Le vin vietnamien le plus cher du monde

Au Vietnam j’ai pu constater que l’on sert très souvent de la bière. Je ne vous apprend rien en vous écrivant cela. On peut également trouver ce qu’ils appellent en anglais du « rice wine » que je traduirait directement par « alcool de riz » vu le degré d’alcoolémie de ce breuvage, plus proche de la vodka que du vin. Ces deux alcools sont également produits localement. Mais quelle ne fut pas ma surprise lorsqu’un soir à Nha Trang (encore un flashback), après avoir bu une petite bière fraîche en soirée, j’aperçois une bouteille marqué « Da Lat Wine » contenant un liquide rouge sombre à l’aspect rappelant du vin. Je commande donc un verre de ce breuvage, curieux, et le goutte. Bon tout ça pour vous dire que je viens d’apprendre qu’ils font du vin à Da Lat. Incroyable, non ? Quoi ? Le goût ?… Disons qu’ils font du vin à Da Lat et c’est déjà énorme comme nouvelle.

Arrivé dans là dite vile de Da Lat, je me suis donc arrêté chez un marchand de vin afin d’offrir une bouteille à une personne de ma connaissance (un certain Michel D. de Vendée ou de Nantes, suivant la météo), grand amateur et spécialiste de ce breuvage. J’étais quasiment persuadé qu’il ne savait pas qu’on faisait du vin au Vietnam, et donc par conséquent, qu’il n’en connaissait pas le goût. Contrairement à moi. Les blagues les meilleures étant celles qui respectent la santé de leur victime, je choisi une bouteille de rouge cuvée « Excellence », en espérant que ce sera d’un meilleur niveau que celui échantillonné quelques jours plus tôt. Je ne me souviens plus du prix, mais il était loin d’être excessif, aux alentours de 100 kDongs, je dirais, pour une bouteille de 75ml.

Pour l’anecdote, cette culture du vin au Vietnam fut introduite par des viticulteurs languedociens. Je ne sais pas s’il faut s’en féliciter. En tout cas, j’étais un petit peu interloqué lors de mon choix par la non inscription de l’année de la cuvée sur les bouteilles. Ceci dit, j’imagine très bien que le consommateur vietnamien, n’ayant pas vraiment l’habitude d’en consommer, se fiche pas mal de savoir l’âge qu’il a. Je prends donc un bouteille « Excellence » et en arrivant au comptoir pour payer, demande à la vieille dame âgée, en anglais, l’année du vin. L’échec est total vu qu’elle ne parle pas anglais. Heureusement, elle se tourne vers un jeune homme à côté et je lui répète la question. L’échec est de nouveau total vu qu’il n’en comprends pas le sens. Je me demande même s’il ne me confirme pas qu’il n’est pas périmé. Je me rétracte donc en leur assurant que ça n’a pas d’importance et repart avec ma bouteille en les remerciant.

Le lendemain, je pénètre dans la poste centrale de Da Lat pour tenter d’envoyer cette bouteille par avion, en France. Au guichet, je présente donc l’objet et demande à la préposée le tarif pour poster cela à l’étranger. « Ce n’est pas possible. On ne peut pas l’envoyer par la poste », me dit-elle dans un petit anglais.

  • Comment-ça, on ne peut pas ? De toutes les postes, même à Ho Chi Minh City ?; lui demande-je en retour.
  • Oui, oui.
  • Mais pourquoi ?
  • On ne peut pas.

On étais arrivé à un point où la poursuite de la conversation aurait exigé un niveau d’anglais supérieur de la part de mon interlocutrice. Je repart donc avec ma bouteille sous le bras.

Quelques jours plus tard, à Ho Chi Minh Ville, je pénètre dans la poste centrale de la ville, au passage, fort belle et immense. Avec un peu de chance, ils ont plus l’habitude de traiter avec des touristes qui veulent envoyer des chapeaux coniques ou des tuniques de soies par la poste. Je me met donc dans la queue et mon tour arrivé, pose ma bouteille sur le guichet et demande s’il est possible d’envoyer cette chose à une adresse en France. Malheureusement, la réponse est encore négative. Franchement, je ne comprends pas ce qui pose problème mais je sens bien qu’il est inutile d’insister.

Le lendemain, après un idée lumineuse, je me mets en marche vers un magasin dépôt UPS pour envoyer ma bouteille par une société renommée internationalement et qui a sans doute l’habitude d’envoyer des trucs autrement plus compliqués qu’une bouteille. Fichtre, je suis quasiment sur qu’ils sont partenaires des Jeux Olympiques ou d’un truc planétaire de cette démesure. Devant le magasin, je constate que la grille est fermée. Pourtant, les horaires semblent indiquer que ce ne devrait pas être le cas.

Un peu plus loin dans la rue (qui donne sur l’arrière de la poste centrale, en plus), j’aperçois un panneau FedEx. Même topo, la grille est tombée. Il doit avoir un truc que j’ai du mal comprendre par rapport aux horaires d’ouverture. De plus, je trouve que ça devient un peu compliqué pour une blague. Je me demande si je vais pas me l’enfiler moi même cette bouteille ? Heureusement, encore plus loin se trouve un dernier panneau indiquant cette fois-ci « DHL ». Je me dirige devant la porte et constate avec joie qu’il y a de la lumière à l’intérieur.

Je rentre donc dans la petite office et souhaite le bonjour à la jeune dame au comptoir. La bouteille posée dessus (sur le comptoir, pas sur la jeune dame), je lui demande s’il serait possible d’envoyer ce magnifique objet contenant un liquide non périssable, en France, par ses services. Oh surprise, sans hésitation elle réponds par l’affirmative. Je pousse un soupir de soulagement et lui explique, en rigolant, qu’à la poste ils refusent de l’envoyer. Je crois même que je sous-entends « ces nazes ». Après un moment d’hésitation, elle me demande ce qu’il y a dans la bouteille. « Du vin de Da Lat » lui dis-je avec un petit sourire pour lui montrer comme elle peut être fière que j’exporte un produit de son pays. « Du vin, mais ce n’est pas possible ». Hein ? Après un soupir de désespoir, un sursaut de volonté m’impose de lui demander des explications pour ce refus. Son anglais n’ayant pas l’air trop mauvais, je me dis que c’est jouable.

Pendant cinq minutes, on échange difficilement. Pugnace, j’insiste et je parviens plus ou moins à comprendre qu’il s’agit d’un problème de droit de douane et de taxe. Les détails sont encore complètement flous dans ma tête mais, finalement, je lui demande de faire une simulation tarifaire avec le coût de l’envoi additionné du coût des droits de douane payés à la douane française. Elle tapote sur son clavier pendant quelques minutes puis finalement, commence à m’inscrire le tarif sur un petit bout de papier. Je pousse un cri d’exclamation : plus de deux méga-dongs. Soit plus de 100€. Pour une bouteille. D’un probable mauvais vin. Inutile de dire que je suis reparti avec ma bouteille complètement abasourdi par le prix.

Quelques jours plus tard, alors que je m’apprêtai à quitter définitivement Ho Chi Minh Ville et le Vietnam, j’offre la bouteille aux employés de l’hôtel. « Qu’est-ce que c’est ? » me demande un des jeunes hommes d’un air suspicieux. Je leur explique que c’est du vin, de Da Lat, attention, c’est pas n’importe quoi. En plus il vaut quasiment 100€. « Moi je préfère la bière. Le vin je trouve ça trop alcoolisé », me dit-il alors. Oui, ben c’est un cadeau et même si c’est de la piquette, tu vas pas faire ta fine gueule, petit con.

Le musée des horreurs

Il y a à HCMV un musée particulièrement particulier. Je note d’ailleurs que je n’ai pas beaucoup parlé des musées visités en général dans ce longiligne pays. Ce n’est pas bien grave. Il faut bien que j’en garde pour les longues conversations hivernales à mon retour. Mais, même s’il faut que je me répète, celui-ci de musée est vraiment particulier. Il s’agit du musée de la Guerre avec un grand G majuscule, celle qui pue, qui suinte, qui gicle, éviscère, lacère et carbonise. C’est drôle, maintenant que je me relie, cela pourrait décrire une émission de télévision culinaire campagnarde. Vous notez, d’ailleurs, comme j’évite précautionneusement d’utiliser le terme « émission de Maïté » ? C’est pour orgueilleusement toucher un public plus large et ajouter cette touche d’intemporalité à mon billet qu’une évocation d’une émission de télévision forcément contextuelle rendrait désuète pour les générations futures. J’écris pour la postérité, cette ingrate, et elle est exigeante. J’écris aussi pour brader mon stock d’adverbe, manifestement.

Avec toutes ces digressions, vous voilà complètement sortis du sujet qui est terrible aujourd’hui : La Guerre, The War, Das Krieg, bouh que c’est laid (ça, c’est pour la touche Achille Talonesque qui fera plaisir à un certain public de grimpeur). Ne vous inquiétez pas. On va bien finir par en parler de ce foutu musée de la Guerre d’Ho Chi Minh Ville.

A l’extérieur de ce musée, on trouve une habituelle collection de véhicules de l’époque guerre Américaine. Je dis « habituelle » car vu la débâcle et la fuite précipitée « femmes et enfants d’abord » de l’armée US, un grand nombre d’échantillons de chaque char, avion, hélicoptère ou canon fut laissé à la disposition des Vietnamiens. Il est donc très facile pour un quelconque musée du pays de s’en trouver muni. C’était notamment le cas à Hué. Moi, je trouve ça toujours amusant de se trouver à côté d’un avion Phantom F-4 pour de vrai, celui qu’on a vu dans les films, et constater sa relative petite taille. Rassurez-vous, je ne suis pas assez innocent pour imaginer que ce sont là les premières remarques qui venaient à l’esprit d’un paysan vietnamien lorsqu’il voyait arriver ces engins supersoniques en rase motte : « oh, qu’il est petit ! ». Boum.

Mais ça, j’ai envie de dire, c’est pour l’apéritif. Le véritable met principal de ce musée se trouve à l’intérieur du bâtiment parfaitement cubique et bétonné de trois étages. Une exposition permanente et quelques expositions temporaires se partagent le rez-de-chaussée et les deux galeries supérieures. Je ne me souviens pas en détail de la partie permanente qui devait sans doute traiter de la guerre Américaine. Il y avait un cortège de photos et coupures de journaux montrant le soutient à la cause Vietnamienne à travers le monde. Je n’était pas encore né (quoique, finalement, je dois être contemporain de deux ans de la guerre) donc il m’est difficile d’être objectif mais j’ai quand même fortement l’impression que, sur les documents de chaque pays démontrant ce soutien, la très grande majorité proviennent de pays tel que la Tchécoslovaquie, Cuba, la Russie ou signé des partis communistes de pays européens. Ça me laisse un certain sentiment de partialité. Fort heureusement, il y a les habituelles affiches et photos des manifestations américaines, françaises ou suédoises que je ressent, sans doute à tort, comme plus « spontanées ».

Non, le véritable intérêt que j’ai trouvé dans ce musée portait sur les deux expositions temporaires. La première, je vous en ai déjà parlé, évoquait l’hideux impact des agents défoliants, notamment orange, sur la population civile. Quand j’emploie le terme « hideux », ce n’est pas pour faire un effet de style et dépoussiérer un adjectif que j’use peu. Les sujets des photos sont véritablement parfois… indicibles et je ne vous parle pas de certains fœtus conservés dans du formol. Comme on est au Vietnam, ici, on ne prend pas de gants et tant pis si vous y amenez des enfants. Si mes souvenirs sont bons, néanmoins, il doit malgré tout y avoir un ou deux petits panneaux indiquant que le sujet est potentiellement choquant. Moi, je mange du boudin noir et des andouillettes alors plus rien ne me dégoûte. Ou presque.

La deuxième exposition, nettement plus supportable pour l’estomac, portait sur les photographes de cette guerre avec notamment une vaste panoplie de leur photo, la plupart du temps en noir et blanc. A ce propos, j’aimerai tout de suite crever un début de bulle de romantisme. Non, ils n’utilisaient pas le N&B pour faire style. C’est juste que c’était à l’époque parfois le seul film disponible, mais surtout le seul film disponible à haute sensibilité permettant de prendre des photos avec des temps d’expositions courts, indispensable pour saisir l’action. Je vous prie de croire que la pression commerciale des grands magazines de presse auront tôt fait d’imposer la couleur dés que cela deviendra possible techniquement. Rhaaa, voilà que je m’énerve tout seul, dites donc. En tout cas, l’exposition était superbe et on est marqué par le nombre d’entre eux morts pendant cette période. C’est bien simple, toute une génération de grands reporters ont laissé leur peau au Vietnam, Cambodge et Laos notamment des géants comme Robert Capra, l’homme qui avait photographié la guerre civile espagnole et la seconde guerre mondiale, excusez du peu.

A l’époque, ils partaient embarqués dans des unités combattantes, sans pouvoir communiquer avec leurs éditeurs, une poignée de rouleaux de film et deux appareils dans une sacoche armé d’un unique pistolet, pour ceux qui acceptait. Chose incroyable maintenant, ils avaient une quasi totale liberté de mouvement et de sujet. L’armée américaine en tirera une vive leçon en ne reproduisant plus jamais ce mode de fonctionnement. On peu sans aucun doute affirmer que ce sont ces grands photo-reporters qui, en alimentant les grands magazines de l’époque de leurs photos et reportages « neutres », ont alimenté la contestation. Eux et la télévision. D’ailleurs à la fin de l’exposition, un tableau récapitulatif par nation liste les noms des reporters décédés pendant ces événements. La France est dans le top 4 avec les américains. De manière surprenante pour moi, et cela montre sans doute l’intérêt que portait l’opinion publique de chaque pays pour ces faits, les journalistes japonais ont également payé un important tribut.

Après cela, vous pouvez toujours vous réfugier dans un bar-karaoké pour vous changer les idées.

Sports tonkinois

Une, deux, une, deux. Flexion. Extension. Petite foulée. Hh, hh, hh, hh. Le sujet du billet du jour, hh, hh, est le sport. Hh, hh, hh. Repos. Pfffffffffffouuuuh. Respirez. Expirez. Pfffffffffffffouh. Ok.

Je l’avions déjà constaté à Hanoi mais mes soupçons se retrouvent confirmés à Saigon. Je peux donc m’en ouvrir auprès de vous sans craindre les railleries. Au fait, étirez-vous et buvez. C’est important de bien s’hydrater. Hors donc, tout autour de Hanoi, et même en plein cœur touristique on trouve des traces de terrains de jeu inscrits au sol dans des parcs ou même parfois sur les trottoirs. Moi qui suit extrêmement averti de la chose sportive pour lire assez régulièrement la presse écrite quotidienne spécialisée (je ne dédaigne pas non plus quelques rendez-vous hebdomadaires télévisuelles avec un magazine multi-sport), j’ai pu reconnaître des marques superposées de terrains de volley-ball et de badminton. Chose curieuse, à aucun moment ai-je pu assister à un match de ces sports. J’étais donc particulièrement troublé.

Il se trouve que je m’en suis ouvert également à Da Lat auprès du trio tchèque et du duo anglais. J’ai reçu confirmation de leur part que ces deux sports était au Vietnam relativement importants et pratiqués. Je ne connais pas leurs sources mais ils avaient l’air très sûrs d’eux. Mais alors ils refusent d’y jouer sur ces terrains publics puisque je n’en ai vu aucun les utiliser ? Bon, il faut bien admettre qu’avoir des limites de terrain au sol, c’est un bon début, mais que l’essentiel du jeu se fait autour d’un filet qui lui, est absent. Fort heureusement d’ailleurs car se serait pour le moins désagréable pour le passant de devoir en permanence se baisser pour emprunter un trottoir ou une place.

Néanmoins, il n’est pas impossible que le football devienne un sport majeur dans les années à venir. Pour le moment, l’enthousiasme et la volonté, y compris politique, y est mais les résultats ne sont pas encore au rendez-vous. Pendant mon séjour à Da Lat, notamment la veille de mon arrivée à HCMV, l’équipe nationale s’était faite, par deux fois, douloureusement fessée par une équipe d’Arsenal en rodage et tournée asiatique d’avant saison. Je vous parle ici de scores qu’on l’on associe plus habituellement au tennis comme des 6-0 ou des 7-1. Je ne vous parle pas d’ailleurs de la joie quasi coupe-du-mondesque du public lorsque l’équipe a réussi à marquer l’unique but des deux rencontres. D’ailleurs, je me contredis car je viens de vous en parler. Ce fut, notamment, un de nos sujets de conversation avec mon xe om, qui était fan de foot, à l’arrivée à HCMV. Oui, car maintenant je suis tellement en confiance quasiment nu-pied à l’arrière d’un deux roues que j’engage la conversation avec mon pilote.

Par contre, et là ça ne concerne que HCMV, j’ai pu être témoin d’un drôle de sport d’adresse un soir dans un des parcs hyper-central du district 1. Je soupçonne que ce soit pour des raisons d’exhibitionnisme. Gilly m’en avait d’ailleurs parlé comme une sorte d’hybride entre le badminton et le football qui consiste à se faire des passes à deux et au pied (pourquoi jamais personne ne conçoit que l’on puisse faire ça à coup de fesses et de hanches?) avec quelque chose qui ressemble à un volant de badminton, le tout sans filet, pour que le danger soit plus extrême.

Moi j’adore tout ce qui est hybridation car on est toujours à la limite de la bâtardisation, son pendant négatif. L’iPhone est un hybride entre un ordinateur portable et un téléphone. L’ornithorynque est un bâtard entre le canard et le castor. Donc quand je vois un sport hybride comme ça, je suis toujours curieux de connaître l’histoire de son invention. Mais surtout ça déclenche une foule d’idées dans mon cerveau imaginatif comme un sport hybride entre le croquet et le rugby ou entre le ping-pong et le saut à l’élastique. Les possibilités sont infinies et le potentiel marketing de ces deux nouvelles inventions de mon cru virtuellement sans limites. Je m’y penche dés mon retour.

Par contre, il y a un signe qui ne trompe pas concernant la situation économique du Vietnam. Je suis en train de théoriser un lien bijectif entre le statut de pays développé et la pratique du jogging. Même dans les nombreux parcs de Hanoi ou de Saigon, quasiment personne (hormis peut-être l’expatrié européen ou américain) ne court bêtement après sa forme physique. Il m’est avis que c’est un besoin relativement haut dans la pyramide de Maslow. Je peux donc conclure de manière quasi certaine que le Vietnam n’est pas un pays développé.

CQFD.

HCMV District 1

Il était temps de quitter Da Lat, je vous l’assure. Je cherchais de la fraîcheur mais j’ai comme l’impression que c’est difficile d’avoir un juste milieu. Ceci dit, je n’étais pas plus enthousiaste que ça de découvrir la capitale du sud Vietnam. J’avais toujours en tête cette sinistre description que m’avais lancé le vieux touriste français à Hampi : « Ho Chi Minh Ville, c’est beaucoup trop américanisé ! ». Ça donne pas envie. Mais bon, il faut bien finir par quelque chose et de toute façon, mon avion pour l’Australie y décolle ce qui est une excellent raison pour y aller.

Après donc un nouveau trajet de bus couchettes avec son cortège de petits soucis rétrospectivement insignifiants (mal de fesse, froid et terrible envie d’uriner, par ordre croissant d’importance), j’arrive enfin dans l’ancienne Saigon en début de soirée. Comme je suis maintenant totalement immunisé contre la peur du deux roues, j’harangue un xe om qui glandait par là avec d’autres collègues et après un bref marchandage, tombe d’accord sur un prix. Nous partons donc joyeusement une fois l’adresse montré à mon chauffeur. Je dois avoir le don de trouver des hôtels impossibles mais il s’y met bien à trois fois avant de trouver le bon endroit. Pourtant, la rue est plutôt importante et le lieu quasi central. En tout cas on se quitte bons amis et il me demande de penser à lui pour d’autres courses demain. Peut-être, peut-être, on verra. Kam eun.

Maintenant que nous sommes à Ho Chi Minh Ville, laissez moi vous en faire une rapide présentation. La ville est en réalité un agglomérat d’anciennes villes, villages et faubourgs (un peu DSC_6136_DxOcomme Paris finalement) divisé en « districts ». Par exemple, le quartier central (qui doit correspondre à l’ancienne Saigon, j’imagine) est le district 1. Ça ressemble drôlement aux arrondissements français, maintenant que j’y pense. Je ne sais pas combien il y en a en tout, mais ce qui est sûr c’est qu’il y en a au moins sept. Je peux vous l’affirmer avec beaucoup de prestance car une cousine de monsieur Tran (mon référent Vietnam, rappelez-vous) a un petit café dans ce district. Je peux aussi vous affirmer que c’est beaucoup trop éloigné de mon hôtel, situé dans le district 1, pour mes petites jambes.

DSC_6139_DxOPuisque je vous parle de ce premier district, j’imagine que la remarque de ce cher vieux français concernant l’américanisation portait essentiellement sur celui-ci car c’est dans ce secteur que se concentrent la plupart des grattes ciels. Alors, autant vous le dire tout de suite, je ne suis pas vraiment d’accord avec lui. Si ça c’est de l’américanisation, il faut absolument qu’il aille aux États-Unis pour se resynchroniser. Certes, il y a quelques enseignes internationales comme Starbucks et KFC mais ce n’est pas non plus l’invasion, en tout cas, pas plus qu’en France. Plutôt que de parler d’américanisation, je dirai plutôt que HCMV (pour faire court), et surtout le district 1, pourrait éventuellement ressembler à une trépidante ville asiatique moderne comme Hong Kong ou certains quartiers à Tokyo. DSC_6135_DxOOn y voit de hauts immeubles modernes, de grandes affiches et des néons. A part ça, il n’y a pas de doute, on est au Vietnam. On trouve comme partout des petits restaurants et seul la plus grande présence de cafés branchouilles, bars sélectes et boites de nuits ainsi que de plus larges avenues diffère de Hanoi. Franchement, moi je ne déteste pas.

L’ambiance n’est pas la même que dans sa sœur du nord. Le centre cela semble plus moderne, plus trépidant, plus nocturne peut être aussi. On y sent peut être une énergie supérieure. Mais ça n’engage que moi. Je dis ça sans doute car j’ai réussi à acheter une alimentation de remplacement pour mon ordinateur portable (qui en plus d’avoir un faux contact extrêmement désagréable depuis maintenant plus d’un an commençait à émettre depuis deux DSC_6179_DxOsemaines des grésillements et de curieuses petites émanations de fumées nauséabondes) en moins de cinq minutes dans un grand magasin d’informatique le soir à vingt heures alors que j’avais l’impression que toute la ville était dans la rue avec tous les magasins ouverts. Attention, je ne sous entend pas qu’avoir les magasins ouverts est forcément moderne mais en tout cas, c’est très vivant, surtout qu’ici, même en centre ville, on trouve autre chose que des banques ou des grandes enseignes de mode. De plus, entre le brouhaha habituel du trafic et les appels à consommer claironné par des vendeurs, j’ai pu entendre vaguement quelques soirs des concerts en plein air (mais payants) d’une quelconque pop star ou d’un autre ersatz de la « Nouvelle Star ».

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Petit point néanmoins légèrement décevant, si, maintenant que j’y réfléchi. Un cours d’eau coule dans la ville et borde le district 1 par le sud. Il se trouve que ce n’est pas le Mékong mais un petit filet boueux du nom de Saïgon. Incroyable. C’est tout de même sidérant cette façon de ne pas exploiter pleinement le potentiel romantique de leur pays quand même. Saigon sur le Mékong, avouez que ça aurait eu autrement plus de gueule que Saïgon sur Saïgon ?

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Voici pour mes impressions générales. En ce qui concerne mes impressions détaillées, reportez-vous aux billets suivant. Kam eune.

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La folie des grandeurs

Je ne sais pas si vous vous rendez compte mais en réalité je vous manipule. D’une part car à l’heure où j’écris ces billets (au présent la plupart des fois, en plus, histoire d’entretenir une confusion chronologique permanente) je suis loin, très loin du lieu de l’action (magie de la narration et de l’imagination réunie) mais également car je distille les informations au rythme que je le souhaite. Par exemple, je ne vous avais point dit que Da Lat était également la résidence d’été des empereurs Nguyen. Quoi ! Des empereurs aine guyenne, tu dis ? Tu nous l’avais caché ! Mais plus jamais tu fais ça, espèce de dingo ! J’imagine votre réaction indignée et outrancière. Je vous ferai dire que si vous êtes si avide de connaissances ayant trait à l’empire, vous aviez qu’à vous sortir les appendices et aller voir sur l’internet. Je part donc du principe que je suis votre unique source d’informations, ce qui m’arrange bien car elles sont particulièrement erronées et parcellaires.

Hors donc, Da Lat est la résidence d’été des empereurs Nguyen et je ne veux entendre aucun bruit dans la salle. Je devrais même dire « fut la résidence d’été », car bien entendu, si vous avez un tant soit peu suivi l’histoire, il n’y en a plus à l’heure où je vous cause. Le dernier représentant de cette dynastie et d’ailleurs mort il n’y pas si longtemps en exil à Paris. On comprends mieux pourquoi ils ont fuit leur pays : ils étaient sérieusement acoquinés avec le gouvernement français, ce qui, à l’époque, était une sérieuse tare pour un quelconque avenir politique dans le Vietnam communiste. Mais arrêtons de vous assommer de faits historiques et géopolitiques qui n’intéresseront de toutes façon que les personnes brillantes et cultivées (Il est toujours bon de piquer régulièrement l’amour propre de son lectorat).

Ce charmant décédé parisien (même si ce n’était que de façon temporaire qui dure) nous intéresse particulièrement dans le cas présent car c’est justement lui qui construisit un palais sur les hauteurs de Da Lat. Moi, toujours en mission internationale de collecte d’idées décoration, je suis allé y voir de plus près. En plus, c’était drôlement bien pratique car la visite publique était autorisé moyennant un modeste tarif d’entrée.

De l’extérieur, soyons sincère, le bâtiment ne paye pas de mine. Point de statues de lions rugissants (alors que c’est prouvé que cela augmente notablement la valeur de votre bien immobilier) ni de colonnades torsadées. Le palais est sobre, tout en angle et d’une couleur jaune pâle, si ma mémoire ne me fait pas défaut. Il n’est pas non plus particulièrement grand, tout au plus un grand manoir bourgeois des années vingt. En tout cas, on est en plein dans cette époque. Autant vous dire que vue d’ici, on y voit aucune trace de culture vietnamienne. L’influence occidentale sur le jeune empereur, éduqué dans la modernité de l’époque, y est pour beaucoup. Mazette, ça aurait été bête d’être jeune, riche et puissant dans les années folles et de ne pas en profiter. Le bâtiment est situé au milieu d’un petit parc où pousse des pins, surplombant la ville.

DSC_6119_DxODans la cour, on peut admirer une petite sportive décapotable en piteux état ayant appartenu à l’empereur. Cela me rappelle la collection de véhicules automobile de Ho Chi Minh, visible à Hanoi. C’est curieux cette fascination pour les voitures des puissants, tout de même ? En terme de véhicule, vous pouvez également emprunter une calèche à cheval pour faire un petit tour.

Rentrons plutôt dans le palais. Vous aurez tout le temps pour faire un tour en calèche après, si vous le souhaitez. Avant toute chose, vous êtes prié de chausser des patins, ou plutôt des gros chaussons que vous enfilez par dessus vos chaussures. Ça donne l’air ridicule à tout le monde tout en accentuant le caractère digne de la demeure. C’est une idée qui mériterait d’être mis plus souvent en pratique, d’ailleurs. Si vous souhaitez avoir l’air digne, ridiculisez vos invités en les forçant à porter un accoutrement clownesque. Par effet de contraste, vous aurez automatiquement un aspect noble et impérial.

Et cet intérieur, alors ? Qu’en est-il ? Et bien il est du même acabit que l’extérieur, c’est à dire particulièrement sobre et art déco. Ça tombe bien, j’adore l’art déco mais je trouve néanmoins qu’il est particulièrement très sobre, jusqu’à en devenir quelconque. J’ai du mal à croire que ce palais est un jour été somptueux. En vérité, on a plutôt l’impression que c’était une maison familiale, simple et sans fioritures doté du confort moderne, certes, mais sans chaleur. C’est peut être impressionnant pour un vietnamien, mais pour un européen, c’est particulièrement décevant.

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Heureusement, il reste quelques meubles d’époque ainsi qu’un grand nombre de photos permettant de se replonger dans l’ambiance. Je dois avouer que ce fameux « dernier empereur », bien qu’étant très légèrement joufflu, avait la grande classe. Des photos de lui habillé en costume blanc et Ray Bans, cheveux gominés en arrière sous un panama clair sont particulièrement avantageuses. Aaah, on savait s’habiller à l’époque. Ceci dit, sous une chaleur tropicale, ça ne devait pas rigoler tout les jours.

Donc, pour ce qui est de l’ostentatoire et de l’extravagant, il ne faut pas se tourner vers l’empereur, pas assez décadent à mon goût. Je peux donc vous proposer d’aller faire un petit tour à l’autre site d’intérêt architectural de Da Lat, « Crazy House », nettement plus baroque. Crazy House, pour faire simple, est l’œuvre d’une architecte vietnamienne contemporaine (l’endroit est d’ailleurs toujours en construction) qui se trouve être la fille d’un important cacique du parti communiste. L’anecdote n’est pas anecdotique car les méchantes langues disent que si elle a pu pendant toute ces années construire son horreur en toute impunité, c’est un peu la faute à papa. Pour ceux qui connaissent « La Demeure du Chaos » dans les environs de Lyon, c’est quelque chose d’un peu similaire dans la démarche bien que le style soit différent.

DSC_6128_DxOLaissez moi réfléchir. Comment décrire la chose? On pourrait voir ça comme un croisement entre la maison d’Hansel et Gretel, la Demeure du Chaos et la reine dans Alien. Geiger rencontre Grimm rencontre Thierry Ehrmann, vous voyez ? Fort heureusement, j’ai pris quelques photos car comment dire l’indicible, je vous le demande ? Bon, soyons franc, c’est un style que l’on pourrait qualifier de tranché. Il n’est pas rare que l’on déteste mais il n’est pas inconcevable que l’on aime. En ce qui me concerne, je pense qu’encore une fois, dans l’ensemble, il y a bien une ou deux idées décorations à picorer à droite, à gauche,DSC_6132_DxO en haut ou en bas. Oui car cette maison (je ne vous l’ai pas dit?) est faite de multiples petits recoins joins entre eux par des escaliers ou des passerelles qui forment un perturbant dédale en trois dimensions. J’adore le concept des petits recoins (sans vouloir me vanter j’en avais parlé à une amie architecte il y a dix ans) où se planquer pour lire un bouquin mais j’avoue être moins fan de sa transcription.

Fait amusant, il est possible de louer une chambre pour une nuit. Je pense qu’il vaut mieux éviter de s’y réveiller de peur de mourir terrorisé à la vue des sculptures d’animaux au regard dément qui DSC_6130_DxOse trouvent dans chacune des chambres d’amis. C’est d’ailleurs comme cela qu’on les repère : la chambre de l’ours, la chambre du rêne et ainsi de suite. Je vous rassure, la propriétaire n’est pas une perverse sadique (pas en public en tout cas) et a charitablement inclus un cabinet de toilette dans chaque chambre. Je n’ose imaginer le nombre de visiteurs qui déféqueraient dans les-dits recoins, à bout après deux heures de déambulations fiévreuses à la recherche des toilettes, si ce n’était pas le cas. J’entends les mauvaises langues persifler qu’un ou deux étrons ne changeront rien à l’affaire.

L’ensemble, et je vous l’ai déjà dit, est toujours en cours d’évolution. Je me suis donc trouvé nez à nez avec un ouvrier, dans un chantier en traversant un pont en planches, alors que je cherchais la sortie. Ce fut ma fois fort intéressant au demeurant car j’ai pu constater que l’ensemble était construit en briquettes et béton sur armature métallique. De la très belle ouvrage. Là encore, transposons ça en France et imaginons les hoquets d’horreur de la commission sécurité en charge de la validation pour ouverture au public du lieu. Moi, je vous le répète : d’autres lieux, d’autres angoisses.