Se sustenter

J’ai une grande nouvelle à vous annoncer. Après un mois d’entraînement à la dure, je suis parvenu à descendre ma consommation d’eau à deux litres par jour. Une réduction drastique d’un tiers, on ne pourra pas dire après ça que je ne fait pas d’effort pour la planète. Inutile de vous mentir, il y a une deuxième explication à ça. Je mange relativement liquide le midi et le soir.

Au Vietnam, comme je suppose dans beaucoup d’autres endroits en Asie, on se nourrit assez souvent de soupes et surtout de grands plats de nouilles de riz arrosés d’un bouillon. Il y en a deux sortes : le phở (incorrectement prononcé « fa » par moi même) et le bún (prononcé aussi salement par votre serviteur « boune »). Ne me demandez pas de vous expliquer la différence entre les deux car après plus de deux semaines, je ne parviens pas à les discerner. Je sens que ça va hurler dans les chaumières franco-vietnamiennes. Mon référent vietnamien, monsieur K.N. Tran (inutile que je donne son nom complet. Je ne suis pas là pour faire de la pub à un fumeur de cigare), à cette question me répondit avec son doux accent de Saint Cloud, Hauts de Seine, « ben t’as qu’à essayer les deux de suite et tu verras la différence ! ». A cette remarque mi-sarcastique, on devine qu’il est beaucoup plus parisien que vietnamien. Je fit donc une étude comparative en allant deux soirs de suite au même endroit en demandant un bun bô (c’est à dire un bun au bœuf) le premier soir et un pho (fa) bô le deuxième. Résultat : match nul. Ou alors si vraiment on cherche la petite bête, le bun a des pâtes rondes et le pho (fa) des pâtes plates mais quelque chose me dit que c’était une pure circonstance d’approvisionnement.

La bonne nouvelle c’est que bun ou pho (fa) sont également délicieux à mes papilles usées par un mois d’épices. J’ai une petite préférence émue pour le bun bô car ce fut le premier plat vietnamien pris à Hanoi le soir de mon arrivée et il était particulièrement bon. Et pas trop cher. Pensez que pour 30-50 kilo-dongs suivant l’endroit, vous avez un grand (très grand) bol de pâtes arrosé d’un bouillon (mais ça, vous le sauriez si vous lisiez attentivement), avec des éclats de cacahuètes suivant l’endroit et surtout aromatisé aux herbes. Là plupart du temps, on vous met également à disposition des quartiers de petits citrons verts, des pousses de soja et une assiette d’herbes et de plantes pour aromatiser encore plus à votre convenance. Les plus sadiques fournissent également des petits piments rouges à l’aspect terriblement menaçant dont j’évite de croiser le regard.

Pour moi, le secret et la jouissance d’un bon bun bô (très belle allitération en « b ») ou d’un pho (fa) réside dans ces fameuses herbes qui parfument subtilement le plat. Ça change du tapis de bombes des épices indiens. A ce propos, il est fort probable que je m’appuie sur des images de guerre et de bombardement tout au long de ces billets sur le Vietnam. Je vous jure que c’est inconscient. C’est vous qui avez l’esprit mal tourné. Manger un pho (fa) ou un bun (boune) c’est redécouvrir le plaisir du goût, de discerner de nouveau chaque petit composant d’un plat et de savourer l’alliance du liquide, du croquant et du mou. On est vraiment dans une tout autre école esthétique et culinaire plus proche de mon penchant naturel pour le zen où le moins et le mieux. Laissons parler les ingrédients en harmonie au lieu de les mélanger brutalement dans une boue piquante. Je dis ça, mais j’aime toujours le curry de banane que fait ma sœur.

Mais qu’ont-elles ces herbes pour provoquer en moi tout cet émoi ? Point d’interrogation. C’est une symphonie douce et subtile d’anisé, de citronné, de ciboulette ou d’oignons, voilà ce qui provoque la chose. C’est toute cette fraîcheur végétale qui vient transformer ce qui n’est après tout, si on veut être méchant, qu’un bête plat de noodles instantanées. Hors je ne souhaite pas l’être, méchant. Les vendeuses de pho (fa) et de bun (boune), bien que rarement souriantes, connaissent leur boulot et c’est toujours un plaisir de les voir saisir les morceaux de bœuf ou de porc dans un wok, de les jeter dans le bol pour ensuite les ébouillanter d’un bouillon, de les étouffer d’un entrelacs de pâtes brûlantes (je vous averti qu’il vaut mieux éviter de laisser choir une pâte sur la jambe alors que le plat vient juste de vous être servi. C’est d’une douleur atroce, collante et persistante), pour finalement y jeter une poignée d’herbes préalablement hachées.

A ce propos, lorsqu’on vous dit « pho au poulet » ou « pho au porc », il faut prendre cela au pied de la lettre. Si vous êtes particulièrement malchanceux ce jour là (mauvais karma à force de critiquer la cuisine indienne), il est possible que vous vous retrouviez avec un pho (fa) ou un bun (boune) contenant que des os, peau ou gras de porc. Ne soyez pas de mauvaise foi, personne ne vous a dit que c’était un pho (fa) à la VIANDE de porc. Satané touriste, va. Fort heureusement les probabilités sont faibles pour que la totalité du porc ou du poulet soit des abats. Ou alors vous avez été particulièrement désagréable avec la vendeuse.

Les cuistres de Hué et de la région centrale du Vietnam, eux, dans un excès baroque y ajoutent un soupçon d’épice piquant. Si c’est pas foutre en l’air un plat, ça ? Est-ce qu’on rajoute de la dorure à une calligraphie japonaise ? Foutez moi le camp avec ça. Il faut dire qu’ils font pousser des petits piments rouges (ceux à l’aspect belliqueux) à côté des rizières et plants de cacahuètes. Ce serait con de les jeter.

Lorsque vous avez la chance d’être dans un groupe avec un vietnamien (par exemple, un guide) qui peut dialoguer efficacement avec un restaurateur (à supposer que ce soit un vrai restaurant et non pas des petites échoppes comme précédemment pour le pho et le bun), vous aurez sans doute l’occasion de goûter à un vrai repas familial constitué d’une multitudes de mets disposés au centre. Muni de votre petit bol attitré et de vos baguettes (je constate d’ailleurs que la très grande majorité des touristes occidentaux maîtrisent les baguettes, ce qui doit être profondément désolant pour les asiatiques qui devaient bien se marrer il y a trente ans), vous faites le plein de riz dans le plat adéquate puis allez picorer à droite et à gauche. C’est très convivial sauf quand il ne reste qu’une seule de ces délicieuses boulettes de patate douce. Dans ce cas, tels les cerfs en période de rut, vous êtes bon pour un combat de baguette. Invariablement dans ces repas on vous sert du « water spinachs », épinard d’eau une fois traduit en français. Je ne sais pas si ce sont véritablement des épinards mais en tout cas, doucement relevé à l’ail, c’est très agréable et frais. C’est lors de ce type de repas que l’on sent nettement l’influence chinoise sur la cuisine vietnamienne.

Pour finir sur cette note culinaire (qui doit être un de mes sujets favoris avec le transport. Comme quoi voyager se résume à se déplacer, bouffer et dormir), parlons d’un sujet qui fâche. Au détour d’une ballade à pied dans Hanoi, je suis interpellé par une série d’étals de bouchers servant toutes de curieuses carcasses rôties. Ce pourrait être des petits cochons de lait si ce n’était leur dentition munie de proéminentes canines ainsi qu’un museau beaucoup plus allongé. Je ne suis pas vétérinaire, mais je crois reconnaître un corps de chien qu’en j’en vois un. Quelques jours plus tard, alors que je séjournais dans un endroit un peu plus reculé du centre du pays, je constate nombres de chiens dans les campagnes mais tous d’une taille moyenne et d’un âge relativement jeune. Un peu curieux, et sentant une relation de causalité entre la jeunesse des chiens et une possible consommation de leur chair, je pose donc la question à une guide. Loin d’infirmer la chose elle me raconta que la ferme où je résidait avait effectivement vu trois de leurs sept chiots disparaître avant d’ajouter : « ici, quand les gens ont faim, ils mangent de tout ».

Voilà. Amis des chiens, vous savez à quoi vous en tenir maintenant. En ce qui me concerne, un doute permanent m’étreint. Lors d’un repas organisé par un guide nous avons mangé une chair délicieuse. Celle-ci à notre question sur sa nature nous répondit « dog » suivit quelques secondes plus tard par « no, its joke ». Hahaha. Je crois que j’en ai repris.

C’est dingue le dong

Au revoir les roupies et bonjour les dongs. Oui, la monnaie vietnamienne s’appelle le « dong ». Quel joli son. On imagine des pièces de trente centimètres de large en bronze épais. Mais point du tout. Ce sont de bêtes billets portant l’effigie de l’oncle Hô qui ont la fâcheuse tendance à tous se ressembler.

Ce qui est extrêmement amusant c’est que, tel le mark de la république de Weimar, il se distribue par milliers. Avec un dong, on peut acheter à peu prêt rien du tout car ça ne vaut pas tripette. Avec mille dongs, on peut éventuellement payer la dame pipi afin qu’elle vous laisse vous soulager l’estomac en paix. Mais seulement dans des toilettes de campagne. En ville, c’est deux mille dongs. Pour dix mille dongs on peut espérer, si on se démerde bien, acheter une petite bouteille d’eau minérale. Pour cent mille dongs, on peut se restaurer d’un bon plat de rue et d’une bière. Finalement pour un million de dongs, on est à l’abri pour une bonne semaine à l’hôtel.

Ce que je trouve étonnant, c’est que si je décide d’arrêter de compter en dongs et que je remplace ça par le kilo-dong, on obtient quasiment les mêmes ordres de grandeurs que pour les roupies en Inde : une petite bouteille d’eau minérale pour 10 roupies / kilo-dongs, un plat avec une bière pour 100 roupies / kilo-dongs, etc. Elle est pas simple la vie, comme ça ?

Remarquez, ça m’aide pas plus pour reconnaître les billets, avec tout ces zéros. Je confonds constamment le billet de 10000 et celui de 100000 ou le 1000 avec le 10000. Faut dire qu’à partir de cinq zéros mon cerveau doit traduire ça en « beaucoup de zéros » et estime automatiquement que c’est le bon billet suivant le contexte. Fort heureusement, dans ces cas là, les vietnamiens que j’ai croisé jusqu’ici ont l’extrême bonté de me ré-apprendre à compter en base 10 ou bien me montrent carrément le bon billet avec un sourire (toujours) patient.

Mais le plus beau dans toute cette histoire, c’est que malgré le statut de pays en développement octroyé à leur pays, et bien la plupart des vietnamiens son millionnaires. Et c’est peut être ça qui les fait sourire.

Mais souriez mon vieux!

Je suis extrêmement sensible aux sourires. J’y peux rien, quand quelqu’un me sourit, ça me le rend drôlement sympathique. Inversement, toute personne me tirant une tronche se rend aussi insignifiant qu’un insecte à mes yeux. Tout ça est sans doute d’une grande évidence pour tout le monde, mais on oubli souvent à quel point cela peut tout changer dans les rapports humains.

Fort heureusement, la plupart des vietnamiens croisés à Hanoi sourient. Par exemple, les jeunes gens de mon hôtel à Hanoi sourient tout le temps. Il sont sacrément doués car leurs sourires semblent francs. Du coup, moi, je sourit aussi. On se sourit. On n’arrête pas. Voici vos clés, sourire. Merci, sourire. A quelle heure ferment les musées, sourire ? A quatorze heure, sourire. C’est complètement dingue. Encore une fois (et ça va vraiment être une habitude, j’en suis navré), j’en avais été un peu sevré en Inde (même si j’en avais eu, mais pas autant). Même les gens un peu âgés s’y mettent. Lors d’un voyage en train, la grand mère de la famille avec qui je partageai les couchettes (je vous raconterai bientôt) se marraient en permanence et n’était pas la dernière pour me sourire. Ils sont tous drogués ou alors ils sont véritablement heureux. Attention, ce n’est bien entendu pas l’unanimité. Si vous commandez un pho (pronocez « fa », mais j’en parlerai une prochaine fois) dans un petit restaurant de rue qui sert un client toutes les deux minutes, vous n’aurez probablement pas le soupçon d’une esquisse d’un. Mais si vous dites « non » à un xe om qui vous lance un « motobaïque ? », il se peut qu’il vous sourit, même parfois, si vous n’en avez pas au préalable esquissé un. Il faut dire que ce refus lui permet de se remettre en position de sieste ou de discuter avec ses potes. Il y a de quoi être heureux.

Plus dingue encore, là où en Inde la majorité des gens des villes, prisonniers de leur vision holistique sans doute, abordent un visage neutre voir un peu triste (mais moins qu’à Paris, certes), il est fréquent de croiser des gens qui se marrent dans les rues d’Hanoi. Oui, non seulement on sourit ici, mais en plus, on rigole. On a la déconne facile. Qu’est ce que ça fait du bien. Du coup il m’arrive de plaisanter avec les vendeuses de bananes et de colifichets (c’est essentiellement du comique visuel), et on rigole. Parfois c’est la vendeuse de ticket de bus qui me fait une blague en me faisant mine de ne pas me rendre la monnaie, en rigolant. Ha, ha, ha. Là, je rigole à moitié. Ou alors la guide qui dit à tout le monde que j’ai 45 ans en ajoutant tout de suite après, en français dans le texte « c’est bonneuh blagh, Olivia », en souriant et en me bourrant l’épaule d’un petit jab du droit.

Oui, car voici un autre aspect des vietnamiens que je ne connaissais pas : ils sont très tactiles. Encore une fois, en Inde, on se touchait les corps plus par promiscuité ou par distance d’intimité réduite, et hormis cela, rien. Des histoires courent comme quoi certaines touristes se font toucher par des hommes indiens, mais je doute que l’on puisse mettre cela sur le même plan. J’ai été un peu surpris les premières fois où un vietnamien m’a pris le bras ou quand notre guide m’a foutu une grande tape dans le dos. Il n’est pas rare de voir une jeune femme tenter de placer un coup de pied aux fesses de sa copine, en se marrant toutes les deux comme des baleines ou bien de voir un homme taper amicalement la cuisse de son camarade en s’esclaffant comme un pendu. On pourrait presque être à Marseille, époque Marcel Pagnol. Cette sensation provençale est encore renforcée par la chaleur, les cigales (et oui) et une certaine nonchalance virant à la sieste entre midi et quatorze heures (mais ça, c’est pour un autre billet).

De temps en temps, vous tombez sur un indigène qui tire la tronche mais il est tellement en minorité que ça devient anecdotique. Non, non. J’ai l’impression qu’au Vietnam, on se marre. C’est la poilade 24/24, 7/7. En tout cas, dans les villes et, en tout cas, à Hanoi. Après vingt années de guerre et dix ans de dynamisme économique, c’est totalement légitime, mais quelle belle leçon de vie. Si ça se trouve ils se marraient également pendant la guerre, mais là, j’ai un doute. Il y a sans doute du avoir un grand éclat de rire après Dien Bien Phu et un autre après la fuite précipité des américains, mais c’était plus nerveux qu’autre chose.

Vous allez me dire : oui, c’est le rire asiatique qui est à la fois poli, gêné est un peu hypocrite. C’est sans doute vrai pour certains employés d’hôtels quand vous leur demandez pour la deuxième fois à quelle heure part le bus et qu’ils ne comprennent pas, mais je l’affirme, la plupart du temps c’est vraiment des sourires sympathiques et des rires francs. Ou alors c’est que je suis sous LSD. Depuis dix jours. Ce qui me permet de l’affirmer (pas que je suis sous LSD mais que les vietnamiens ont de l’humour) c’est que, premièrement, la plupart des jeunes vietnamiens parlent au minimum un peu anglais et surtout, avec un accent que je comprends mieux (donc il ne peut s’agir d’un rire gêné ou poli). Deuxièmement, tout ce que je dis, je l’affirme en observant les rapports qu’ont les vietnamiens entre eux.

Et puis j’ai une autre preuve irréfutable, malheureusement destiné aux cinéphiles anglophones, que j’ai glané pas plus tard que hier soir dans un bar : un tableau d’un artiste vietnamien représentant un boudha respirant ses mains avec en arrière plan des hélicoptères de l’armée américaine en contre-jour sur un gigantesque soleil rouge couchant. Sur le tableau une inscription : « I love the smell of mypalm in the morning – Apocalypse Now ».

Moi ça m’a fait marrer.

Hanoi, présentes-toi

DSC_5495_DxOBonjour, je m’appelle Hanoi. Je suis située au nord du Vietnam et je suis la capitale ainsi que la deuxième plus grosse ville du pays, derrière ma sœur du sud, Hô Chi Minh Ville que l’on appelait Saigon quand elle était petite. Les gens d’ici se vantent d’avoir un trafic de dingue avec une horde de deux roues qui conduisent comme des fous. Ils font même des T-shirts et des cartes postales à ce sujet. On me souffle dans l’oreille que c’est vraiment ridicule et qu’ils feraient mieux de passer quelques jours à Mumbai, les gens, avant d’affirmer des choses pareils. La personne qui vient de me souffler dans les tympans me dis que mon trafic est particulièrement reposant à côté et c’est comme du miel dans les oreilles ou un ruisseau de montagne. Il faut dire que les gens klaxonnent beaucoup beaucoup moins dans mes rues. Le personnage qui n’arrête pas de me souffler me précise qu’il a les oreilles remplies de cérumen suite à son séjour indien et qu’il a l’impression d’être sourd chez moi. Ce n’est pas une raison pour me postillonner dans les miennes.

DSC_5546_DxOOn m’apprécie également pour mes nombreux petits lacs entourés d’arbres et de bancs ainsi que mes petites rues étroites bordées d’échoppes et de petits cafés, certains improvisés. Chez moi, les gens vivent, boivent et mangent sur les trottoirs ce qui me rend très conviviale. Je précise que malgré la chaleur qui règne en mon sein, particulièrement l’été, je suis très agréable car j’ai des arbres plantés régulièrement le long des rues. Le type qui m’agace à faire des commentaires me souffle une nouvelle fois que ma chaleur c’est de la rigolade à côté de la fournaise de Mumbai. J’aimerai qu’il arrête de me contredire ou qu’il y retourne à Mumbai si ça lui déplaît tant ici. Non mais.DSC_5540_DxO

J’abrite en mon sein quelques musées, pagodes et un superbe complexe de bâtiments anciens contenant la plus vieille université du pays, datant de mille ans. J’ai également l’honneur de recevoir la dépouille mortelle de notre grand dirigeant, Hô Chi Minh, dans sa mausolée où il repose embaumé afin que tout le monde puisse le contempler et s’inspirer de sa vie. Quoi encore ? Je suis navré, mais ce type continu à me souffler de son haleine fétide que DSC_5507_DxOl’oncle Hô, il a demandé à être incinéré alors sa mausolée, c’est de la fiente de propagandiste. Je le cite. Je crois que ce doit être un touriste français pour être aussi prompte à la critique et au dénigrement.

Malgré mon dynamisme économique, je possède très peu de grattes ciels. De mon passé coloniale, je conserve un quartier français où on peut voir quelques restes d’architecture de cette époque. Bien entendu, il ne peut pas s’empêcher de faire un commentaire, l’autre désagréable et il souhaite préciser que pour ce qui est de l’architecture coloniale il faudrait d’abord voir Pondichéry avant de se vanter d’en avoir. Je crois qu’il vaut mieux essayer de DSC_5520_DxODSC_5528_DxOl’ignorer, ce monsieur. Je reprends donc.

Pour me parcourir, vous pouvez marcher car mon centre historique est à taille humaine. Vous pouvez également louer un cyclo, prendre un taxi ou bien un xe om, ces motos taxis qui grouillent partout et vous interpellent d’un sympathique « motobaïque ? ». Excusez-moi, le touriste aviné qui ne cesse de m’interrompre raille encore une fois que mes xe om c’est pire que des auto-rickshaws car on a le déplaisir de devoir négocier sa course avec le risque accru d’une mort atroce encastré sous un camion. N’empêche que mes xe oms ils sourient, eux. Na. Et ils portent le casque, eux. Lavettes ? Quoi ? Depuis quand c’est être une lavette de porter un casque ? Quoi l’Inde ? Ils portent pas de casques en Inde ? Et DSC_5502_DxOalors ? Ça en fait des bonhommes ou quoi ? Oh et puis merde, vous z’avez qu’à y retourner là bas puisque TOUT est plus beau, plus grand, plus bruyant en Inde. NON MAIS IL ME FAIT CHIER CE TYPE ! QUOI MA BOUFFE ? TU SAIS OU TU PEUX TE LA FOURRER MA BOUFFE ?!

Pardon. C’est vrai, ma nourriture de rue est réputée et extrêmement abordable. De plus, elle est non épicée et parfumée. Combinée avec une autre de mes spécialités, la bière légère que l’on trouve à bas prix partout, vous pouvez vous restaurer et vous rafraîchir à tout moment de la journée sans risquer un retournement d’estomac ou un ulcère précoce.

Et là, il dit rien, l’autre.

DSC_5503_DxO

Retour vers le futur

L’aéroport international de Chennai est à l’image de l’Inde : moderne de l’extérieur mais vétuste de l’intérieur. Le ton est d’ailleurs donné lorsqu’on arrive par le train local. Vous descendez après un voyage dans des wagons similaires aux slow trains de Mumbai, à la gare de Tirusulam, postée en face de l’aéroport (sans indications qu’il s’agit de la gare qui dessert l’aéroport donc il vaut mieux se renseigner au préalable. Fort heureusement, j’avais fait la queue à un guichet pour arracher cette information à une préposée peu souriante et grâce l’aide d’un aimable jeune homme derrière moi, un tantinet plus anglophone). Il faut ensuite traverser une route à pied, heureusement, relativement peu empruntée, puis un petit talus herbeux, une voie de circulation routière interne à l’aéroport puis enfin traverser les parkings avant de rejoindre l’entrée des halls, le tout sans passage piéton, bien entendu. Tout ça est encore une fois un peu vétuste et sommaire, mais bon, ça fonctionne. Dites vous bien que la phrase « l’aéroport international est desservi du centre ville par taxi, bus ou train rapide » peut révéler deux réalités totalement différentes suivant qu’on est à Stockholm ou Chennai, du moins qualitativement.

Une fois dans le hall départ, après le contrôle de sécurité, on se retrouve plutôt dans une ambiance années quatre-vingts avec un unique afficheur rotatif qui fait un très joli bruit froufroutant lorsque il se met à jour. Je comptais sur les heures d’attentes à l’aéroport (j’avais prévu une grosse marge, méfiant que j’étais) pour me bouffer un burger dégoulinant de fromage fondu au McDonald’s ou Burger King de la zone marchande et, si la chance était avec moi, profiter d’un accès WiFi pour régler quelques derniers détails pour mon arrivée à Hanoi. Je me suis donc contenté d’un rapide sandwich au curry (ce sera mon tout dernier plat indien) acheté dans un des deux stands du minuscule hall départ. On se croirait à l’aéroport de Marignane. Finalement après quelques heures d’attente dans un brouhaha de hall de gare, mon vol est annoncé au panneau (ffffrrrrrrtt, que c’est joli) et j’entame le long périple à travers la douane et la sécurité pour rejoindre la zone d’embarquement. Un écran affiche les vols et leur porte d’embarquement mais le miens n’y ai pas. Mais après tout, il y a encore une heure avant le décollage.

Cinquante minutes plus tard, la porte d’embarquement n’est toujours pas annoncée et je commence à me dire qu’il va y avoir un couac. Une annonce sonore attire mon attention et je parvient péniblement à reconnaître le numéro de mon vol suivi d’un autre numéro inconnu. Dans le doute je me dirige vers la porte du numéro inconnu, sait on jamais. Une queue est en train de se former mais aucune traces d’indications. Quelqu’un d’autre dans la queue me confirme que c’est bien ici pour le vol Singapore Airlines vers Hanoi. C’est bien discret je trouve et surtout, faire embarquer tous les passagers d’un avion en dix minutes, ça me paraît être une manœuvre pour le moins ambitieuse. Finalement, cinq minutes avant le décollage prévu, l’afficheur se met à jour et l’embarquement commence.

Une petite demi-heure plus tard, les portes de l’avion se referment et le capitaine nous fait les annonces de bienvenu avec une petite conclusion joliment ironique : « et merci pour votre embarquement ponctuel ». Message personnel pour le chef d’escale Singapore Airlines à Chennai ou pour le responsable de l’embarquement de l’aéroport, voir les deux. Nous décollons donc avec trente minutes de retard mais déjà, dans l’avion, je me sens transporté cinquante années en avant.

Après un rapide vol de quelques heures ou je revis avec émotions mes premiers souvenirs à bord d’un avion de Singapore Airlines quand j’étais enfant (les hôtesses sont toujours aussi jolies et souriantes et il y a toujours une petite serviette chaude servie peu après le décollage), nous atterrissons pour une escale à Singapour. Et là, c’est le choc. Comment dire. Ce devrait être interdit ça de faire direct Chennai-Singapour. On a l’impression de voyager un siècle dans le futur. On est tout déboussolé par la propreté quasiment maniaque, par la redécouverte de l’aspirateur, par le WiFi gratuit tous les cinquante mètres, par les tapis roulants, par la taille des lieux et par le silence feutré. Certes tous les grands aéroports internationaux se ressemblent, mais j’en avais oublié la saveur. C’est effectivement comme mordre dans un sushi après un mois de plats épicés. C’est peut être fade, mais qu’est-ce que c’est reposant.

Aaaah, que ça fait du bien de revenir au 21ème siècle !