Plateau

Il y a un quartier à Montréal furieusement à la mode auprès des français. Enfin je dis ça, je viens de l’apprendre en lisant des choses sur internet. Doit-on croire les choses sur internet ? Je ne sais pas mais si je réponds « non », vous allez vous désintéresser de ce blog. Partons du principe que la réponse est « oui » et alors je suis obligé de me justifier. Ce quartier s’appelle « Le Plateau Mont-Royal » ou plus familièrement « Le Plateau ».

Situé à l’est du Mont-Royal, dans une zone plate légèrement en hauteur (d’ou le nom), il fut jusqu’aux années 80 un quartier ouvrier. J’ai du mal à y croire. Aujourd’hui, c’est truffé de jolies petits immeubles / maisons, avec des arbres partout DSC_8606_DxOet de petits commerces de proximités sur les grands axes que sont l’avenue du Mont-Royal ou la rue Saint-Denis. L’ensemble est une agréable alternance de calmes rues résidentielles (sans d’égoïstes et bourgeoises villas claquemurées) et de dynamiques avenues où l’on trouve des petits cafés, restaurants et dépanneurs.

Là, je me permet de faire une pause, car le « dépanneur » au Québec n’a aucun lien avec le garagisme (qui lui non plus n’a aucun lien avec un mot de la langue française puisque je viens de l’inventer). Il s’agit de petits magasins combinant épicerie et quincaillerie ouverts quasiment 24h/24 et 7j/7, d’où la référence au « dépannage ». C’est particulièrement pratique pour aller s’acheter quelques bières un dimanche après-midi en catastrophe, comme je l’ai découvert avec Maxime, habitant du Plateau.

Hors donc il s’avèrerai qu’un grand nombre de français expatriés s’installent sur le Plateau ce que l’on peut tout à fait comprendre au vue du quartier. Néanmoins, les prix de l’immobilier à Montréal étant déjà plutôt dans la moyenne haute, sur le Plateau ils sont particulièrement respectables. On peut donc en conclure très hâtivement que le français expatrié habitant le Plateau est relativement aisé. Néanmoins, en me baladant dans les rues parallèles à l’avenue du Mont-Royal, je dois dire que je n’ai pas été choqué par une quelconque ghettoïsation. A vrai dire, j’ai même plutôt l’impression d’une belle mixité.

La chose qui m’a particulièrement marqué, c’est l’abondance de restaurants portugais. Je pensais sincèrement que la diaspora lusitanienne (tel le journaliste sportif, j’abhore les répétitions) était particulièrement présente en région parisienne mais je dois dire que ce n’est rien par rapport à Montréal. Ou alors pour une raison que j’ignore, aucune personne d’origine portugaise installée en France n’a songé à créer de restaurants. En tout cas, je n’en ai jamais vu bien que j’ai fréquenté longuement une grosse communauté portugaise dans mes années collèges et habité quelques années à Lyon dans un quartier où vivotait, planquée, une petite épicerie portugaise à côté d’un bar portugais. De restaurant, par contre, point. Et surtout pas tout les cinquante mètres comme c’est le cas sur l’avenue Mont-Royal. J’en ai donc profité pour tester un plat de saucisses dans le petit fast-food portugais où j’ai pu enregistré la conversation entre footeux. J’ai même arraché un sourire de contentement à la patronne en lui balançant par surprise un « obrigado » empoussiéré. Résultat, elle m’a servi un deuxième morceau de cochon avec un sourire complice.

DSC_8689_DxOComme souvent, la délimitation d’un quartier est souvent floue. Dans mon esprit le Plateau est beaucoup plus vaste que la zone décrite sur Wikipédia, notamment. Au nord, en remontant la rue Saint-Denis, on tombe sur le quartier de Rosemont, fief de la communauté italienne. A ce propos, j’ai appris que la mafia fut assez bien implantée à Montréal. De nombreux hommes politiques ont été convaincus de corruption, notamment.

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Au sud, se trouve le Quartier Latin, à l’aspect assez similaire si ce n’est la présence de l’université du Québec, l’UQAM et de la rue Sainte-Catherine. La présence des étudiants ajoute une petite pointe de folie, folie dont n’a absolument pas besoin la rue Sainte-Catherine car celle-ci concentre pas mal de bars excentriques, peep-shows et vendeurs de combinaisons cuir / latex. C’est également l’artère principale du quartier gay de Montréal. Le tout donne un joyeux mélange culturo-trasho-fètard plutôt sympathique.

De plus, l’endroit est desservi par un arrêt de métro (station Berry-UQAM) et la gare routière. Je vous dis ça car ce sera le sujet du prochain billet.

Bord du Saint Laurent

Depuis mon départ de Saïgon (Ho Chi Minh Ville pour les adhérents au parti communiste), je suis légèrement à la diète pour ce qui est de quartiers anciens. Bon, certes, le quartier des Rocks à Sydney date légèrement du 19ème siècle par endroit et en plissant les yeux, de même que certains bâtiments oubliés par mégarde à San Francisco. Hormis cela, côté culture historique, ce n’est pas du niveau européen. Arrivé à Montréal, je me fais donc une joie d’aller me plonger dans la vieille ville histoire de retrouver un terrain familier.

DSC_8627_DxOJe ne me crois pas si bien dire. Le vieux Montréal se situe sur les rives du Saint-Laurent, en face de l’île Notre-Dame où se coure bêtement le grand prix de formule 1, je vous le rappel. En commençant par la place devant la cathédrale jusqu’au grand bâtiment du marché Bonsecours (au magnifique dôme en fer blanc), on emprunte des petites ruelles pavées bordées de bâtiments en pierres grises qui nous téléportent instantanément en Bretagne ou en Normandie. Je me sens quasiment à la maison. C’est bien entendu le quartier des bars et restaurants touristiques. Le marché Bonsecours est également le lieu pour s’acheter des produits d’artisanat ou de design, manger dans des restaurants semi-chic ou assister à des expositions bien que l’attrait principal du lieu, à mon avis, réside dans son architecture extérieure. Mais je ne veux rien imposer.

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Côté choses à faire, hormis flâner le nez en l’air en retenant des larmes d’émotions, il y a l’ancienne maison du gouverneur de la Nouvelle-France à visiter. Ce n’est pas non plus la visite du siècle mais c’est toujours intéressant de se plonger dans l’ambiance du Québec de cette époque. En plus on n’est jamais à l’abri d’y repartir avec une étonnante idée de tournebroche automatique.

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La vieille ville arpentée, vous pouvez revenir dans l’autre sens vers le canal Lachine (toujours pas de contre-pétrie) en longeant les rives du Saint-Laurent. C’est calme et c’est arboré. Au canal, à moins d’être aveugle, il est impossible de ne pas remarquer l’immense bâtiment industriel abandonné qui devait contenir à l’époque les matières premières déversés par les cargos venant de l’Atlantique. Moi, j’adore les bâtiments industriels abandonnés.

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Centre ville

Aujourd’hui, partons faire un petit tour dans le centre ville de Montréal. Le quartier se situe au sud du Mont Royal, entre la colline et le Saint-Laurent. A la sortie du métro, rien de bien fascinant : on pourrait se croire dans n’importe quel downtown d’une grande ville américaine ou un d’un CBD majeur australien. Tout se passe en hauteur, à hauteur de gratte-ciels. Seules les indications en français nous rappellent que nous sommes au Québec.

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Il s’y trouve néanmoins deux particularités vantés dans les guides touristiques. Premièrement, on y trouve la fameuse « ville souterraine », havre de chaleur en temps de grand froid. Je vais être bref à ce sujet car je la trouve particulièrement décevante, cette ville troglodyte. Il s’agit, à mon sens, plus d’un réseau de couloirs souterrains reliants stations de métro, gare et centre commerciaux qu’une véritable ville. A l’intérieur, on a la même impression étouffante que dans n’importe quelle galerie marchande Carrefour, Auchan ou Leclerc (pour ne pas faire de jaloux). Si je suis un tantinet plus neutre, je dois bien avouer qu’on y trouve malgré tout quelques petits artisans (genre des cordonniers) et pas que des grandes enseignes d’habillement.

Alors, effectivement, si votre quotidien consiste à prendre le métro pour rallier votre open space au quatorzième étage d’une des tours du centre ville, puis d’aller manger un sandwich le midi, reprendre le travail à une heure pour ensuite repartir par le même métro à cinq, vous pouvez effectivement effectuer ce manège sans jamais mettre le nez dehors (hormis une fois de retour chez vous). La « ville souterraine » relie en effet la plupart des grands immeubles du centre ville.

DSC_8615_DxOPeut être suis-je plus attiré par l’extérieur (c’est même sur), mais si vous sortez le nez dehors et vous dirigez vers le Mont-Royal, vous ne manquerez pas de tomber sur le cœur de la ville, le campus de l’université McGill. Celui-ci se situe juste au pied, voir à flanc de colline. L’université McGill, c’est un peu l’université d’élite du Québec. Pour vous dire, c’est même la seule que je connais de réputation internationale. Fondée en 1821, elle a notamment comme anciens élèves (d’après Wikipédia), d’illustres inconnus tel que Leonard Cohen, Hubert Reeves et Zbigniew Brzezinski. Pour ce dernier, non seulement j’ai vérifié trois fois l’orthographe de son nom, mais surtout je conçois qu’il ne parle pas à beaucoup de monde. Pour info, c’était l’un des conseillers politique de Jimmy Carter. C’était ça ou Céline Galipeau, au nom bien québécois (et accessoirement, vendéen, comme je l’expliquerai une autre fois), chef d’antenne au téléjournal de Radio-Canada (à prononcer radio-canadza, pour faire local).

L’université McGill est anglophone et c’est son seul défaut dans cet univers québécois. A vrai dire, tout le quartier autour de McGill, soit le centre ville, est au mieux (ou au pire, selon vos penchants) 50% anglophone. Montréal n’est pas une ville totalement québecoise et ça se ressent ici. La plupart des étudiants croisés dans le parc ou les rues avoisinantes parlent anglois (avec un accent américain qui est en réalité également l’accent canadien). Je vous l’ai déjà dit, j’adore les ambiances de campus et celui-ci ne déroge pas à la règle.

DSC_8613_DxOEn remontant les pentes du Mont-Royal le long des chemins forestiers où l’on croise touristes et joggeurs aux visages balayant tout le spectre de cramoisis, on atteint un grand chalet derrière une vaste esplanade dominant le centre ville. A vrai dire, quasiment toute la colline est un parc arboré, poumon vert de la ville, selon l’expression cliché mais consacrée. Quand j’y étais, initiative sympathique de la municipalité, un piano droit était à disposition du public DSC_8618_DxOpour s’exprimer (bien que habillement enchainé). Je croiserai un ou deux autres pianos « gratuits » comme celui-ci à la sortie de stations de métro. Encore plus intéressant, quelques confortables chaises longues sont à disposition, provocant d’immanquables regards jaloux et conspirateurs de la part des touristes debouts. Hors saison, c’est à dire dans un mois, vous pouvez vous réfugier dans le chalet, immense espace vide où se trouve une tout petite cafétéria.

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Bonjour Montréal

Histoire de se débarrasser au plus vite du sujet de l’accent, je vous invite à lancer la petite bande son ci-dessous. Vous serez instantanément transportés dans un petit fast food portugais du plateau Mont-Royal. Considérez que le billet qui suit vous est narré avec un verre de café américain, une bande de jeunes québécois de descendance lusitanienne dans votre dos. Pour une meilleure immersion, un minimum de culture footbalistique est nécessaire.

Qu’il est bon de rentrer chez soi. Finalement, sans m’en rendre compte, je viens de passer quasiment quatre months immergé dans un monde plutôt anglophone, except par intermittence avec de fellow french travellers. Tenez, j’en perd mon vocabulaire. C’est donc avec un grand plaisir que je me retrouve dans l’aéroport Trudeau de Montréal (la tête encore un peu lourde de la dernière soirée californienne) à lire avidement les panneaux en français.

Je souhaiterai que ce blog soit plein d’originalité et totalement dépourvu de clichés mais, c’est indéniable, arriver au Québec provoque un sentiment de retrouvailles avec de lointains et sympathiques cousins que l’on aurait perdu de vue. Passé la première joie consistant à entamer une véritable discussion en français avec une préposée à l’accueil touristique afin de déterminer le meilleur mode de transport pour rejoindre le plateau Mont-Royal (où habite le copain Maxime et sa copine qui m’hébergent pour deux nuits), je dois bien vous avouer qu’on se fait très très rapidement à l’accent local. A vrai dire, je n’ai quasiment pas eu de temps d’adaptation, là faute sans doute aux nombreux artistes québécois immigrés en France et à internet. Tout ceci est finalement très familier et pas plus extrême que d’entendre quelqu’un parler avec l’accent alsacien, picard ou corse. J’ai même plus de difficultés à comprendre les vieux paysans du Tarn.

Le dépaysement n’est pas extrême et surtout pas dans la langue finalement mais peut être plus dans l’attitude. Les gens que je croise sont relativement souriants (même si on n’atteint pas des niveaux américains) et le tutoiement quasi immédiat, notamment dans les café / restaurants où les serveurs / serveuses tutoient sans hésitation. La combinaison des deux donne une impression de convivialité et de détente que j’apprécie énormément.

Mais introduisons un petit peu Montréal, en tout cas, ce que j’en ai retenu. La ville est construite sur les bords du fleuve Saint-Laurent et pas à n’importe quel endroit. Non, les fondateurs ont choisi l’endroit où le fleuve devient innavigable du fait de la présence de rapides. En aval, on rejoint l’Atlantique et en amont, et bien, il faut marcher les amis. C’est un peu ballot, d’autant plus que sans ces foutus rapides, un bateau pourrait rejoindre sans encombre les grands lacs et le cœur du continent américain. On s’est donc retroussé les manches et un petit canal de contournement fut creusé à une époque lointaine mais pas tant que ça puisqu’il faut achevé en 1825 après quatre années de labeur. Rassurez-vous, aucun français ne fut blessé, d’une part parce que le Québec n’était plus français depuis une bonne cinquantaine d’années, mais surtout parce qu’on employa majoritairement des irlandais. Merci le mildiou. Avec tout ça, la ville, à l’origine capitale de la Nouvelle-France, devint le port principal de l’Amérique du Nord (avant d’être supplanter quelques années plus tard par New York).

A cet emplacement, les abords du Saint-Laurent sont totalement plats. S’en est même totalement triste, hormis une petite colline au plat sommet, 200m au dessus du fleuve, à un petit kilomètre des rives que l’on s’empressa de baptiser « Mont Royal » (par l’explorateur Jacques Cartier, peut imaginatif) ce qui, vous l’aurez compris si vous êtes un tantinet attentif, donna son nom à la ville, Montréal. D’ailleurs, ma mémoire me joue des tours mais Wikipédia est là pour y remédier, la ville d’origine fut nommée « Ville-Marie » avant que tout le monde emploi le vocable « Montréal », beaucoup plus classieux. Du haut de cette colline, on y voit loin mais bizarrement, la ville se développa malgré tout sur les rives et surtout, aucune fortification digne de ce nom n’y fut construit malgré le belliqueux voisin anglois au sud.

Pour l’anecdote, et elle n’est pas anodine, à l’emplacement de la ville actuelle au pied du Mont Royal existait un village indien du nom d’Hochelaga. C’était d’ailleurs plus qu’un village car l’explorateur de l’époque (Jacques Cartier, toujours lui, même si j’aurai un billet plus perfide à son sujet plus tard) rapporte environ mille habitants. Il est intéressant de noter que ces indiens étaient sédentaires et alliés des français, dans un ordre totalement aléatoire d’importance. Oui, car dans toutes les guerres opposant les français aux anglais pour le contrôle du territoire canadien (anciennement Nouvelle-France), les tribus indiennes étaient majoritairement alliées aux français, les pauvres.

Mais, nous nous éloignons du sujet qui est, présentement, Montréal. Je reprend. Nous avons un fleuve au sud, une colline au nord et une ville entre les deux. De nos jours, la ville a grandie tout en restant majoritairement circonscrite à l’île de Montréal. Mince, je l’avais complètement oublié cette île, dites moi. Effectivement, le fleuve avec ses multiples bras délimite quelques îles à cet endroit, notamment l’île Montréal (au milieu duquel trône le Mont), la plus grande, et l’île Notre-Dame au sud qui, elle, est totalement artificielle, puisque construite avec la terre excavée lors de la construction du métro. Pourquoi pas. Accessoirement, cette île abrite un parc et un circuit de Formule 1 qui est, avec Monaco, le seul circuit de course intra-muros. Je me demande s’il faut en être fier ?

Tout ça pour dire que c’est en fin d’après midi que je marche le long des rues perpendiculaires et tranquille du Plateau, après un court trajet en bus puis en métro. Arrivé au niveau de l’adresse fourni par Maxime, je les découvre, son amie et lui, en train de fumer tranquillement sur la toute petite terrasse devant leur appartement, profitant des derniers instants de relative douceur du court automne québécois. Mais pour ce qui est de la météo locale, ce sera pour une autre fois.

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Scout chez les silicon frenchies

Vous devez commencer à avoir l’habitude mais je vais, de nouveau et en introduction, me prêter à une généralisation outrancière à partir d’un échantillon réduit de cas. J’affirme avec aplomb qu’un nombre important d’américains, de toutes catégories sociales, ont un parcourt professionnel extrêmement varié, beaucoup plus varié que la moyenne française.

Lorsqu’on interroge un(e) français(e) moyen(ne) sur sa profession, la personne (ça me simplifiera le maniement du genre) vous répondra « cadre commercial » (beurk), « agent EDF », « prof » ou encore « ingénieur informaticien » (sur-beurk). Je sais qu’il ne faut pas juger les gens uniquement sur leur profession (car il faut également tenir compte, comme chacun le sait, de leur aspect physique), mais force est d’avouer que l’image qui en ressort est extrêmement peu excitante, à moins que la réponse à la question soit « photographe de guerre » ou « tueur à gages » (ou que la personne soit une sublime blonde avec un ratio tour de poitrine / tour de hanche égal au nombre d’or).

Avec les américains que j’ai rencontré, hormis Phil à Darwin qui était tristement uniquement ORL (bon, certes expatrié en Australie pour un an fraichement sorti de son université), je suis à chaque fois surpris par le curriculum que l’on me donne. Ils ont souvent à leur passif deux ou trois métiers différents. Sans réfléchir au pourquoi du comment, je trouve ça incroyablement rafraichissant et surtout, enrichissant. Ça doit faire beaucoup pour éviter le corporatisme bien que cela induise sans doute d’autres inconvénients qui ne me viennent pas à l’esprit, là, spontanément.

Mais rappelez-vous, tout ceci n’est qu’une introduction et nullement le cœur thématique de ce billet. En vérité je souhaiterai vous parler d’un gars prénommé Merrick. Forcément, je vous doit en préambule quelques explications quand à son intérêt.

Il est venu mon dernier soir à San Francisco. Je sais, c’est triste. Toutes les bonnes choses ont une fin et il est temps que j’aille affronter le froid polaire du Québec automnale (enfin, que je me dis). C’est donc ce samedi soir que nous allons passer une soirée à Redwood City, bourgade résidentielle sans intérêt de la Silicon Valley, hormis d’être mitoyenne de Palo Alto (où réside, je vous le rappel bande d’ignares, l’université de Stanford et le siège mondial de Hewlet-Packard) et d’abriter le siège mondial, lui aussi, d’Oracle (qui pour ceux qui ne le savent pas est une méga compagnie d’informatique dont le grand patron, Larry Ellison, est un des hommes les plus riche du monde).

Je dis nous car je suis (du verbe « suivre », pour éviter toute ambiguité) Sam, Claire et le petit Isaac, à une soirée d’anniversaire organisée par un de leurs amis français habitant la sus-mentionnée Redwood City. Dans une maison de plein pied au milieu d’un quartier fade est propret, surveillé par le neighborhood watch et les patrouilles de police, où réside tout les cent mètres un millionnaire internet séparés par des voisins employés de sociétés high techs aux salaires supérieurs ou égal à 100k$ par an, je retrouve une joyeuse bande composée d’une ossature de frenchies immigrés et d’américains. Pour éviter toute mauvaise interprétation, la référence aux revenus des gens n’est là que pour poser le décor de façon légèrement hors sujet de la réalité immobilière de la Silicon Valley. Paradoxalement, les maisons ne sont pas particulièrement luxueuses, tout au plus confortables et spacieuses. Mais je m’égare.

Je me retrouve donc rapidement un verre de bière locale à la main, à faire et subir les présentations d’innombrables gens dans un état de joie croissant. Poignées de mains ou bises (quand ce sont des françaises), j’en arrive à serrer la paluche à un américain prénommé Merrick. Là commence le sujet de ce billet.

Merrick, c’est un jeune gars (une petite trentaine) de Santa Cruz (station balnéaire à une heure au sud, Mecque des surfeurs) travaillant en tant que développeur dans une petite société du Web. En France, on s’en serrait certainement arrêté là (rapport à ma longue introduction et ma fallacieuse statistique) et j’aurai papillonné vers un autre groupe de personnes en claironnant que moi, j’ai Fait l’Inde. Avant que j’ai pu trouver un habile stratagème pour clôturer cette conversation naissante et me trouver un nouvel interlocuteur, il enchaine en expliquant qu’il souhaite prendre de l’expérience pour espérer pouvoir créer sa boite (mais ça, ici, dans cette partie du monde, c’est aussi commun que d’annoncer ailleurs qu’on va s’ouvrir un PEL) car malgré son âge il est débutant dans le métier.

Je fais une rapide soustraction mentale et suis surpris par son manque d’expérience professionnel à son âge. Si vous êtes un brin perspicace, vous aurez compris qu’il n’en était pas du tout à sa première expérience professionnelle, mais juste débutant dans sa nouvelle carrière d’informaticien, débuté il y a peu. Pour vous, pour que vous ne mourriez pas de curiosité, je l’interroge donc sur ses précédentes activités. Sa réponse : l’armée. Alors voici la situation : j’ai rien contre l’armée en tant que telle. J’ai juste un problème avec les militaires. Je suis donc tout à coup légèrement circonspect. Mais voici l’histoire de Merrick à l’armée, sans doute similaire à de nombreux jeunes américains de sa génération.

A la sortie du lycée, sans idée de ce qu’il veut faire hormis une envie d’aventure, il cède aux sirènes des recruteurs. Ça tombe bien, l’armée US a grand besoins de bras ces temps-ci, engagée qu’elle est depuis 2001 dans deux guerres majeures. Comme Merrick est vraiment, vraiment à la recherche d’aventure (et un peu fou, il me l’avouera rétrospectivement), il choisi le corps des scouts qui comme sa traduction littérale ne l’indique pas, n’a rien à voir avec la bande de boys du même nom. Non, les scouts, en anglais, ce sont les éclaireurs. Après quelques mois d’entrainement intensif, il part donc, je vous le donne en mille et un, à Bagdad, Irak, Moyen-Orient.

A partir de ce moment là, je reste scotché, fasciné, en discussion pendant deux heures avec Merrick, lui posant progressivement des questions plus sensibles sur le sujet. A l’aune de ses réponses, je découvre un type ouvert, curieux, sensible et lucide pour qui cette expérience fut à la fois forte et enrichissante. Il me parle d’esprit de corps, de camaraderie et de mixité sociale, comment ses meilleurs amis d’Irak sont toujours en contact, notamment Bo, un véritable redneck d’Alabama fier de lui envoyer une vidéo de son 4×4 embourbé dans un étang, tous ces gens qu’il n’aurait jamais croisé en restant aux US. On en vient à parler plus brutalement de son contact avec la mort et toujours, aussi franc, il m’avouera n’avoir eu qu’un contact assez vague, son unité n’ayant déploré aucune perte. La mort, elle était, supposée, lorsqu’il devait tirer vers une zone désignée abritant un ennemi.

Ses deux ans à Bagdad, il me les raconte comme une vie d’excitation et de confort, hébergé dans la zone verte ultra-protégée, sortant en patrouilles de Hummvee pour escorter les forces spéciales jusqu’à leurs zones d’intervention, en charge d’éliminer les fameuses têtes du « Deck of Cards ». Tout ceci est à la fois lointain et proche pour moi, nourri des multiples films sur le sujet mais d’être en contact direct avec quelqu’un l’aillant vécu est vraiment passionnant. Avec les irakiens, il a eu quelques contacts mais leur isolement ne facilitait pas la tâche.

Encore une fois, je suis séduit par sa façon très lucide, je trouve, et neutre de raconter cela. Globalement et avec le recul, il est d’accord pour estimer que leur rôle était tout au plus flou. Bizarrement, ça lui a ouvert l’esprit. De retour à Santa Cruz, il s’intéresse à de nombreuses choses, s’informe, lit. Grâce au contrat signé au moment de son recrutement, il part faire quelques années d’étude. Un gars véritablement passionnant et attachant surtout car il nous offre une grosse bouteille de bière d’une micro-brasserie de Santa Cruz. Toutes ces histoires irakiennes, c’est un prétexte pour être resservi, bien entendu.

Finalement, un verre d’excellent et rare bourbon dans les mains servi de la réserve personnelle d’un sympathique américain d’origine sicilienne (qui me raconte ses vacances chez sa grand mère en Sicile), je me retrouve toujours debout à 3h du mat’ avec une poignée d’irréductibles frenchies, dont l’inusable Samuel, attendant mon taxi pour l’aéroport de San José. Dans deux heures j’y décolle pour Montréal. Dans l’avion, j’aurai largement le temps de dormir et de repenser à toutes les surréalistes anecdotes racontés par Merrick.

Et comme j’ai une mémoire de m… et que j’étais « légèrement » éméché, je ne m’en souviens que très peu.