Village et Ligne Haute

Je passe mon temps à marcher. J’adore ça. Ça me donne un bon prétexte pour me poser sur un banc ou une terrasse de café pour se reposer, la conscience tranquille. Aujourd’hui je décide donc d’aller explorer du côté de Greenwich Village.

Petite note d’avertissement. Greenwich Village n’a absolument plus l’aspect d’un village. A mon avis, la dernière fois qu’il en avait l’air devait remonter au 18ème siècle, époque où il devait s’apparenter au faubourg nord de la jeune NYC, cantonnée à la pointe sud de l’île. Pendant longtemps (et encore un peu aujourd’hui), le Village (comme on le surnomme) était le lieu de résidence préféré de l’intelligentsia artistique de la ville (et donc probablement du pays). Il y régnait donc une petite atmosphère bohème, qui n’a pas encore totalement disparu bien que l’endroit se soit légèrement embourgeoisé.

Pour faire simple et grossier, Greenwich Village est délimité au nord par la 14ème rue, au sud par Houston street, Broadway à l’est et la rivière Hudson à l’ouest. Vous imaginez bien que la chose est bien plus floue que cela. En plus, en consultant un plan, on constate que le raffinement va jusqu’à évoquer un West Village et un East Village, coupés en deux par l’Avenue of the Americas (un nom bien grandiloquent).

DSC_9274_DxOAujourd’hui ma ballade commence donc à Union Square tout d’abord car la grande place se trouve au coin nord-est du village mais surtout car il s’y trouve un arrêt de métro fort pratique. Une rapide déambulation à travers la petite foule de la journée nous amène rapidement à Washington Square au sud, au cœur de l’East Village. Ici l’ambiance est agréable et pour que tout soit parfait, le soleil et le ciel bleu est de la partie pour la première fois depuis mon séjour ici.

DSC_9271_DxOWashington Square est un parc citadin typique où des bancs autours d’une fontaine centrale permettent de se reposer ou lire un bouquin. Manifestement, il attire beaucoup de monde en journée et j’en profite pour écouter les conversations ou observer les new-yorkais. Il faut néanmoins préciser qu’au sud du parc commence le campus de la New-York University, l’autre grande université de la ville (l’autre étant Columbia, plus au nord, que j’évoquerai une autre fois). Comme à chaque fois qu’il y a une forte présence estudiantine, je trouve les environs vivants, joyeux et stimulants.

En poursuivant à l’ouest on traverse des petites rues résidentielles bien entretenues et arborées. De petits escaliers permettent d’atteindre la porte d’entrée alors que légèrement en sous-sols se trouvent un ou deux appartements. Inutile de rêver, aujourd’hui, un logement au Village dans ces immeubles doit être hors de prix.

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DSC_9277_DxOLa traversée de l’Avenue of the Americas permet d’avoir une vue extrêmement dégagée du nord vers le sud. La forêt de grattes-ciels du Lower Manhattan permet encore mieux de constater la faible hauteur relative des immeubles du Village. Ici on n’a pas ce sentiment de canyon sombre que l’on peut avoir à d’autres endroits de l’île.

En continuant encore plus à l’ouest, les rues sont de moins en moins perpendiculaires et les échoppes ou petits restaurants plus nombreux. Là, on est au cœur du West Village et c’est avec un grand plaisir que je me pose à la terrasse pour commander un plat du jour en plein soleil. Pour une somme inférieure à 20$, c’est une aubaine. Plus on se rapproche de la rivière plus on aperçoit des vieux hangars en briques qui hébergent des designers ou des entreprises trendy. A l’étage de certains bâtiments on imagine des lofts illuminés.

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DSC_9302_DxOAu bord de l’Hudson, je remonte vers le nord, profitant du soleil. De ce côté-ci de New-York, on construit énormément. C’est un des endroits les plus dynamiques de la ville et c’est d’ailleurs ici que l’on a construit la « High Line », ballade piétonne en hauteur qui suit une ancienne ligne de métro aérienne. Elle permet de remonter vers le nord jusqu’à DSC_9306_DxOl’ancien « Meatpacker » district, l’ancien quartier des abattoirs. La ligne est encore en travaux et une prolongation est encore prévue. Je comprend pourquoi, le résultat étant vraiment magnifique. C’est d’ailleurs un énorme succès auprès des habitants et des touristes.

L’ancienne ligne est recouverte de planches de bois, ponctuées de plantations diverses le tout donnant une impression de calme et de zénitude à cinq mètres au dessus de la rue. De temps en temps, des cafés en plein air proposent un art de vivre que l’on s’attendrai plus à rencontrer en Italie qu’ici. Mais surtout, c’est l’occasion formidable de déambuler dans NYC selon une perspective inédite, parfois littéralement entre deux immeubles. Comme le quartier est en plein bouleversement, on peut observer à la fois de l’architecture récente ou de vieux immeubles aux briques marrons. Je suis tombé sous le charme et j’applaudi cette audace d’ingénierie urbaine qui n’est pas sans rappeler la reconquête des berges du Rhône à Lyon. Parfois, il suffit de pas grand chose pour rapprocher les habitants de leur ville.

Allez, je vous laisse déambuler.

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MidTown

La zone au sud de Central Park est communément appelée « midtown ». C’est ici que se concentrent l’essentiel des plus beaux immeubles gothiques de New-York, ceux qui en ont fait sa renommée. D’ailleurs on imagine New-York, donc Manhattan, comme une ville de grattes-ciels mais ce n’est que partiellement vrai. En vérité, ceux-ci poussent majoritairement dans le downtown et le midtown (et autour du parc pour les plus riches puis au bord de l’Hudson pour les plus récents). Ailleurs les immeubles ne dépassent pas les 8-9 étages, c’est à dire, à peine plus que le Paris haussmannien.

Dans le midtown, si vous aimez l’architecture néo-gothique et art déco (en bref, tout ce qui s’est fait entre deux guerres), c’est un régal. Par ici le Chrysler Building et l’Empire State pour ne citer que les plus connus. D’autres bâtiments plus modernes en verre et béton forment le canyon urbain désormais si familier à quiconque n’a pas snobé une production hollywoodienne ces trente dernières années. Tremblez, pauvres mortels, à la vue d’un innocent avion pointant son nez vers un gratte-ciel. Emerveillez-vous à ce flot de véhicules jaunes à la subtile pointe orangée. Mangez des pizzas. Ici, c’est New-York.

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Un petit arrêt à Grand Central Station et me voici à chercher l’angle de vue de certaines photographies célèbres. Il n’y a pas à dire, tout ceci est finalement diablement familier. En matière de surprise il n’y a que l’Apple Store, innocemment disposé sur une des plateformes surélevées du grand hall, pour profiter des « commuters » en attente de leur correspondance vers leurs banlieues résidentielles.

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Le midtown, c’est également Broadway. Bon. Alors euh, Broadway, j’veux dire, à part au niveau de Time Square, c’est franchement nul. Time Square c’est les paillettes, les claquettes, les comédies musicales, les affichages géantes qui s’époumonent visuellement à faire passer des messages à caractères publicitaires. En cela, on n’est pas déçu. Le samedi soir, il y a une joyeuse ambiance de fête et de sortie au théâtre tout à fait sympathique. Au passage, vous pourrez constater par vous même (et ainsi lever une angoisse latente, je n’en doute pas) que la comédie musicale Annie est toujours à l’affiche. Ça doit bien faire quarante ans que ça dure, cette affaire. En attendant, plongez vous dans l’ambiance d’un soir au square.

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Mais à part ça, Broadway, bof. Et je ne vous parle même pas de la 5ème avenue. Enfin, n’étant pas un amateur de shopping de luxe, moi, ça me passe totalement au dessus de la tête. Il faut aimer les magasins de fringues (à croire d’ailleurs que c’est devenu un produit de consommation vital) et être un érudit en enseignes internationales d’habillement pour aimer ça. Moi, cette débauche de futilité creuse, ça m’ennui.

Du coup, je lève le nez et je souris aux quelques gargouilles accrochées aux grattes-ciels.

Lower East Side

S’il y a bien une chose auquel j’ai pris goût pendant ce voyage, c’est les visites avec un guide, de préférence en petit comité et à pied ou à vélo. Du coup, pour se faire plaisir je décide de réserver par internet pour une visite guidée du Lower East Side, la pointe sud de Manhattan, l’endroit le plus ancien de la ville.

DSC_9201_DxORendez-vous est donc donné le lendemain matin à la sortie de la station de métro « Bowling Green », devant le bâtiment appelé « Customs House ». Après quelques minutes à chercher sans succès, je décide d’interroger un policier pour trouver mon chemin. C’est dans ces moments là qu’on se dit que l’immigration à New York est vraiment galopante et que les trois quarts des habitants ne sont pas d’ici, y compris les policiers. La preuve, avec son accent hispanique il m’avoue dépité ne pas connaître le bâtiment. Ça me semble fort ça qu’une société touristique donne rendez-vous devant un bâtiment inconnu. Je continu donc à tourner en rond autour de la station de métro avant de finalement, en levant la tête, découvrir gravé sur le fronton d’un majestueux bâtiment néo-classique l’inscription « U.S. Customs House », quasiment impossible à rater. J’avais oublié que cette ville est verticale. Pour excuser le policier, c’est dorénavant le lieu du National Museum of the American-Indian.

J’attend donc un petit moment avant que diverses autres personnes viennent timidement s’agglutiner autour des marches du bâtiment. Finalement, un gros gaillard noir, trentenaire à l’aspect poupin, portant lunettes et barbe fine s’approche de nous un petit fascicule sous le coude en se présentant, Lebel Porter, notre guide et accessoirement professeur d’histoire. Le gars est sympathique et avec une voix calme et agréable nous explique le parcours.

DSC_9214_DxOLe Lower East Side c’est le lieu de la Nouvelle Amsterdam, la colonie hollandaise qui précéda New-York. On y trouve encore quelques rares bâtisses typiques de l’architecture amsteldamoise (pas peu fier de connaître cet adjectif, moi) mais la plupart ont disparu dans un grand incendie. C’est également l’endroit de la ville ou la numérotation des rues et leur perpendicularité vole en éclat. Ici on est dans un schéma de vieille ville bien que l’endroit regorge de gigantesques buildings. Le plus ancien bâtiment de la ville, Fraunces Tavern, si trouve, datant plus ou moins du 18ème siècle. Ce manque flagrant de précision est du à la relative inauthenticité du bâtiment qui a été tellement rénové qu’il ne contient que très peu d’éléments d’époque.

Récemment la mairie de la ville a décidé de préserver quelques bâtiments plus anciens ce qui est assez exceptionnel ici, notamment quand on pense à la formidable pression immobilière autour. Le Lower East Side, c’est un des endroits les plus chers au monde, notamment car il héberge la finance mondiale (je me sens sale rien qu’à l’écrire). Le nouveau World Trade Center s’y trouve ainsi que Wall Street un peu plus à l’est. Je vous ai épargné la photo. J’avais trop peur de me faire arrêter par les flics, la rue étant sérieusement surveillée. D’ailleurs son accès est toujours interdit à la circulation.

DSC_9232_DxOLe Lower East Side, c’est pas mal, mais ça pue le trader et le fric gagné facilement. Fort heureusement, un peu plus à l’est, on trouve le pont de Brooklyn qui permet de traverser l’East River et surtout de bénéficier d’une petite vue sur les grattes ciels du district financier.

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Comme souvent à New-York, les frontières ne sont pas très nettes et au nord du district on trouve quatre bâtiments de types « projects » en briques rouges maronnasses si tristes par jour couvert. Ce doit être très bizarre d’être habitant là bas et d’avoir une vue quotidienne sur les immenses tours de verres des grandes firmes de la finance.

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Le Met

Le Metropolitan Museum of Art, ou le « Met » pour les intimes, c’est un des musées géants du monde, de l’acabit du Louvre même si, cri du coq oblige, il ne lui arrive pas à la cheville gauche. L’auguste bâtiment néo-classique se situe au milieu de Central Park, côté est. Oui, tout à fait, en plein Upper East Side. Vous avez bien retenu votre leçon.

DSC_9180_DxOPour commencer, sachez que l’entrée est gratuite mais qu’une donation d’une vingtaine de dollars est fortement appréciée. Ne soyons pas chiches, d’autant plus qu’aujourd’hui, c’est nocturne. Huit heures plus tard, j’y étais encore, tellement c’est riche.

Les galeries contiennent des collections de peintures, statues (qu’est-ce qu’ils étaient fortiches les grecs et les romains), bijoux, instruments de musiques, armures, armes, parchemins de différentes époques, classées par thèmes et civilisations. On trouve aussi quelques pièces plutôt moderne dont un étrange et fascinant (bien que morbide) cadavre de cerf recouvert de boules de verre.

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Pour couronner le tout, aujourd’hui également, à certains endroits des animateurs sont chargés de faire vivre tout cela sous la forme de contes, musiques ou danses. J’assiste donc à la narration de quelques contes porto-ricains. Tout ceci donne vie à la visite, même si c’est parfois un peu agaçant d’être rameuté par l’animatrice du musée alors qu’on a juste envie de déambuler tranquillement.

DSC_9180_DxOLe point original du musée, et dans une certaine mesure plutôt américain dans la démarche (tout dans la démesure), est de contenir des reconstitutions de bâtiments de différentes époques voir des éléments d’origines amenés à New-York de leur pays d’origine. Le plus célèbre est bien entendu le temple égyptien abrité sous une immense verrière et entouré d’eau. Mais on trouve également à l’intérieur une façade d’immeuble du 18ème siècle, des reconstitutions d’intérieurs de différentes époques (notamment le 18ème français) dont ma préférée est le salon d’une des maisons les plus célèbres de l’architecte Frank Lloyd Wright.

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Pour ceux qui ne connaissent pas, Frank Lloyd Wright est un des architectes majeures surtout de l’entre deux guerres, en plein art déco. Moi, je suis fan, et encore plus après avoir vu cet intérieur, incroyablement moderne, je trouve, et indémodable même quasiment un siècle plus tard. En plus, il n’y a aucun petits nœuds chichiteux ou coussins à fanfreluches ridicules. C’est tout en classieuse sobriété.

DSC_9189_DxOEncore plus extrême dans la reconstitution, le Met détient également un cloitre moyenâgeux français entier, installé sur le bord de l’Hudson, d’origine bien entendu pour que ce soit encore plus dans la démesure. Je ne l’ai pas visité. Les cloitres, depuis Cluny, je crois en avoir fait le tour.

Central Park

Tout le monde connait Central Park. Enfin, quand même ? Il suffit de regarder quelques films hollywoodiens ou une poignée de série télé pour en entendre parler. Il est plutôt immense bien que plutôt long que large. A part ça, c’est un parc urbain entouré de hauts buildings donc il ne faut pas trop espérer avoir l’illusion de se retrouver à la campagne.

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DSC_9149_DxOL’américain moyen dans une grande ville urbaine est sportif ou peut être bien que le fait que la grande majorité des new yorkais sportifs viennent exercer leur sport dans le grand parc central. Ceci donne l’illusion que tout le monde court. Dans les allées (qui ressemblent plus à des routes pour les plus grandes) c’est un flot continu de joggers, marcheurs et cyclistes que l’on croise, chacun exerçant son activité avec le plus grand sérieux.

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Hormis d’immenses plans d’eau, le parc contient également des terrains de tennis et de football, tous également remplis. On est samedi. Autour des terrains de foot une ribambelle d’équipes de gamins s’entrainent sous le regard d’une horde de « soccer moms ». Pour le coup, voici une activité du samedi semblable à de nombreux autres endroits des Etats-Unis.

DSC_9158_DxOJe prend un chemin forestier pour quitter légèrement la foule. Dans les bosquets, un autre groupe de gamins et leurs parents pratiquent la course d’orientation. Un peu plus loin, un grand bassin abrite des petites régates de voiliers téléguidés. Encore plus loin, un étang artificiel au milieu de rochers est surplombé par un bâtiment néo-ancien à l’allure romantique.

Je trouve tout ceci fort sympathique mais pas franchement emballant. Ça manque de montagnes à pertes de vues et de falaises à couper le souffle. Les urbains se contentent vraiment de peu…