Premier contact avec Melbourne

Actuellement, je suis en train de mâchonner un sandwich fromage et tomate dans un quartier résidentiel d’une des banlieues sud-est de Melbourne. Je dois rendre la voiture avant 15h à l’agence Wicked, mon loueur de voiture. Wicked, c’est l’agence de location de camping la plus voyante d’Australie. Un employé fou de leur service marketing a eu l’idée original de peindre tout leurs véhicules avec des graffitis ou au minimum des slogans provocants, histoire qu’on les remarque. La mienne de voiture est plutôt gentillette car elle ne porte sur elle que deux citations, l’une de Johnny Cash et l’autre de John Lennon. Parfois, c’est plus trash. Je m’estime donc chanceux.

En tout cas, je suis bien embêté car je n’ai pas de carte très détaillée de Melbourne. Inutile de dire que je n’ai pas pris l’option GPS. Ca coute horriblement cher, et puis c’est totalement tricher. Je fais donc un truc complètement incroyable et surprenant que la plupart d’entre nous avons oublié : je demande mon chemin à un être humain, autochtone de préférence.

Ca tombe bien, juste en face de la rue, un vieux monsieur est en train de tondre la pelouse sur son trottoir. Je m’approche de lui avec un grand sourire pour ne point l’effrayer et l’apostrophe d’un « excuse-me ». Je lui explique donc ma situation et mon but, en l’aidant un peu car j’avais au préalable noté grossièrement où se trouvait l’endroit grâce à une consultation internet. Pendant dix minutes il tente donc de m’expliquer le chemin à prendre, hésitant entre deux solutions, revenant sur la première puis l’abandonnant pour tenter de me détailler de nouveau la seconde.

Son dilemme provient de son hésitation à me faire emprunter la voie rapide à péage, n’ayant pas d’abonnement. Les cinq premières minutes, d’après ces dires, je suis convaincu que cette autoroute est inaccessible sans cet abonnement. Ensuite, je crois comprendre que c’est faisable, mais à un prix plus élevé. Bref, tout ça n’est pas très clair. Finalement, je valide la voie rapide, et commence à noter ses indications. Left, right, tout droit pendant plusieurs kilomètres jusqu’à Dandenong, puis prendre la M3 puis enfin la Monash Highway, à gauche direction centre ville. « Vous ne pouvez pas vous tromper, » qu’il me dit. Misère, la phrase maudite.

Je le remercie chaleureusement et reprend la route. Vingt minutes plus tard, je suis bien sur la M3 mais pour ce qui est de la Monash Highway, je ne vois pas d’indications. Je tente des choses à l’intuition, me repérant à la hauteur du soleil, mais rien à faire. Je suis paumé. Ils sont gentils les locaux mais c’est pas encore ça pour les indications. Fort heureusement, je suis non loin d’une station de train local. Pour l’anecdote, je suis en plein quartier Indien. Je m’arrête donc temporairement et m’approche de deux chauffeurs de taxis qui papotent.

Après les présentations d’usage, je leur demande le chemin de cette foutue « Monash Highway ». Comme par hasard, j’ai un peu de mal à les comprendre avec leur accent. Malgré tout, je parvient à noter leurs indications et reprend la route. Je suis à la lettre les instructions pendant dix minutes puis aperçoit une autoroute ayant une direction est-ouest qui me semble correspondre à ce que devrait emprunter cette fameuse highway. Par contre, aucune indication particulière m’indique si c’est la bonne hormis un numéro, M1. Je vois néanmoins des directions « Melbourne Center » et « Toll » ce qui veut dire « péage ». Je décide donc de tenter le coup et emprunte la bretelle d’accès. Cinq minutes plus tard, je double un petit panneau à gauche indiquant « M1 – Monash Highway ». P**tain, mais ils sont pas possibles ces gens. Pourquoi est-ce que tout le monde me parle de « Monash machin » alors que tout les panneaux indiquent M1 ? Ils sont tordus ou quoi ?

Je ne tarde pas à emprunter un pont, signe, d’après le vieux, que je dois bientôt sortir. Par contre, je n’ai toujours pas croisé de péage. Etrange. J’emprunte la sortie indiqué. Toujours pas de péage. Mais alors pourquoi tout ce cirque ? Ce n’est quand même pas basé juste sur la bonne fois des gens ? Les plus circonspects d’entre vous auront compris qu’il s’agit d’un système de péage vidéo, système qui enregistre la plaque d’immatriculation et en averti le propriétaire. Je vais donc sans doute me faire débiter une somme égale au PIB d’un pays du sud sahel via l’agence de location. Ce sera la surprise.

Fort heureusement, je parviens après un va et vient, à repérer l’agence en question et gare la voiture. Avec très peu de formalités, je rends les clés et un peu gêné, hésite à faire la bise à cette voiture avec qui j’ai quand même traversé la moitié de l’Australie dans sa hauteur. La prochaine étape consiste à rejoindre le CBD de Melbourne et y trouver le hostel où je vais passer les quatre prochaines nuits. Le gars de l’agence Wicked me rencarde sur le bus à prendre afin de rejoindre la station de train local. Ca tombe bien, l’arrêt est juste devant l’agence.

Je me retrouve donc de nouveau seul avec mes deux sacs à dos, de retour à l’état de routard. Assez rapidement, un bus arrive et je monte à l’avant pour demander un ticket jusqu’à la station de train.

« On ne vend pas de ticket dans le bus, monsieur, me fait le chauffeur.

  • Ah. C’est un problème parce que je n’en ai pas.
  • Il faut que vous achetiez une carte mailleki et que vous la topiez.
  • Pardon ? Une quoi ?
  • Une carte myki, me dit-il en me montrant une affiche.
  • Ah ben euh d’accord. J’en prend une.
  • Vous voulez topper pour combien ?

Un peu désorienté par tout ces nouveaux termes et surtout par le peu d’empressement du chauffeur à me sourire et à m’expliquer exactement le système, je comprend malgré tout, grâce aux nombreuses publicité accrochées dans le bus, que « toper » veut dire recharger la carte.

« Euh ben je sais pas, ce qu’il faut pour aller jusqu’au CBD, quoi.

  • C’est 4$ minimum et jusqu’à 20$.
  • Mais j’en sais rien moi !, répond-je commençant un peu à m’énerver. Mettez moi 10$, tiens.

Sans un mot il me tend la carte et encaisse mon argent. Sale con. Voilà ce que j’en pense. Et surtout, je me dit que c’était plus simple de prendre le bus en Inde ou Vietnam, pour le coup.

Un peu plus tard, nous arrivons à la station de train, qui se trouve être le terminus. Alors que je descend avec mes sacs à dos, sans remercier le chauffeur, je suis abordé par un homme à la cinquantaine à l’aspect défraichi, mais souriant. « Je peux vous aider ?, me demande-t-il.

Avec plaisir monsieur. Je lui explique donc que je souhaite aller au CBD et lui en retour, le fonctionnement de la fameuse carte MyKi, que j’avais déjà bien commencé à comprendre. Ca n’a rien de révolutionnaire puisqu’on peut emprunter tout le réseau de transport avec cela. Par contre, il faut déjà avoir une idée du prix d’un trajet (variable) pour avoir une idée de l’argent à mettre dedans. Lorsqu’on arrive pour la première fois, ce n’est pas évident. Du coup, pendant tout mon séjour à Melbourne, je n’aurais utilisé que 4$ sur les 10 de ma carte. Je le retient ce chauffeur. Heureusement qu’il y a de sympathiques australiens pour contrebalancer la sale impression qu’il laisse. D’ailleurs, loquace, il va même jusqu’à m’indiquer le numéro du quai pour le train allant à la gare de Flinders Street Station et se plaindre des travaux effectués partout autour de Melbourne dans les stations de train. Je compatis.

Pendant donc une demi-heure, j’observe la ville qui défile tranquillement à travers les fenêtres du train (équivalent à un RER) ne notant rien d’exceptionnel sous un ciel bien morne. Finalement nous arrivons au terminus. Une fois dehors, je me retourne pour me repérer et observe la façade. Cette gare de Flinders Street Station est vraiment très jolie, dans les tons saumons, ocres, vraisemblablement construite au 19ème siècle dans un style vaguement néo-classique. Un dôme de cuivre oxydé domine le coin donnant sur Flinders Street, une des rues principales du CBD. En face, on retrouve un quadrillage de rues à l’américaine avec de grands immeubles en verre encadrant un vieux bâtiment abritant un pub et la cathédrale légèrement gothique de l’autre côté de la rue.

Je me met donc en marche sur Flinders Street, à la recherche du numéro de mon hostel. Je longe la gare et les voix de chemin de fer. Bizarrement, je ne vois pas d’hostel au numéro. Je sort mon carnet et… ah oui. Autant pour moi, c’est sur Flinders Lane et pas Street. Je me demande bien qui est ce Flinders pour qu’on le voit partout, tout de même.

Finalement, je repère Flinders Lane, qui se trouve être une rue parallèle. Après cinq minutes de marche en sens inverse, je m’arrête au numéro indiqué et aperçoit des panneaux « Greenhouse Backpackers ». C’est bien ici. De manière assez amusante le petit hall donne sur un petit commissariat de police. Un ascenseur permet de monter jusqu’à l’auberge de jeunesse proprement dite sur les quatre derniers étages de l’immeuble.

Un peu plus tard, je me retrouve à poser mon sac à dos à côté d’un lit d’un petit dortoir de six, déjà occupé par deux anglais, un suédois et une suédoise. Fini le camping solitaire, me voici de retour en auberge espagnole.

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