La boustifaille de Mumbai

Qu’est-ce que t’as mangé là bas ? Voilà une question récurrente que l’on peut poser à un voyageur de retour de voyage. Notez qu’un voyageur qui ne retourne pas de voyage se fait beaucoup moins emmerdé par des questions. Donc bien évidemment, la question de la nourriture est un sujet primordial de notre quotidien à la maison et forcément c’est encore plus primordial en voyage. Et bien figurez-vous que ça ne me tracasse pas tant que ça jusqu’ici et ceci pour plusieurs raisons.

Premièrement, je prends le petit déjeuner à l’hôtel en room service. Alors n’allez pas croire que c’est parce que je fais ma star. C’est juste qu’il n’y a pas moyen de faire autrement. Soit c’est du room service, soit tu vas bouffer dehors. Et moi bouffer dehors dés le matin… j’hésite encore. Donc le matin je mange des œufs à la poêle ou en omelette, des toasts ou des tartines non toastées, avec un petit gâteau ou de la confiture et un café au lait. Pourquoi toute cette variété me demanderez-vous ? Certainement pas parce que je suis super instable pour ce qui est de mes habitudes alimentaires matinales. Non c’est tout bonnement car quand je compose le 555 (room service, j’écoute?) je ne comprends rien à ce que me dit le gars au bout du fil donc j’ai tendance à dire « yes » quand il me reprend. Résultat, une fois sur deux j’ai mes œufs brouillés ou à la poêle, mes tartines grillées ou pas mais j’ai tout le temps du café, préparé avec du lait (alors que j’ai rien demandé, mais ça, c’est culturel donc j’admets). Bref tout ça pour dire que le matin je mange plutôt pas mal mais à l’hôtel c’est souvent le cas.

Ensuite arrive le midi. Le midi je viens la plupart du temps de me coltiner une heure ou deux de marche dans une chaleur de sauna et donc la faim arrive souvent vers le tard. Du coup, il y a forcément se moment d’angoisse ou on se demande s’il faut osez commander ces petites boulettes ou samosas frits qui ont l’air tellement appétissants dans la devanture crasseuse du vendeur de rue, au risque de se torturer le bide (bien que depuis le Mexique, je suis capable de me faire vomir en catastrophe si l’alerte se déclenche. Un super pouvoir dont je ne suis pas peu fier). Sans parler du sketch anglo-gestuel qu’il faut effectuer pour désigner au vendeur de manière insistante qu’on veut manger ce truc là alors que lui essaie patiemment de te faire comprendre en hindi que ça, monsieur, c’est ce qu’on donne aux chiens pour qu’ils s’éloignent (voir billet sur les animaux, d’ailleurs). La première journée à Mumbai je n’ai pas eu faim avant la soirée donc la question ne s’est pas posée.

Le deuxième midi je suis rentré après un peu de déambulations et d’hésitations dans un petit troquet à côté de Churchgate. D’aspect « qui ne paye pas de mine » mais donnant sur une avenue principale et muni de quelques clients indiens (plutôt rassurant), grand ouvert vers l’extérieur avec des tables et des chaises tout à fait banals et des ventilateurs qui tournent mollement au plafond. Je me suis donc posé avec résolution à une table en attendant qu’un frêle serveur (voir le billet sur le physique des indiens) vienne me tendre une carte puis plus tard… un verre d’eau (qui est bien resté là, loin, sans bouger). Je constate que la carte en hindi et en anglais se compose pour moitié de plat végétariens, notamment des dahls à foison. Sympa. Le choix et vaste donc je prends un truc au hasard (en espérant que ce n’est pas un amuse gueule) dont je ne me souviens plus du nom. Le serveur me demande si je veux du riz. Je lui réponds non d’un vague air connaisseur que l’on pourrait méprendre pour de l’hésitation. Il me demande un peu surpris si je veux des naans. Je réponds d’un air un peu moins hésitant que l’on pourrait méprendre pour de l’expertise, oui, mais nature. Je précise qu’encore une fois tout ceci est romancé car en vérité il m’a dit un truc vaguement anglais que j’ai vaguement reconnu comme « rice » puis un autre truc vaguement anglais que j’ai compris comme « naan », c’est à dire que c’était pas de l’anglais d’où ma réponse plus rapide. Résultat des courses j’ai mangé un délicieux plat, bien sur épicé, avec des naans légèrement croustillants, servi séparément avec des tranches d’oignons et un petit demi-citron pour assaisonner à sa convenance. Et tout ça en finissant avec un thé sucré au lait que je commence à bien apprécier. Je vous le fait pour 130 roupies indiennes.

Le lendemain midi, j’étais un peu en vadrouille à un musée et en repartant je commençai à avoir faim. Malheureusement, pas de restaurants pas trop pouilleux aux alentours (quand je dis ça, je cherche pas un grand resto mais un minimum d’hygiène, bien que ce soit subjectif). Je décide de prendre le risque d’acheter un truc à un vendeur au coin de la rue. Je minimise un poil le risque (enfin vraiment un poil) en m’arrêtant à un kiosque « en dur » où je vois marqué, entre autres, bhel puri, 30 roupies. Je ne connaissait pas mais le LP en parlait positivement comme un plat typique « à la sauvette ». Je demande donc ça et repart avec deux petits plats en cartons serrés par des élastiques. Je m’éloigne un peu pour ne pas faire le morfal et je découvre une sorte de riz composé avec ce qui ressemble à un fromage râpé, du riz soufflé et je ne sais pas trop quoi. N’ayant pas été proposé de cuillère je saisie une première bouchée avec les doigts et suit agréablement surpris par le goût épicée et légèrement sucré à la fois. Ca va peut être me tuer mais entre temps, c’est bon. J’ai depuis relu le passage du Lonely Planet concernant les bhel puri (je ne pense pas qu’il faille dire bheaux puris au pluriel, même si c’est tentant). Ils parlent de beignets frits. Ah. Rien à voir. Il est donc fort possible que je me sois fait refilé la nourriture du chien. Mais si c’est le cas, heureux chien.

Ayant survécu pendant la nuit, le midi suivant, toujours en fonction de la faim je choisi de m’arrêter dans une boulangerie / restaurant « Sassanian », piqué de curiosité par un nom arménien. L’intérieur du restaurant semble être de la même classe que celui de Churchgate, sans prétention façon troquet, de frêles serveurs et une vieille dame à l’aspect possiblement occidental qui doit être la patronne. Derrière son comptoir elle semble jauger du regard ses serveurs indiens mais leur parle en hindi. Au plafond toujours des ventilateurs qui tentent mollement d’apporter un peu de fraîcheur à un temps lourd qui sent l’orage (oui car la mousson approche). Je m’assois à une table au hasard en jetant un œil et je découvre une photo du monsieur Sassanian fondateur du restaurant en 1913. La classe. J’aperçois accroché au mur un carton proposant une formule « Parsi » (c’est à dire Perse) à 130 roupies avec deux kebabs, du poulet et un Pepsi. J’opte pour ça, aimant particulièrement arroser mes plats par du Coca ou du Pepsi histoire d’aider ma digestion en cas de pépins. Le serveur m’apporte un verre d’eau (qui lui aussi va rester bien sagement à sa place sans bouger. En même temps ça se trouve c’est fait pour se laver les doigts) et je lui demande la formule Parsi. Un peu plus tard il arrive avec un bol contenant le poulet dans une sauce épicée ainsi qu’une assiette contenant une bonne plâtrée de riz et deux boulettes ainsi que le désormais (après deux je généralise) traditionnel accompagnement de tranches d’oignon et demi citron. J’en déduis que les boulettes sont les « kebabs » et c’est plutôt une bonne surprise. Résultat des courses ? Et bien c’était très bon et juste copieux comme il faut. Du coup j’ai fini avec un lemon cheese cake trèèès jaune (et plutôt bof en fait mais il n’y avait rien de typique en dessert) et un autre thé sucré au lait. Le tout pour 175 roupies.

Et pour le soir alors ? Je m’explose le bide dans les meilleurs restaurants de la ville ? Et bien non. Le soir j’ai jamais faim. Faut dire qu’avec cette chaleur… La seule exception fut le premier soir vu que je n’avait rien mangé le midi. Comme j’étais rentré vers 22h de mes pérégrinations ferroviaires je décidai de me faire le restaurant indiqué à l’hôtel comme étant son restaurant attitré. Oui et bien je comprends pourquoi. Ambiance classe, décoration à l’occidentale, frêles serveurs en habits qui vous servent et vous resservent à la moindre élévation de sourcil. Bref, tout ce qui me met mal à l’aise. Mais vu l’heure je n’ai pas envie de me prendre la tête et avec mes Euros, je leur achète leur resto s’ils me cassent les pieds. Le maître d’hôtel me demande si je viens pour manger. Je lui réponds que oui et pour déconner et faire couleur locale je commande une Kingfisher, à la pinte. Un peu plus tard il m’amène la bière avec un assortiment de petites chose à grignoter très bonnes (carottes et concombres en long dés avec une sorte d’épice, pois chiches demi-secs je crois, des sortes de pignons de pins et des sortes de naans très secs avec un assortiment de sauces épicées). Je commence à grignoter en me demandant s’il m’a bien compris quand à mon intention. Au bout de quelques minutes n’y tenant plus, je lui re-précise que j’ai vraiment faim et que ses apéricubes il peux aller se les foutre (de la main gauche) là où je pense. Mais je brode, je brode. Il rigole et me rassure en m’apportant la carte. Du coup pour faire le malin et l’original je prends du mouton à l’afghane et recommande une deuxième pinte de Kingfisher car ces petites choses m’avaient bien aiguisés la soif. Le plat servi fut très bon, servi dans une sauce épicée à l’ail et aux épinards je crois (en tout cas c’était vert), accompagné de riz et je crois même que je n’ai pas fini. C’est mal. L’addition arrive et je serre un peu les fesses : 810 roupies. Ah quand même, 12€. Mais c’est hors de prix ! Un rapide calcul mental me confirme que bien que coûtant plus de cinq fois mon déjeuner du midi ça reste assez accessible aux standards européens. Et puis de toute façon je ne ferai pas ça tous les jours.

Bref, oui maman, j’ai bien mangé.

Laisser un commentaire