Pondy la spirituelle

Pondichéry c’est aussi un endroit pas mal spirituel. Attention, jeu de mot : ça ne veut pas dire que Pondichéry est un endroit drôle mais juste que c’est un endroit particulier par la présence de l’ashraam de Sri Aurobindo. Mais qui est donc ce Sri Aurobindo ?

Monsieur Aurobindo (j’ai oublié son prénom mais je crois que Sri est un titre honorifique comme « seigneur ») est un des protagonistes de l’indépendance de l’Inde. Il fut un activiste au même titre que le mahatma Gandhi qui trouva refuge à Pondichéry (territoire contrôlé par la France à l’époque) pour échapper à l’emprisonnement par les britanniques. Après l’indépendance il se retira de toutes luttes politiques pour se concentrer sur la recherche spirituelle. Je ne suis pas un grand spécialiste de son œuvre mais si vous voulez des informations, tournez vous vers l’internet ou Emmanuel de Chalon-sur-Saône, dit « Le Fourmillier ». En tout cas, sachez qu’il fut rejoint dans cette quête par une française (dont j’ai également oublié le nom) que l’on nomme « La Mère ». Oui, avec des majuscules, ça en dit long. Notez que c’est LA Mère, pas UNE Mère ou TA Mère. Les deux fondèrent un ashraam, c’est à dire un lieu de recueillement et de méditation (et non pas un éternuement), à Pondichéry qui eu (et a toujours) un certain succès. Le temps passa et Sri Aurobindo souhaita de plus en plus se concentrer sur sa recherche intérieure et délégua la vie et le développement de l’ashraam à « La Mère » tout en gardant une sorte de guidance spirituelle (ce qui devait consister à pondre une ou deux phrases crypto-spirituelle toute les semaines pompées chez Confucius. Mais là je fais mon spirituel).

Je n’ai encore une fois pas de grands détails philosophiques à vous donner mais ce qu’on constate quand on se ballade dans Pondy est la présence relativement importante de l’ashraam. En plus du lieu de recueillement proprement dit (dans un joli bâtiment colonial bleu pastel), la fondation Sri Aurobindo possède une bibliothèque, un petit atelier de fabrication de parfums, un magasin de fringues, une école et divers autres bâtiments dans la ville française dont je ne connais pas le rôle. Ce qui est amusant c’est qu’on trouve également dans ce vieux quartier de nombreux bâtiments, notamment plusieurs écoles de différents niveaux, tenus par l’ordre de « Saint Joseph of Cluny », catholique. Entre ces deux là, le gouvernement de Pondichéry et les établissements liés au gouvernement français, il ne doit pas rester grand chose. Enfin, un peu quand même. J’exagère. Il y a quand même un temple hindou avec un éléphant dedans. Le fameux Lakshmi.

Mais revenons au Sri Aurobindo et sa copine « La Mère » (Die Mutter en allemand pour faire encore plus peur), qui était française je vous le rappelle. Je le dis au passé car elle est morte depuis quelques années. Lui est mort beaucoup plus tôt qu’elle. Donc pendant pas mal d’années c’était également l’autorité spirituelle de l’ashraam. Dans les années 70, elle décida (mais pas seule, je suppose) de créer une communauté « utopique » tourné sur le développement personnel. Encore une fois je ne suis pas un spécialiste mais cette communauté pris la forme d’un village, Auroville, construit à quelques kilomètres au nord de Pondichéry. Il fut construit par un ensemble de volontaires venus de tout les coins du monde (y compris des indiens) qui venait pour y vivre une expérience spirituelle et concrète puisqu’ils expérimentaient également des techniques de construction ou d’agriculture. Ça devait pas mal tâter de l’acide également mais c’était l’époque.

J’ai visité l’ashraam ainsi qu’Auroville (lors de ma virée en scooter, pour l’information). Malheureusement, il n’y a pas grand chose à voir. L’ashraam autorise une petite visite de deux minutes dans les premiers lieux publics. Quand à Auroville, on peut visiter le centre des visiteurs qui contient une exposition photo, des explications sur l’origine et l’évolution du village ainsi qu’une vidéo sur la conception et la construction du Matrimandir (avec un M majuscule et un bruit de DSC_5306_DxOtonnerre), bâtiment sphérique contenant en son centre des salles de méditation épurées accessibles qu’aux plus motivés et méritants. Oui ça sent un peu la secte, je suis d’accord, surtout que le centre des visiteurs est un peu couvert de citations de « La Mère ». C’était une mystique, c’est sur. La bonne nouvelle c’est que personne ne se ballade dans le village en faisant « Ooooom » habillé en toges blanches. En tout cas je n’en ai pas aperçu. Du coup, il est très difficile de conclure véritablement à une possible nature sectaire. Du centre des visiteurs on peut ensuite DSC_5311_DxOmarcher quelques minutes vers un point de vue sur le Matrimandirrrrrrrr (toujours avec un M majuscule et deux bruits de tonnerre). Oui, bon, je vous laisse juge. Il y a également un très joli banian (le fameux arbre où Bouddha resta des années en méditation et accessoirement un arbre qui a des racines qui tombent des branches) très âgé et qui se trouve être un arbre sacré chez les hindous et donc une fois ressorti du mixeur spirituo-new age, également respecté à Auroville.

Non mais il faut que j’arrête avec ces pseudo remarques négatives. En vérité je n’ai rien contre Auroville. J’avoue avoir été assez convaincu et intéressé par les travaux effectués par les différentes entités de la communauté sur des domaines très concrets comme la construction écologique durable (ils ont développé des blocs de terre compacté utilisé pour la construction en partenariat avec l’UNESCO) ou les énergies solaires (avec notamment la construction d’un four solaire). Village utopique, international et humaniste, lieu sectaire, source de développement économique pour les villages alentours (Auroville emploi beaucoup de locaux), espace d’expérimentations en tout genre (le crédo de Sri Aurobindo était de ne rejeter aucune forme de savoir et de recherche, dans tous les domaines, y compris spirituel), Auroville doit sans doute être vécu de l’intérieur pour saisir sa nature réelle. La visite ne laisse qu’un vague aperçu car on ne rencontre personne de la communauté (bien qu’on puisse, si on en croise en mobylette, vu que la plupart habitent dans des constructions neuves aux alentours).

Il y a des volontaires pour tenter l’immersion?

Les affiches en Tamoul

Avant de partir, un ami à moi que je ne nommerai pas parce que sinon il va avoir une tête comme un melon, m’a demandé si j’avais prévu un thème pour mon voyage. Malheureusement, je n’avais effectivement pas vraiment réfléchi au problème et cela m’a torturé l’esprit pendant des semaines. Non, c’est faux. En vérité j’avais complètement oublié cette histoire de thème. Fort heureusement, je crois avoir trouvé ma marotte, mon moteur, ma motivation, ma thèse, bref ma raison de voyager. Malheureusement, ça ne me permettra pas d’aller plus loin que Chennaï, car je peux vous le dévoiler maintenant, je suis tombé raide dingue des affiches en tamoul placardées partout à Pondichéry. Je les trouvent d’autant plus fascinantes que je ne lis ni ne parle la langue. Elles resteront à toujours pour moi un mystère et c’est parfait ainsi. Si vous parlez le tamoul, ne me crevez pas ma bulle. Pas tout de suite.

Il faut que vous compreniez que malgré tout mes efforts, je ne parviens pas à distinguer les affiches politiques, des affiches de spectacles ou des affiches que je subodore porter des messages à motifs personnels. Toutes arborent plus ou moins la même charte graphique et les mêmes mise en page. Nous allons donc jouer à un petit jeu avec cette sélection d’affiches glanées à travers Pondy. Pour chacune nous essaierons de déterminer le message associé. Ce sera également l’occasion pour vous d’admirer l’admirable travail graphique de chacune de ces œuvres. Car j’affirme qu’elles ne dépareilleraient pas dans votre living à côté de vos photos N&B en tirage limité ou des croûtes achetées les matins de fièvre acheteuse au marché d’art de votre localité. Je les classerai dans cette catégorie d’œuvres « à deux doigts du mauvais goût » que j’affectionne tant. Mais assez parler histoire de l’art. Place aux affiches et que l’esthétisme parle de lui même.

Commençons par une facile. Qu’est ce que raconte cette affiche?DSC_5287_DxO

Bien évidemment, on devine qu’il s’agit d’un film avec un héros plutôt moustachu et doté d’une belle et dense chevelure. Accessoirement il tentera à un moment du film d’étrangler une femme en sari jaune et il passera par un instant de grosse colère un peu plus tard. Notez au passage la ressemblance assez sidérante d’avec José Garcia, période Nulle Part Ailleurs.

Toujours pour s’échauffer en voici une sympathique:
DSC_5279_DxOVous ne trouvez pas? Bon ce n’est qu’une théorie mais je pense qu’il s’agit d’un parti politique qui souhaite un anniversaire. Oui je suis d’accord le « King Maker of Parliament » est un peu troublant.

On attaque maintenant l’ambigu. Tous ceux qui trouvent la bonne réponse gagnent mon estime (j’en ai pas beaucoup donc elle vaut cher).

DSC_5288_DxOOui celle-ci est particulièrement dérangeante. J’hésite entre une affiche politique et l’annonce d’une fête familiale. On est particulièrement déstabilisé par la présence de la vieille en sari à gauche (vous notez comme elle ne sourit pas?), du bonhomme jovial complètement à droite et du psychopathe tout droit sorti d’un film de James Bond en plein centre. Et je ne parle même pas du portrait en N&B en médaillon en haut à droite. Les signaux sont contradictoires.

Hop, on enchaîne.

DSC_5291_DxOHa la la, celle là c’est du niveau professionnel. J’ai envie de dire que sans la pierre de Rosette elle est difficile à déchiffrer. Ma dernière théorie que je vous livre (avec votre permission), est qu’il s’agit d’une bande de malfaiteurs aux égos surdimensionnés qui revendiquent le kidnapping d’une petite fillette déguisée en plumeau ramasse poussière (ce qui est plus flippant pour les parents qu’une phalange). On note que le chef manifeste de la bande arbore une large masse capillaire à la mâchoire, signe évident de sa virilité, et des lunettes de soleil pour rester discret malgré tout. En dessous se trouvent les trois frêles indiens qui ne sont que des sous fifres et en arrière plan, le second du chef, véritable cerveau machiavélique de l’affaire qui s’est fait piégé dans ce plan foireux.

Paf, pas le temps de s’arrêter. C’est qu’il y en a d’autres:

DSC_5417_DxOFacile me diriez vous? Et bien oui moi aussi je penche pour une annonce de premier anniversaire d’un (ou deux?) charmants bambins. On devine aux coins, les quatre grands parents, les parents et les tueurs professionnels qui se chargeront de vous démolir les ligaments croisés si vous empêchez le gamin d’atteindre son deuxième anniversaire. Admettez que c’est quand même plus classe qu’annoncer ça sur Facebook ou en envoyant des faire parts?

Une autre, en deux parties cette fois-ci (le client est roi, après tout):

DSC_5438_DxOQuel beau spécimen que celle-ci. On est troublé par l’apparente jovialité voir hilarité du personnage principal (on note également que son dentiste est une quiche) alors que les deux autres sont très manifestement en train de subir une purge: « Venez passer une grande fête à l’anniversaire de Ravesh avec ses deux frères hypers motivés, hein les frangins? ooooooooouuuuuuuuuaaaaaaiiih. » Bande de crevards. Quand on pense qu’ils vont bouffer gratis ils pourraient quand même se démonter la gueule pour sourire!

Aller et pour finir je vous balance en vrac une belle sélection pour les DSC_5277_DxO DSC_5280_DxO DSC_5289_DxO-DSC_5290_DxO DSC_5439_DxO Untitled-1gourmets que vous êtes devenus, j’en suis certain (au passage on constate qu’il vaut mieux être costaud, barbu et / ou moustachu pour être quelqu’un d’important dans le Tamil Nadu).

Au fait, si vous avez des explications ou des histoires à raconter sur celles-ci, faites m’en part. Je ne m’en lasse pas.

Cruiser en scooter

J’ai enfin osé le faire. Comme j’avais le temps à Pondichéry (environ dix jours sur place) avec la possibilité de récupérer à l’hôpital en cas d’accident, j’ai loué un scooter pour une journée (pour pas cher en plus, 300 roupies pour une journée). Je ne vous cache pas que j’appréhendais légèrement les premiers instants dans le trafic pas spécialement rassuré par les dernières paroles du loueur « and be careful, ok ? ». Oui, ben oui que je vais être cairefoule. Tu penses bien. Je pense qu’à ça. Il m’avait au préalable rapidement expliqué le fonctionnement de l’engin : les freins, l’accélérateur, le démarrage, le blocage du guidon à l’arrêt. Mais j’étais surtout particulièrement surpris qu’il ne m’indique pas l’emplacement du klaxon.

Je part donc dans une douce accélération en ayant au préalable débranché la zone de la peur dans mon cerveau. Ma première étape : trouver une station service pour le plein. Après quelques virages approximatifs et bénissant la nervosité de l’engin, je trouve la station et m’y engage en éteignant le moteur. Mon tour arrive et le pompiste fait son boulot. Je paye, le remercie et tente de démarrer. Mince. Ca ne marche pas. Une minute plus tard j’y étais encore. Mais mince, comment il a fait le loueur ? Je crois que j’avais été trop obsédé par le klaxon et avait du moyennement écouter ses explications. Heureusement un pompiste me montre qu’il faut freiner en même temps qu’actionner le démarreur. Ah ok. Mais sinon, il est où le klaxon ? Je ne sais pas, j’ai l’impression que c’est une pièce essentielle, quand même ?

Je repart donc et attaque pour de bon ma plongée dans le trafic, le rythme cardiaque légèrement supérieur à la normale et mes sens hyper affutés. Après quelques minutes je commence à prendre le plie et suis complètement surpris par la fluidité de la conduite. Vu de l’extérieur, avec un regard français, on a l’impression de chaos et d’agressivité mais à l’intérieur du flot de mobylettes, rickshaws et bus on se rend compte que tout se passe en douceur, chacun faisant attention à la trajectoire de l’autre (enfin peut être moins les rickshaws puisque j’ai assisté à un petit accrochage entre un rickshaw qui avait magnifiquement exécuté une queue de poisson à une jeune fille en scooter). Le secret fondamental étant de ne SURTOUT pas hésiter ou d’opérer un brutal changement de vitesse ou de trajectoire. Finalement ce n’est pas plus dur qu’aborder le tunnel de Fourvière en heure de pointe et en plus, au moins, on avance. De plus, contrairement à la France, les coups de klaxons sont ici donnés à titre d’information « attention, j’arrive » et ne sont absolument pas une marque d’agressivité façon « pousses toi, connard ».

Après quelques minutes, je tente mon premier coup de klaxon joyeux « Biiiiiip ». Je me sens complètement indien. Enfin. Il me reste encore quelques réflexes européens puisque je persiste à mettre mon clignotant. A ce propos, je suis un peu surpris d’entendre régulièrement des « bip bip bip bip », tels des signalisations sonores de recul, mais en plein dans le trafic. Bizarre.

Gagnant de plus en plus confiance je me mets totalement dans le bain en doublant indifféremment à droite ou à gauche avec un « Biiip » joyeux et amical. Au moins le vent du à la vitesse (pas plus de 60km/h à vu de nez mais vu la densité et la dangerosité du trafic, c’est amplement suffisant) évite une trop grosse chaleur. J’ai malgré tout une forte tendance à préférer tourner à gauche plutôt qu’à droite, surtout au début.

Un peu plus tard dans la journée, je suis saisit par un éclair brutal de compréhension au sujet de l’incroyable cacophonie du trafic indien. Alors que je suivait une petite camionnette de livraison, je vois inscrit sur ses portes arrières « Sound Horn Please ». Rapidement, je constate que beaucoup de camions et de camionnettes ont cette inscription. DSC_5449_DxOC’était donc ça. Les gens ne klaxonnent pas que pour se signaler, c’est également par politesse et pour répondre aux injonctions des chauffeurs livreurs. Mais qu’est-ce qu’ils sont obéissants ! Ah mon avis, ils y ont quand même pris un poil goût.

Autre découverte majeure : je constate que les « bip bip bip bip » que j’entendais viennent de mon scooter : les clignotants sont également sonores. Ah non de djieu. Mais ils sont complètement fous ?! En plus des klaxons et des clignotants je remarque que l’enclenchement de la marche arrière sur les voitures est également sonore. Tout prend alors une nouvelle perspective. Qui de la poule ou de l’oeuf ? Est-ce le législateur indien qui à force de zèle auditif a provoqué cette effroyable pollution sonore ou est-ce parce que les conducteurs indiens abusaient du klaxons et de la conduite sportive qu’il a fallu trouver d’autres moyens pour attirer l’attention. Nul ne le sait. Nul, c’est moi, en l’occurrence. Si vous le savez, je suis preneur.

Au cours de ce petit périple à deux roues motorisés, j’ai pu expérimenter différents types de trafics : urbain, routier et campagnard. A vrai dire je n’ai pas senti de différence fondamentale entre les deux premiers hormis la vitesse légèrement plus élevée pour le deuxième ainsi qu’une plus forte proportion de voitures. A part cela, ça reste un incroyable flot de trajectoires entre-tissées et bien entendu, mais était-ce besoin de le préciser, sans casques pour la majorité des deux roues. Moi, bien entendu, pour faire couleur locale, j’ai roulé tête nue. Il faut dire que je n’avais pas bien eu le choix car à aucun moment le loueur n’a fait mine de m’en proposer un. Chose assez amusante en parlant de casque, j’ai constaté plusieurs fois un conducteur porter un casque (intégrale ou pas, à ce niveau là faut pas être difficile) alors que sa on son passager arborait fièrement ses cheveux aux vents, même si le passager était un enfant. En ce qui concerne la conduite en campagne c’est le plaisir mais il n’y a rien de typiquement indien hormis quelques rares dos d’âne sensées tempérer l’ardeur des fous de vitesse. Ils ne sont par contre pas du tout de l’ampleur des « topes » mexicains donc, passons notre chemin.

A propos de passagers de deux roues, j’ai pu à loisir contempler les différentes configurations que ce soit en tant que piéton ou en tant que conducteur lors de cette mémorable journée (oui car je vous annonce que je ne l’ai pas retenté). L’Asie et indubitablement le continent des deux roues et l’Inde particulièrement. C’est pour la plupart des foyers LE véhicule principal et permet de transporter toute la famille. Le record que j’ai pu constater est de cinq passagers (en comptant le conducteur), deux adultes et trois enfants et je ne vous parle pas des objets qu’on transporte avec. Mon préféré (ça me fait beaucoup rire, allez savoir pourquoi) est le passager tenant une grande planche ou un grand tableau, par exemple d’un mètre sur un mètre cinquante, entre lui et le conducteur, bien en prise au vent. Résultat il ne voit absolument pas la route, a les jambes écartées au maximum et doit lutter pour ne pas se faire emporter. Très très fort.

DSC_5262_DxONotez que pour les passagères, comme pour la monte à cheval, il y a deux écoles : celles qui montent en amazone et celles qui montent à califourchon (normal quoi). Moi je serai pas très confiant en amazone mais en même temps je ne serai pas très confiant quelque soit la monte vu que la plupart du temps il n’y a quasiment pas de prise pour le passager au delà du deuxième (à moins de ce tenir au précédent mais vu la chaleur ça va vite devenir poisseux tout ça).

En tout cas, après une journée complète en scooter, dans la campagne et en ville, je suis rentré me coucher tôt, excité, heureux mais un peu exténué nerveusement.

Pondichéry la blanche, Pondichéry la moins blanche

Muni de votre nouvellement acquise toile de fond historique (j’espère que vous n’êtes pas allé vérifier sur Wikipédia, traîtres), place maintenant à une présentation contemporaine de Pondy (oui, je suis intime maintenant).

Sa géographie est relativement simple : entre le bord de mer et l’ancien canal se trouve la ville française historique alors que tout autour pousse la ville tamoule. Techniquement, la ville est bien entendu tamoule partout mais par soucis de clarté, on désigne la partie ancienne sous la dénomination de « quartier français ». La ville compte environ deux millions d’habitants (c’est plus que Lyon, c’est fou) mais le vieux quartier français se concentre sur une bande minuscule de un ou deux kilomètres de large sur trois ou cinq (à la louche) de long. C’est totalement accessible à pied, ce dont les conducteurs d’auto-rickshaws semblent totalement ignorer. Mais il faut vraiment que j’arrête avec ceux là.

DSC_5292_DxOLa différence entre les deux pDSC_5318_DxOarties de la ville est notable. Côté « tamoul » Pondichéry ressemble à toutes les villes indiennes : une concentration humaine élevée, un trafic sonore et dense, des marchands et des magasins partout ainsi qu’un sentiment général de décrépitude et de saleté. DSC_5294_DxOBref, c’est très vivant. J’ai d’ailleurs envie d’introduire DSC_5285_DxOun néologisme personnel : c’est sur-vivant. Néanmoins, on y trouve aucun gratte ciel et les habitations ne dépassent que rarement six étages.

Côté « français », on se téléporte au 18ème siècle dans une ville issue des principes rationnels des lumières : rues larges et perpendiculaires autour d’un parc central (le parc Bharati) qui rejoint lDSC_5259_DxOe front de mer et l’ancien phare. Une grande rue longe la plage minuscule elle même encombrée par de larges blocs brises lames. L’architecture est colDSC_5268_DxOorée, de couleurs pastels soulignés de blanc et les habitations basses (pas plus d’un ou deux étages). Des arbres sont régulièrement plantés pour apporter une ombre bienfaisante en journée. L’ambiance y est également plus calme (similaire à Chalon-sur-Saône un samedi en journée, pour vous DSC_5276_DxOsituer le tableau) voir endormie le soir (similaire à Chalon-sur-Saône un samedi en soirée, pour vous re-situer l’autre tableau), hormis le front de mer (l’avenue Goubert) qui rassemble une faune familiale et touristique, mollement déambulante sous une brise tiède et océanique. Notez queDSC_5301_DxO cette architecture empiète un peu côté tamoul donc vous pouvez éventuellement panacher si vous vous sentez mal à l’aise à Chalon-sur-Saône. Particularité notable dans cette partie de la ville, la propreté relativement élevée DSC_5297_DxOpour une ville française. Euh pardon, indienne. Quel labsus. Le gouvernement de Pondichéry doit tenir à son tourisme.

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Il y a une très claire atmosphère dans le vieux Pondy, qui doit beaucoup parler aux français. Les noms de rues sont la plupart du temps françaises (rue Dumas, rue Suffren, rue Mahé de la Bourdonnais, cette saloperie de rueDSC_5248_DxO que je n’arrive jamais à retrouver), sous-titrées en tamoul, et sentent l’époque des Lumières. On y croise le consulat de France (la seule antenne diplomatique de Pondy), l’Alliance Française, le Lycée Français ainsi que des DSC_5240_DxOéléments de la vie quotidienne qui nous arracherait presque un petit sourire de tendresse : des policiers au képi cousins des anciens képis de gendarmerie, des anciens jouant à la pétanque devant l’église et une gastronomie touristique DSC_5257_DxO(comprendre, dans des restaurants haut de gamme) franco-tamoule. Et tout ça est parcouru par des dames en saris, des indiens en mobylettes, motos ou vélos avec un très léger saupoudrage de touristes.

DSC_5300_DxOMoi, j’avais grand plaisir à y marcher tranquillement à la tombée de la nuit (même si je l’ai fait aussi avec le soleil au zénith, comme un con de touriste, que je suis), sous le grésillement des insectes et des conversations feutrées en tamoul. Il faut dire (et je vous le rappel) que je suis en train de me plonger dans une série de romans situées au 18ème portant sur la marine royale anglaise dont une partie des aventures se situe dans l’océan indien entre Madras et l’Indonésie. DSC_5249_DxOJe n’arrêtais pas, à la tombée de la nuit, de longer les murs un sabre à la main (en vérité mon trépied photo replié) pour me précipiter vers des vieilles tamoules, les yeux enfiévrés, en hurlant « A l’abordage ! Abaisse ton pavillon, saloperie de grenouille !! ».

Introduisons Pondichéry

Permettez moi de faire un petit saut dans le temps et d’éluder totalement un nouveau transport ferroviaire entre Hospet et Pondichéry (avec changement à Hubli Junction, bien entendu, car je sais qu’il doit avoir quelque part dans le monde des coupeurs de cheveux en quatre qui sont friands de ce genre de détail). Je suis de moins en moins quiche maintenant donc tout c’est passé sans encombre. En tout cas pas moins que d’habitude. Pour anecdote, mes deux compagnons de voyages étaient des sortes de VRP qui discutaient entre eux en anglais. Ou en hindi. C’était pas très clair pour moi. Le sujet de conversation semblait être la comparaison entre les différents modes de transports en Inde : avion, train, taxi, bus. La conclusion que j’en tire, c’est que prendre le bus de nuit, c’est prendre un risque mortel. Mais je digresse, je digresse. Le sujet d’aujourd’hui c’est Pondichéry ou selon sa nouvelle dénomination officielle, Puducherry, voir Pondy si vous êtes habitués, et Pondy chérie si vous êtes intimes. C’est le matin, je m’échauffe. Comme je ne laisserai passer aucune occasion de faire accroire que je possède une culture sans fond, permettez moi de vous esquisser en quelques lignes d’Arial corps 12, l’histoire de Pondichéry, ou Puducherry ou Pondy, mes chéries.

L’histoire commence quelque part entre l’an 1600 et l’an 1800. Je prends une sacré marge. La France via sa Compagnie des Indes, cherche un comptoir commercial sur la route de la soie et des épices réunis, afin de pouvoir faire concurrence à la Compagnie des Indes Orientales (version Royaume-Unie) ainsi qu’à la Compagnie des Indes (version Hollandaise). Ça ne va pas être simple de s’y retrouver avec tous ces noms similaires. Je ne rentre pas dans tous les détails de basse politique et de négociation d’épiciers (d’autant plus que je ne les ait pas, les détails), mais un français parvient à acheter un bout de terrain relativement pourri, car marécageux, à un seigneur local, à une centaine de kilomètres au sud de Madras (actuelle Chennaï), tenu par les anglais. L’emplacement est face au golfe du Bengale, proche plage, exposé est-sud-est, plat avec possibilité aménagement ville coloniale. Sur le moment, ça semblait être un plan foireux comme une location Pierre & Vacances, mais au final, cela se révéla être une plate-forme idéale et la ville commença tout doucement à prospérer.

Au 18ème siècle (quelque part au milieu, j’ai envi de dire), le roi de France (Louis XV selon toute probabilité), y nomma un nouveau gouverneur du nom de Goubert, Edouard (Eddy Goobert pour les américains). C’est sous sa direction que Pondichéry pris véritablement son essor et se développa pour devenir une véritable ville. Entre temps on s’occupa en allant titiller les anglais à Madras et cela donna quelques occasions pour certains, de mourir, et pour d’autres d’amasser quelques bonnes anecdotes à partager autour d’une boisson face au golfe (qui est du Bengale, je vous le rappel).

Autour du comptoir français ne manqua pas de s’agglutiner une ville tamoule (car Pondy, comme Madras, se trouve dans la partie tamoule de l’Inde), en commençant très certainement par des rickshaws (pas encore motorisés) et des vendeurs de produits en tout genre. Le commerce, le commerce. Mais après tout, c’est pour cela qu’on avait créé la ville. Faut assumer ensuite.

On vivait bien à Pondy, surtout les français, dans une torpeur et langueur coloniale. Mais tout cela pris fin en 1952, l’année ou la France céda le territoire à l’Inde, récemment indépendante. Malgré tout, la ville et son territoire proche conserve un statut de Territoire de l’Union qui lui octroie quelques avantages fiscaux. En plus de cette région attenante à la ville, le Territoire de Pondichéry regroupe la ville de Mahé, côté ouest de l’Inde (ça ne doit pas être simple côté administratif) ainsi que deux autres villes dont je ne me souviens plus du nom. Chacune est un ancien comptoir français. Mais comme le français est un petit filou, on laissa à Pondichéry un lycée français pour torturer les jeunes indiens ainsi qu’une Alliance Française pour diffuser une rétrospective Cédric Klapish sous titré en hindi tout les dimanches à 18h. On sait manier le bâton et la carotte.

Je ne résiste pas à l’envie de conclure par cette petite phrase de mon cru qui devrait vous faire parvenir des parfums d’aventures épicés : Pondichéry situé sur la côte de Coromandel et Mahé, sur la côte de Malabar, furent des comptoirs sur la route des épices. Alors ? Vous ne les sentez pas les odeurs de mer, de chanvre et de goudrons, de traversées houleuses, de cocotiers, de gentilshommes et dames suant sous des costumes inadaptés, des bruits de canons et de mousquets, et des visions de tumulus d’épices colorés attendant d’être chargés en cale de grands voiliers aux ailes blanches par de puissants tamouls torses nus et enturbannés (attention aux liaisons)? Mince, voilà que ça me reprend.