J’ai pas les codes

Pour ceux qui lisent ce blog depuis quasiment le début, et je vous arrête tout de suite il n’y aura pas de récompense pour votre assiduité, j’avais eu quelques petits soucis d’adaptation en Inde du, essentiellement, à la non compréhension de certains comportements. Je viens de me rendre compte en Australie qu’il se peut que j’eusse également des lacunes avec certains anglo-saxons.

Je vous avais déjà parlé des distances physiques d’intimité. Nous allons donc aujourd’hui causer de la distance relationnelle, si j’ose dire, autrement appelé par un néologisme que je viens de pondre à l’instant, le « onapazélevélécochonzenssembles ».

Petit rappel pour les non français, en France, il me semble, lorsqu’on rencontre quelqu’un pour la première fois, la plupart du temps on observe une certaine distance relationnelle marqué par l’emploi du « vous ». Notez que cela dépend de votre éducation mais j’estime que c’est un trait partagé, à différents degrés, par la plupart des français. Au fur et à mesure où l’on se familiarise avec cette nouvelle connaissance, dans un moment d’abandon, il se peut, si le contact est agréable et la relation prometteuse, que l’on passe au « tu » après accord des deux parties. Ce « tu » dénotes une certaine familiarité mais sans impliquer non plus une quelconque intimité. Si la relation devient de plus en plus cordiale pour virer au chaleureux, on peut même se risquer à employer le terme « mon cher », « mon ami », « mon copain », « mon pote » voir « ma couille » pour notifier ce nouveau passage au statut supérieur de la relation. Si c’est une femme les choses sont équivalentes avec une grille différente constituée de « ma chère », « mon amie », « ma copine », « ma super copine » puis cela s’arrête là car je ne connais pas d’équivalent féminin de « ma couille ».

Quand on pense qu’au 18ème siècle, siècle de la politesse, les choses étaient encore plus raffinées et qu’appeler quelqu’un « mon ami » était l’équivalent d’un serment de fidélité à la vie à la mort, on peut considérer que l’on se soit considérablement enhardi dans nos relations. Il y a bien eu l’épisode révolutionnaire où tout le monde, de peur d’être confondu avec un aristocrate, se balancait du « tu » et du « citoyen » à tout bout de champs, mais sinon, on peut considérer que la France a toujours été un pays dont la transcription du lien relationnel dans le langage revêt un grand degré de finesse.

En Australie, ces choses là m’ont l’air très simples. Déjà, la langue anglaise ne fait pas de distinction entre la première et la troisième personne, donc encore moins entre la troisième personne du pluriel et celle de politesse. Tout le monde se donne du « you » en veux tu en voilà. Mais ce n’est point ceci qui me trouble et qui me pousse à écrire se billet. Non, ma perplexité vient de l’emploi massif du terme « mate », prononcé « méïte », que l’on pourrait traduire par « pote ». Par un curieux hasard linguistique, le verbe « mate » se traduit par « copuler ». Ça se trouve je comprends les choses encore moins et tout ceci est une invitation à des relations sexuelles permanentes.

Prenons un exemple de phrase, une première fois en français, puis ensuite en australien :

« Bonjour, comment allez vous aujourd’hui ? »

« G’day, haya doin’, mate ? »

Ou encore :

« Pour le garage Beaurepaire, prenez à droite puis tout droit. Vous ne pouvez pas vous tromper »

« For Beaurepaire, take to your right then straight ahead. Ya can’t miss it, mate. »

Moi je suis désolé mais je ne suis pas leur pote. Je les connaît à peine ces gens là. Notez qu’avec les américains, c’est un peu similaire (mais un peu moins intense parce qu’ils y vont gaiement avec le « mate ») mais avec l’emploi des termes « dude » ou « buddy ». « How ya doin’, buddy ? » ou « Hey dude, how’s it goin’ ». Rhaaa mais ne me touchez pas, sales gueux !

Là où je trouve ça complètement désagréable c’est qu’avec certaines personnes que l’on fréquente plusieurs jours comme, mettons, un guide, on tombe instantanément dans la familiarité. Surtout qu’ils sont quand même relativement souriants et expansifs. Par voie de conséquence, après deux jours de « mate », « dude » ou « buddy » en tartine et des sourires un peu faux, moi je crois qu’on est tous devenu des supers bons poteaux. La chose semble être également vrai avec les néo-zélandais, soit dit en passant. A valider.

Tout ceci est fort agréable mais il me semble que ça ne clarifie pas l’expression des sentiments. Si tout le monde est « mate » avec tout le monde et se sourit, comment savoir si la personne vous trouve véritablement sympathique ? Je dis ça mais je suis certain qu’il y a d’autres signes à apprendre.

En tout cas, à mon sens, ça explique pourquoi les français trouvent les anglo-saxons hypocrites et pourquoi les anglo-saxons nous trouvent distants et froids. Je dois bien vous avouer qu’à force, je trouve ça agaçant.

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