Pour le besoin de la narration, une bande son adaptée vous est proposée. Pour une meilleure immersion, montez le son. Pour une meilleur empathie, servez vous un verre.
Jeudi soir. Soirée pub crawl. Je m’attend à tout. Dix dollars, une boisson gratuite et quatre pubs. Voici le topo.
Il est 20h. Rendez vous à l’étage de l’accueil.
Enter Molly. C’est notre hôte pour la soirée. Accessoirement, c’est une employée du Greenhouse Backpacker. C’est aussi l’organisatrice de la soirée bingo.
Molly, elle est sympa. Elle est brune. Elle a un grand sourire et un écart entre les dents du devant comme Yannick Noah. Mais surtout, elle nous offre gratuitement une bouteille de bière.
Les gens commencent à se masser devant le comptoir. On commence à se découvrir. Il y a un peu de tout. J’aurai tout le temps pour discuter.
Le groupe est au complet. Molly nous donne cinq minutes pour finir nos bières. Il m’en reste un quart. Elle est dingue, je vais marcher de travers avant même d’avoir posé un pied dans la rue !
Chacun descend par son moyen de prédilection, l’escalier ou l’ascenseur. Je prend l’escalier. Anecdote hyper intéressante. Le groupe se reforme au rez de chaussée, à côté de l’agence de police. This way !
En route, Molly, elle veut qu’on commence à se côtoyer et qu’on se cause. Hi ! Juste à ce moment là, mon voisin est un grand brun svelte. Enter Samjin.
Samjin, il est anglais de Stoke-on-Trent, pas l’endroit le plus glamour d’Angleterre. N’empêche qu’il est ici de manière imprévue. Sa sœur a eu un accident à Darwin. Il est venu ici pour la rapatrier. Maintenant, il profite un peu pour visiter.
On cause football. Je commence à avoir de la conversation sur le sujet à force de lire l’Equipe et de regarder Lyon en Ligue des Champions. Rectification. Regardait Lyon en Ligue des Champions.
Samjin, il est bosniaque d’origine. Il est également étudiant en médecine ou plutôt médecin généraliste novice vu qu’il a fini ses études. J’apprend des trucs. En Angleterre, il ne faut faire que cinq ans d’études pour devenir généraliste. Dingue.
Molly nous demande de nous mélanger un peu plus. Non mais, oh ! Je commençais à peine à l’apprécier le gars ! On change donc de partenaire, toujours en route vers notre premier pub.
Un gars, taille moyenne (la mienne), à la moustache de Freddy Mercury me sert la main chaleureusement, un grand sourire sous sa pilosité. Il est australien de Brisbane. Moi je suis français de Toulouse. Lui ne le savait pas encore.
Melbourne, il y est pour le weekend. Pourquoi ? Pour assister à un match de football australien, un match au sommet avec trois de ses potes. Plutôt sympa le gars. Je lui pose plein de questions sur le championnat. Le sport, c’est le grand unificateur. La culture sportive, ça sert, finalement.
Nous descendons dans le premier pub. Salle moyenne, bar, canapés et tables basses. Musique forte. C’est ici et maintenant pour la boisson gratuite. Je me pose dans un canapé au coin, entre Samjin et le moustachu. Il me sert un verre de bière d’un des pichets amené par Molly. Sympathique, le gars. Sympa, Molly.
On continu à bavasser. Il est d’origine italienne et fier de l’être. Je pensais qu’il avait un boulot. En fait il est étudiant. Je pensais qu’il avait 35 ans. En se marrant il me répond qu’il en a 22. Foutu pilosité. Ca te vieillit n’importe qui.
Je zappe sur Samjin qui discute avec un grand blond grand-breton à la molle charpente. Il porte des lunettes et son prénom, c’est Lochlian. Je le lui redemande. Je lui demande d’épeler. Original. On discute, lui et Samjin, mais je ne sais plus de quoi. Ca dure au moins une heure.
Molly se lève. Elle nous invite à changer d’endroit. Tout le monde sourit. On ressort dehors. La musique s’assourdit. On reprend la marche.
Nouveau changement de partenaire sous la demande de Molly. Elle est marrante Molly. Elle nous demande ça avec de grands sourires comme si on était des enfants. Cette fois-ci mon voisin est un jeune gars à l’allure sportive et musclé. Hi. Grand sourires.
Mince. C’est un copain au moustachu de Brisbane. Du coup, j’ai la moitié des réponses à mes questions sur le football australien. On papote quand même, mais je ne sais plus de quoi.
Arrivé au pied du deuxième pub, le Sahara. On passe un physionomiste. On monte sur le toit. A l’air libre, décoration marocaine, petits canapés et table basses rondes ouvragées. De nouveau, commande de pichets de bière.
Je continue à papoter avec le moustachu italien et sa bande de potes. Je crois qu’ils ont bien retenu mon prénom. Oliveeeeuuuur ! Yeeeaaah ! Je renverse un verre. Olivveeeeur !
Je part récupérer de quoi essuyer est un nouveau verre. Plein. Cette fois-ci je m’assois à côté de Molly. Ca change des amateurs de football australien.
Molly, elle est marrante. Elle adore sa ville. On parle de Melbourne. On parle des banlieues résidentielles. Elle habite dans le CBD. Pas folle.
C’est une apprentie institutrice. Le tourisme c’est un petit boulot pour financer ses études. Je crois qu’on parle voyages. Pour changer. Je lui parle de ce que j’ai vu en Australie. Pour changer. Je m’éclipse pour aller aux toilettes. Foutue bière.
A mon retour, un groupe s’agglutine autour d’un narghile. Le moustachu sympathique me fait signe de les joindre. Oliveuuurh ! Non merci. J’aime pas la fumée. Mais c’est sympa.
Je papote de nouveau avec Samjin et Molly. Il est bien ce bar. On voit les immeubles illuminés tout autour. Ambiance New York rooftop.
On va voir ailleurs, propose Molly ? Yeah ! Tout le monde suit diligemment. Descente dans la rue. La musique s’assourdit. Oliveuuur ! Ils sont sympas ces australiens.
Je commence à reconnaître l’endroit. Merci la visite guidée gratuite. On rentre dans une allée sombre couverte de graffitis. Molly se retourne avec un sourire d’intrigue. On va au Croft Institute.
Musique assourdit et discrète enseigne lumineuse. Molly frappe à la petite porte. Un physionomiste nous ouvre. Le groupe défile devant lui. A l’intérieur c’est plutôt petit. Longue pièce, plafonds hauts, ambiance sombre. Musique forte.
Des paillasses de chimistes attirent le regard. Carrelage blanc, éviers et robinets. Lumières glauques changeantes illuminant par en dessous. Il y a foule mais l’endroit est étriqué. Tout le monde est debout.
Au fond, c’est le bar. Carrelage blanc. Derrière, c’est des étagères de verres et de bouteilles. Trois barmen à l’aspect déments bougent au rythme de la musique. Ils ont l’air cadavériques et maigres. Un éclairage par en dessous renforce leur air maladif.
Ils sourient beaucoup et se marrent en discutant avec les clients. Ils bougent avec la musique, préparent les cocktails à cent à l’heure en jonglant avec les bouteilles. Cool.
Regard sur la carte. Des cocktails. La spécialité du coin : des cocktails servis en seringue. On en prend quasiment tous. Mon barman est petit, squelettique, quasi-barbu et porte un bonnet. Il a l’air fou.
Heureusement, les seringues ne portent pas d’aiguilles. Je m’injecte du cocktail dans la bouche. C’est franchement pas mal. Me souviens pas du nom.
Je me glisse vers les trois asiatiques du groupes. Hi ! Hi ! Une taïwanaise et deux japonaises. Elles ont l’air hilares. Vous êtes d’où ? Question classique, réponse originale : Okinawa.
On papote et je suis surpris. Ou alors les temps ont changé. Ou je suis bourré de clichés. Deux japonaises en vacances longues. Plus d’un mois. Envie de s’amuser et d’échapper au train-train.
On papote toujours en se dandinant légèrement, calés sur 120 BPM. Injection de cocktail en parallèle. Un australien qui n’est pas du Greenhouse s’incruste. Au moins, il est sympa.
Je crois bien que je reprend la discussion avec Lochlian. Me souvient plus. Les japonaises ont un anglais limité. La musique est forte. C’est haché.
Encore une envie d’uriner. Un étroit escalier monte aux toilettes. Ambiance clinique de fou. Carrelage blanc partout. Je redescend dans la pénombre de la salle principale.
Molly s’approche de nous. On bouge ? Yeah ! J’suis curieux de découvrir la suite. On ressort dehors. Le Croft Institute, c’est classe. Musique assourdit et odeur d’urine dans l’allée.
Tout le monde a la banane. Molly, elle est sympa. Le Croft Institute, c’est cool. Le monde est flou et élastique. Oliveeeeur !
On marche encore. Pas très loin. On entre dans un immeuble. Une galerie marchande quasiment déserte. Au centre, un grand patio couvert sous une verrière, très haute. Au milieu, une haute tour de brique de 50m. La Shot tower.
On monte un escalator. A l’étage, où les magasins sont fermés, on rentre dans un pub billard. Musique dance tout venant. Fun radio en pire. Petite piste de danse. Décevant. Je fixe Molly avec un air de déception. Musique forte.
Tant pis, je reprend une pinte de bière. Pendant que tout le monde commence à se poser devant la piste de danse, je déambule vers les tables de billard. Lochlian me rejoint. Un couple joue à une table. Bizarre, je ne reconnais pas le jeu.
Curieux. Je m’approche et leur demande les règles. Ils m’expliquent. On se présente. Ils ont l’air un peu éméchés. Moi, je ne sais pas. Enfin, un peu. Enter Patrick. Enter Cathy.
Patrick est australien d’origine irlandaise. Il est habillé en costume cravate. Il a laissé tombé le costume et la cravate.
Cathy est mauricienne d’origine mauricienne. Elle est toute petite et parle français avec un accent créole.
Ils ont tout les deux la trentaine et sont super sympas. Je me tape l’incruste et on discute. Pendant ce temps, ils jouent. Mais pas trop. Ou pas bien.
Cathy est super contente de pouvoir parler français. Du coup je me force. Son vocabulaire est hésitant. Elle est ici pour le boulot.
Quand elle joue, je discute avec Patrick. Il est cool. Je crois qu’on discute de l’Australie. Pour changer. Je crois bien que je reste quasiment deux heures avec eux. On discute de plein de trucs et on rigole.
Un type s’incruste. Il est un peu lourd. Il drague la copine de Patrick et je crois que ça le fait un peu chier. C’est pas très clair. Ou c’est moi qui ne suit pas très clair.
On continu à parler français avec Cathy. Patrick le comprend un peu. Il ne le parle pas. Malgré la musique et l’alcool, on a de vrais conversations. Ils sont bien sympas.
Finalement, je les remercie. Je leur dit au revoir. Eux aussi. On se fait de grands sourires. Je vais jeter un œil à mon groupe. Ils ne sont plus là. Tout le monde s’est barré. Il est prêt de 2h du matin.
Je quitte le pub, redescend au pied de la tour intérieure, ressort dehors. Mon sens de l’orientation, je ne l’ai pas perdu. J’emprunte les trottoirs beaucoup plus déserts du CBD.
A un coin de rue, Oliveeeeuuur ! Je retrouve les trois australiens de Brisbane. Oui, tout le monde s’est barré. Je ne sais pas quand. Je ne sais pas où. En tout cas, c’était chouette. Ciao !
Je rejoint l’auberge, monte à mon étage et me glisse discrètement dans mon dortoir. Noir.
C’est chouette Melbourne.