement de la tête d’avant en arrière autour d’un axe horizontal, ainsi que les gestes équivalents dans ces contrées exotiques.

Lors de mes multiples interactions avec des indiens, à une question fermée (dont je rappel aux plus distraits qu’elle n’autorise que trois réponses : oui, non ou bien merde) parfois je les voie me répondre en faisant un geste que tout bon français interpréterait par « mouuaih, j’sais pas trop. j’hésite ». Ceci est particulièrement déstabilisant lorsqu’au restaurant, par exemple, on demande la disponibilité d’un met que l’on sait raffiné :

– Namasté, vous auriez du Coca-Cola, s’il vous plait ?
– <Geste indiquant un mmmmouaih, j’sais pas trop>
– Euh… Vous en avez… ou pas ?
– Yes <j’sais pas trop j’hésite>

Quel manque de confiance en soit, parbleu ! Do you have ou do you not have ?! Or shit ? Voici encore ce qui me traverse l’esprit mais dont j’évite d’exprimer.

Fort heureusement, au détour d’une lecture un peu aléatoire du Lonely Planet, je tombe sur un paragraphe évoquant justement ce bizarre déficit d’affirmation chez les indiens. En réalité, comme vous l’auriez deviner, il ne s’agit absolument pas de ça mais de ci, ce dont je vous parlais au deuxième paragraphe : le geste utilisé en Inde pour exprimer « oui » est tout simplement totalement différent de celui utilisé dans nos contrées tempérées.

Décomposons le mouvement : autour d’un axe horizontal passant à travers la glotte, le sujet imprime un mouvement oscillant de sa tête de gauche à droite tout en imprimant un autre mouvement oscillant de son cou de droite à gauche donnant l’illusion parfaite que sa tête oscille autour d’un axe passant par le nez (quand c’est bien réalisé). Si vous voulez, c’est un mouvement presque similaire que font les danseuses indiennes mais en plus rapide. Les plus pressés gardent le cou immobile et ne bougent que la tête. Mais c’est beaucoup moins joli. Moi je ne pourrai pas le faire. J’aurai trop peur de me briser une vertèbre supérieure et de finir tétraplégique.

Maintenant que je le sais, je comprends mieux ce qu’on me dit, bien qu’il m’est toujours difficile de réagir dans l’instant. Mon cerveau, tellement habitué à son langage corporel doit faire un effort conscient pour contredire ce que lui dit mon subconscient. Ce qui donne maintenant ceci :

– Namasté, vous auriez du Coca-Cola, s’il vous plait
– <Geste du oui>
<silence de quelques secondes>
– Ah, ok, super. Donc je vais en prendre un (index en l’air, toujours).
– <Autre geste de oui>. Ok.
<silence de quelques secondes>
– Ssank you (je fais plus d’effort de prononciation, je vous dit)

Ils doivent me prendre pour un débile.

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