Soirée tchèque

Il pleut encore à Da Lat et quand ce n’est pas le cas, il fait gris. Et comme nous sommes toujours à environ 1400m d’altitude, avec cette météo, les températures sont un peu fraîches. Après une bonne douche à mon retour de cette marche dans la jungle, j’attends que les deux anglaises, Gilly et Anne-Marie, passent me prendre pour aller prendre un verre en ville. Mon seul soucis est que je suis obligé de me chausser de mes gougounes / schlappe / slache / claquettes / tongues sous ce temps breton. Mon autre paire de chaussure est généreusement couverte d’un centimètre de glaise humide que j’hésite encore à nettoyer dans la douche de ma chambre de peur de boucher les tuyauteries.

A l’heure prévue, je suis récupéré par le duo britannique (encore un bon synonyme pour les deux anglaises. A ce rythme je suis bon pour devenir journaliste sportif) et nous nous dirigeons vers la sorte de place centrale de la ville pour rencontrer un trio que Gilly et Anne-Marie ont rencontré dans leur bus en provenance de Ho Chi Minh. Je suis difficilement avec mes chaussures inadaptées sous la pluie et le froid. Mais nous voici rapidement six et, après les présentations d’usage, partons à la recherche d’un quelconque bar un peu sympathique.

Je vais donc tenter de vous décrire ce petit monde. Premièrement, car c’est un peu l’organisatrice de la soirée, Gilly, cheveux blonds mi-courts, taille moyenne, dynamique. Nous avons ensuite sa comparse, Anne-Marie, cheveux châtains longs, taille moyenne, boulote et beaucoup plus enjouée et bavarde maintenant qu’elle est en territoire familier. Voici pour le quota grands-bretons de la soirée. L’autre consiste en trois tchèques, un gars et deux filles. Pour commencer, Eva, la plus jeune, une grande et costaude jolie blonde aux cheveux longs en queue de cheval, d’allure sportive. Ensuite, Susanna, une aussi grande brune aux cheveux mi-courts avec un petit air de garçon manqué. Pour finir, David, un autre grand brun, cheveux courts et petites lunettes intellectuelles.

Après un début de bavardage un peu timide pendant lequel Anne-Marie, avec un enthousiasme proportionnel au soulagement d’y avoir survécu, commence à raconter sa journée de randonnée, nous nous posons dans un bar désert. On ne peut pas dire que Da Lat soit le rendez-vous des fêtards et la plupart des établissements ferment relativement tôt. Nous commandons des bières (entre des tchèques et des anglais, ça semble relativement naturel) et entamons enfin les véritables présentations.

Dans la catégorie « personnes étonnantes », en voici encore trois des plus sympathiques. Mais avant de commencer, j’apprends que Gilly a effectué, il y a quelques années, deux mois de volontariat humanitaire au Cambodge pour faire de la rééducation de personnes handicapées. Encore quelqu’un qui force le respect.

Revenons donc à nos trois tchèques. Tout d’abord David et Susanna sont ensembles. Quand à Eva, c’est une jeune copine de leur club d’escalade de Prague. Il est vrai qu’elle a l’air un peu plus timide que les deux autres qui ont, soyons clair, chacun un aspect de vieux baroudeur malgré leur petite trentaine d’années d’âge. Alors que nous nous vantons d’avoir traversé la jungle hostile pendant notre journée, ils nous annoncent avoir parcouru environ 150km sous la pluie sur des motos louées, autour de Da Lat, le tout avec de grands sourires. « C’était amusant », conclut Susanna. En voilà trois pour qui le sens de l’aventure ne fait pas défaut. D’ailleurs en continuant à parler de moto, David et Susanna nous racontent quelques anecdotes en deux roues vécus en Iran, pendant un précédent voyage. « L’Iran, voilà qui est original », fais-je remarquer.

  • Pourquoi pas ?, demande Susanna, un brin sur la défensive
  • Non, mais il faut bien avouer que ce n’est pas non plus une destination touristique majeure, ajoute avec un sourire Gilly
  • Oui, peut-être, conclut Susanna en regardant David avec un petit sourire fier.

Ces deux là m’ont l’air de vrais aventuriers, et notamment Susanna qui nous liste ses pays visités : Inde, Syrie, Iran, Bulgarie et Roumanie. Pour les deux derniers, je me doute qu’il s’agit d’une destination naturelle car limitrophe pour des tchèques. Par contre, pour la Syrie, voilà qui est encore original. Inutile de préciser que chaque voyage se fait dans des conditions routards et pendant un mois minimum. Toujours avec un air mi-modeste, mi-espiègle, elle nous raconte la fois où elle a fait de l’auto-stop en Iran en se faisant récupérer par un camion de marchandise. Le chauffeur, un peu fatigué, lui a laissé le volant. Admettez que ça change de l’anecdote un peu plus convenu concernant un incroyable restaurant où on vous a servi du saumon avec du ketchup (Non mais du « ketchup » ?! Je rêve !). Tout de suite, c’est difficile de rivaliser. Néanmoins, j’arrive à les faire rire quand je leur raconte mon accident et ma panne d’essence d’il y a deux jours. Comme quoi, encore une fois, la vie n’est qu’une collecte d’anecdotes à partager avec les autres. A condition qu’elle ne vous tue pas, bien entendu.

Pour ce qui est de leur occupation, car il faut bien avouer que, moi, je trouve ça toujours intéressant de savoir ce que font les gens pendant la plus grosse partie de leur journée, j’arrive à glaner que David est psychologue et Eva étudiante en dernière année de mathématiques (une tête bien faite, en plus). Quand à Susanna, au cours de la conversation, j’apprends qu’elle a arrêté ses études et qu’elle travaille dans le milieu de l’informatique à faire des tests. Voilà qui rajoute un peu à son côté rebelle.

Cette soirée s’annonce terriblement intéressante et nous changeons de bar en quittant me deux collègues de randonnées. La fatigue se fait sentir et Anne-Marie commence à se ressentir de sa terrible journée. Je leur souhaite bonne chance pour la suite et poursuit avec le trio tchèque vers un autre bar un peu plus animé. Selon toute vraisemblance il est tenu par un anglo-saxon et la clientèle, un peu plus nombreuse. Pendant encore quelques heures nous discutons de tout, un sujet menant à l’autre, et je suis périodiquement impressionné par l’incroyable absence de peur et d’angoisse de David et Susanna. Peut-être est-ce de la bravade mais je trouve ça rafraîchissant. Eva, quand à elle, semble beaucoup plus raisonnable et timide en comparaison, mais à côté des deux autres, tout le monde le serait. Pour ajouter encore à cette ambiance cosmopolite et rebelle, nous sommes rejoint pendant un moment par la serveuse qui nous apprend être américaine. En vacances pendant quelques mois au Vietnam, elle aussi en mode improvisation, elle s’est arrêté à Da Lat après un coup de cœur pour le bar et la ville. Elle ne semble pas pressée de continuer, en tout cas.

Finalement, vers minuit, légèrement éméchés, alors que tout les autres bars et restaurants sont fermés depuis deux heures, nous décidons de rentrer. Après de sympathiques aux revoir et remerciements, je repart vers mon hôtel. Une bien jolie soirée.

Mais je crois bien que je m’y suis pris à deux fois pour retrouver mon chemin.

Marcher dans la boue

Il pleut. Il crachine. Il drache. Il bruine. Bon ceci dit, ce n’est pas une raison pour se laisser abattre, nom d’une pipe ! Fallait bien que ça arrive un jour ou l’autre, surtout que la mousson, on ne peut pas dire qu’elle soit hyper-présente jusqu’ici. Alors qu’est-ce qu’on fait dans ces cas là, lorsqu’on est dans une station climatique et qu’il fait un temps dégueulasse ? Hein ? Oui. Ok. On va au casino. Certes. Là, ça n’est pas possible car il n’y en a pas. Moi, j’ai décidé d’aller faire une randonnée à la journée dans les hauteurs environnantes. Tant qu’on y est, autant y aller à fond. De plus, je vous ai légèrement menti par omission, mais Da Lat, de nos jours, est également une destination pour toutes sortes de sports d’aventures et d’extérieurs, saut à l’élastique exclu.

Pour être tout à fait exhaustif dans mon exposition des faits, ma première intention, louable et originale, j’estime, était de faire une randonnée équestre dans les environs. Avec un tibia gauche un peu amoché, je trouve que c’était drôlement raisonnable car mon choix initial, mûrement planifié la semaine précédent cette fameuse sortie scooter, se portait plutôt sur une ballade en VTT. Je me suis donc arrêté chez un des nombreux organisateurs de sorties qui ont pignon sur la même rue pour réserver une petite balade équestre. Manque de pot, il se trouve que j’étais manifestement le seul pour qui l’idée de se balader à dos de canasson avait le moindre attrait et la charmante dame du magasin à du annuler la sortie, faute de participants. Je me suis donc rabattu sur une « bête » sortie à pied autour d’un lac et dans la jungle, de difficulté moyen / débutant, histoire de ne pas prendre trop de risques. Pour être encore plus prudent, je demande l’état du chemin avec la pluie pour éviter la rando galère sur terrain glissant. Elle me rassure. Les pluies ne sont pas très fortes donc le chemin devrais être parfaitement praticable. Si elle le dit.

Le matin de la sortie, le ciel est bas, gris et menaçant. Mais il ne pleut pas. J’attends dans le hall de l’hôtel qu’on vienne me chercher, portant pour la première fois depuis mon départ mon pull en polaire et mon blouson. A l’heure prévue, un mini-bus s’arrête devant et un jeune vietnamien dynamique, à l’allure sportive descend et pénètre dans le hall. C’est mon guide. Je monte donc dans le mini-bus et nous repartons. Pour une fois, j’ai été laxiste et faute d’avoir noté son nom, je ne parviens pas à me souvenir de son prénom. Appelons-le Vu, et ne cherchez pas, il n’y a aucun jeu de mot. Un deuxième guide, en plus du chauffeur est également présent. De la même manière, je ne me souviens plus de son nom. C’est lamentable et inexcusable. Appelons-le donc Tien. Voilà. Ou Justin si vous préférez, peu importe.

Donc Vu parle un excellent anglais. Qui plus est, en cinq minutes, je le trouve déjà très sympathique. Il est enjoué, souriant et rigole facilement. Quand à Tien (ou Justin si vous avez choisi l’option B) son anglais étant beaucoup plus hésitant, il est plus réservé, mais tout aussi souriant. Nous nous arrêtons une nouvelle fois devant un autre hôtel et je vois entrer deux jeunes femmes. Vu referme la porte coulissante et, après avoir repris sa place sur le siège passager, se retourne pour nous faire un rapide topo de la journée. Nous ne serons donc que trois touristes. Ça c’est chouette. Moi, je préfère les petits groupes et on peut dire sans mentir que le taux d’encadrement est exceptionnel : deux guides pour trois.

Chacun se présente et je salue donc Gilly et Anne-Marie, deux anglaises en vacances pendant deux semaines. On papote donc pendant le trajet jusqu’au point de départ de la randonnée. Les deux viennent d’arriver il y a quelques jours à Ho Chi Minh et commencent à peine leur remontée vers le nord. C’est donc l’occasion de leur donner mes impressions et mes coups de cœurs. Elles sont très sympathiques et avec Vu qui rigole facilement, l’ambiance est déjà détendue avant d’arriver à destination.

On reçoit donc un petit résumé du parcours ainsi que certaines recommandations un peu plus originales : il y a des sangsues partout sur le chemin. On nous fait passer chacun à notre tour un répulsif sauf forme de baume gras que l’on vient appliquer généreusement sur le bord de nos chaussures. Ça change des moustiques. Au passage, si on fait un rapide tour d’horizon de l’équipement de chacun, je constate que je suis le seul à avoir des chaussures qui pourraient passer pour des chaussures de marche dotées de vagues crampons. Les deux anglaises sont en chaussures de jogging et nos deux guides en petites chaussures de toiles à semelle plates, sans chaussettes. Les chaussettes et les crampons, c’est manifestement pour les fillettes, ici.

Nous prenons donc le chemin, encadrés par les deux guides, et on continue les présentations. Gilly est physiothérapeute (donc j’avoue ne pas avoir une idée très précise de ce que c’est) et Anne-Marie, étudiante en dernière année. Nous en venons à parler système de santé et mis en confiance par l’aspect ouvert et sympathique de Vu, lui demande comment cela se passe au Vietnam, vu le régime politique que je crois être légèrement socialiste. Je met donc quelques pincettes pour ne pas l’effrayer mais, de manière surprenante, il nous répond sans fard ni gêne. Manifestement, il y a des années, le système était effectivement gratuit pour tout le monde mais récemment, les choses se sont légèrement libéralisées. Hormis les plus pauvres, la plupart paye le prix fort pour se faire soigner.

Nous entamons une montée à travers une végétation qui devient un peu plus dense et humide. Sans vouloir critiquer, je constate que les prévisions de l’organisatrice étaient légèrement optimistes. Le chemin est légèrement glissant et boueux. Je redouble donc de prudence pour éviter de tomber sur ma jambe blessée.

La conversation se poursuit en pointillé, entre deux respirations et il devient rapidement évident qu’Anne-Marie est devenue taciturne. Sans vouloir faire dans le cliché, il faut bien avouer qu’elle ne m’avait pas frappé par son physique de marathonienne. On peut même dire sans mentir qu’elle est plutôt boulotte, au minimum. Néanmoins, là n’est pas la véritable cause de son rapide passage en apnée dans la montée. Entre deux goulets d’air, elle commence à pester contre son amie : « Tu… m’a…vais… dit… que… ce… se…rait… fa…cile ! Hhhhhhhhhhhh. C’est… la… pre…mière… fois… que… je… fais… de… la… Hhhhhhhhhhh… ran… do… nnée ! ». A son aspect rouge pivoine (comme le veut l’expression consacrée), nos deux guides commencent à se retourner, légèrement inquiets.

Vu propose donc une pause pour éviter de la perdre dés la première petite montée. A sa décharge, une montée rendue légèrement glissante par la pluie devient rapidement plus exigeante physiquement. Une poignée de minutes plus tard, nous repartons, toujours dans une végétation humide faite de hautes herbes, arbustes et fougères sous de grands arbres qui nous bouchent le ciel gris, et toujours en légère montée. Nous reprenons notre tranquille papotage entre Vu, Gilly et moi, ce qui me fait penser un instant à l’incroyable torture morale que cela représente pour Anne-Marie. Il n’y a rien de plus déprimant que deux lourdauds qui papotent comme si de rien n’était dans une montée lorsqu’on est au bord de l’asphyxie. Bon, si elle survie, elle en rira dans dix ans. C’est d’ailleurs ce qu’on lui dit. « Rrrrrrhhh. No. I don’t think so ! », nous répond-elle. Aucun sens de l’humour, pfff. D’ailleurs, histoire d’ajouter à son malheur, la pauvre glisse et tombe sur les fesses un peu plus tard. On la sent légèrement épuisée.

Vu décrète donc une nouvelle pause et après quelques instants pour reprendre son souffle, Anne-Marie se plaint de nous ralentir. Tous en cœur, nous nions en bloque et j’ajoute même la réplique type de dé-culpabilisation « De toute façon, ce n’est pas une course ». Moi, je serai à sa place, je demanderai à ce qu’on aille se faire mettre. Pour que sa première expérience de randonnée soit totale, il commence à pleuvoir.

Nous repartons une nouvelle fois, en zigzaguant dans ce qui ressemble maintenant à une jungle, toujours encadrée par ces fougères et arbustes. Un instant je marche en regardant dans mon sac à dos pour chercher mon appareil photo, puis l’autre, je bascule par terre la tête la première. Tout le monde se retourne vers moi « Non, non. Tout va bien. C’est ma faute ! Enfin, vous auriez pu prévenir qu’il y avait cette bûche en travers du chemin à hauteur de genoux, quand même ! ». Ça m’apprendra à vouloir marcher tout en cherchant quelque chose dans mon sac. En tout cas, plus de peur que de mal, grâce au sol boueux. Comme ça, Anne-Marie se sentira moins seul. D’ailleurs, quelques minutes plus tard, c’est Gilly qui se retrouve sur les fesses après une glissade. Je dois avouer que nos guides en petites chaussures plates deviennent vite agaçants à ne pas glisser, eux.

Pendant une nouvelle pause, je me retrouve à côté de Tien (ou Justin) et dans son anglais approximatif on commence à discuter marche en montagne. Celle-ci est vraiment peu difficile en terme de dénivelé mais je vois bien à son air sec et affûté qu’il a l’habitude. Je lui fait donc remarquer de manière tout à fait innocente qu’il a la condition physique. « Pas comme celle-là ! », me répond-il, souriant, en pointant du doigt Anne-Marie, située à environ quatre mètres, tout en faisant une mimique de gonflement du ventre. Je croise les doigts pour que l’anglaise n’ai pas entendu mais voilà qui est typiquement vietnamien, cette absence totale de prise de gant.

Nouveau départ. Nouvelle avancée dans un terrain un peu moins pentu mais toujours aussi détrempé et touffu. Anne-Marie respire un peu plus mais la fatigue aidant, sa démarche est toujours aussi peu sûre. J’essaie de lui donner quelques conseils pour trouver de bonnes prises au sol mais il faut bien avouer que, dans ces cas là, on a tendance à être un peu bougon. Toute suggestion n’impliquant pas l’action « arrêter » ou « rentrer » est tout de suite perçu comme de la provocation.

Sans mentir, car sinon ce serait beaucoup moins drôle, nous levons tous les yeux au ciel en poussant un soupir, du moins en pensée j’en suis sur, lorsque un peu plus tard elle se met à pousser des cris en sautillant : « UNE SANGSUE ! UNE SANGSUE SUR MA JAMBE !! ». Effectivement, une petite sangsue s’était gentiment accrochée à son mollet dodu. J’aurai fait pareil. Vu accourt et sortant son répulsif vient en appliquer un bout sur la bête qui tombe instantanément. Inutile de préciser que l’anglaise est à ce moment là au bout du roulot. Gilly lui prend alors les mains et, tout en la fixant dans les yeux, lui répète un mantra pour la calmer : « Tu peux le faire ! Si. Si, Anne-Marie, ne pleure pas. Tu peux le faire. » Bon sang, c’est comme dans un film sauf qu’on a pas le droit de rire. D’autant plus que je suis en pleine empathie. Des souvenirs de sorties VTT pourries dans la boue à ne plus pouvoir pédaler, épuisé alors qu’il reste encore cinq kilomètres à faire avec deux athlètes surentraînés qui me précèdent en riant, me reviennent en mémoire. Oui, monsieur Eric C. de Venerque, c’est de vous que je parle.

Notre guide nous assure que la montée est presque terminée et après quelques minutes pour se reprendre, nous repartons tranquillement. A partir de là, la marche devient effectivement un peu moins physique. Malheureusement, nous entamons la descente à travers la jungle et le rythme ralenti pour ne pas glisser. Je profite que chacun ai récupéré son souffle pour reprendre la discussion avec Vu. Cette fois-ci je décide de l’asticoter sur le permis deux roues. On en apprend de bonnes à ce sujet. Bien que l’âge légal est de dix huit ans, de nombreux vietnamiens commencent à conduire une mobylette en dehors de la route un peu plus tôt. Pour ce qui est du permis, c’est quasiment un sketch. Ils passent un gros test théorique aux questions un peu bateaux, sans doute en rapport avec le code de la route (qui existe, si, si) puis un petit test pratique qui consiste plus ou moins à faire un huit entre deux plots. Trois cents kDongs plus tard, vous êtes détenteurs d’un permis officiel et vous pouvez commencer à transporter des cochons morts sur la nationale à bord de votre pétrolette.

Fort de mon expérience (mi-malencontreuse), je fait remarquer à notre guide que, bizarrement, en tant que touriste je n’ai jamais eu à montrer mon permis lorsque j’ai eu à louer un deux roues. En théorie, d’après lui, les policiers pourraient nous arrêter et l’exiger. Sauf, qu’ils ne le font pas parce qu’ils ne parlent pas anglais. Il nous dit ça avec le sourire et un brin d’espièglerie et j’ai la sensation que lui et Tien sont beaucoup moins respectueux des autorités et du gouvernement. Peut-être cela correspond-il à se que Annah m’avait dit concernant les gens du sud Vietnam, qui percevaient encore le pouvoir d’Hanoi avec un œil critique et ironique.

DSC_6105_DxOFinalement, nous nous arrêtons pour le déjeuner. Nos deux guides sortent une nappe et y posent les ingrédients pour les sandwichs : pain, tomates, jambon, oignons et… Vache qui Rit. Voilà qui est surprenant, d’autant plus que c’est sous-titré en vietnamien. De manière amusante, quelques semaines plus tard, je découvrirais des boites de « Laughing Cow » en Australie. C’est triste (moi qui n’aime pas ça) mais il se pourrait bien que ce soit notre plus grand produit d’exportation après le vin. Nous finissons le repas avec quelques fruits frais, notamment du « fruit du dragon » ou pitaya à l’aspect si coloré. Anne-Marie retrouve une respiration normale ainsi que la parole, l’un n’allant pas sans l’autre.

Nous finissons de traverser la jungle tout en descente, en traversant parfois quelques petits cours d’eau ou la peur de la sangsue devient plus présent. Accessoirement, nous commençons à porter DSC_6107_DxOquelques kilos supplémentaires de boues à nos chaussures. Nous émergeons enfin à l’air libre dans un petit vallon où Vu nous montre un champs de petits arbustes aux baies vertes. « Qu’est-ce que c’est à votre avis ? », nous demande-t-il. Moi qui suis toujours un peu fayot et qui ai un peu potassé mon Lonely Planet répond : « Un cafetier ? ». Bingo. J’avoue que c’est assez amusant de voir pour la première fois ces plantes qui fournissent une des boissons les plus bues de la planète et sans qui l’économie tournerai au ralenti ou du moins, sans qui une partie des employés de bureau non-fumeurs travailleraient sans discontinuer. A Da Lat, d’après notre guide ils font pousser de l’arabica et du mocca. Moi ça me rend heureux car ce soir je dormirai moins con : je ne savais pas que le mocca était une variété de café.

Finalement, le plus dur est derrière nous et nous marchons tranquillement d’un pas alerte et joyeux ponctué par notre discussion, sautant du coq, à l’âne puis au canard, que l’on croise sur une petite mare. C’est l’occasion de parler confit de canard et cuisson lente, histoire d’entretenir la légende que les français ramènent tout à la bouffe. D’ailleurs en parlant de volaille, nous finissons la randonnée dans un village célèbre dans les environs pour sa magnifique statue en béton représentant une poule. Oui, le gallinacé.

Comme je voit que ce billet et bientôt terminé, j’en profite pour vous en narrer l’histoire. Dans ce village, la minorité ethnique y vivant (dont j’ai complètement oublié le nom, pour changer, mais elle doit certainement faire parti des 54 répertoriées) a comme sympathique et originale coutume d’exiger d’une future mariée de présenter une dote à la famille du futur marié. Oui, vous avez bien lu. Ils font les choses dans l’autre sens par rapport à ce qui est généralement usuel. En clair, c’est la mariée qui demande la main au marié. Mais qu’est-ce que j’aime ce pays, nom d’un chien ! Pardon.

Bref, une jeune femme dans un temps ancien, amoureuse d’un jeune homme, alla voir sa famille pour lui demander sa main.

« Wo ! Famille ?! »

  • Oui ?
  • Vaz-y, kèsse tu veux pour ton keum, là ?

Je ne sais pas pourquoi, il me vient tout de suite des images de Diam’s d’avant sa conversion islamique quand j’imagine une jeune et jolie vietnamienne dans cette situation. C’est parfaitement ridicule mais le subconscient est ainsi fait qu’il est généralement complexe et surprenant. Poursuivons.

« Euh… je ne sais pas trop… », répondit la famille du jeune non encore promis.

Il faut dire que cette famille voyait d’un très mauvaise œil cet union, pour une raison que ma mémoire ignore. Je ne sous-entend absolument pas que Diam’s est l’archétype de la belle-fille que l’on voit du mauvais œil, quel qu’il soit. Plutôt que d’exposer frontalement son désaccord, ce qui aurait été une chose mûre, adulte et réfléchie, la famille du jeune homme, légèrement hypocrite, décida d’exiger une dote parfaitement impossible à trouver : une poule munie de non pas un, non pas deux, mais tenez vous bien, trois ergots (ouuf! Les guedins!). Comme je vous sais tous d’origine rurale, je ne vous ferez pas l’affront de vous rappeler que des poules à trois ergots, c’est aussi commun que des poules avec des dents. Moi, je ne savais déjà pas qu’elles pouvaient en avoir deux, alors trois. Ça et le mocca, je me sens vraiment moins con. Pendant des semaines, des mois voir des années pour que vous sentiez vraiment à quel point cette jeune fille donna de sa personne, elle parti à la recherche d’une poule à trois ergots. On aurait pu lui demander de trouver un banquier sincère que la tâche n’en aurait pas été moins rude. La malheureuse en mourru.

En souvenir de cette triste histoire, qui devint légende, on érigea dans le village des deux protagonistes une statue gigantesque d’une poule à trois ergots. Par gigantesque j’entends ayant au moins deux mètres de haut. Pour que ça soit encore plus classouille, et parce qu’on avait sans doute vu Versailles, on l’a conçu pour que, fontaine, elle cracha l’eau de la source par son bec. On choisit les plus beaux matériaux, en l’espèce, un béton cellulaire de la meilleure gamme de chez Lafarge. Ce devait être drôlement bôôôôô même si j’estime que le risque n’était point négligeable que cela n’évoque un poulet rendant son déjeuner. Fort heureusement, la fontaine tomba en panne quelques années plus tard et, par paresse, par manque de fond, la légende reste muette sur ce sujet, on ne la répara point. L’Art aquifère perdit un enfant mais on escamota à tout jamais le quiproquo.

Et sinon tout le monde rentra sains et saufs à son hôtel.

Da Lat

Enfin ! Ça fait quasiment un mois que j’attends ce moment là ! Tout ces déplacements et anecdotes depuis mon départ de Pondichéry n’était que passe temps et manœuvres de diversion pour enfin arriver à Da Lat, ancienne station climatique créée par les notables français de Saigon à 1400m d’altitude. Je ne vais pas tourner autour du pot, je comptais énormément y trouver une température inférieure aux 30°C minimum que je subit depuis mon séjour à Mumbai, il y a plus d’un mois. Même si je commence à m’y habituer drôlement bien (je n’ai plus peur de sortir entre midi et 16h, contrairement à Pondy, par exemple), j’avoue qu’un peu de fraîcheur serait la bienvenue. A part ça, Da Lat, il paraît que c’est coquet, si j’en croit mon Lonely Planet. Ch’sais pas trop, mais j’envisage une sorte de Luchon ou La Bourboule à la mode tonkinoise. Je sais, c’est difficile d’imaginer ce que ça peut donner.

Je part donc de Nha Trang le lendemain de mon périple en deux roues, un peu raide, voir beaucoup, mon pansement refait à neuf avec le contenu de ma trousse de secours. Le mode de transport est désormais classique puisque j’emprunte à nouveau un bus couchettes pour les quatre heures et quelques du trajet. Je passe donc sous silence le désormais classique descriptif : mal de fesses, température frigorifique et projection d’une émission de variété sur les deux écrans du bus. Si vous y glissez une proportion de sieste, une lampée de lecture de notre ami Dick Bolitho et un zeste de contemplation du paysage, le trajet se passe sans encombres notables.

Après la montée d’un col interminable puis la traversée d’un plateau ponctué de petites collines entièrement dédié à la culture, notamment de café et de thé, ainsi que des serres couvrant parfois tout le paysage nous pénétrons dans Da Lat. Le seul soucis, c’est qu’il s’est mis à pleuvoir depuis le franchissement du col. Le temps est donc bas, gris et maussade. Avec la température frigorifique du bus, j’ai encore l’impression d’être un aoûtien téléporté à Knokke-Le-Zout, une journée de novembre. Heureusement que je suis prévoyant car cette fois-ci, je me suis habillé en conséquence : pantalon randonnée et chaussures randonnée légère cuir de chez Quechua et chandail mi-saison gris griffé Divided. Ça faisait un peu trop longtemps qu’il n’y avait pas eu de rubrique mode dans ce blog. Voilà qui y remédie.

DSC_6096_DxOJe sort donc du bus sous une petite pluie fine. Effectivement, pour ce qui est des 30°C, ils ne sont bien plus là. A vue de bras, il doit plutôt faire dans les 15°C. Rectification, donc : je me retrouve téléporté en Bretagne en octobre. Pourtant, j’aime la Bretagne, je suis Nantais. Le premier qui me réponds que, non, Nantes n’est pas en Bretagne… Mais la colère m’égare. Enfin, plutôt le froid, à vrai dire, car après un mois de chaleurs tropicales, en dessous de 20°C, le temps est glacial.

Après quelques tentatives, je parvient à retrouver mon hôtel. Comme c’est étrange de découvrir un lit muni d’une couette. Il me semble même qu’il n’y a aucune climatisation dans la chambre. Peut de temps après, je profite de ces premiers instants à Da Lat pour aller faire un tour chez un pharmacien. Sans être médecin, à vue de nez, j’étais dubitatif sur le pouvoir antiseptique du liquide utilisé par mes sauveurs vietnamiens mais également de mon spray de premier secours. Chez l’apothicaire, j’effectue une première tentative en anglais qui échoue. Je bascule en gestuelle et lève ma jambe gauche en montrant mon pansement et le léger filet de sang coagulé qui en émerge. Ce blog sera sans fard ou ne sera pas. Instantanément, elle hoche la tête en signe de compréhension et part fouiller dans ses tiroirs pour revenir avec un sachet de compresses de gaze, un rouleau de sparadrap et une bonne vieille bouteille de Bétadine. Avec ça, je dois pouvoir DSC_6101_DxOstériliser l’ensemble de ma salle de bain, ce qui ne manque pas d’arriver quand je tente de me faire un nouveau pansement, la jambe en l’air, appuyée sur la cuvette des toilettes, en tentant d’éviter de maculer le carrelage de ce produit extrêmement colorant. Heureusement que je suis relativement souple.

DSC_6108_DxOEn tout cas, pour ne rien vous cacher, ce temps pourri sera ainsi pendant quasiment les trois jours où j’y serais. Il empirera même par moment pour se transformer un pluie diluvienne, sous des températures identiques. Peut-être est-ce à cause de cette triste météo, mais je dois dire que Da Lat m’a laissé froid. Certes, elle se répand sur un paysage de petites collines, d’accord, mais aucun bâtiment véritablement sympathique ne ressort. Il y a juste un lac artificiel, non loin du marché couvert, où se dandinent des pédalos en formes de cygnes, mus par des touristes goguenards et, en tout état de cause, vaccinés contre le ridicule. Mais peut-être suis-je trop cruel.

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Voilà ce que c’est de trop se monter le bourrichon en imaginant un Luchon-en-Tonkin.

Cruiser en scooter 2 – Part 2

Dans le précédent épisode, alors que je cruisais mollement en scooter au sud de Nha Trang, j’ai eu un, hum, hum, petit soucis à ma jambe gauche. Disons que je répandais mon fluide vitale sur la terre vietnamienne, qui en a vue d’autre, par de multiples ouvertures de mon épiderme et derme. Fort heureusement, cette fuite est endiguée par un gros morceau de coton habillement tenu à ma jambe par quatre petits sparadraps. A l’heure où nous reprenons le court de l’histoire, je retourne sur Nha Trang sur mon scooter.

Comme il est à peine la mi-journée, j’hésite drôlement à rentrer si tôt. En plus, je ne peux pas vraiment dire que je suis parvenu à apercevoir une jolie montagne de près. La douleur à la jambe s’étant maintenant mue en un lancement sourd mais régulier et le pansement de fortune tenant plus ou moins malgré le vent relatif, je décide de continuer mon périple en deux roues. Avec la chaleur, tout cela va bien sécher. Cette fois-ci, j’ai bien envie de tenter ma chance au nord de Nha Trang.

Après une nouvelle traversée de la ville le long de la plage, je retrouve le pont enjambant la rivière, les ruines Champa et le quartier des pécheurs. En continuant sur la route Ho Chi Minh (encore elle) je quitte finalement la zone urbaine. Je suis la mer et prend progressivement un peu de hauteur ce qui me permet d’avoir un début d’aperçu du panorama côtier. Enfin, ça commence à être sympathique.

Peu de temps après, je sens la faim poindre et profitant d’une aire touristique le long de la mer, décide de m’arrêter pour manger. Légèrement stressé, je m’engage tout en douceur sur le parking en terre. J’enlève mon casque, ajuste mon t-shirt et recolle mon pansement pour être présentable. Le restaurant est quasiment vide et on se retrouve à trois à manger face à la mer, couverte ici de petits bateaux de pêche.

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Une fois calé, je reprends la route en recollant le pansement de fortune tout les quarts d’heures. Mon 60 km/h de moyenne commence à mettre l’adhésif des sparadraps à rude épreuve. Après une DSC_6071_DxOnouvelle petite montée, la route redescend vers une large vallée inondée et nous quittons la mer. Pendant plusieurs kilomètres je traverse des rizières et des champs. Grâce à un plan fourni par l’hôtel je parviens malgré tout à me repérer et après la ville de Ninh Hoa tente ma chance sur une route partant vers la droite, soit d’après mes calculs, vers la mer. Un panneau indique « Terminal Hyundai » dans cette direction. Ça va être super chouette.

C’est effectivement assez agréable car je quitte instantanément le trafic modéré de la route Ho Chi Minh pour me retrouver quasiment seul sur une longue ligne droite ondulant en bas d’une colline. Des rizières couvertes de fleurs de lotus ajoutent une touche pittoresque avant que le paysage ne se transforme et devienne un peu plus sec. J’ai presque l’impression d’être dans un paysage provençal si ce n’est la végétation plus luxuriante.

Après de longues minutes, j’aperçois un début de lotissement en construction à gauche, vide, comme abandonné. Décidément, ils ont du mal à finir leurs projets ou quoi ? Finalement, la route oblique vers la droite et retrouve la mer en face, la montagne à droite. Parfait, c’est exactement ce que je veux. Je continue et aperçoit le fameux terminal Hyundai. On dirait un terminal dédié aux matières premières comme du sable ou des graviers mais l’effet est étrange de voir ce gros complexe industriel au milieu de nul part. Je serai curieux de connaître les détails de la planification économique, ici.

En continuant je commence à voir apparaître une zone un peu plus habitée et croise une dame marchant sur le bas côté qui me fait signe. Tout doucement, pour ne pas bloquer cette foutue roue avant, je m’arrête et me retourne. Elle arrive vers moi en trottant et, une fois à ma hauteur, me fait signe qu’elle veut aller plus loin, sans aucun doute sur mon scooter. Chic, je vais jouer au xe om. Je lui fait signe de monter avec un sourire puis bascule mon sac à dos en position ventrale pour la laisser monter à l’arrière.

C’est parti. Bizarrement, je ne la sens quasiment pas et je suis obligé de jeter de rapides coups d’œil dans mon rétroviseur valide pour m’assurer qu’elle est encore là. On sent qu’elle a l’habitude. Nous poursuivons comme cela quelques petites minutes pendant lesquels j’adopte une conduite coulée à vitesse un peu plus réduite. La route n’est pas non plus lisse comme un billard et je serai navré de l’envoyer valdinguer dans le décor. Tout à coup je sens qu’elle me tapote l’épaule et me retourne brièvement pour la voir pointer du doigt vers l’arrière. Arrêt demandé manifestement. Je m’arrête donc tout doucement et lâche ma passagère qui me remercie avec un grand sourire. Finalement, c’était pas si dur que ça. Je repart donc, fier d’avoir rendu service à une autochtone.

DSC_6081_DxOQuelques minutes plus tard, dans un village, je décide de faire une petite pause. Je m’engage donc vers la mer et pose mon véhicule à l’ombre d’une sorte de halle couverte. Devant moi, un petit port, à droite une sorte de café où sont massés une poignées d’hommes discutant bruyamment et à gauche une petite épicerie. J’enlève mon casque et rentre dans le magasin pour acheter une bouteille d’eau. S’hydrater, c’est la clé de la survie, ça et un freinage équilibré. Il faut dire que ça continue de cogner sec. Après quelques photos, je repart.

DSC_6086_DxOLa route ensuite devient vraiment magnifique. Serpentant à flanc de montagne, elle s’élève progressivement en montagnes russes tout en surplombant la mer. La vue et superbe malgré la brume de chaleur et je croise quasiment personne. Après quelques minutes de longues montées et de petites descentes, la route oblique à droite et j’entame une longue chute vers une superbe péninsule. Une bande de terre la reliant au massif où je me ballade et parsemé de champs. Une plage borde la mer alors qu’un petit village de l’autre côté est niché dans une baie faisant quasiment face au sud et Nha Trang, au-delà.

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Rapidement, je passe sous l’arche signalant l’entrée du village. J’emprunte ce qui ressemble à la rue principale en passant à côté d’un petit café improvisé à l’ombre, encore une fois rempli d’une grosse poignée de consommateurs. Des regards me suivent. Au bout de la rue, je m’arrête ayant atteint la baie et le port. Pendant un bon quart d’heure je reste là, à l’ombre, profitant d’un quasi DSC_6090_DxOsilence hormis le léger vent et ressac. Des femmes (visibles à leur chapeau conique mais surtout à leur manière de se couvrir de pied en cape contre le soleil) travaillent à récolter des algues et quelques enfants passent à vélo.

Je m’extrait finalement de ma torpeur pour prendre le chemin du retour. Avec tout ce trajet il n’est pas loin de 15h et il me semble plus raisonnable de rentrer avant la tombée de la nuit, ayant deux petites heures de route pour revenir à l’hôtel. Je remonte donc la rue, repasse devant le café et ses habitués puis m’approche de l’arche à l’entrée du village, avant d’entamer la longue montée.

Tout à coup, je sens mon scooter perdre en puissance pour finalement s’arrêter dans un toussotement. J’ai une vague intuition et regarde la jauge d’essence, toujours au milieu. Mon intuition me hurle d’ouvrir le réservoir et je constate avec fatalisme qu’il est à sec. Mais c’est quoi ces véhicules avec une autonomie de papy incontinent ?! Et surtout c’est quoi ces scooters pourris avec une jauge d’essence défectueuse ?!

Je descends donc de mon véhicule et fait demi-tour en le poussant, clopinant légèrement. Arrivé devant le café, ma dignité complètement évaporée, j’interpelle les clients d’un souriant « sin tchao » en montrant mon réservoir. Inutile de dire que ça rigole gentiment mais sans méchanceté, on m’indique la rue de gauche. Je guide donc mon scooter dans cette direction.

Le village n’étant pas très grand, je n’aperçoit aucune station service. Un peu dubitatif, je m’arrête devant une maison avec cour et après les bonjours d’usage aux personnes à l’intérieur, remontre mon réservoir. Une vieille dame me fait signe que c’est au fond. Voilà qui est surprenant. Je fais confiance et pousse le deux roues au fond de la cour. Tout le monde se met autour de moi et un homme en marcel s’approche en me montrant une bouteille en plastique d’un litre vide. Après quelques gestes je comprend qu’il me demande la quantité que je souhaite. Je fais un rapide calcul en estimant la consommation de mon véhicule pourri. En même temps, je ne voudrais pas leur piquer tout leur essence. Euh, trois ?

Il s’en va donc remplir la bouteille et la verse dans mon réservoir. Encore ? Allez, encore. Même manège. Je sens quand même que j’abuse et il me suffit d’assez d’essence pour rejoindre la ville de Ninh Hoa où je sais y avoir une station. Je lui fait donc signe que ça suffira. C’est à cet instant que quelqu’un aperçoit ma jambe gauche ensanglanté avec le coton imbibé de rouge, depuis le temps. Je ne vous cache pas que ça a légèrement rigolé dans les chaumières. Il vaut mieux rester philosophe et rire aussi même si ce n’est pas non plus la blague du siècle. Je règle la facture en étant quasiment certain que ce sont les litres d’essences les plus chers du Vietnam, mais à qui la faute, hein ?

Je remercie encore une fois mes sauveurs (vous ai-je dit que les vietnamiens étaient sympathiques) et redémarre mon scooter. Plus exactement, je tente de redémarrer mon scooter car il décide encore une fois de récalcitrer. Il commence à me fair ch***, lui. Le garagiste s’approche et sortant le kick, le démarre manuellement. Oui, bon ça va. Depuis le temps que je dit qu’on ne peut pas faire confiance en la technologie quand ça va mal. Je repart donc en remerciant encore une fois l’assemblée et reprend la montée du retour.

Pendant une heure, en rebroussant chemin, je me cale le plus bas possible en rentrant les bras histoire de minimiser mon coefficient de pénétration. Je tente d’adopter un rythme constant à vitesse réduite étant hanté par l’idée de retomber en panne, cette fois-ci en dehors d’un village. Il y a bien quarante kilomètres jusqu’à la prochaine station service. Autant dire que je me tape l’heure de conduite la plus longue et angoissante de ma vie. Surtout que dans la dernière ligne droite le temps se couvre, le vent se lève puis finalement une petite pluie épaisse et fraîche vient gentiment me marteler ma chair exposée. Mais c’est quoi cette journée !?

Avec un énorme soulagement, j’aperçois une station service alors que la pluie redouble d’intensité. Je m’arrête et fait la queue. Mon tour arrivée, je demande le plein. C’est fou comme on se sent mieux avec le plein d’essence. Aaaaaaaaaaaaah. Après deux ou trois démarrages ratés sous les regards encore une fois narquois des clients, je repart donc pour le dernier tronçon le long de la route Ho Chi Minh. Cette fois-ci, la pluie est quasiment diluvienne et glaciale. Les voitures et camions qui me doublent ajoutent encore un peu de sel à ce final épique.

DSC_6094_DxOAprès une demi-heure à ce régime, je quitte enfin l’orage et retrouve des ciels plus cléments. Je me détend… légèrement. Le trajet se fini par une petite séquence en heure de pointe dans Nha Trang pour finalement retrouver l’hôtel vers les 17h. Pas mécontent de rentrer. Ouf.

Je gare donc le scooter en lui jetant un dernier regard haineux puis pénètre dans le lobby. Ma réceptionniste me voit arriver et son regard s’agrandit au fur et à mesure qu’elle discerne ma jambe ensanglantée, le coton pendant mollement en ne faisant plus aucun effort pour couvrir ma blessure.

« Euh, j’ai eu un petit accident avec le scooter. Le rétroviseur gauche est brisé, le carter éraflé. Ah, et puis la jauge d’essence ne marche pas. Mais sinon, ça va »

Je n’ai pas honte de dire que je me suis couché tôt ce soir là.

Cruiser en scooter 2 – Part 1

J’avions vu la plage. J’avions vu les temples Champas. J’avions vu un peu des quartiers non touristiques. Je commençais à me demander ce que j’allais bien pouvoir faire à Nha Trang pour mon deuxième jour. Il y avait possibilité de faire du parachute ascensionnel sur la plage, de faire de la plongée sous marine ou encore d’aller visiter Vineland. Moi, je suis asocial. J’ai donc préféré faire le dingue et louer un scooter (ou motobaïque, en vietnamien) pour la journée, histoire d’aller visiter les alentours de la ville et notamment ces magnifiques montagnes en bordure. Qui plus est, la location d’un scooter pour la journée est particulièrement bon marché et encore une fois, dénuée de toute tracasserie administrative.

Ce matin là, je descend donc à l’accueil et en parle à la dame de la réception. J’expose mes souhaits : « J’veux aller voir les montagnes ! ». Elle me propose d’aller au sud en suivant la nationale Ho Chi Minh, là où la montagne rencontre la mer. Elle m’avait bien cerné et, avec un air complice, m’affirme que c’est très joli. En disant ça, ne croyez pas que c’est la seule indication qu’elle m’ait donné d’un air mystérieusement asiatique en plissant les yeux, le regard lointain : « Va au sud, là où la montagne rencontre la mer, homme au t-shirt Tiger Beer! ». Ça aurait été un peu court et je me serai arrêté au pied du téléphérique pour Vineland : « Ben j’comprend pas, la montagne rencontre la mer, mais c’est moche ! ». Non, en vérité, elle m’a donné tout un tas d’indications à base de « à droite », puis « à gauche après le bâtiment militaire » et ponctué d’un sinistre « vous pouvez pas vous tromper » qui augure souvent d’une navigation catastrophique.

Je part donc muni de mon sac à dos rempli de quelques bouteilles d’eau, prêt à affronter cette chaude journée en véhicule motorisé. Pour la nourriture, je compte bien m’arrêter comme d’habitude au bord de la route chez un restaurant ou échoppe quelconque. On m’explique comment faire pour démarrer et je découvre au passage que le niveau d’essence est au minimum. C’est toujours très agréable. Je décolle donc, avec une vague indication pour la station service la plus proche.

Assez rapidement, je retrouve mes sensations de Pondichéry dans un trafic tout de même beaucoup moins stressant. De plus, je suis muni d’un petit casque. Côté sécurité, je suis donc au top de ce qui se fait en Asie du Sud-Est. Par contre, je ne tarde pas à abandonner l’idée de trouver la station service du quartier. Ma mémoire doit être défectueuse ou mon attention peu soutenue. Toujours est-il que je roule un petit quart d’heure, les fesses serrées, avant de craquer et de demander à une collègue à deux roues le chemin vers la plus proche station essence. Le plein fait, je constate que le niveau ne bouge pas. Tiens, tiens ? La jauge serait-elle défectueuse ? Finalement, après quelques nouvelles minutes de route, l’aiguille remonte tout doucement pour se stabiliser au milieu. Ça n’a pas l’air super fonctionnel tout ça mais au moins je ne suis pas au minimum.

Je part donc tout ragaillardi d’avoir un plein d’essence (le monde est à moooââââh, hahahahaha) et assez rapidement commence sérieusement à douter du sinistre « vous ne pouvez pas vous tromper ». En réalité, je crois bien que je le peux, et assez facilement. Le long de la mer, je longe un bâtiment et aperçoit un panneau marqué « marine nationale » et me demande s’il s’agit de ce fameux bâtiment militaire où je dois tourner. Plus loin, je vois d’autres grands bâtiments similaires. Je soupire, puis prend l’initiative de tourner maintenant.

Quasiment une demi-heure plus tard, je me retrouve sur une colline où je vois un panneau indiquant le téléphérique de Vineland. C’est désormais officiel, je me suis trompé. Ce n’est pas bien grave. C’est les vacances et j’ai pu savourer l’expérience de traverser un marché dans une rue principale sur mon deux roues, comme un véritable vietnamien. Je sais qu’il faut que je traverse un pont enjambant une rivière. Je fais donc quelques tentatives dans des culs de sacs avant de trouver la bonne route.

Finalement, me voilà donc roulant à un solide petit 60 km/h, cheveux quasiment aux vents mais le nez clairement dedans, le long de la deux fois deux voies de la route Ho Chi Minh. La route contourne une colline avant de repiquer au sud. Je croise un casino qui n’a pas l’air très fréquenté (encore une idée du gouvernement local, j’imagine) ainsi que quelques petite routes partant à droite ou à gauche. D’après ma réceptionniste, je dois continuer, la montagne ne rencontrant toujours pas la mer. Toutes les collines ou montagnes autours sont densément boisées, sans aucune habitation, et je cherche à discerner une route y menant. Je passe devant l’entrée d’une nouvelle résidence touristique sous un grand panneau publicitaire qui ne dois donner envie qu’aux Vietnamiens. Finalement, trouvant un peu le temps long, je décide d’obliquer sur un chemin partant vers la mer, toute proche.

Le chemin très court descend vers une petite plage et je manque déraper en freinant, la roue avant s’étant bloquée. Le freinage m’a l’air drôlement sensible. En tout cas la vue est un peu décevante car ponctuée de résidences hôtelières. Mais surtout, toujours pas de route longeant les montagnes en vue. Finalement, je décide de faire demi-tour pour prendre les chemins menant vers la colline. Le premier, après quelques méandres et fausses routes sur des routes en terre me mène le long d’une petite route pentue où je croise un vieux monsieur marchant dans l’autre sens. Sin tchao. Pas de chance (ou sens de l’orientation défectueux), c’est un cul de sac menant vers une maison. Encore raté.

Je retourne donc vers la nationale Ho Chi Minh et revient encore un peu plus pour bifurquer dans un petit groupe d’habitations croisé plus tôt. Cette petite route se transforme rapidement en une longue route en terre toute droite traversant la campagne avec quelques maisons sur le côté. Je me retrouve à rouler à vitesse réduite pour essayer d’éviter les nids de poules. On apprend difficilement de ses erreurs et dans un excès de zèle, je freine pour éviter un gros trous. Ma roue avant se bloque. Le scooter chasse de l’avant. En une fraction de seconde je me retrouve par terre, le véhicule sur le flanc en surrégime, une vive douleur à la jambe gauche. Comme je hais ces petits cailloux coupants profondément enfoncés dans la terre battue.

Dans ces moments là, la première chose à laquelle je pense, c’est de m’administrer une grosse gifle. Puis, je jure en me traitant de tout les noms tout en me relevant. Ensuite, j’essaie de comprendre ce que j’ai fait pour m’être retrouvé dans cette situation. Puis enfin, je sens comme une douleur qui pique et je jette un œil à ma jambe.

Si vous êtes ma mère ou une personne sensible, veuillez-lire le paragraphe ci-dessous. Dans le cas contraire, lisez le deuxième paragraphe qui suit.

Je constate de la poussière sur mon genou et quelques éraflures sur le haut de mon pied, que je n’avais pas protégé car je porte des claquettes pour faire couleur locale, rappelez-vous. Finalement, la douleur provient essentiellement de mon amour propre qui, lui, est profondément blessé en de multiples endroits de méchantes coupures. Veuillez sauter le paragraphe suivant et poursuivre votre lecture comme si de rien n’était.

Je constate de multiples méchantes et profondes coupures sur le haut du tibia et des éraflures superficielles sur le haut du pied que je n’avais pas protégé car je porte des claquettes pour faire couleur locale, rappelez-vous. Du sang coule abondamment et je sens ma jambe qui irradie à chaque battement de cœur. P***ain, quel con ! Je me cite si vous le permettez. Je plie ma jambe et ma cheville. Check. A priori, il n’y a rien de brisé, hormis mon amour propre.

En dehors de cela, je constate quelques autres éraflures mineures à la paume de la main. L’adrénaline fait le reste pour me maintenir en vie. Je relève donc le scooter, met la béquille et éteint le moteur. Au passage, je remarque que le rétroviseur gauche et brisé en morceaux par terre et quelques égratignures décorent maintenant le carter de la transmission. Je sors donc une bouteille d’eau minérale pour nettoyer ma jambe (la poussière sur le genou surtout, bien entendu). Ça piquotte. La journée commence bien.

A cet instant, une mobylette s’arrête derrière moi et un vietnamien d’âge mur descend rapidement de son véhicule pour venir me voir. Il jette un œil à ma jambe gauche (toute empoussiérée, bien sur) et secoue la tête en fronçant les sourcils et en faisant « tss, tss, tss ». Je lui fait un sourire pour le rassurer. Un garçon et une fille accourt également, sortant de la maison juste à côté. Oui, quand je me vautre, j’ai la bonne idée de faire ça devant du public. Je commence à me dire que j’ai du faire un petit raffut en tombant pour attirer tout le monde. Ils jettent un œil mi-dégouté, mi-désolé à ma jambe (qui est le centre d’attraction maintenant, sans doute à cause de la poussière) et repartent en courant vers leur maison.

L’homme à la mobylette prend mon scooter et le pousse en dehors de la route en terre en m’invitant à m’asseoir sur le petit muret de la maison. J’obéis en clopinant. L’adrénaline retombant tout doucement, le familier raidissement commence à opérer. Car je commence à avoir l’habitude de me vautrer en deux roues sur des chemins de terre. J’ai fait pire.

A ce moment là, les deux enfants reviennent avec leur mère qui elle aussi secoue la tête d’un air navré en voyant ma jambe ensan… euh… empoussiérée. Elle dit quelque chose à l’un de ses enfants qui repart dans la maison. Quelques minutes plus tard, il revient avec une grosse tasse d’eau qu’il tend à sa mère. Ah ben c’est gentil ça mais elle est propre votre eau ? Malgré tout, j’avance ma jambe pendant que la mère verse l’eau sur mon tib… GNNNNNANNNNNNNNNNHHHAaaaaa !! Salop**** de p**** de sa $@!#, pense-je très fort. Mais c’est de l’eau quasiment bouillante! Sans me prévenir. Même pas un petit verre d’alcool de riz. En même temps, j’avoue que je ne parle pas très bien le vietnamien et eux, pas du tout anglais. En tout cas, ça répond à ma question sur l’hygiène de l’eau mais ça piquotte très très fort. Elle répète l’opération deux trois fois en tamponnant un peu avec un coton pendant que je me contracte pour ne pas crier ou la gifler. Malheureusement, je crois qu’un léger « aaaAAAah » m’a échappé à un moment. La honte. Et dire que je représente la France dans ces moments là.

Ma jambe plus ou moins nettoyée, un des enfants dépose quelques gouttes d’un liquide jaune pâle et un peu huileux d’une petite flasque sur chacune des pla… euh, pardon… traces de poussières. J’espère très fort que c’est un désinfectant. Finalement, la mère couvre tout ça dans un gros morceau de coton (d’une surface couvrant environ dix centimètres sur dix, pour vous dire l’étendue de la saleté) tenu par quatre petits sparadraps. Du travail bien fait en tout cas et je les remercie chaleureusement avec tous les sin tchao que je peux sortir ainsi que quelques petites courbettes pour faire bonne mesure.

Je clopine donc vers le scooter pour repartir pendant que l’homme à la mobylette est toujours là avec un air soucieux. J’ai beau sourire pour le rassurer, j’ai l’impression qu’il n’a pas confiance. Je m’assois et tente de démarrer. Rien. Je retente. Re-rien. Mon collègue motocycliste s’approche donc et tente également la manœuvre. Même résultat. Rhaaaa, fait chier. Il se rassoit sur sa mobylette et me fait signe d’avancer sur la route dans la direction où j’allais. Je suppose qu’il veut m’indiquer un endroit où réparer le scooter. Je descends donc et commence à pousser mon engin en clopinant. Mon collègue s’agite et me fait signe de m’asseoir. Qu’est-ce que ? Non ? Si ? Alors que je suis assis je le sens mettre son pied contre un élément de mon scooter et alors que le pétaradement de son engin augmente je sens qu’on accélère. Ils sont vraiment très adroits en deux roues pour pouvoir pousser un deuxième véhicule avec une jambe tout en conduisant.

Nous avançons donc à vitesse très réduite sur la route défoncée, moi légèrement crispé de peur de me casser une nouvelle fois la figure et surtout, de retomber du côté déjà abîmé. Bizarrement, me vautrer et me faire mal sur l’autre jambe ne me pose aucun problème. On est vraiment bizarre, parfois. Finalement après à peine deux cent mètres nous nous arrêtons devons un petit garage de campagne où sont assis environ cinq autres vietnamiens qui se régalent du spectacle. Pour ce qui est d’être discret, c’est décidément complètement exclu.

Mon bienfaiteur discute avec le garagiste qui s’approche pour ausculter le scooter. Il tente de démarrer et n’obtient aucune réponse. Puis rapidement, il dévisse un petit élément de carrosserie en plastique et sort la batterie. Je suis pas très doué, sans doute, mais là il était clairement évident qu’un des câbles n’était plus connecté. Comme on se sent couillon dans ces cas là, je vous jure. Le garagiste s’empresse donc de reconnecter le câble et retente de démarrer. Roouuuarh. Ca marche, super. Tout content, voir euphorique, je demande le prix de la réparation qui se trouve être de 20 kDongs. Je me la joue américain en voyage et lui file le double sous ses remerciements. J’espère qu’il partagera avec mon bienfaiteur car j’ai complètement oublié de le remercier autrement que par une pluie de sin tchao.

Je repart donc timidement sur mon scooter sous les regards que j’imagine un peu narquois des six vietnamiens. Cinq mètres plus loin, je cale. Le ralenti semble très très bas. Je retente de démarrer pour éviter la double honte. Peine perdue, le scooter refuse. Jusqu’à la lie je la bois ma honte. Je range donc mon amour propre (enfin, ce qu’il en reste) dans ma poche et me tourne avec un sourire vers le garagiste qui se dirige déjà vers moi. Il doit avoir un pouvoir ou je ne sais quoi car après la deuxième tentative le moteur redémarre et sans demander mon reste je repart en tentant de maintenir un minimum de régime moteur. En sachant en plus que je repart sur cette fameuse route en terre qui m’a traîtreusement amené au sol, je ne vous cache pas que je pilote de manière contracté et surtout, sans toucher aux freins.

Finalement, je me relâche lorsque j’atteins enfin le bon vieux bitume de la route Ho Chi Minh et tourne en direction de Nha Trang.

Et dire qu’avec tout ça il n’est même pas midi.

(la suite au prochain épisode)